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10/06/2024

Au cœur de la galaxie trumpienne : ceux qui parlent à l'oreille du candidat

Au cœur de la galaxie trumpienne : ceux qui parlent à l'oreille du candidat
 Louise Chetcuti
Auteur
Chargée de projets - États-Unis et Transatlantique

Alors que Donald Trump sera sans nul doute officiellement choisi, le 11 juillet, pour représenter de nouveau le parti Républicain, certains de ses anciens conseillers refont surface, espérant regagner en influence à la Maison-Blanche si leur candidat l’emportait. Comme le souligne Louise Chetcuti, un second mandat de Donald Trump pourrait s’avérer beaucoup plus radical que le premier : c’est pourquoi, afin d’en mieux anticiper les lignes directrices, il est crucial d’identifier les cercles de conseillers les plus susceptibles d’influencer l’agenda de l’ancien président.

Pour comprendre ce qui distinguerait un éventuel second mandat de Donald Trump de son premier, il faut s’intéresser à son entourage. Si on ignore encore l’identité de ceux qui composeraient son administration le moment venu, ce qu’on sait de son cercle de conseillers et d’intimes pourrait lever certaines inconnues.

Pour comprendre ce qui distinguerait un éventuel second mandat de Donald Trump de son premier, il faut s’intéresser à son entourage.

Donald Trump n’a pas changé, ni la vision qu’il porte pour l’Amérique, mais il s’est désormais enhardi et ne cache rien des mesures qu’il mettrait en œuvre s’il était réélu en novembre. Parmi ses propositions les plus radicales figure, comme il l’annonce dans un entretien accordé en avril au Time, sa promesse de mettre en œuvre l’expulsion massive de plus de onze millions de personnes des États-Unis. Pour atteindre cet objectif, il serait prêt à déployer l'armée.

Il se déclare également résolu à laisser les États Républicains surveiller les grossesses des femmes et poursuivre celles qui avortent. Il souhaite s'en prendre à l'administration fédérale et la conformer à ses vues idéologiques, en remettant en place le "Schedule F", un décret signé en octobre 2020 puis abrogé par Joe Biden en janvier 2021 et que l’on pourrait assimiler à une extension du "spoil system", visant à remplacer un grand nombre de fonctionnaires par des "loyalistes". Il serait prêt à poursuivre le président Biden en justice (au motif qu’il aurait décidé le retrait d'Afghanistan, qu’il aurait laissé faire la Russie en Ukraine, et pour vingt autre actes qu’il ne précise toutefois pas), à mettre en place des droits de douane étendus et il a évoqué la possibilité de "découpler" les économies américaine et chinoise. Il souhaite aller jusqu’à instaurer une taxe de 10 % sur tous les biens importés aux États-Unis, et même de 60 % sur les biens chinois. De plus, ce qui inquiète particulièrement les Européens, il a rappelé les obligations de l’OTAN et laissé entendre dans un interview accordé à la chaîne GB News que les États-Unis ne défendraient pas leurs alliés d’une agression s’il estimait que les pays ne dépensaient pas suffisamment pour leur propre défense. Il est arrivé par le passé que des présidents américains reprochent à leurs alliés européens de ne pas contribuer suffisamment à l’OTAN, mais M. Trump est allé plus loin en militant pour que le fardeau change d’épaule, c’est-à-dire pour le transfert du poids des responsabilités économiques et militaires des États-Unis vers l’Europe. Certains, dans son entourage, sont en effet partisans d’un redéploiement de la défense américaine vers l’Asie et notamment la Chine.

Or, ce que Donald Trump a dit durant sa campagne présidentielle ne doit pas être pris à la légère, à plus forte raison quand il l’a répété à plusieurs reprises. Le retrait effectif des Accords de Paris sur le climat et de l’Accord sur le nucléaire iranien durant son premier mandat, deux traités auxquels il s’était constamment opposé publiquement, en témoignent.

