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27/08/2024

[Afrique : les rivalités stratégiques] - La France au milieu du gué

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[Afrique : les rivalités stratégiques] - La France au milieu du gué
 Jonathan Guiffard
Auteur
Expert Associé - Défense et Afrique

Dans cette nouvelle série, notre expert Jonathan Guiffard propose de mettre en lumière les stratégies de différents acteurs internationaux sur le continent africain. Entre rivalités politiques, compétitions stratégiques et choc des modèles de valeur, les changements rapides qui ont lieu en Afrique Centrale et en Afrique de l’Ouest imposent de renouveler la compréhension des enjeux.

Ce dernier article vient conclure la série en mettant en lumière les changements fondamentaux que la France a été obligée de mener, depuis 2020, en soulignant les enjeux auxquels elle fait face, dans ces nouvelles rivalités qui animent le continent africain. Sur quels piliers (r)établir les relations avec le continent africain ?

Le 15 août 2024, les autorités françaises ont célébré les 80 ans du débarquement de Provence, en rendant un hommage appuyé aux soldats africains ayant combattu pour la libération du territoire métropolitain occupé par les Nazis. "La part d'Afrique en France est aussi ce legs qui nous oblige", a énoncé le président de la République française, accompagné par le président camerounais Paul Biya. "La France nous avait oubliés, mais ils sont en train de rattraper le temps perdu", a indiqué à l’AFP Oumar Diémé, ancien tirailleur sénégalais.

Cette célébration résume à elle seule la position française en mutation : faire des efforts sur le plan politique et mémoriel pour améliorer et faire évoluer l’image de la France sur le continent africain, tout en restant contraint par ses réalités, à l’image de la longévité "exceptionnelle" du président camerounais au pouvoir depuis 1975 et à la présidence du pays depuis 1982. Les autorités françaises semblent avoir compris plusieurs leçons des secousses stratégiques qui sont apparues après 2020, mais de nombreux pièges sont encore présents pour un pays ensablé dans une politique ancienne et qui rechigne à s’en séparer complètement. Tout ne dépend naturellement pas du bon vouloir de la France et il apparaît nécessaire d’agir avec les réalités qui s’imposent, mais des vieux réflexes persistent. Le "reset" a démarré mais n’est pas encore abouti. C’est un processus.

Un difficile travail de mise à jour…

Aujourd’hui, la France est devenue plutôt discrète sur le continent, ce qui apparaît comme une excellente chose. L’Afrique de l’Ouest est un territoire en pleine inflammation, il faut attendre que la tension redescende et travailler en coulisse. C’est le chemin que semble avoir choisi les responsables politiques français, avec moins de grandes déclarations vocales, sur la défensive, accusant les autres sans se regarder. Le président de la République s’investit publiquement sur d’autres dossiers, plus européens et plus asiatiques, tout en continuant de recevoir les responsables africains (Sénégal, République centrafricaine, République de Côte d'Ivoire…). Les visites de haut niveau se poursuivent, ce qui est une bonne chose pour la coopération, sans la pression politique de tout bord. La mission de l’envoyé spécial du président de la République, Jean-Marie Bockel, suit son cours et mène des consultations. L’Assemblée nationale et le Sénat travaillent à comprendre les enjeux de la politique africaine de la France, à écouter la critique constructive et à identifier des voies pour renouer les liens cassés et en développer de nouveaux. Il y a eu une prise de conscience à tous les niveaux, menant sur des travaux de fond. C’est essentiel, même si cela n’est en aucun cas une garantie pour prévenir les conservatismes.

La France est devenue plutôt discrète sur le continent, ce qui apparaît comme une excellente chose. L’Afrique de l’Ouest est un territoire en pleine inflammation, il faut attendre que la tension redescende et travailler en coulisse.

Pour autant, la France apparaît encore au milieu du gué. La matrice sécuritaire reste très prégnante, ce qui est rationnel face à l’expansion de la menace jihadiste, mais ce qui ne correspond plus au cadre politique actuel ; au risque de futurs échecs symboliques au Tchad ou en Côte d’Ivoire. La France apparaît encore sur la défensive et cherche à conserver des acquis pourtant très fragiles, alors même que la stratégie militaire en Afrique n’a pas encore été annoncée ou mise à jour : que souhaite-t-elle faire face à la menace jihadiste au Sahel et dans le Golfe de Guinée ?

