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18/07/2024

Du débat Trump / Biden à la Convention de Milwaukee, le scrutin est-il joué ?

Du débat Trump / Biden à la Convention de Milwaukee, le scrutin est-il joué ?
 Alexandre Marc
Auteur
Membre de l’Institut pour les transitions intégrées de Barcelone et fellow à l’Institut International pour les Études Stratégiques de Londres

La campagne pour l’élection présidentielle américaine a pris un nouveau tournant le 13 juillet, avec la tentative d’assassinat de l’ancien président Donald Trump. Son appel à "l’apaisement", sa figure de victime miraculée et indestructible, comme la convention républicaine de Milwaukee qui a immédiatement suivi, pourraient conforter un Trump sorti ragaillardi du tout premier débat télévisé qui l’opposait à un Biden visiblement affaibli. Au-delà des débats sur la santé, la sincérité ou la capacité des deux hommes à l’emporter, Alexandre Marc revient dans cet article sur les soubresauts de ces dernières semaines, sur l’état de la polarisation politique de la société américaine et sur les difficultés structurelles des camps démocrate et républicain. Il recense les sujets qui, selon lui, pourraient encore faire basculer l’élection d’ici au mois de novembre.

Le débat du 27 juin - mise en garde ou tournant décisif ?

La campagne pour l’élection présidentielle américaine a véritablement commencé lors du premier débat télévisé du 27 juin dernier, débat que l’on peut qualifier à bien des égards de consternant. On y a vu le Président américain, terriblement confus, perdre totalement le contrôle des échanges, oublier plusieurs fois le fil de sa pensée et incapable de mener à bien la défense, pourtant facile, de son bilan. La performance de Donald Trump, qui n’avait à son crédit que d’être vif et réactif, était tout aussi effarante, mais pour des raisons différentes. Sa prestation s’est résumée à une suite de contre-vérités et à une certaine habileté à esquiver les questions auxquelles il ne voulait pas répondre. Incapable de discuter aucun des points demandant un minimum de technicité, il a passé son temps à répéter à toute occasion qu’il avait été le meilleur président des États-Unis, sans apporter de justifications convaincantes, comme si cette seule phrase suffisait à convaincre á sa réélection. Ses interventions sans substance faisaient deviner un homme confronté à la profonde blessure narcissique que lui a occasionné la défaite de 2018 contre Joe Biden, défaite jamais acceptée. La prestation de Donald Trump n’a pas donné lieu à beaucoup de commentaires, les médias et le public étant désormais habitués à son style. En revanche, la presse a décrit dans ses moindres détails la prestation catastrophique de Joe Biden, ce qui a donné l’impression d’une grande victoire pour Trump.

Vent de panique chez les démocrates

Ainsi, au lendemain du débat, c’est un vent de panique qui a saisi le parti démocrate, en déclenchant une crise profonde. Le New York Times a publié un éditorial demandant le retrait du Président de la course à la présidence. Différents chroniqueurs ont repris cette demande. Les grands donateurs du parti ont à leur tour tiré la sonnette d’alarme et ont été timidement suivis par un certain nombre de députés et de sénateurs.

La presse a décrit dans ses moindres détails la prestation catastrophique de Joe Biden, ce qui a donné l’impression d’une grande victoire pour Trump.

Mais après le premier choc, il est également devenu évident que changer de candidat à trois mois des élections pourrait facilement mener à un désastre électoral. La désignation d’un candidat à la présidence demande des procédures complexes et relativement longues, avec le recours à des primaires. Or, le parti démocrate est extrêmement fragmenté et aucun candidat alternatif d’ampleur nationale ne se dégage actuellement.

La vice-présidente Kamala Harris pourrait constituer une candidate de remplacement, si elle n’était pas victime d’une popularité en berne qui, d’après les sondages, est encore plus basse que celle de Joe Biden. Par ailleurs, la compétition entre les centristes et l’aile gauche du parti démocrate qui résulterait sans aucun doute de l’ouverture d’un processus de sélection causerait alors un certain effroi chez les indépendants, sans compter que la question du soutien à Israël s’inviterait au centre du débat et créerait une formidable opportunité pour Donald Trump de jouer sur cette division profonde au sein du parti.

