AccueilExpressions par Montaigne[Trump II] - Présidentielle américaine : ce que veulent les jeunesL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.04/11/2024[Trump II] - Présidentielle américaine : ce que veulent les jeunes États-Unis et amériquesImprimerPARTAGERAuteur Amy Greene Experte Associée - États-Unis Présidentielle américaine : Trump IIFace à l’incertitude régnante sur le résultat d’élections qui se joueront à quelques voix près, le vote des jeunes représente un enjeu crucial. Quelles sont les stratégies respectives des candidats républicain et démocrate et quels modèles offrent-ils à la jeunesse ? En quoi le genre est-il susceptible d’influer sur les préférences partisanes des moins de trente ans et quels sont les sujets qui mobilisent le plus cette frange de l'électorat ? Une analyse d’Amy Greene.Mobiliser le plus grand nombre d'électeurs possible avant l'élection de 2024 : tel est le but que se sont fixés les deux candidats à la présidentiel engagés sur le terrain. L’effet d’une mobilisation massive sera décisif et, dans ce contexte, les électeurs américains de moins de 30 ans apparaissent à la fois comme la cible à courtiser d’urgence et comme un électorat plus complexe que prévu.L’importance des jeunesLes Américains de moins de 30 ans représentent environ 50 millions de personnes et 41 millions d'électeurs potentiels en 2024. Le taux de participation de la jeunesse américaine, au cours des deux cycles électoraux précédents (2022, 2020), a été historique, et a très largement profité aux démocrates, aussi les dirigeants politiques ne peuvent-ils négliger leurs préoccupations ni sous-estimer leur poids politique : c'est la moitié des jeunes électeurs qui s'est rendue aux urnes en 2020, contre seulement 39 % quatre ans plus tôt.Les élections de 2024 se joueront principalement dans sept États clés et c’est là que la conquête des jeunes électeurs peut décider de la victoire de l’un ou l’autre des candidats. En Arizona, par exemple, les sondages montrent des candidats démocrate et républicain pratiquement au coude à coude. En 2020, Joe Biden avait fait basculer cet État historiquement conservateur en l'emportant avec une marge infime d'environ 10 000 voix. Plus de 220 000 jeunes sont actuellement inscrits dans les universités publiques de l'Arizona, et ont ainsi acquis le droit de voter dans cet État. Compte tenu des tendances récentes du vote des jeunes, une forte participation de leur part est susceptible d’apporter la victoire à Kamala Harris.Presque de l'autre côté du pays, le Michigan - un autre État pivot - avait été remporté en 2020 par M. Biden avec une avance de moins de 3 %. Quatre ans plus tard, les perspectives de victoire démocrate sont encore plus compromises pour son successeur, qui doit faire face au mécontentement important de la part de nombreux Américains d'origine arabe qui rejettent la voie suivie par l'administration Biden à l'égard d'Israël. Beaucoup de ces électeurs insatisfaits ont moins de 30 ans et ont déclaré qu’ils allaient s’abstenir ou voter pour Donald Trump. Une telle attitude protestataire fera-t-elle la différence, permettant ainsi au Grand Old Party de s'emparer de cet État clé ?L’élection se joue de façon si serrée qu’aucun des deux candidats à la présidence ne peut se permettre de négliger une partie de l'électorat et que s'assurer la loyauté durable des jeunes électeurs est capital.Quelles sont les intentions des jeunes électeurs ?Dans l'ensemble, le parti démocrate obtient de bien meilleurs résultats que les républicains parmi les électeurs de moins de 30 ans. Environ 65 % des électeurs âgés de 18 à 29 ans s’identifient au parti démocrate, contre environ 33 % pour les républicains. Parmi les jeunes électeurs inscrits qui ont l'intention de voter, Kamala Harris devance nettement Donald Trump (52 % pour Harris contre 29 % pour Trump parmi les électeurs inscrits de moins de 30 ans ; 61 % pour Harris contre 30 % pour Trump parmi ceux qui ont l’intention de se rendre aux urnes). Parmi les jeunes électeurs inscrits, 14 % sont indécis, contre 6 % des jeunes susceptibles de voter. Mais lorsque les sondages sont élargis à tous les jeunes âgés de 18 à 29 ans, le soutien à Kamala Harris tombe à 46 %, tandis que le soutien à Donald Trump reste stable à 29 % et que la part d'indécis dans l'électorat des jeunes augmente à 20 %.Dans l'ensemble, le parti démocrate obtient de bien meilleurs résultats que les républicains parmi les électeurs de moins de 30 ans. Environ 65 % des électeurs âgés de 18 à 29 ans s’identifient au parti démocrate, contre environ 33 % pour les républicains.