AccueilCohésion socialeFrance 2040, projections pour l’action politiqueRapport Juillet 2025France 2040, projections pour l’action politique Cohésion sociale Compétitivité économique Efficacité de l'ÉtatPARTAGER Groupe de travail Auteurs Bruno Tertrais (coordinateur)Bruno Tertrais est expert associé à l'Institut Montaigne. Spécialiste de prospective, notamment dans les domaines de la géopolitique et de la démographie, il connaît tout particulièrement les questions de défense et a publié de nombreux ouvrages sur ces questions. Il est par ailleurs directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Erwan Le Brasidec (rédacteur)Erwan Le Brasidec est chargé de projets à l’Institut Montaigne. Diplômé d’un Master en Affaires publiques à Sciences Po, il a également étudié l’histoire à La Sorbonne et à Boston University, avant de l’enseigner au lycée et dans l’enseignement supérieur. Il se spécialise dans les questions de sécurité intérieure, de défense et d’économie. ContributeursEric Chaney Eric Chaney est expert associé sur les questions d'économie de l'Institut Montaigne depuis janvier 2017. Ancien chef de la division Synthèse conjoncturelle de l’Insee, ancien chef économiste Europe de Morgan Stanley, puis d’AXA pour ses activités mondiales, il conseille des entreprises françaises et étrangères sur les sujets économiques et financiers mondiaux.Cécile Maisonneuve Ancienne présidente de La Fabrique de la Cité et actuellement Senior advisor de Oliver Wyman, Cécile Maisonneuve a dirigé le Centre Énergie de l'Institut français des Relations Internationales (IFRI) et occupé des postes de prospective et d’affaires publiques au sein du groupe AREVA. Elle est une spécialiste recherchée des questions énergétiques. Bertrand Martinot Bertrand Martinot est un des spécialistes reconnus du chômage, des politiques de l’emploi et du dialogue social. Ancien conseiller social à la Présidence de la République, il a notamment occupé les fonctions de délégué général à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) puis directeur général adjoint de la région Ile-de-France en charge du développement économique, de l’emploi et de la formation. Remerciements Ce travail est également le fruit d’une collaboration intense entre l’équipe de l’Institut Montaigne, ses experts associés et ses entreprises adhérentes. Nous tenons ainsi à remercier tout particulièrement, par ordre alphabétique : Juliette Aquilina, Hugues Bernard, Léo-Paul Caron, Patrick Calvar, Gaspard Chaney, Maxence Cordier, Lisa Darbois, Joseph Delatte, Mathieu Duchâtel, Michel Duclos, Louise Frion, Jonathan Guiffard, Pierre Jérémie, Muriel Lacoue-Labarthe, Nicolas Laine, Baptiste Larseneur, Camille Le Mitouard, Polly Lefevre, Alain Leroy, Blanche Leridon, Thomas Luquiau, Cédric Ménissier, Matthieu Mercier, Martin Muller, Brian Ndungo Quiassata, Ali Saïb, Maxime Sbaihi, Yasmina Tadlaoui, Raphaël Tavanti, Inès Sepulveda, Margaux Tellier-Poulain, Luna Vauchelle, Alix Lemaire et Clara Yazi. Nous remercions également Éric Adam (Carrefour), Claude Alban (AXA), Fabrice Bardèche (IONIS Group), Rémi Bottin (Besse), Bruno Donini (Sanofi), Guillaume Gillet (ENGIE), Nicolas Lefevre-Marton (Enedis), Xavier Ploquin (Meridiam), Philippe Tuzzolino (Orange), Gilles Vermot-Desroches (Schneider Electric). Sommaire 1. France 2040 : anticiper pour mieux agir 2. 13 tendances nationales sectorielles passées au crible 3. I. La démographie 4. II. L'environnement, le climat et la biodiversité 5. III. L'énergie et l'industrie 6. IV. La productivité 7. V. Le financement de l'État 8. VI. Le financement de l'économie 9. VII. La diplomatie et la défense 10. VIII. La France dans le commerce international 11. IX. Les enjeux éducatifs 12. X. La santé 13. XI. La sécurité intérieure et l'ordre public 14. XII. Les transports, l'urbanisme et l'aménagement du territoire 15. XIII. Les enjeux institutionnels 16. Quel environnement mondial en 2040 ? Télécharger Étude propsective (462 pages) Résumé (11 pages) À quoi ressemblera la France en 2040 si les tendances actuelles se confirment ? Les politiques publiques peuvent-elles encore servir le long terme et anticiper, plutôt que réagir ? Notre modèle français est mis à l’épreuve par des pressions démographiques, économiques, géopolitiques, technologiques et climatiques, qui dépassent la cadence des cycles électoraux. Pour donner les moyens aux décideurs et aux citoyens de mieux comprendre et d'agir, l'institut Montaigne a mené sur plusieurs mois un exercice prospectif d'ampleur : France 2040, projections pour l’action politique. À partir des statistiques officielles et de plus de 800 sources, nous avons projeté les trajectoires de 13 tendances structurantes pour la France sur un horizon de 15 ans, une démarche ambitieuse tout en restant suffisamment proche de la réalité. Cette étude s’inscrit dans un triptyque d’analyses que l’Institut Montaigne consacre à l’avenir du pays. Ce premier volet entend montrer les conséquences d’une inaction politique ou de choix trop timides face aux enjeux structurels. Afin de nourrir la campagne présidentielle de 2027, le second volet identifiera les sujets à traiter et proposera des solutions programmatiques concrètes et opérationnelles. Le troisième analysera et chiffrera les programmes des candidats à l’élection présidentielle afin d’en mesurer la pertinence et la faisabilité.France 2040 : anticiper