Que souhaite-t-elle faire face à l’expansion de l’influence russe sur le terrain ? Que souhaitent ses partenaires militaires et sécuritaires des nations africaines ? Autant de questions qui peinent à être résolues, entre dépendance de sentier, volonté d’action et de maintien du leadership, et difficile acceptation des nouvelles réalités, aussi négatives soient elles. Pourtant, même si la situation est catastrophique dans plusieurs pays sur le plan sécuritaire, il est essentiel de comprendre que les responsables politiques et leurs nouveaux partenaires sont souverains, que les peuples doivent les tenir seuls responsables de la dégradation continue et que la France n’a pas de responsabilité supérieure à agir.

De même, rationnels ou idéologiques, pertinents ou non, plusieurs débats politiques continuent d’exister sur les ressources françaises et doivent être pris en compte :
1) le franc CFA risque d’être pleinement rejeté par l’Alliance des États du Sahel (AES) ou d’autres pays qui semblent vouloir se saisir de la question (Sénégal), même si ces derniers semblent conscients des risques macro-économiques qui pèsent sur un rejet pur et simple de cette monnaie. Des mécanismes transitoires sont déjà en cours pour permettre une gouvernance complète par les pays de la région, sans la surveillance ou l’interférence de la France, mais d’autres mécanismes sont sûrement à imaginer notamment pour harmoniser les politiques monétaires de ces pays. Tant que le CFA restera à parité fixe avec l’euro, il sera dénoncé localement comme une monnaie néo-coloniale, mais dès lors qu’il devient flottant par rapport à l’euro, il risque une dévaluation très importante. Celle-ci pourrait aussi aisément ne plus accueillir, ni garantir les réserves de change du CFA. La conséquence de cette rupture pure serait une spirale inflationniste qui aurait des répercussions sur les commerçants et investisseurs étrangers, tel que la France, mais au regard des réalités commerciales, cela ne constituerait pas un drame économique pour Paris. En revanche, la plupart de ces pays étant des importateurs importants, notamment de nourritures, ils subiraient tout de suite une crise économique et alimentaire. Le dilemme est directement là, économique, de court-terme et sans lien direct avec la France. Pour éviter un tel crash, il faudra du temps, surtout au regard de la situation politico-sécuritaire en AES, hyper-inflationniste. En attendant, un changement de nom serait déjà un nouveau pas symbolique et le déplacement des réserves de CFA dans une banque centrale africaine serait susceptible de couper le lien avec la France ;

2) les bases militaires au Sénégal, en RCI ou au Gabon sont toujours questionnées dans les débats publics et sans stratégie spécifique pour expliquer leur rôle ou leur utilité, il est probable qu’elles finissent par être dénoncées. La réduction du volume des forces françaises est une bonne chose, le partage des bases avec les partenaires africains aussi. Pour autant, le symbole persistera et sera aisément utilisé comme levier contre la France et les pouvoirs en place par les adversaires de la France dans la région. Seules des bases africaines, accueillant éventuellement des partenaires français pour la formation, sont susceptibles de minimiser des incompréhensions. La prise de parole des autorités des pays concernés semble aussi cardinale pour sensibiliser et faire de la pédagogie sur la nécessité (ou non) de ces partenariats militaires, afin que la présence militaire s’inscrive bien dans le cadre de la souveraineté locale et non comme un maillage territorial et logistique d’une présence française diffuse mais surplombante sur le continent.

La France est d’autant plus au milieu du gué, que plusieurs de ses alliés européens cherchent à profiter de son rejet relatif pour avancer leurs pions. Cette réflexion court-termiste des alliés européens constitue la pire des idées, dans un cadre où il ne s’agit pas seulement de la France mais bien de l’ensemble des démocraties occidentales qui sont collectivement critiquées.

La France est d’autant plus au milieu du gué, que plusieurs de ses alliés européens cherchent à profiter de son rejet relatif pour avancer leurs pions.

L’entêtement initial de l’Allemagne de se maintenir coûte que coûte au Niger, finalement inversé, ou les tentatives de l’Italie de se lancer dans une campagne de séduction semblent ignorer les réalités actuelles. Une fois encore, les nations européennes ne font pas preuve d’une grande analyse stratégique en cherchant des voies concurrentes.