À l'approche de l'élection, les jeunes électeurs inscrits font des enjeux économiques et de toutes les questions qui y sont relatives leur souci principal. Ils sont particulièrement préoccupés par l'inflation, le coût élevé de la vie (logement, alimentation, soins médicaux), les possibilités de carrière et la sécurité de l'emploi. Ils citent également les droits reproductifs, l'immigration et l'environnement parmi les facteurs qui influenceront leur vote. Bien que les jeunes électeurs n'aient pas cité la guerre entre Israël et le Hamas comme un problème majeur, nombre d'entre eux (comme mentionné ci-dessus) indiquent que leur mécontentement pourrait se traduire dans les urnes. Dans les récents sondages réalisés auprès de jeunes électeurs inscrits et qui déclarent qu’ils comptent participer au vote, Kamala Harris se place devant Donald Trump sur tous les sujets.L'émergence d'un fossé entre les hommes et les femmesToutefois, la tendance générale d’un soutien massif des jeunes électeurs pour Kamala Harris cache un écart croissant entre les genres dans les intentions de vote. Au printemps 2024, lorsque le président Joe Biden était le candidat démocrate, cet écart était de 17 points. Au cours de la période précédant l'élection, il est passé à 30 points. Ainsi, si les jeunes hommes et les jeunes femmes préfèrent tendanciellement Kamala Harris, sa candidature suscite beaucoup plus d'enthousiasme chez les jeunes électrices : elles sont 70 % à se déclarer en faveur de Kamala Harris contre 23 % pour Donald Trump. Les jeunes hommes quant à eux préfèrent Harris avec une marge plus faible : 53 % contre 36 %.Les divisions qui traversent la jeunesse ont été à la fois une surprise et la preuve que les facteurs déterminants du vote des jeunes Américains sont complexes et multiples.Alimenté en grande partie par l'évolution du paysage social, politique et culturel d'une société post-MeToo, le fossé entre les genres illustre le décalage qui existe entre ce que les jeunes femmes et les jeunes hommes estiment chacun être les priorités de leur temps. Égalité entre les sexes, droit à disposer de son corps, lutte contre le harcèlement et les abus sexuels : la prise de conscience tardive de la société s’est durablement répercutée sur les jeunes femmes, davantage préoccupées que leurs jeunes hommes par les progrès qu’il reste à accomplir aux États-Unis en matière d’égalité des sexes. Les réalignements et la mobilisation politique créés par MeToo parmi les jeunes femmes se sont encore cristallisés en 2022 avec la décision de la Cour suprême d'annuler l'arrêt Roe vs. Wade de 1973 (qui accordait une protection constitutionnelle à l'avortement, le rendant ainsi légal partout aux États-Unis). Le fait de permettre aux États de décider de maintenir, d'interdire ou de restreindre sévèrement le droit à l'avortement a servi de catalyseur à la politique américaine et les démocrates en ont fait la pièce maîtresse de leur stratégie pour les élections de mi-mandat. Cela a porté ses fruits. La colère des femmes - largement alimentée par les jeunes électrices - a contribué à alimenter les bons résultats des démocrates au niveau national et à limiter considérablement les gains des républicains dans des élections dont on avait pourtant prévu qu’elles seraient marquées par une vague rouge.Les démocrates ont continué à faire de l'avortement un enjeu électoral phare, en se démarquant du parti républicain, qui promeut des restrictions en la matière, et en brandissant la menace d’une interdiction fédérale somplète sous un président républicain. Kamala Harris tire aussi parti des relations tumultueuses que Donald Trump a entretenues avec les femmes en s’engageant, quant à elle, à signer une loi fédérale rétablissant l'accès à l'avortement à l'échelle nationale. La candidate et son parti se sont fortement appuyés sur la détermination et la colère des femmes, toutes générations confondues, en présentant le vote Harris comme la réaffirmation d’un attachement aux valeurs américaines de liberté, de choix individuel et de modernité. En effet, pour la plupart des femmes, en particulier les jeunes, le parti républicain et son candidat sont disqualifiés sur cette question et elles souhaitent