pour mieux agir France 2040 n’est pas un scénario figé, mais le point de départ pour ouvrir le débat, regarder la réalité en face et rappeler qu’il existe encore des leviers pour décider, réformer et investir l’avenir de notre pays.Sortir de l'inertie et des postures politiquesLes grandes tendances étudiées peuvent se traduire en une multitude de scénarios. Le scénario "Renoncement", qui nous sert de scénario 0, décrit la trajectoire d’un pays qui s’enlise d’ici 2040, faute de décisions structurantes.Nous avons également exploré 4 scénarios issus de postures politiques qui constituent des outils d’anticipation ou des mises en garde sur les choix et les risques associés à des trajectoires souvent caricaturales :Se protéger et s'isoler, le "Repli",Prolonger le statu quo, la "Retouche",Imposer des réformes brutales, la "Rupture", Faire table rase, la "Révocation".13 tendances nationales sectorielles passées au cribleQuelles conséquences l’évolution de la démographie aura-t-elle sur notre pays ? Notre situation d’endettement est-elle irrévocable ? Avons-nous les clés et les moyens de réussir notre transition énergétique ? Notre appareil de défense peut-il monter en puissance ?En partant de l’analyse de statistiques officielles, nous avons projeté les courbes actuelles à l’horizon 2040. Ce travail dévoile un entrelacs des risques structurels qui pèsent sur le modèle français. Ces facteurs, souvent étudiés isolément, révèlent une dynamique beaucoup plus inquiétante lorsqu’ils sont examinés conjointement, chacun renforçant la vulnérabilité de l’autre. I. La démographieLe nombre d'enfant par femme est passé de 2 à 1,62 en quelques années, tandis que le nombre de décès a augmenté de plus de 100 000 décès en quinze ans sous l’effet du vieillissement de la population. En 2040, la dynamique démographique sera durablement inversée, et la part des 65 ans et plus pourrait dépasser les 28 %. Territorialement, c'est une "France en U" qui se dessine, dans laquelle la population de plus en plus âgée se concentre dans l'Ouest, sur les littoraux, et dans le Sud)⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis 2010, la dynamique naturelle s’est brutalement inversée : l’indice conjoncturel de fécondité est passé de 2 enfants par femme à 1,62 en 2024 tandis que les décès augmentent. Dès le milieu de la décennie 2030, les naissances seront durablement inférieures aux décès ; la population ne croîtra plus que par l’immigration, elle-même portée surtout par des motifs familiaux et étudiants plutôt que par des besoins de qualification économique. Ce basculement s’accompagne d’un vieillissement accéléré : la part des 65 ans et plus (22 % en 2025) dépassera 26 %, possiblement 28 %, en 2040. Le rapport de dépendance démographique glissera de 37 % en 2021 à environ 50 % en 2040, faisant peser une pression massive sur le budget de l’État afin de financer les retraites, la santé et l’autonomie des personnes âgées. Les coûts sociaux liés au grand âge, déjà supérieurs à 14 % du PIB, pourraient augmenter de cinq points de PIB d’ici 2040 si aucune réforme d’ampleur n’intervient.Parallèlement, les écarts territoriaux se creusent : la "France en U" (Ouest, littoraux, Sud) attire encore une population plutôt âgée, tandis que le Centre et l’Est se vident. Dans une soixantaine de départements, les seniors dépasseront 30 % des habitants avant 2040. La croissance du solde migratoire traduit une immigration désormais centrale dans l’évolution démographique ; toutefois, leur moindre intégration au marché du travail limite l’effet d’amortisseur sur la baisse de la population active. Dans le même temps, l’émigration de jeunes diplômés continuera d’ôter une part croissante des forces vives du pays, alimentant la pénurie de compétences. Ces tendances convergent vers un déséquilibre générationnel inédit : une jeunesse minoritaire, des seniors majoritaires et des tensions croissantes autour de la redistribution. Les politiques familiales actuelles ne suffisent plus à inverser la fécondité, tandis que la seule variable immédiatement mobilisable reste l’immigration - socialement contestée, partiellement inefficace et insuffisante à compenser la dégradation rapide du ratio actifs/retraités.Projection 2040L’indice conjoncturel de fécondité est passé de 2 enfants par femme au début des années 2010 à 1,62 en 2024, ce qui a fait chuter le solde naturel de 281 000 naissances en 2010 à seulement 17 000 en 2024. L’Insee projette désormais un point d’inflexion : la croissance démographique ne serait alimentée que par l’immigration et la population active plafonnerait autour de 30,6 M en 2036 avant de s’effriter. D’ici 2040, la France compterait environ 70 M d’habitants, dont 26,5 % à 28,1 % de personnes de 65 ans ou plus tandis que le rapport de dépendance grimperait de 37 % (2021) à 50,5 %. Les coûts liés au grand âge pourraient augmenter significativement à l’horizon 2040 si rien n’est fait.II. L'environnement, le climat et la biodiversitéEntre 2014 et 2023, la température moyenne en France a dépassé +2,1°C par rapport à la période pré-industrielle. Cela présage des vagues de canicule de plus en plus récurrentes, et un bouleversement accéléré de la biodiversité dans une France qui concentre déjà plus de 2 000 espèces menacées, notamment en Outre-mer.