Ceci étant dit, Trump est extrêmement instable. Il a prouvé, lorsqu’il était à la présidence, que le concernant, rien n’était plus prévisible que son imprévisibilité. Il concrétise ses annonces moins souvent qu’on ne croit mais agit de manière impulsive. Il lui est ainsi arrivé plusieurs fois de se montrer admiratif à l’égard de dirigeants autoritaires, ce qui laisse craindre qu’il conclue des "deals" avec Vladimir Poutine, voire même peut-être avec Xi Jinping, comme il l’avait fait avec Kim Jong-un. Plusieurs conseillers avaient été surpris par la récurrence de ses décisions politiques intempestives, ainsi de l’humiliation publique infligée à l’ancien Procureur général Jeff Sessions ou à l’ancien secrétaire d’État Rex Tillerson. Il a également renvoyé son directeur du FBI, James Comey, tout comme son troisième conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, après des mois de désaccord sur l’orientation de la politique étrangère en Iran, en Corée du Nord ou en Afghanistan.

L’obsession de Donald Trump pour la loyauté va croissant à mesure qu’il convoite une victoire en novembre. Lara Trump, sa belle-fille, sera la co-présidente du Comité National Républicain. Personne n’est plus fidèle à Trump que Trump lui-même, ce qui fait de lui la figure la plus influente de ses prises de décision. Mais cela n’empêche pas qu’il lui faudra pourvoir les postes de sa future administration.

Personne n’est plus fidèle à Trump que Trump lui-même, ce qui fait de lui la figure la plus influente de ses prises de décision.

Sa capacité à parvenir à ses fins dépendra du choix de son personnel politique : c'est la raison pour laquelle un second mandat de M. Trump sera radicalement différent.

Les stratèges politiques : la tendance MAGA au cœur de l’élaboration des programmes

En 2016, la campagne présidentielle de Donald Trump reposait principalement sur ses propres efforts et sa victoire l’avait sans doute pris au dépourvu, ce qui explique le décalage entre son programme et les mesures effectivement mises en œuvre une fois en poste. La plus grosse partie de son programme avait été élaborée par ses propres soins et il n’avait pas suffisamment anticipé comment pourvoir les postes de direction dans son administration. Cette fois-ci, une opération organisée a été mise en place pour assurer le bon fonctionnement du gouvernement ainsi que la continuité des services fédéraux.

L’aile droite conservatrice concentre toute son attention sur le possible retour de M. Trump à la Maison-Blanche, notamment via le Projet de transition présidentielle 2025 ("Projet 2025") développé par lethink tank Heritage Foundation. Associée à la présidence de Ronald Reagan, la Fondation n’a pas joué de rôle majeur dans la première campagne de Donald Trump mais gagne désormais en importance, notamment grâce à un guide politique complet dédié à la prochaine élection d’un président conservateur, fondé sur quatre piliers : un dossier de 887 pages d’agenda politique ("Mandate for Leadership"), une base de données pour sélectionner des candidats disposés à travailler dans la prochaine administration républicaine (Presidential Personnel Database), une Académie d'administration présidentielle (un programme de formation et de développement des compétences) et un Guide des 180 premiers jours - l'intervalle où le Président aurait le plus de latitude pour agir. Les recommandations du Projet 2025 donneront au prochain Républicain en poste un contrôle immédiat de la bureaucratie fédérale. Pour chacune des agences fédérales, la Heritage Foundation a conçu un plan de transition qui inclut des changements de personnel.

Derrière ce programme se tient une coalition de plus de 100 organisations conservatrices, parmi lesquelles Turning Point USA, dirigée par l’activiste politique conservateur et influenceur Charlie Kirk ; le Center for Renewing America - un think tank fondé par l’un des anciens directeurs de l’Office of Management and Budget de Trump, Russell Vought ; American Moment, spécialisée sur les jeunes militants pour des emplois de débutants ; et l'America First Policy Institute, fondée par Brooke Rollins, auparavant directrice par intérim du Conseil de politique intérieure sous la présidence Trump. De plus, le programme de la Heritage, Mandate for Leadership, rassemble les contributions de plus de 400 experts émanant de tout le spectre conservateur (libertariens, militants "America First", supporters traditionnels de l’héritage de Reagan, fondamentalistes chrétiens…). On y trouve des élus, d’éminents économistes, des vétérans des quatre administrations présidentielles…