en donner la preuve en ne votant pas pour lui.Si la plupart des jeunes hommes semblent pencher pour Kamala Harris, ils le feront probablement dans des proportions inférieures à celles des jeunes femmes et tous ne sont pas convaincus par le profil de celle qui pourrait être la première femme présidente des États-Unis. Parmi les jeunes hommes blancs de moins de 30 ans sans diplôme universitaire, le ralliement à Trump est de plus en plus notable : le candidat républicain cultive activement l’adhésion des jeunes hommes, y compris au sein des communautés noires et hispaniques.Parmi les jeunes hommes blancs de moins de 30 ans sans diplôme universitaire, le ralliement à Trump est de plus en plus notableParmi ces dernières, les jeunes hommes sont nombreux à avoir le sentiment d'être exclus de la société - de l'économie, de l'évolution des normes sociales, du processus politique. Quoique certains ne soient pas hostiles à une certaine forme de progressisme en matière sociétale, telles que sur la question du mariage homosexuel ou de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes, ils s'inquiètent de leur capacité à remplir le rôle traditionnel de l'homme - trouver un emploi sûr qu'ils apprécient, qui leur permette d'acheter une maison et de fonder une famille - en raison d’un contexte social et économique dont ils jugent qu’il les défavorise, et ils se sentent démunis face à ce que signifie être un homme dans l'Amérique d'aujourd'hui. Ils ont tendance à considérer que les démocrates ont une vision punitive et honteuse d'une masculinité jugée toxique, face à un Donald Trump qui, malgré sa grandiloquence et ses excès, incarne et défend la vision d’une virilité forte. Sans nécessairement approuver toutes ses idées, ils estiment qu’il leur trace une voie claire expurgée de toute repentance.De leur côté, les démocrates s'efforcent également de cultiver le soutien des jeunes hommes non diplômés à travers la figure de Tim Walz : le vice-président de Kamala Harris propose le modèle alternatif d'un homme fort, capable de s'adapter à l'évolution des mœurs tout en remplissant le rôle d'un homme traditionnel dans la société américaine, à l’écart de toute vision punitive de la masculinité. Mari, père, ancien combattant du Midwest, Tim Walz a travaillé dans un domaine traditionnellement féminin (l'enseignement) tout en entraînant l'équipe de football de son lycée. Il a gravi les échelons de la politique et s’attache aujourd’hui à soutenir sans relâche une femme de pouvoir. Tim Walz a à cœur de s'adresser directement à ces jeunes hommes, auprès de qui il incarne une nouvelle dynamique de genre qui n'exclut pas les marqueurs de la masculinité américaine traditionnelle.Comme ces jeunes hommes sont pour la plupart désengagés de la politique, ils ne font pas partie des électeurs mobilisés lors de cette élection présidentielle. Trump parviendra-t-il à susciter suffisamment de ferveur pour les transformer en électeurs ? La vision d’une masculinité alternative que propose Tim Walz trouvera-t-elle un écho auprès d'eux ?Quels que soient les résultats, les préoccupations de ces jeunes hommes - et la question de savoir ce que signifie être un homme en Amérique - restera une réalité avec laquelle les dirigeants politiques devront composer.Quels que soient les résultats, les préoccupations de ces jeunes hommes - et la question de savoir ce que signifie être un homme en Amérique - restera une réalité avec laquelle les dirigeants politiques devront composer. De même, les dirigeants politiques ne pourront pas ignorer la demande d'égalité qui émane de jeunes Américaines désireuses de relayer leur cause en accomplissant leur devoir civique.Copyright image : Terence Rushin / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 06/11/2024 [Trump II] - Taiwan et Trump 2.0 : partenaire ou monnaie d’échange ? Mathieu Duchâtel 04/11/2024 [Trump II] - Présidentielle américaine : ce que veulent les jeunes Amy Greene 31/10/2024 [Trump II] - Cultiver la bascule : dans l'Amérique des Swing states Raphaël Tavanti-Geuzimian 31/10/2024 [Trump II] - Malaise démocratique et ordre international : sortir du cercle... François Godement 30/10/2024 [Trump II] - Institutionnaliser le trumpisme : le plan d’action du Projet 2... Soli Özel 11/09/2024 [Trump II] - Débat Harris-Trump : en direct, l’Amérique de l’avenir face à ... 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