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielle Depuis le tournant des années 2010, l’ampleur du réchauffement s’est nettement accrue : la décennie 2011‑2020 présente déjà un excédent thermique moyen de + 1,8 °C par rapport à l’ère pré‑industrielle (1900‑1930), porté à + 2,1 °C sur la période 2014‑2023. Sur le territoire métropolitain, la montée de la chaleur se traduit par des vagues caniculaires désormais quasi annuelles : leur durée moyenne a été multipliée par six (13 jours par an sur 2015-2024 contre 2 jours sur 1961-1990), tandis que les vagues de froid sont devenues marginales. L’année 2024, quatrième la plus chaude mesurée en France, affiche encore + 0,9 °C au‑dessus de la normale 1991‑2020 et illustre la persistance de températures élevées.À +1,5 °C, les sécheresses et les précipitations extrêmes devraient s’intensifier d’ici à 2040. Ces chocs climatiques accélèrent l’érosion de la biodiversité : la France concentre déjà 2 268 espèces menacées et figure parmi les "points chauds" mondiaux, notamment en Outre-mer où plus de 40 % des reptiles terrestres sont en danger. La masse d’insectes volants s’est effondrée de 76 % en trente ans, compromettant la pollinisation de 35 % de la production alimentaire. À cette hémorragie s’ajoute la pression des espèces exotiques envahissantes : leur coût cumulé atteint 11,4 Mds d’euros pour la France (1960-2020) et continuera de croître au rythme de la mondialisation touristique et commerciale.Projection 2040Avec une température moyenne autour de +1,5 °C, des sécheresses deux fois plus fréquentes, des pluies extrêmes et des bouleversements écosystémiques majeurs, le coût annuel d’adaptation s’inscrira durablement au-delà du Md d’euros. La trajectoire actuelle prépare une impasse écologique et budgétaire.III. L'énergie et l'industrieDepuis plusieurs années, la France combine le recul de son industrie et la perte de maîtrise de sa production d'énergie. La part du manufacturier a chuté d’un peu plus de 20 % dans les années 1980 à plus de 10 % aujourd’hui et l’emploi industriel continue de se contracter (- 7 000 postes entre mi-2024 et mi-2025). Les impératifs d’électricfrication et de réindustrialisation conduiront la France a des dilemmes d’ampleur à l’horizon 2040.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielle Depuis 2010, la France conjugue deux fragilités qui se nourrissent l’une l’autre : l’érosion de son socle manufacturier et la perte de maîtrise de son système énergétique. La part de l’industrie manufacturière dans la valeur ajoutée nationale est tombée d’un peu plus de 20 % dans les années 1980 à environ 13,7 % aujourd’hui. L’emploi salarié industriel recule encore (-7 000 postes entre mi-2024 et mi-2025) tandis que la productivité par tête demeure inférieure de 2,5 % à son niveau d’avant-crise sanitaire, symptôme d’une industrie en déclin et d’une économie de plus en plus "servicialisée". Parallèlement, le pays a laissé se déliter plusieurs compétences critiques, jusque dans la filière nucléaire.Sur le front de l’énergie, la consommation électrique stagne autour de 470 TWh depuis 2015 alors que la transition climatique et la réindustrialisation exigent une production plus importante : RTE évalue à +1 % par an la hausse nécessaire de la demande jusqu’en 2050, tandis que d’autres projections tablent déjà sur +2 % l’an. Or l’offre peine à suivre : la première paire d’EPR 2 n’entrerait pas en service avant 2038 et la moitié des investissements promis à la décarbonation industrielle n’a pas encore été engagée. Cette tension structurelle, accentuée par le mécanisme européen "pay-as-clear" qui diffuse la flambée du gaz à l’ensemble de l’électricité, renchérit les coûts de production, fragilise la compétitivité et freine la relocalisation de chaînes de valeur stratégiques que poursuivent déjà d’autres acteurs comme les États-Unis ou la Chine.Projection 2040Depuis 2015, la consommation électrique corrigée stagne entre 473 et 475 TWh et s’établit, en 2024, à 449,2 TWh. Or, le MWh HTVA, autour de 100 euros en 2024, pourrait croître à plus de 200 euros en 2040. RTE table néanmoins sur une hausse moyenne d’un pour cent par an jusqu’en 2050, ce qui, sans accélération du parc de production, ouvre une fenêtre de tension dès la décennie 2030. Parallèlement, l’industrie manufacturière ne représente plus qu’un peu plus de 10 % de la valeur ajoutée nationale et les emplois industriels ont été divisés par deux entre 1974 et 2018. À politique inchangée, la combinaison "électrification et désindustrialisation" annonce pour 2040 une double contrainte : risque de déficit structurel d’électricité bas-carbone et poursuite de l’érosion du socle productif. Cette double dépendance - énergétique et technologique - figerait le pays dans une industrialisation de second rang.IV. La productivitéSi la productivité du travail en France constituait depuis la fin du XIXe siècle un avantage comparatif significatif et portait la croissance française (la productivité horaire augmentait de 2,5 % chaque année en moyenne entre 1890 et 2022 contre 1,8 % pour le PIB) ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cette stagnation réduit la capacité d’investissement ce qui réduit les marges publiques nécessaires pour financer transition climatique, la défense ou l'innovation. L’IA viendra bouleverser cette situation, mais la France est-elle suffisamment prête pour cette révolution productive d’ici 2040 ?⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis 2010, la mécanique française des gains de productivité s’est grippée. La productivité horaire a reculé de 2,1 % entre 2019 et 2023 et ne progresse plus que de 0,2 % par an en moyenne, contre 0,8 % dans la décennie précédente, tandis que sur la période 2005-2016, la productivité globale des facteurs a contribué deux fois moins à la croissance du PIB qu’aux États-Unis. La contraction du temps de travail entretient ce décrochage : 1 673 heures par actif en 2024 contre une moyenne européenne de 1 790. La moindre durée du travail et l’intégration de profils peu qualifiés ont abaissé la valeur ajoutée par employé de 5,2 % sous son niveau pré-Covid, tandis que le PIB par habitant perdait déjà 3 836 euros en 2017 par rapport à son potentiel tendanciel.Cette stagnation érode la capacité d’investissement : l’écart d’investissements productifs à haute valeur ajoutée atteint près de 4 points de PIB de moins que les États-Unis, comprimant les marges publiques pour financer transition climatique, défense ou innovation. La fragilité du capital humain amplifie le risque : la France demeure en queue de peloton des pays développés pour la proportion d’actifs (61,8 % des 15-64 ans entre 2018 et 2022) et son marché du travail reste polarisé, enfermant une partie croissante de l’emploi dans des segments à faible productivité.Projection 2040Si le rythme observé depuis 2010 se prolonge où la productivité horaire n’a progressé que de + 0,2 % par an en moyenne après une chute de - 2,1 % entre 2019 et 2023, la France resterait durablement sous son niveau projeté pré-Covid. De même, la faible proportion d’actifs et le faible volume de travail horaire continueraient d’amputer la base productive. Faute d’un renversement de la tendance à la baisse du nombre d’heures travaillées et d’un effort massif et continu d’investissement et de qualification, le pays aborderait les quinze prochaines années avec un potentiel de croissance structurellement atone.V. Le financement de l'ÉtatLa dette publique a bondi de 82 % du PIB en 2010 à 113,7 % fin 2024. Les intérêts de cette dette, autour de 50 Mds d’euros en 2023, pourrait atteindre plus de 200 Mds d’euros en 2040 : un montant plus de deux fois supérieur au budget de l’Éducation nationale. À cela s’ajoute le vieillissement démographique : pensions et santé absorberont au moins deux points de PIB supplémentaires d’ici 2040.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis la crise financière de 2008, la trajectoire budgétaire française est entrée dans une impasse structurelle : le ratio de dette publique a bondi de 82 % du PIB en 2010 à 113,7 % fin 2024, tandis que les dépenses se sont ancrées autour de 57 % du PIB malgré un rebond jusqu’à 62 % lors du "quoi qu’il en coûte". Ce niveau hors norme combine une protection sociale très étendue, un appareil administratif dense - 5,7 M d’agents publics en 2022, soit une masse salariale valant 12,4 % du PIB - et un déficit permanent depuis 1974, dépassant 4,5 % du PIB depuis 2020. L’environnement de taux ultra-bas qui avait masqué la dérive n’est plus : avec un taux apparent remontant vers 3 %, la charge d’intérêts, autour de 50 Mds d’euros en 2023, pourrait atteindre plus de 200 Mds d’euros en 2040 - un montant plus de deux fois supérieur au budget de l’Éducation nationale.Ce mur d’intérêts s’ajoute au vieillissement démographique : pensions et santé absorberont au moins deux points de PIB supplémentaires d’ici 2040, alors que les recettes fiscales se révèlent plus volatiles qu’escompté - 6,2 Mds d’euros de moins-values rien qu’en 2023 sur certains prélèvements obligatoires. Dans le même temps, le système de retraite, fondé à 98 % sur la répartition, restera en déficit jusqu’en 2070, aggravant la pression sur le budget de l’État. Pour maintenir les dépenses courantes et financer la transition climatique ou l’effort de défense, l’exécutif devra soit relever massivement les prélèvements obligatoires, soit couper dans les dépenses sociales ou/et la masse salariale publique, soit espérer une nouvelle mutualisation de la dette au niveau européen, permettant de lisser les responsabilités des États.Projection 2040À politique inchangée, la dette atteindrait 150 % du PIB, la charge des intérêts de la dette dépasserait 200 Mds d’euros par an et deviendrait le premier poste budgétaire, tandis que le déficit primaire resterait au-delà de 3 % du PIB ; l’État se verrait contraint de financer le passé plutôt que l’avenir.VI. Le financement de l'économieEn France, le financement de l'économie repose sur un équilibre singulier : les ménages sont à la fois très épargnants (taux d’épargne supérieur à 17 % en 2023) et fortement endettés, principalement via le crédit immobilier. Les entreprises, quant à elles, ont porté leur dette à plus de 150 % du PIB en 2024 - un record dans la zone euro. D'ici 2040 se posera la question de ces liquidités dormantes et de la viabilité du système industriel français.