Dans le système américain, le président des États-Unis est le chef incontesté du parti qui l’a fait élire et il n'existe pas de contre-pouvoir au sein du parti. Une fois investi à travers les primaires, le candidat à la présidence est le seul à pouvoir décider de se retirer. Pour le moment, il semble que Joe Biden n’ait guère l’intention de partir et son clan familial, qui a toujours joué un très grand rôle dans ses prises de décision, paraît très uni derrière lui. En revanche, la campagne en faveur de son retrait de la course à la présidence - qui va s’intensifiant - et les débats dans la presse, livrent une image de désunion et d’absence de consensus au sein du parti qui est extrêmement dommageable.

Pendant ce temps, Joe Biden continue à montrer des signes de confusions ; ses récentes interventions ne font pas grand-chose pour convaincre que le débat télévisé n’était qu’un accident de parcours, comme le Président l’a prétendu dans une interview à la chaîne de télévision ABC. Curieusement, de nombreux démocrates semblent avoir subitement découvert les faiblesses du président alors que cela fait presque six mois que sa fatigue et l’érosion de ses capacités mentales sont bien visibles.

Cette crise menace sérieusement l’unité des Démocrates. Elle est la plus grave que le parti ait connue depuis 1969, lorsque le Président Johnson avait décidé, à la dernière minute, de ne pas se représenter aux élections présidentielles, miné qu’il était par la situation désastreuse dans laquelle se trouvaient les États-Unis au Vietnam. Il s’en est suivi un profond chaos au sein du parti et les Démocrates ont largement perdu les élections, ce qui a laissé un souvenir toujours à vif dans la mémoire du parti.

Les démocrates résistent

Même avant le désastre du débat présidentiel, l'image de Biden était très mauvaise aux États-Unis. Aucun président, depuis la Seconde Guerre mondiale, n’a connu un taux d’approbation aussi bas après trois ans au pouvoir : 38,7 %, selon les sondages d’opinion trimestriels de Galup. Pourtant, ce taux d’approbation bas contraste avec la situation économique. Les États-Unis connaissent une croissance robuste, l’inflation est sous contrôle, même si elle reste relativement haute, à 3,4 %, et le taux de chômage reste bas, autour de 4 %. L’approbation par le Congrès du programme phare de Biden, l’Inflation Reduction Act, qui permet un investissement massif dans le secteur industriel américain, va certainement avoir un effet important dans le moyen terme et un début de réindustrialisation, surtout lié aux énergies renouvelables et à la santé, est clairement perceptible. Les experts ont du mal à expliquer l’écart entre les performances du gouvernement et la façon dont la population la juge. Il semble que la raison en incombe essentiellement à la stagnation du pouvoir d’achat pour les classes moyennes les plus fragilisées par le pic inflationniste de 2022.

L’impopularité de Joe Biden ne semble toutefois pas s’étendre à son parti. Les Démocrates se sont très bien positionnés dernièrement dans un certain nombre d’élections locales et nationales et ils semblent avoir le vent en poupe pour reprendre la majorité au Congrès lors des prochaines élections.

Les experts ont du mal à expliquer l’écart entre les performances du gouvernement et la façon dont la population la juge.

Cela confirme que le problème est moins lié au Parti démocrate qu’à l’image du président. Aussi les Démocrates sont-ils en train d’engranger des donations nettement plus importantes que celles collectées par les Républicains pour les prochaines élections.

Trump, le meilleur atout des Démocrates ?