…alors que les positions sont fragiles dans ce moment politique

Que les autorités françaises le veuillent ou non, la boîte de Pandore s’est ouverte en 2020, à l’initiative de la France et du Mali. Désormais, la séquence est politique : à tort ou à raison, les démocraties occidentales sont mises au défi par certains partenaires africains, par des pans importants des populations africaines et par des compétiteurs opportunistes. Si cela semble injuste ou injustifié, au regard des efforts consentis par la France et ses alliés sur le plan militaire, économique ou politique, il est impératif de quitter cette vision au profit d’une posture humble, agile et déterminée.

Les démocraties occidentales ont trébuché sur le continent africain, car elles représentent les boucs émissaires parfaits permettant une diversion exemplaire vis-à-vis des turpitudes structurelles des autorités politiques de plusieurs pays africains (corruption massive, absence d’inclusion politique ou économique, prédation et capture de l’État…). Toutefois, si la France a trébuché, c’est bien parce qu’elle a des fragilités structurelles faciles à exploiter. En sortant d’une forme de déni ou d’inaction sur les sujets suivants, la France parviendra à rebâtir une image forte et attractive pour les forces politiques et les peuples africains : visa ; coopération éducative et universitaire ; attractivité ; travail mémoriel ; toxicité de la parole publique et médiatique… : autant de sujets qui montrent la France comme un pays fermé à l’Afrique et aux Africains (ce qui n’est pas, par exemple, l’image actuelle des États-Unis ou du Royaume-Uni).

Le degré de corruption politique et économique de nombreuses élites africaines n’est pas la responsabilité de la France et le respect des règles de souveraineté impose aux autorités françaises de devoir composer avec des systèmes politiques peu démocratiques. C’est un fait des relations internationales. Les autorités françaises doivent défendre et promouvoir les intérêts français, mandat confié par la souveraineté populaire, et la réalité crue du monde s’impose. Il est trop facile de critiquer la France pour avoir été "trop" ou "pas assez" avec des responsables africains, alors qu’elle dispose d’une influence toute relative sur le cours des événements. Ce "biais colonial" est largement distribué dans l’échiquier politique français.

Le respect des règles de souveraineté impose aux autorités françaises de devoir composer avec des systèmes politiques peu démocratiques.

En revanche, à l’image de la présence de Paul Biya à la cérémonie ou des rumeurs concernant un 4e mandat d’Alassane Ouattara, la persistance d’un double standard dans les prises de position françaises est peu audible, malgré les nombreux et visibles doubles standards des compétiteurs.

Le poids de l’Histoire coloniale et des turpitudes de la "Françafrique" oblige la France à un devoir d’exemplarité supérieure. Ce devoir d’exigence et d’excellence est aussi nécessaire pour assurer une cohérence avec ses valeurs démocratiques et libérales défendues à travers le monde, cohérence qui n’est pas exigée des autocraties et des dictatures. Ce point est très important, car il s’agit de défendre des modèles politiques et de valeurs, mais aussi un ordre international fondé sur le droit. À ce titre, on rappelle que malgré leur expansion récente, les autocraties sont relativement isolées sur la scène internationale et n’ont pour alliés que certains pouvoirs en place en Afrique, illégitimes dans tout ou partie de leurs populations.

Enfin, la position française est d’autant plus fragile qu’elle manque de clarté sur le plan sécuritaire. La question des bases militaires et des suites de l’opération Barkhane est directement liée à l’analyse stratégique que fait la France de la situation en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, mais aussi à la stratégie politico-militaire qui en découle. La menace jihadiste s’étend au Sahel, en proie à une triple guerre civile, et se connecte directement à la menace jihadiste au Nigéria ; les tensions inter-étatiques en Afrique de l’Ouest pourraient hypothétiquement dégénérer en conflit ; le conflit indirect entre la Russie et les démocraties occidentales pourrait se poursuivre ponctuellement en Afrique. Ces trois facteurs sont structurels. Dans ce contexte, que souhaite faire la France ? Souhaite-t-elle agir contre la menace jihadiste régionale ou seulement contre les menaces qui visent directement ses intérêts ? Souhaite-t-elle aider un ou plusieurs partenaires et selon quelle modalité susceptible d’avoir un impact (le seul effort de formation n’étant pas suffisant) ? Doit-elle mobiliser dès à présent des partenaires régionaux, européens et/ou anglo-saxons pour anticiper la renaissance d’un ou plusieurs émirats jihadistes ? Doit-elle soutenir des forces locales contre la présence russe en Afrique ? Doit-elle attaquer directement la présence russe en Afrique ? Doit-elle caractériser et documenter les exactions des Russes et de leurs alliés, ou agir pour les prévenir ? Autant de questions difficiles, qui n’impliquent pas le même dispositif en fonction des réponses.