Cela explique le décalage qui existe entre les idées et les préconisations émises par des experts qui coexistent sans pour autant être sur la même ligne. La politique commerciale est un enjeu qui l’illustre de façon significative : les tensions y sont vives entre les tenants d’un libre-échange absolu et de la suppression des barrières douanières - alignés avec les soutiens de Trump venus des milieux de Wall Street - et les néo-mercantilistes favorables à des taxes et des mesures protectionnistes, en phase avec la ligne "America First". Dans le Mandate for Leadership, Kent Lassman défend ainsi le libre-échange tandis que Peter Navarro soutient un commerce "plus juste", c’est-à-dire hyper-protectionniste. Concernant les barrières douanières, si on en croit les avis autorisés, on s’attend à ce que la tendance Navarro l'emporte sur la tendance Lassman. Robert Lighthizer, ancien Représentant pour le Commerce (US Trade Representative) entre 2017 et 2021, est fréquemment cité comme l’un de ceux qui ont l’oreille de M. Trump. Il est également un ardent défenseur du protectionnisme économique ("balanced trade") pour permettre aux États-Unis de redresser leur balance commerciale.

On ne connaît toujours pas avec exactitude le niveau de taxes douanières que M. Trump mettrait en place, notamment à l’égard de la Chine, ni s’il chercherait à marchander un accord commercial. À l’issue de certaines réunions privées, on l’entendrait aussi faire l’éloge de Xi Jinping ou d’autres autocrates. Cependant, d’autres prétendants aux postes de responsabilités sur la sécurité nationale ont des vues plus fermes sur la posture à adopter face à la Chine.

La politique commerciale est un enjeu qui l’illustre de façon significative : les tensions y sont vives entre les tenants d’un libre-échange absolu et de la suppression des barrières douanières - alignés avec les soutiens de Trump venus des milieux de Wall Street - et les néo-mercantilistes favorables à des taxes et des mesures protectionnistes, en phase avec la ligne "America First".

Les positions politiques de Donald Trump ont changé par le passé : il a été à la fois Démocrate et Républicain, appelant souvent à une revanche populiste contre les élites. Alors qu’il a eu recours à de nombreux Républicains traditionnels dans son cabinet ou à d’autres postes clefs lors de son premier mandat, il a déploré les barrières que cela imposait à ses propres idées et a fait endosser les échecs de ses mesures politiques au manque de loyauté ou aux remises en cause morales (selon lui ineptes) dont il avait pâti. De nombreux autres conseillers ont démissionné sous le coup de la frustration, ont été renvoyés d’un tweet, comme l’ancien Secrétaire à la Défense Mark Esper, ou ont dû témoigner publiquement suite à l'assaut du Capitole le 6 janvier, comme l’ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale Matthew Pottinger. D’où la nécessité pour M. Trump de se créer une nouvelle équipe de "fidèles".

La base de données de fonctionnaires potentiels du Projet 2025 vient répondre à ce besoin de la prochaine administration Républicaine, avec des candidats qui partagent les valeurs et convictions de Donald Trump. Le but est de favoriser un "trumpisme institutionnalisé", selon les mots du président de la Heritage Foundation, Kevin Roberts. On ne soulignera jamais assez les tensions qui existent à l’intérieur de l’ancien cercle rapproché de Donald Trump, généralement composé de Républicains, et son désir d'avoir de vrais loyalistes. Par exemple, la Représentante Liz Cheney, Républicaine du Wyoming, a été battue aux primaires des midterms de 2022 par la candidate trumpiste Harriet Hageman parce qu'elle avait critiqué ouvertement l'ancien président.