Trump, de son côté, galvanise sa base mais beaucoup de conservateurs sont fatigués de son style abrasif, une position que la tentative d’assassinat du 13 juillet pourrait, selon certains commentateurs, sinon inverser, du moins nuancer. L’enthousiasme limité pour Donald Trump parmi beaucoup d'indépendants et même de Républicains va peser dans ces élections. C’est moins le taux d’approbation de Donald Trump qui est haut que celui de Joe Biden qui est très bas pour un président sortant. Il est essentiel de garder ce fait à l’esprit. Donald Trump connaît également des scores médiocres dans les sondages et sa cote reste basse : 59 % des Américains sont défavorables à Trump selon un sondage réalisé par Pew en mai 2024. Beaucoup d’Américains sont loin d’être convaincus par ses mensonges, sa tendance à l’autoritarisme et son ego surdimensionné. Même si Trump a largement gagné les primaires républicaines pour la présidence dans tous les États, ses opposants ont marqué des points, attirant souvent plus du tiers des votes : une section non négligeable du parti républicain était, jusqu’à récemment encore, avide de lui trouver un remplaçant. La persistance de Nikki Haley, candidate républicaine au primaire et ancienne gouverneur de Caroline du Sud, a été particulièrement nocive pour l’image de l’ex-président car elle a réussi à rallier des votes en proclamant clairement que le tempérament de Trump allait créer le chaos aux États-Unis. Elle a finalement appelé à voter Trump mais son long silence après sa défaite était lourd de sens.

Les procès en série auxquels fait face l’ancien président et le fait qu’il soit le premier président de l’histoire américaine jugé et condamné pour un crime a un impact sur l’opinion publique, même si cela renforce également sa base qui y voit encore une preuve des manipulations des élites de Washington. Pour le moment, Trump a été condamné dans le premier des procès pour falsification de documents comptables dans l’affaire Stormy Daniels (scandale sexuel qui s’est produit juste avant l’élection de 2016). Il a été déclaré coupable pour 34 chefs d’accusation. En revanche, la juge Aileen Cannon, nommée par Donald Trump, a annulé le 15 juillet la procédure concernant la rétention de documents classifiés dans la résidence privée de Mar-a-Lago, au motif d’un vice de procédure (sans toutefois se prononcer sur le fond). L’impact de ces jugements sur les intentions de vote n’est pas clair, bien que les sondages, selon Reuters, aient révélé qu’un nombre de Républicains et d’indépendants ne voteraient pas pour Donald Trump s’il était condamné. Trump, comme cela était prévisible, a utilisé ce verdict pour prétendre que ces procès étaient politiques. Il est probable que le résultat de ce procès ne sera pas favorable à Trump, même s’il ne semble pas avoir un impact important pour le moment sur les intentions de vote dans un pays où la confiance dans les institutions est très faible. Les autres procès beaucoup plus sérieux, dont celui sur son encouragement à l’invasion du Capitole le 6 janvier 2021, n’auront pas lieu avant les élections.

Les autres procès beaucoup plus sérieux, dont celui sur son encouragement à l’invasion du Capitole le 6 janvier 2021, n’auront pas lieu avant les élections.

La campagne très à droite, très personnalisée et encore plus abrasive que celle de 2020 plait peut-être beaucoup à sa base électorale, maintenant fanatisée, mais celle-ci ne représente qu’entre 20 et 25 % des Américains. Le candidat victorieux sera celui qui réussira à mobiliser les indépendants.

Or, Donald Trump continue à prétendre que les élections de 2020 ont été manipulées, à attaquer directement le système judiciaire et à présenter sa prochaine présidence comme celle où l’on verra l’autorité et l’ordre rétablis, en n'hésitant pas à s’en prendre directement à la démocratie libérale, ce qui ne peut que créer la confusion chez les électeurs indépendants. Son incapacité à se corriger dans ce domaine reflète bien la personnalité d’un ancien président obsédé par sa défaite aux élections de 2020. Le choix de James David Vance comme vice-président démontre une fois de plus l’enfermement de Trump sur lui-même : cet écrivain politicien doit entièrement sa courte carrière politique à Trump. Élu en 2022 au Sénat, il est un membre du mouvement MAGA (trumpiste) et ses positions sont totalement alignées sur celles de Trump. Il fait partie des quelques membres du Congrès qui persistent à prétendre que l’élection de Biden était truquée. Sa nomination montre la volonté de Trump de contrôler totalement le narratif de sa campagne et de son futur gouvernement.