Quelle stratégie pour l’Afrique ?

Dans ce contexte, quelles stratégies pourraient être proposées pour la France, afin de poursuivre la conception d’une grande stratégie cohérente, efficace et durable en Afrique ? Les idées soumises ici ne sont pas exclusives des nombreuses réflexions déjà menées, que ce soit par l’Institut Montaigne ou d’autres centres de recherche, par les parlementaires ou par l’exécutif français. Il s’agit ici de mettre en lumière des priorités et d’essayer de penser le temps long, ce qui n’est pas la qualité principale du système politico-administratif français.

Le pilier fondamental est de retrouver de la clarté stratégique en réalignant la politique étrangère de la France en Afrique avec ses fondations démocratiques, libérales et basées sur le droit. Pour cela, il est nécessaire de concevoir une grande stratégie de soutien des forces démocratiques sur le continent, ce qui passe par une cartographie claire des forces politiques en présence dans les différents pays ; l’identification des forces défendant les valeurs démocratiques, même si elles sont faibles sur leurs échiquiers nationaux ; une prise de position forte contre l’exercice abusif du pouvoir dans la durée ; un soutien politique, juridique, financier et diplomatique fort des forces démocratiques ; la mise en réseau de ces forces, notamment par des invitations en France et en Europe, l’organisation de forums et de rencontres annuelles et la mise à disposition d’outils. Il s’agirait pour la France, non pas de se faire le parrain, l’oncle ou le leader de forces politiques africaines, mais bien un facilitateur pour des forces politiques autonomes souhaitant s’organiser et se connecter. De même que Londres a été, au milieu du XXe siècle, un lieu de bourgeonnement du panafricanisme pour les leaders africains cherchant à se structurer, Paris et plus généralement l’UE pourraient constituer un territoire d’accueil et de facilitation, assumant un bras-de-fer avec les autocraties du continent, sans délégitimer des forces ayant besoin de se fédérer.

Dans ce cadre, un deuxième pilier serait de positionner la France et l’UE comme des acteurs à la pointe de la caractérisation et de la publicisation des crimes des États autoritaires sur le continent africain. Le soutien significatif à des mécanismes de documentation par des ONG, des journalistes et par la justice internationale des crimes violents, des massacres commis contre les populations, des exactions commises par les Russes, des disparitions forcées, de la prédation économique et des activités de corruption seraient susceptibles de soutenir la position des forces politiques démocratiques, et plus généralement l’ordre international, en affaiblissant la position et la légitimité des autocraties africaines et alliées.

Dans ce contexte, quelles stratégies pourraient être proposées pour la France, afin de poursuivre la conception d’une grande stratégie cohérente, efficace et durable en Afrique ?

Cette nécessité est d’autant plus forte que les écosystèmes médiatiques et numériques sont désormais soumis à de fortes campagnes de désinformation, de propagande et d’obfuscation de la réalité. Une conflictualité doit être assumée avec les autocraties africaines, comme avec les grandes autocraties.