Les recommandations politiques de la Heritage, associées à un personnel correctement contrôlé et formé, ont de meilleures chances d'être mises en œuvre. L'espoir est donc que, s'il est réélu, le président Trump choisira dans cette base de données les membres de son administration.

Outre le personnel figurant dans cette base de données du Projet 2025, le personnel potentiel d'une future administration pourrait inclure Paul Dans (ancien chef de cabinet à l'Office of Personnel Management pendant le premier mandat de Trump et qui dirige aujourd'hui le Projet 2025), Johnny McEntee (l'un des plus proches collaborateurs de M. Trump à la Maison-Blanche et un conseiller principal du projet), Peter Navarro, principal conseiller économique qui a encouragé M. Trump à mettre en œuvre des politiques protectionnistes en matière de commerce (il purge actuellement une peine de prison de quatre mois pour entrave aux pouvoirs d'enquête du Congrès sur l’assaut du Capitole), et Spencer Chretien (ancien assistant spécial de M. Trump et directeur associé de la base de données du personnel présidentiel). Russell Vought, président du Center for Renewing America, reste également proche de M. Trump. Il s'efforce de lui insuffler des idées nationalistes chrétiennes dont il veut faire "l’une des priorités" de son second mandat. Ils se parlent au moins une fois par mois.

Les "Insiders"

Les collaborateurs de Trump officiellement affiliés à la campagne

Outre une opération politique soigneusement élaborée et axée sur la fidélité, Donald Trump s'appuie également sur les conseillers de sa campagne présidentielle qui ont contribué à propulser l'ancien président au premier rang du parti Républicain.

Tout d'abord, Susie Wiles et Chris LaCivita, les deux co-directeurs de la campagne de Donald Trump pour 2024. Ils ont créé une organisation très disciplinée et sont connus pour leur professionnalisme. Susie Wiles est peut-être sa conseillère la plus importante et a été en quelque sorte son chef de cabinet au cours des trois dernières années. Carlos Curbelo, représentant Républicain de Floride, l'a décrite comme "l'une des personnes les plus influentes de la politique américaine aujourd’hui". C’est à elle que l’on doit la désignation de Donald Trump, et non Ron DeSantis, à l'investiture Républicaine à l'élection présidentielle. Elle s'occupe de la collecte de fonds, supervise le budget et veille à la relation avec les médias. Chris LaCivita élabore la stratégie globale ; il est officiellement conseiller principal de la campagne présidentielle de M. Trump, mais il est de facto le co-directeur. Ensemble, ils ont apporté un niveau de discipline sans précédent à la campagne de Donald Trump.

Dans cette galaxie de conseillers, il faut aussi retenir Dan Scavino, l'un des plus anciens collaborateurs de M. Trump, auprès de qui il a été caddie de golf dans les années 1990 et qu’il a secondé pendant trois campagnes présidentielles et quatre ans à la Maison-Blanche, où il occupait un bureau à deux pas du bureau ovale, ou encore Jason Miller. Ce dernier est l’un des principaux conseillers de la campagne ; il se concentre sur la stratégie de communication et tente de contrôler les reportages sur M. Trump grâce à des contacts fréquents avec les journalistes. M. Miller a déjà été conseiller principal pour la campagne de réélection de M. Trump en 2020 et a participé à la campagne présidentielle de Rudy Giuliani en 2008. Troisièmement, il y a Brian Jack, l'un des alliés les plus fiables de M. Trump, qui a travaillé à ses côtés au cours des huit dernières années.

Outre une opération politique soigneusement élaborée et axée sur la fidélité, Donald Trump s'appuie également sur les conseillers de sa campagne présidentielle qui ont contribué à propulser l'ancien président au premier rang du parti Républicain.

Il a pris la tête de la coordination des efforts déployés État par État pour obtenir le soutien des législateurs. Enfin, Steven Cheung, le principal porte-parole de M. Trump, a travaillé sur les trois campagnes présidentielles de ce dernier, à partir de 2016. Il est actuellement directeur de la communication et travaille en étroite collaboration avec Jason Miller.