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis 2010, la France conjugue une "sur-épargne" de précaution et une dette privée galopante. Le taux d’endettement des ménages, nourri à 84 % par le crédit immobilier à taux fixe, a bondi de 33 % à 68 % du PIB entre 2000 et 2020 avant de refluer à 60,7 % en 2024. Dans le même temps, l’encours de l’épargne liquide défiscalisée a atteint 935 Mds d’euros (dont 415 Mds d’euros sur le seul Livret A) et l’encours de l’assurance-vie avoisine les 2 000 Mds d’euros. Cette abondance de capitaux reste toutefois cantonnée à des placements peu risqués, freinant l’innovation et la montée en gamme industrielle.Du côté des entreprises, l’endettement non financier a quadruplé en vingt ans pour culminer à 153,7 % du PIB en 2024 - record de la zone euro - après un pic pandémique à 171 %. Si les marges moyennes sont historiquement élevées (37,5 % fin 2024) et permettent encore d’amortir la charge de la dette, les simulations de la Banque de France montrent que, dès 2025, le service des intérêts rognera les capacités d’investissement, surtout dans les secteurs à faibles marges. L’ombre de la "zombification" des entreprises plane : la persistance de taux élevés et la remontée des primes de risque pourraient précipiter une vague de défaillances d’ici la fin de la décennie.Le nœud stratégique tient donc dans l’allocation de l’épargne alors que le vieillissement rapide transformera les épargnants nets en rentiers nets, comprimant le flux d’épargne disponible au moment précis où le capital deviendra crucial. Sans réorientation, la France risque de juxtaposer liquidités dormantes et entreprises surendettées à l’horizon 2040.Projection 2040À politique et comportements inchangés, la dette des entreprises risque de continuer à augmenter, dans un contexte de taux d’intérêts plus élevés qu’au cours de la décennie 2015-2025. Les faillites seraient plus nombreuses et, pour les entreprises résilientes, l’augmentation de la charge d’intérêts réduirait leur capacité d’investissements. Les incertitudes sur les régimes de retraite pousseraient les ménages à maintenir une épargne élevée, qui resterait majoritairement investie dans les produits règlementés. La France entrerait alors dans les années 2040 avec une abondance de capitaux mal alloués, un secteur productif sous-capitalisé et un État sommé d’arbitrer entre stabilité financière, compétitivité et modèle social.VII. La diplomatie et la défenseLe poids militaire français reste mesuré : moins de 2 % du PIB en dépenses de défense depuis 2014, malgré la Loi de programmation militaire 2024-2030 qui prévoit 413 Mds d’euros sur sept ans. L’état-major estime qu’en combat de haute intensité, le stock de munitions ne tiendrait que "quelques semaines", tandis que l'industrie n’est pas préparée à un engagement d’ampleur. À mesure que la France connaît certains revers diplomatiques, elle risque d’ici 2040 de perdre son autonomie stratégique et sa capacité à tenir un théâtre majeur dans un monde de plus en plus complexe.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis le début des années 2010, la France subit une érosion simultanée de ses moyens diplomatiques et de sa masse militaire, malgré une remontée depuis 2015.Les effectifs du ministère des Affaires étrangères ont reculé de 17 % entre 2010 et 2020 (soit 13 524 ETPT) et son réseau, deuxième au monde en 2016, n’est plus que cinquième en 2023, présent dans 162 pays contre 171 pour les États-Unis.Cette contraction se double d’un décrochage symbolique dans des zones jadis stratégiques, illustré par le retrait forcé du Sahel et par une influence diminuée au Levant et au Caucase où les puissances régionales dictent l’agenda. Sur le front militaire, l’armée bonsaï tente de demeurer technologiquement complète - bien que la France soit également absente sur un certain nombre de segments - mais numériquement insuffisante : elle ne pourrait couvrir qu’une bande de 80 km dans un conflit de haute intensité et verrait ses stocks de munitions s’épuiser en quelques semaines, faute d’une base industrielle encore calibrée pour la masse. La Loi de programmation militaire 2024-2030 (413 Mds d’euros) stoppe la déflation, mais finance surtout la modernisation de capacités existantes, sans résoudre le dilemme "masse versus technologie". Paris est longtemps resté prisonnier d’un modèle d’intervention expéditionnaire coûteux - bien que facteur des réussites d’exportations d’armement français -, de chaînes d’approvisionnement mondialisées et d’un appareil diplomatique sous-doté.Projection 2040Le poids militaire français reste mesuré : moins de 2 % du PIB en dépenses de défense depuis 2014, malgré la LPM 2024-2030 qui prévoit 413 Mds d’euros courants sur sept ans, soit une moyenne annuelle de 59 Mds d’euros. Or l’état-major estime qu’en combat de haute intensité, le stock de munitions ne couvrirait que "quelques semaines" d’engagement, tandis que l’ossature industrielle, dimensionnée pour la cadence OPEX (35 000 hommes projetés en 2024), n’est pas préparée à un engagement d’ampleur. Sans relèvement pérenne au-delà du seuil de 2 % du PIB, la France risque d’ici 2040 de perdre son autonomie stratégique et sa capacité à tenir un théâtre majeur. La France risquerait de perdre sa place d’acteur central de la sécurité en Europe.VIII. La France dans le commerce internationalLa part de marché mondiale des exportations françaises a été divisée par deux en vingt-cinq ans (de 5,2 % en 2001 à 2,4 % en 2022) et les deux tiers des produits suivis par les Douanes sont désormais déficitaires. Certains rares bastions comme l’armement, le luxe ou l’agro-alimentaire, ne parviennent plus à compenser cette chute. En 2040, la dépendance à des importations critiques couvrirait encore de nombreux produits stratégiques, dont la moitié en provenance directe ou indirecte de Chine.