Donald Trump commence également à être contesté par l’aile droite de son mouvement. D’une part, un groupe d’ultra-libéraux, dont beaucoup sont des conseillers officiels de la campagne républicaine regroupé autour du fameux centre de réflexion "Heritage foundation" pousse un agenda ultra libéral qui comprend des coupes budgétaires dans la sécurité sociale et les programmes sociaux ainsi que des dérégulations massives. D’autre part, l’extrême droite religieuse lui reproche sa faiblesse sur l’avortement et d’autre questions morales. Ces contestations internes à son mouvement provenant souvent de personnalités associées à sa campagne pourraient également effrayer les indépendants sympathisants qui habituellement votent pour les républicains.


Condamnation pénale, débat raté : un effet négligeable, une course à la présidence toujours serrée

Officiellement, les sondages sur les intentions de vote des Américains qui ont eu lieu avant le débat télévisé indiquaient que les deux concurrents étaient au coude à coude, avec un tout petit avantage à Donald Trump, non statistiquement significatif au niveau national. Même après le débat télévisé désastreux, un sondage national de Washington post/ ABC news /Ipsos révèle que les intentions de vote pour Joe Biden et pour Donald Trump n’ont pratiquement pas changé. Cependant l’analyse de l’ensemble des sondages montre que Biden a peut-être perdu un point ou deux après le débat. Les prévisions de la campagne pour la présidence sont d’autant plus compliquées qu’avec le système fédéral américain, la campagne va se jouer dans sept États maximum sur les 50 que comptent les États-Unis, plus spécifiquement : l’Arizona, la Géorgie, le Michigan, la Pennsylvanie, le Wisconsin, la Caroline du Nord et le Nevada. Ce sont les États que l’on appelle les "swing states", où l’écart entre démocrates et républicains est très faible et produit des changements réguliers de majorité pour un parti ou pour l’autre. Dans cinq de ces États, les sondages (avant le débat) montrent Trump légèrement en avance sur son adversaire mais avec des écarts trop faibles pour les considérer comme définitifs.

Dans un pays où le niveau de confiance dans les institutions est au plus bas, qui est particulièrement adepte des théories conspirationnistes, et où la majorité de la population n’obtient pas son information par les médias officiels, la façon dont l’opinion publique se forme est très difficile à prédire. Un sondage très récent de Harris-Guardian a révélé que les perceptions d’une majorité des Américains et la réalité ne correspondent pas du tout sur des sujets centraux à la campagne présidentielles : 55 % des Américains pensent que le pays est en récession alors que le pays connaît un des plus forts taux de croissance de l’OCDE ;

Les prévisions de la campagne pour la présidence sont d’autant plus compliquées qu’avec le système fédéral américain, la campagne va se jouer dans sept États maximum sur les 50 que comptent les États-Unis.

49 % des Américains pensent que le taux de chômage est le plus haut depuis 50 ans alors qu’il est à un des plus bas niveaux depuis 30 ans ; 49 % pensent que la bourse est en baisse régulière alors qu’elle est en très forte hausse. Les plateformes politiques jouent de moins en moins dans la décision des électeurs. Cela est particulièrement vrai des électeurs de Trump mais également des démocrates.

Nous sommes ainsi dans une situation de très forte polarisation. Quoi qu’il arrive à leur candidat, une grande partie des électeurs voteront pour lui ou s’abstiendront car l’opposant fait effet de repoussoir. Il y a relativement peu de chance qu’un sympathisant déçu de Biden aille voter pour Trump et vice versa. C’est un groupe restreint d’électeurs qui sont indépendants et sans forte préférence pour un candidat ou pour l‘autre feront la différence et il est difficile de prédire quels facteurs joueront le plus grand rôle dans leur prise de décision. Le résultat des élections dépendra également fortement du niveau d’abstention car il est possible que de nombreux sympathisants démocrates ou républicains décident de ne pas aller voter tant les deux candidats suscitent peu l’unanimité dans leur parti. Ce nombre risque fort d'être nettement plus élevé qu’aux dernières élections présidentielles ou la participation a atteint le niveau, exceptionnel pour les États-Unis de 66 %. Une grande partie de la campagne des deux candidats sera dirigée vers cette population pour les convaincre de voter.