Ils sont tous des fidèles sans restriction ; Cheung, par exemple, est l’un des pourfendeurs des supposées "fake news" (soit toute information défavorable à son candidat fétiche) tandis que Scavino a été un promoteur du mythe de l'élection "volée" et a refusé de se conformer aux assignations à comparaître lors de l'enquête sur l'assaut du Capitole du 6 janvier.

Et, chose inhabituelle pour une campagne Trump, ils semblent tous bien s'entendre.

Des conseillers politiques proches susceptibles de jouer un rôle dans une future administration

Sur le front de la politique intérieure, Stephen Miller travaille à distance avec les équipes chargées de la politique et de la rédaction des discours. Président de la Fondation America First Legal (dont la mission est de contre-attaquer la "gauche radicale") il est l'architecte des politiques anti-immigration les plus dures de Donald Trump. Ces dernières comprennent la politique de "tolérance zéro", également connue sous le nom de "séparation des familles", le décret interdisant l'entrée des États-Unis aux ressortissants de sept pays à majorité musulmane ("Muslim ban") et la fin du programme DACA ("Deferred Action for Childhood Arrivals", programme protégeant des immigrés sans papiers entrés aux États-Unis lorsqu’ils étaient enfants). Il prévoit de "changer radicalement l'interprétation par le gouvernement des lois héritées de l'époque des droits civiques pour se concentrer sur le ‘racisme anti-blanc’ plutôt que sur la discrimination à l'égard des personnes de couleur". Un tel effort impliquerait de bouleverser les programmes destinés à la lutte contre les discriminations à l’égard des minorités.

En ce qui concerne l'économie, Kevin Hassett, l'ancien président du Conseil des Conseillers économiques sous Trump, et Russel Vought, l'ancien directeur du budget (mentionné ci-dessus), pourraient bien être en lice pour un poste de premier plan. Cependant, Donald Trump est toujours en contact étroit avec Larry Kudlow, un autre ancien conseiller économique (ancien directeur du National Economic Council). Kudlow a critiqué Donald Trump par le passé, mais le soutient pleinement pour l'élection de 2024. Il y a aussi Stephen Moore, de la Heritage Foundation, qu'il a déjà essayé de nommer à la tête de la Réserve fédérale (Fed), mais a échoué à deux reprises après un manque de soutien pour la confirmation au Sénat.

En matière de politique commerciale, Robert ("Bob") Lighthizer, ancien Représentant américain au commerce et architecte de la politique commerciale protectionniste de Donald Trump (mentionné précédemment), pourrait être amené à jouer un rôle clef. Ensemble, ils ont fait évoluer la politique économique américaine de la coopération à la confrontation avec la Chine. M. Lighthizer a renégocié l'ALENA, imposé des droits de douane à la Chine et gelé la cour d'appel de l'OMC en bloquant la nomination des juges. Il souhaite une politique de découplage total avec la Chine et, comme nous l'avons déjà mentionné, il plaide pour un commerce "plus juste". Trump a loué en lui un homme "muet comme une tombe et compétent". Il reste très proche de l'ancien président.

En ce qui concerne l'économie, Kevin Hassett, l'ancien président du Conseil des Conseillers économiques sous Trump, et Russel Vought, l'ancien directeur du budget (mentionné ci-dessus), pourraient bien être en lice pour un poste de premier plan.

 Enfin, l'ex-président envisage de donner un rôle de conseiller à Elon Musk, le PDG de Tesla. Les deux hommes se parlent plusieurs fois par mois par téléphone mais ce poste n’a pas encore été entièrement défini. En matière de politique étrangère, deux co-présidents du Centre pour la sécurité américaine de l'America First Policy Institute (AFPI) pourraient être présélectionnés pour des postes de premier plan, notamment le lieutenant général retraité Keith Kellogg, qui a été conseiller à la sécurité nationale du vice-président Mike Pence.