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis la dernière année d’excédent notable en 1999, la balance des biens s’est enfoncée dans le rouge : - 54 Mds d’euros en 2019, - 162,7 Mds d’euros au pic post-Covid de 2022, puis encore - 81 Mds d’euros en 2024. La part de marché mondiale des exportations françaises a été divisée par deux en vingt-cinq ans (de 5,2 % en 2001 à 2,4 % en 2022) et les deux tiers des produits suivis par les Douanes sont désormais déficitaires. Certains rares bastions comme l’armement, le luxe ou l’agro-alimentaire, ne parviennent plus à compenser l’érosion de la base manufacturière ; la France est la seule grande économie de la zone euro à conjuguer déficit chronique et désindustrialisation avancée, tandis que ses voisins, Allemagne et Italie, conservent des excédents robustes.Derrière ce déficit se cache une dépendance croissante à des intrants critiques : plus de 80 % des principes actifs pharmaceutiques viennent d’Asie ; l’électronique, les batteries et les métaux stratégiques restent massivement importés, exposant l’économie aux ruptures d’approvisionnement et au chantage géopolitique. L’énergie demeure le principal poste déficitaire (115 Mds d’euros en 2022, 69 Mds d’euros en 2023) et la transition verte, en renchérissant le carbone importé, risque de durcir encore la facture si l’appareil productif ne se décarbonise pas plus vite.L’excédent des services nuance néanmoins ce sombre tableau puisque les secteurs du tourisme, du transport et des services aux entreprises maintiennent le solde courant global autour de -0,7 % du PIB. C’est en effet l’ensemble des échanges commerciaux, y compris les services, qui détermine l’insertion d’un pays dans l’économie mondiale, ce qui reflète aussi une demande intérieure française plus dynamique que celle de plusieurs partenaires.C’est donc dans le secteur industriel que se manifeste la plus grande vulnérabilité : l’industrie française peine à être compétitive, tant à l’export que sur son marché intérieur, tandis que les services demeurent un avantage comparatif qu’il conviendra de préserver et de renforcer.Projection 2040À législation et rythme d’investissement constants, le déficit manufacturier persisterait et le solde courant, malgré l’excédent de services, resterait négatif. La dépendance à des importations critiques couvrirait encore de nombreux produits stratégiques, dont la moitié en provenance directe ou indirecte de Chine. Pris dans une "double tenaille", entre une facture énergétique toujours élevée et la base industrielle sous-capitalisée, le pays entrerait dans la prochaine décennie avec un commerce extérieur structurellement déficitaire sur les biens manufacturiers, rendant sa souveraineté financière et technologique conditionnée aux décisions des puissances exportatrices.IX. Les enjeux éducatifsQue ce soit en mathématiques ou en lecture, l'école française décroche sur de nombreux indicateurs. La crise d’attractivité du métier d’enseignant s’aggrave : au CAPES 2023, 40 % des postes en lettres classiques sont restés vacants. L’école, loin de corriger les inégalités, les renforce : un enfant de milieu populaire a 3 fois plus de risques de quitter le système sans diplôme qu’un enfant de cadre. Ces tendances menacent le système éducatif dans son entièreté à l’horizon 2040.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis le début des années 2010, l’école française décroche sur tous les indicateurs : les scores PISA ont chuté de 43 points en mathématiques et de 31 points en lecture entre 2000 et 2022, tandis que le calcul mental en fin de CM2 a perdu l’équivalent de 1,5 écart-type en trente ans. La massification des diplômes a masqué la baisse des exigences et n’a pas enrayé les décrochages post-bac : seuls 29 % des inscrits en licence obtiennent leur diplôme en trois ans. La crise d’attractivité du métier d’enseignant s’aggrave : au CAPES 2023, 40 % des postes en lettres classiques sont restés vacants et la barre d’admission moyenne des disciplines générales s’établit sous 9/20.L’école, loin de corriger les inégalités, les redouble : l’écart de performance entre quartiles sociaux atteint 107 points PISA, record de l’OCDE, et un enfant de milieu populaire a trois fois plus de risques de quitter le système sans diplôme qu’un enfant de cadre. Les territoires reflètent le même fossé : 89 % des établissements défavorisés déclarent au moins un incident grave par an, contre 44 % dans les zones favorisées. La violence scolaire a progressé de 50 % en deux ans, minant le climat d’apprentissage. Dans le même temps, la généralisation encore partielle du numérique révèle une fracture de compétences : seuls 40 % des élèves maîtrisent les usages élémentaires de l’ordinateur, tandis que 23 % des enseignants jugent leur besoin de formation "fort".Projection 2040Depuis le début des années 2000, l’école française décroche tandis que les postes au CAPES restent vacants dans plusieurs disciplines clés. L’institution ne corrige plus les inégalités : l’écart de performance entre quartiles sociaux s’est accru. En 2024, la violence scolaire a encore progressé, accentuant la crise d’attractivité du métier d’enseignant. Si rien ne change, la productivité scolaire continuerait de se détériorer d’ici 2040 : la France pourrait connaître un nouveau recul PISA significatif et affronter un fort déficit de diplômés scientifiques, lestant la capacité française à faire face aux enjeux du XXIe siècle. Les établissements subiraient des pénuries chroniques d’enseignants ancrant les fractures sociales et territoriales.X. La santéLes dépenses en santé continuent d'augmenter en France alors même que la population vieillit, privant ainsi le système de cotisants supplémentaires. La résistance aux antibiotiques progresse et sur le front épidémiologique, le poids des maladies chroniques ne cesse de croître : elles représentent déjà 74 % des décès mondiaux et frapperont une population française plus âgée et plus fragile ce qui risque de conduire à d’importantes externalité négatives pour le système de soin mais aussi pour le système tout entier d’ici à 2040.