Cinq facteurs vont peser particulièrement lourd dans l’attitude des électeurs vis-à-vis du parti démocrate dans son ensemble, en dehors de la question de l’acuité mentale du Président.

1/ La hausse des prix de 2022, résultat de l’accroissement des liquidités dans l’économie pour contrer l’impact économique de la pandémie du Covid. Les Américains s’étaient largement habitués, depuis une décennie, à une inflation quasi inexistante. Ils ont été choqués par la soudaine augmentation des prix en 2022 et même si le pouvoir d’achat a regagné du terrain depuis, l’effet psychologique a été désastreux. Un grand nombre d’Américains tiennent Biden pour responsable de cette hausse. Les perceptions vont dépendre de la façon dont le pouvoir d’achat va évoluer les six prochains mois et si les signes d’un rattrapage des salaires se confirmaient, cela pourrait rassurer les électeurs et enfin démontrer que le Président a en effet bien géré la phase post-Covid du redressement de l’économie.

2/ La situation d’équilibriste dans laquelle se trouve Joe Biden par rapport à Gaza est certainement une autre source importante d’insatisfaction pour l’électorat de gauche et surtout pour les jeunes et les Afro-Américains. Le fait que les États-Unis aient eu tant de mal à persuader Israël de protéger la population civile à Gaza est reproché à Joe Biden dans son propre parti. Or, la participation des jeunes et des Afros-Américains aux élections est essentielle pour garantir une victoire démocrate à la présidence.

La situation d’équilibriste dans laquelle se trouve Joe Biden par rapport à Gaza est certainement une autre source importante d’insatisfaction pour l’électorat de gauche et surtout pour les jeunes et les Afro-Américains.

En même temps, beaucoup des grands donateurs du parti Démocrate sont sympathisants d’Israël. Biden ne peut pas se permettre d’ignorer leur point de vue. La gestion de cette situation est pour le moins complexe. Les hésitations de Biden, que Nétanyahou sait parfaitement exploiter, donnent l’impression d’un président faible. Si la guerre de Gaza perd de son intensité et ne s’étend pas au Liban, cela devrait être porté au crédit des démocrates.

3/ Un autre élément qui va peser de façon importante en faveur des démocrates est le droit à l’IVG. Les démocrates ont l’espoir que la protection du droit à l’IVG sera leur principal argument de campagne après que la Cour suprême, largement conservatrice, a annulé l’arrêt Roe vs Wade, en 2022. Celui-ci protégeait jusqu’alors le droit à l’avortement à travers la nation. Après le jugement de la Cour suprême, la responsabilité dans ce domaine revient aux États et certains n’ont pas attendu pour mettre en place des restrictions drastiques. Il semblerait selon les sondages qu’une majorité d’Américains soient favorables au rétablissement d’une politique nationale dans ce domaine. Biden a mobilisé sa vice-présidente pour mener une campagne sur le droit à l’avortement pour toutes. Il semble que l’argument soit porteur pour les élections au Congrès et au Sénat mais on ne relève pour le moment pas un fort impact sur les intentions de vote en faveur de Biden. Cela pourrait changer durant la campagne si les Démocrates étaient en mesure de l’exploiter, surtout parmi les électrices, et de démontrer concrètement qu’un président démocrate sera la meilleure défense du droit à l’IVG.