En mars 2024, M. Kellogg a conduit une délégation de l'AFPI en Israël, où il a rencontré des hauts responsables israéliens, dont le ministre de la défense Yoav Gallant. L'autre voix importante sur les affaires internationales que M. Trump écoute est John Ratcliffe, qui était son ancien directeur à la tête des services de renseignement américains. Parmi les autres personnalités qui ressortent des discussions pour être candidates à des postes de premier plan figurent Robert O'Brien, ancien conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump et partisan d’une aide réduite à l’Ukraine et Mike Pompeo, son ancien secrétaire d'État (qui a critiqué la position moins-disante de M. Trump sur le dossier urkainien mais s'est montré ouvert à rejoindre l’administration Trump). Tous deux sont considérés comme des internationalistes qui veulent que l'Amérique joue un rôle de premier plan dans l'ordre international.

D'autres sont plus proches d'un point de vue isolationniste ou "America first", cherchant à limiter l'engagement américain à ce qu'ils considèrent être ses intérêts vitaux. Il s'agit notamment de J.D. Vance, sénateur Républicain de l'Ohio (qui a voté contre l'aide américaine à l'Ukraine), et de Richard Grenell, ancien ambassadeur des États-Unis en Allemagne et eurosceptique. Elbridge Colby est l'un des principaux partisans d'un "pivot" vers l'Asie, tout en exhortant l'Europe à assumer la responsabilité première de sa défense. Il a cofondé le groupe de réflexion Marathon Initiative et a travaillé pour M. Trump en tant qu’ancien responsable du Pentagone. Si Trump entame le réalignement du parti en s'éloignant des néoconservateurs, Colby espère rendre ce changement permanent. Enfin, lors de sa première apparition publique depuis qu'elle a abandonné sa candidature à la présidence Républicaine en mars, Nikki Haley a déclaré qu'elle voterait pour l'ancien président. M. Trump a apprécié le soutien de son ancienne rivale et a laissé entendre qu'elle pourrait faire partie de son équipe sous une forme ou une autre.

On a pu dire que la première présidence de Donald Trump s’était avérée beaucoup moins radicale que ne l’avait laissé présager son style de campagne. Pourtant, en l'espace de quatre ans, ses propos sont devenus encore plus durs. La différence entre 2024 et 2016 est qu'il dispose désormais d'une équipe et, pour l'instant, d'une mainmise importante sur la sphère républicaine américaine.

À quoi donc l’Europe peut-elle s’attendre ?

L’hypothèse d’une victoire de Trump inquiète, voire obsède, les gouvernements européens qui ne considèrent aucune autre issue électorale. Certains craignent que la tendance isolationniste, l’imprévisibilité et la diplomatie transactionnelle de l’ancien président ne constituent un "stress test" pour la relation transatlantique dans des domaines clés, tels que le soutien à l'Ukraine, les engagements européens en matière de sécurité, les relations avec la Chine et les relations économiques au sens large. Sur ce dernier point, les États membres s'attendent à des différends tarifaires et à une éventuelle application extraterritoriale de diverses lois américaines (telles que les sanctions financières, les contrôles à l'exportation et les restrictions à l'investissement). Mais l'UE, en raison de cette grande imprévisibilité, n’arrive pas à s’accorder pour se prémunir contre cette éventualité et ceci accentuerait les fractures européennes. Or, l’absence actuelle de stratégie est un manque de vision et l'incertitude ne saurait être une excuse pour l'inaction.

Les Européens feraient bien de se mettre dès maintenant en ordre de bataille face aux conséquences potentielles du retour de Donald Trump à la Maison-Blanche en 2025. Et plutôt que de craindre cette perspective, ils devraient y voir une opportunité pour construire une Europe plus solide, plus souveraine et plus autonome. Il en va de l’efficacité de l’Europe durant les prochaines années, si un second mandat Trump devait se concrétiser, comme de l'avenir de la relation transatlantique.

Copyright : Chip SOMODEVILLA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

23 janvier 2024 à Nashua dans le New Hampshire. Le candidat Donald Trump s'adresse à ses électeurs.

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