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis 2010, la courbe des dépenses sociales a crû : l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, voté à 265,9 Mds d’euros pour 2025 progresse désormais plus vite que le PIB, et les estimations convergent vers une enveloppe à 12 % du PIB d’ici 2040 - deux points de plus qu’aujourd’hui - alors même que le déficit démographique prive le système de cotisants supplémentaires. Cette tension financière se double d’un choc démographique : la part des plus de 65 ans, de 21,9 % en 2024, passera entre 26,5 % et 28 % en 2040, tandis que les plus de 85 ans devraient plus que doubler pour approcher cinq millions de personnes. Dans le même temps, l’offre médicale se contracte : la densité de généralistes a décru et bien que les tendances indiquent une remontée totale des médecins d’ici 2040, cette projection masque d’importantes disparités territoriales.Sur le front épidémiologique, le poids des maladies chroniques ne cesse de croître : elles représentent déjà 74 % des décès mondiaux et frapperont une population française plus âgée et plus fragile. Parallèlement, la résistance aux antibiotiques progresse ; les infections bactériennes résistantes, responsables de plus de 5 500 morts annuels en France aujourd’hui, pourraient devenir la première cause de mortalité en Europe, avec 390 000 décès par an, si la trajectoire mondiale atteint les 10 M de morts projetés pour 2050.Pour traiter ces enjeux, le système mise sur la santé numérique : le Système national des données de santé, qui couvre 99 % de la population, et l’investissement de 500 M d’euros de France 2030 doivent permettre une médecine prédictive et des parcours fluidifiés ; mais l’accès aux données reste compliqué et la fracture numérique menace de laisser à l’écart les plus âgés.Projection 2040En l’absence d’un choc correctif, les dépenses de santé croîtront fortement ; tandis qu’un déficit de médecins généralistes pourrait menacer l’égalité territoriale. La croissance des maladies chroniques impliquera une refonte des systèmes médicaux. L’écart entre besoins et ressources pousserait alors le système jusque dans ses limites.XI. La sécurité intérieure et l'ordre publicLes indicateurs, tels que les coups et blessures volontaires passés de 214 700 à 336 800 entre 2016 et 2024, témoignent d’une augmentation de la délinquance enregistrée, accompagnée d’un sentiment d’insécurité de plus en plus répandu. En 2040, certaines zones métropolitaines pourraient cumuler des taux de criminalité inédits, faisant augmenter le coût social de la violence, à savoir la justice, les assurances, les soins, les impératifs de reconstruction. À l’horizon 2040, si les tendances se poursuivent, la sécurité intérieure continuera de s’affaiblir et deviendra un facteur majeur de désaffection civique.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleEntre 2016 et 2024, la violence de proximité s’est installée dans le quotidien : les coups et blessures volontaires sont passés de 214 700 à 336 800 faits enregistrés, les homicides de 911 à 980 et les violences sexuelles, dont viols, de 51 900 à 122 600. Cette poussée nourrit une inquiétude collective (91 % des Français redoutent davantage de violences ; 78 % jugent la situation en dégradation) et fragilise l’autorité : la part des refus d’obtempérer "aggravés" est passée de 16 % à 21 % ; les émeutes de juin 2023 ont blessé 782 agents, quatre fois plus qu’en 2005. Cette insécurité s’adosse à trois moteurs. D’abord, un "minority youth bulge" concentré dans certains bassins métropolitains. Ensuite, la croissance de la criminalité organisée où les saisies de cocaïne dans les ports français ont quintuplé, de 6 tonnes à 30 tonnes (2018-2023), ouvrant la voie aux opioïdes de synthèse. Enfin, l’explosion des agressions contre élus, soignants ou forces de l’ordre qui témoigne d’une érosion de l’autorité symbolique de la puissance publique.Projection 2040Faute d’inflexion, les atteintes violentes pourraient croître, de même que les tentatives d’homicides et les refus d’obtempérer. Certaines zones métropolitaines cumuleraient des taux de criminalité inédits, tandis que le coût social de la violence, à savoir la justice, les assurances, les soins, les impératifs de reconstruction, croîtrait de même. La sécurité intérieure deviendrait un facteur majeur de désaffection civique.XII. Les transports, l'urbanisme et l'aménagement du territoireEn France, les grands pôles métropolitains aimantent population, emplois et investissements, tandis que les villes moyennes et les territoires ruraux décrochent. Dans ce contexte, l’automobile reste incontournable pour 74 % des actifs et un tiers des Français vivent toujours dans une zone dépourvue d’offre de transports collectifs attractifs. Dans ce paysage fragmenté, l’idéal pavillonnaire reste dominant mais se heurte aux impératifs de ralentissement de l’artificialisation des sols. À l’horizon 2040, la voiture devrait rester essentielle dans la vie des Français tandis que l’accès à la propriété devrait poursuivre sa complexification pour nombre d’entre eux.