4/ La sauvegarde de la démocratie est aussi un facteur important pour mobiliser les démocrates même si elle passe, selon beaucoup d'analystes, au second plan après la situation économique. Joe Biden et les Démocrates ont l’avantage sur cet enjeux et s’ils arrivent à démoniser Trump suffisamment, ils pourront mobiliser leur base. En fait, plus la campagne des Démocrates pourra polariser le jeu politique, plus le parti aura une chance de gagner car il ne faut pas négliger combien la peur d’un retour de Trump au pouvoir peut jouer pour mobiliser les électeurs au centre et à gauche de l’échiquier politique.

5/ La facilité avec laquelle les armes à feu peuvent être achetées aux États-Unis reste un sujet très contentieux qui sépare les Démocrates des Républicains et qui est présent dans toutes les campagnes présidentielles depuis le début du siècle. Cependant, sur cette question, les positions sont déjà tranchées et quand bien même la tentative d’assassinat de Trump est une preuve de plus des risques qui résultent de la facilité d’acquisition d’armes extrêmement létales, il ne semble pas le sujet des armes à feu dans cette campagne occupera une place plus important que lors des précédentes.

Les prévisions sont difficiles à établir car beaucoup de facteurs nouveaux entrent en jeu après le débat fatidique du 27 Juin. Nombreux sont les électeurs à avoir maintenant la conviction que si Biden était élu, il ne parviendrait pas au bout de son mandat. Dans ce cas, Kamala Harris, sa vice-présidente, deviendrait automatiquement présidente. Cela pourrait mobiliser beaucoup d’électrices, sensibles à la perspective d’une femme à la présidence. Cependant, Kamala Harris n’est pas non plus populaire. Par ailleurs, et paradoxalement, le nouveau statut de paria de Biden, que les élites essaient de pousser dehors, pourrait jouer en faveur du Président. Le sentiment anti-élite est très fort aux États-Unis. Après avoir servi Trump très largement, il pourrait aussi maintenant aider Biden, lui donnant le statut de victime du système. Dans une campagne aussi polarisée, de nouveaux événements peuvent s’inviter et profondément changer la dynamique de la campagne, de façon imprévisible. Par exemple, quel rôle aura la tentative d’assassinat de Trump ce 13 Juillet ? Cela renforcera -t-il sa posture de victime ou au contraire mettra en lumière l’impact que la violence de ses propos peut avoir ? Une enquête d’Ipsos parue le 16 juillet montre que l’événement de Milwaukee n’a eu que peu d’incidence sur la position des électeurs.

Il est clair que rien n’est décidé dans cette curieuse campagne et que tout peut arriver même avec un candidat qui semble en très grande faiblesse comme Biden. Le modèle prédictif pour les élections de ABC news donne une très légère avance à Joe Biden malgré sa mauvaise prestation durant le débat télévisé. Ce modèle dit 538 est un des plus élaborés de la presse américaine et se fonde sur les sondages les plus sérieux mais également sur d’autres facteurs qui ont influencé les décisions de vote dans les campagnes passées, tels que la situation de l’économie, la situation géopolitique et d’autres.

Quel rôle aura la tentative d’assassinat de Trump ce 13 Juillet ? Cela renforcera -t-il sa posture de victime ou au contraire mettra en lumière l’impact que la violence de ses propos peut avoir ?

L’épineuse question de savoir si les démocrates doivent finalement pousser Biden à se retirer de la course, au risque d’ouvrir une compétition entre les prétendants qui pourraient vite dégénérer en chaos, reste ouverte. Une chose est certaine, obtenir de Biden qu’il se retire n’est pas la panacée pour gagner les électionset les démocrates doivent absolument réfléchir à la façon d’identifier celui ou celle qui lui succéderait, sans recourir à une primaire classique car le temps est trop court. Le processus doit conserver une légitimité démocratique et doit éviter d’exposer toutes les divisions profondes qui existent au sein du parti démocrate. Si le parti démocrate s’accorde pour soutenir Biden comme candidat, ses membres devront très rapidement se rallier derrière lui et sa campagne tout en prenant en compte les faiblesses du Président.

Copyright image : Andrew CABALLERO-REYNOLDS / AFP

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