Un troisième pilier doit se concentrer sur la liquidation du déni de l’héritage colonial français, par la promotion d’initiatives politiques et scientifiques très ambitieuses. Ce sujet envenime le débat public intérieur et extérieur, ce qui impose d’y faire face et de réussir un travail mémoriel similaire à celui mené pour la Seconde Guerre mondiale. La France n’est pas responsable de l’ensemble de la traite des esclaves, ni de l’ensemble de la colonisation. Elle en est toutefois un acteur central et il suffit d’observer la sensibilité du sujet de la guerre d’Algérie, 60 ans après sa fin, pour prendre conscience de son importance dans la psyché collective. Or, si les accusations de néocolonialisme instrumentalisées par les influenceurs pro-Russes prennent corps, c’est bien parce que le sujet est d’actualité sur le continent africain. Les scientifiques américains, africains et plus généralement afro-descendants qui travaillent sur le colonialisme ou les études décoloniales transmettent progressivement leurs savoirs dans la sphère publique et culturelle. La reconnaissance américaine des crimes de l’esclavage est récente et se poursuit. Le premier président noir américain est récent. Le nouveau ministre des Affaires étrangères britanniques, David Lammy, a explicitement mentionné sa fierté d’être à ce poste en tant qu’afro-descendant. Plus d’actualité encore, le Ghana et le Bénin offrent désormais la nationalité aux afro-descendants américains, caribéens et européens (sous certaines conditions) ; Ceci, tout comme le succès du discours panafricain, confirme que pour une majorité d’Africains, ces sujets d’identité et d’héritage sont d’actualité. Il ne s’agit pas du passé. Dans ce contexte, les autorités françaises ont intérêt à ouvrir grand les portes en mêlant gestes politiques forts, réparations, actions culturelles et mémorielles, et travail scientifique conjoint pour faciliter l’émergence de la vérité historique nécessaire à la pacification des discours et à des avancées conjointes.

Un quatrième pilier, longuement détaillé dans le rapport "Sécurité en Afrique de l’Ouest, investir la filière agricole", consiste à concentrer l’aide au développement et le soutien aux entreprises dans le secteur agricole africain et ses secteurs de co-dépendance (finance privée, mécanisation, foncier…). La dispersion des efforts et des ressources ne produit que de faibles résultats. La convergence du "moment politique" actuel et du consensus qui émerge sur les limites de l’aide au développement plaide pour un changement radical d’approche, permis par la contestation assumée de l’ordre qui prévalait jusqu’à présent par certaines forces politiques africaines.

Enfin, un cinquième pilier est la construction d’une posture de patience stratégique. La pratique française du pouvoir est à l’action, mais la situation actuelle du continent africain, les deux décennies de lutte globale contre le terrorisme et le défi posé par les grandes puissances russe et chinoise imposent de comprendre avant d’agir. Les dynamiques sécuritaires sont complexes, délétères et entremêlées, ce qui rend la mosaïque difficile à décrypter et le risque d’un effet cocktail plus grand encore. Les changements démographiques, politiques, économiques et sociaux dans les différents pays africains ont été largement incompris par le système stratégique occidental. Les résultats des deux dernières décennies de politique étrangère devraient imposer l’humilité. Pour ces raisons, il semble nécessaire de renforcer considérablement les capacités de collecte et d’analyse des réalités dans les différents pays africains, en intégrant la recherche stratégique dans les circuits d’analyse et de décision, en la finançant et en la structurant ; en déchargeant le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères et le Ministère des Armées d’une grande partie de la commande quotidienne, afin de construire un dispositif plus dense et robuste de collecte et d’analyse d’informations ouvertes dans les pays ; en développant des capacités d’analyse stratégique mêlant diplomates et analystes du renseignement ; en donnant comme mission au nouveau commandement pour l’Afrique, une mission de suivi de situation, de collecte de renseignement et de caractérisation des forces militaires en présence dans les pays prioritaires, afin d’anticiper les ruptures à venir (effondrement et fragmentation durable au Sahel ; confrontation éventuelle entre États africains ; dispositifs militaires Russes, Chinois et mercenaires), tout en bâtissant des capacités mutualisées avec les Européens et les partenaires Africains. L’objectif numéro 1 doit être d’observer, de comprendre et de structurer : l’action ne doit venir que ponctuellement et dans un second temps.

L’objectif numéro 1 doit être d’observer, de comprendre et de structurer : l’action ne doit venir que ponctuellement et dans un second temps.

Ces cinq piliers décupleraient leur efficacité s’ils étaient poursuivis dans un cadre multilatéral, avec les autres démocraties occidentales, afin d’assurer une efficacité accrue et une impossibilité pour les autocraties, africaines et alliées, de jouer des fissures du bloc démocratique.

Copyright image : Christophe SIMON / POOL / AFP

Le président du Togo, Faure Gnassingbe, le président comorien Azali Assoumani, le président du Cameroun Paul Biya, Emmanuel Macron, le Prince Albert II de Monaco, le président de la République Centrafricaine Faustin-Archange Touadera, le président de transition au Gabon, Brice Oligui Nguema, Nicolas Sarkozy et le Premier ministre marocain Aziz Akhannouch lors du quatre-vingtième anniversaire du débarquement en Provence

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