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis le milieu des années 2010, l’espace français se recompose en un archipel : les grands pôles métropolitains aimantent population, emplois et investissements, tandis que nombre de villes moyennes et de territoires ruraux décrochent. Entre 2013 et 2018, 95 % de la croissance démographique s’est concentrée dans les aires urbaines de plus de 200 000 habitants, et la distance domicile-travail, passée de 7 km en 1980 à 15 km en 2020, continue de s’allonger.Dans ce paysage fragmenté, l’idéal pavillonnaire reste dominant - trois Français sur quatre plébiscitent la maison individuelle - mais se heurte aux contraintes des impératifs de ralentissement de l’artificialisation des sols. La mobilité reflète cette tension : hors cœurs métropolitains, l’automobile reste incontournable pour 74 % des actifs, et le parc dépasse 38 M de véhicules. Les investissements annoncés peinent à combler le trou de desserte : un tiers des Français vivent toujours dans une zone dépourvue d’offre collective de transports collectifs attractifs, et les Français demeurent dépendants d’une voiture dont le coût d’achat augmente.Projection 2040À politique inchangée, la distance quotidienne domicile-travail continuerait d’augmenter tandis que la part modale de la voiture resterait supérieure à 70 %. Le taux de propriétaires occupants poursuivrait sa glissade, tandis que plus de 60 départements compteraient au moins 30 % de seniors, renforçant une "France en U" littorale et séniorisée. Les périphéries s’éloigneraient encore des bassins d’emploi, piégées entre dépendance automobile coûteuse et normes d’urbanisme restrictives : un clivage spatial et social lourd.XIII. Les enjeux institutionnelsEn 2025, 74 % des Français déclaraient ne pas faire confiance aux responsables politiques et 83 % jugeaient qu’ils "ne tiennent pas compte" de leur avis, des niveaux proches de ceux atteints au plus fort de la crise des Gilets jaunes. Cette crise de représentativité s’est aggravée avec la dissolution de 2024. La multiplication des textes de loi alimente le sentiment de déconnexion entre les citoyens et les décisions politiques. En 2040, la France pourrait compter plus de 500 000 normes.⇨ Voir la tendance dans le détail Synthèse tendancielleDepuis une quinzaine d’années, la politique française se trouve prise dans une spirale de défiance et de fragmentation. Les révisions constitutionnelles - vingt-cinq depuis 1958, dont plus des deux tiers après 2000 - se sont multipliées, tandis que la voie référendaire a été abandonnée depuis 2005. Dans le même temps, la judiciarisation s’est accélérée : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), instaurée en 2010, a fait basculer plus de 1 200 dispositions législatives sous le contrôle a posteriori du Conseil constitutionnel. On assiste également à une inflation normative sans précédent : le stock est passé de 53 000 articles de loi en 2002 à plus de 92 000 en 2022 et 110 mots en moyenne en 2002 contre 149 en 2020. En prolongeant la tendance (+ 2,8 % par an), ce stock de lois se situerait entre 125 000 et 150 000 articles en 2040, tandis que le total lois et règlements pourrait dépasser un demi-million d’articles, minant la lisibilité et l'applicabilité du droit.Or la multiplication des textes ne nourrit pas la confiance, et constitue même un symptôme de réaction du politique face à la montée de la défiance : en 2025, 74 % des Français déclaraient ne pas faire confiance aux responsables politiques et 83 % jugeaient qu’ils "ne tiennent pas compte" de leur avis, des niveaux proches de ceux atteints au plus fort de la crise des Gilets jaunes. La crise de représentativité s’est aggravée avec la dissolution de 2024 : l’Assemblée tripartite qui en a résulté renoue avec l’instabilité de la IVe République, le recours à l’article 49 al.3 de la Constitution ou aux ordonnances devenant la condition de toute action gouvernementale.Projection 2040Si aucune refondation n’intervient, la France pourrait compter plus de 500 000 normes (lois et règlements), voir sa confiance politique durablement bloquée, et connaître une alternance de coalitions minoritaires gouvernant par procédures d’exception. L’autorité de la loi se trouverait, plus encore qu’aujourd’hui, fragilisée, la capacité réformatrice paralysée et la conflictualité sociale périodiquement relancée : autant de signaux d’un effritement institutionnel. Quel environnement mondial en 2040 ?Toute prospective à 15 ans se heurte à la possibilité qu’un ou plusieurs chocs exogènes viennent balayer nos projections. Nous pouvons cependant esquisser les trajectoires que le monde empruntera d’ici à 2040, pour comprendre l'écosystème dans lequel la France évoluera : évolutions géopolitiques, démographiques, climat, économie mondiale, évolution des technologies et de l'IA.ImprimerPARTAGERTélécharger Étude propsective (462 pages)Télécharger Résumé (11 pages)