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Rapport
Septembre 2023

Sécurité en Afrique de l’Ouest,
investir la filière agricole

<p><strong>Sécurité en Afrique de l’Ouest</strong>,<br />
investir la filière agricole</p>
Auteur
Jonathan Guiffard
Expert Associé - Défense et Afrique

Spécialisé sur le Sahel et l'Afrique de l'Ouest, la crise syrienne et le Moyen-Orient, mais aussi la Turquie, Jonathan Guiffard est Expert Associé à l'Institut Montaigne en relations internationales et questions stratégiques.

Personnes auditionnées

 

L’Institut Montaigne remercie l’ensemble des personnes ayant contribué à l'élaboration de ce travail, anonymes ou non, et notamment  :

  • Assinamar Ag Rhousmane, Coordinateur national d'Azhar, ONG malienne de développement
  • Folahanmi Aina, Chercheur associé au think-tank Royal United Services Institute (RUSI)
  • Papa Amadou Sarr, Directeur exécutif du Département Mobilisation, partenariat et communication au sein de l’Agence Française de Développement (AFD), ancien ministre de l’économie et des finances du Sénégal
  • Ardavan Amir Aslani, Associé du cabinet d’avocat d’affaires Cohen-Amir Aslani
  • Camille André, Chercheuse et consultante sur les risques géopolitiques au Sahel
  • Deborah Asseraf, spécialiste de l'économie du développement et des questions ouest-africaines, rapporteur de ce rapport
  • Joseph Asunka, CEO de l’institut de sondage et de recherche Afrobarometer
  • Maxime Audinet, Chercheur sur la Russie en Afrique à l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire (IRSEM)
  • Niagale Bagayoko, Présidente de l’African Security Sector Network (ASSN) et spécialiste du Sahel
  • Alpha Barry, Directeur d’Atos Afrique
  • Manon Bellon, Rédactrice au pôle sécurité alimentaire, nutrition et agriculture durable de la direction générale de la mondialisation du ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE)
  • Myriam Brigui, Directrice du département Pilotage du réseau chez Proparco
  • Jean-Christophe Belliard, Ambassadeur de France en Côte d’Ivoire
  • Christophe Carminati, Directeur sûreté du groupe Ortec
  • Didier Castres, Président du groupe GEOS, ancien associé senior d’ESL network
  • Alexis Chaumet, Responsable adjoint du service économique régionale de l’ambassade de France à Abidjan
  • Jean Pierre Chomienne, Conseiller agriculture à l’ambassade de France à Abidjan
  • Beatriz de Léon Cobo, Chercheuse et consultante sur le Sahel
  • Lawali Dambo, Géographe, professeur à l’Université Abdou Moumouni de Niamey
  • Antoine de Gaullier, Directeur de cabinet du PDG, Groupe EGIS
  • Paul Desbareau, Coordinateur Sahel chez Expertise France
  • Abdelwahab Diakité, Coordinateur de l’association Publiez Ce Que Vous Payez (PCQVP) Mali
  • Bréma Ely Dicko, Sociologue, professeur à l’université de Bamako (ULSHB)
  • Laurent Dejoie, Ancien président du Conseil Supérieur du Notariat, Vice-président du Conseil régional pour les Pays de la Loire Département Loire-Atlantique et Président de l’Association du notariat francophone
  • Olivier Ducret, Colonel, Responsable du département Afrique de la Direction Générale des Relations Internationales et de la Stratégie (DGRIS)
  • Jérôme Fabre, Président de La Compagnie fruitière
  • Claire Fillatre, Responsable du financement de l’agribusiness chez Proparco
  • Arnaud Floris, Responsable Afrique chez BPI France
  • Etienne Giros, Président du Conseil français des Investisseurs en Afrique (CIAN)
  • Samuel Goldstein, Directeur du développement commercial en Afrique, Meridiam
  • Boubacar Haidara, Chercheur spécialiste du Mali au sein du Bonn Institute for Conflict
  • Frédéric Hayois, Responsable géographique pour l’Afrique, l’Océan Indien et les Caraïbes, Groupe EGIS
  • Cameron Hudson, Associé senior sur l’Afrique au sein du think tank Center for Strategic and International Studies (CSIS)
  • Jean-Michel Huet, Associé chez BearingPoint France
  • Pascal Ianni, Général, chef de pôle à l’État-major des Armées
  • Sylvain Itté, Ambassadeur de France au Niger
  • Pierre Jacquemot, Chercheur associé à la fondation Jean Jaurès, Président du Gret (professionnels du développement solidaire), ancien ambassadeur de France et ancien directeur du développement au ministère de l’Europe et des affaires étrangères
  • Jean-Hervé Jezequel, Directeur du projet Sahel chez International Crisis Group
  • Severin Kwamé, Responsable de l’ONG Indigo, Côte d’Ivoire
  • Dominique Lafont, PDG de Lafont Africa Corporation, conseiller Senior chez KKR et BCG, ancien PDG de Bolloré Africa Logistics
  • Andrew Lebovich, Chercheur spécialisé sur l’Algérie et le Sahel, associé au think-tank Clingendael
  • Morgane Le Cam, Reporter au service Afrique du journal Le Monde
  • Denis Le Maoût, Directeur des Contrats & du Développement Municipal,  zone Afrique Moyen-Orient, chez Veolia
  • Rida Lyammouri, Senior Fellow au sein du think tank Policy Center for the New South
  • Matteo Maillard, Correspondant au Mali du journal Le Monde
  • Stefano Manservisi, Ancien directeur général de la coopération internationale et du développement (DEVCO) à la Commission européenne, actuel président du conseil d'administration du GCERF (The Global Community Engagement and Resilience Fund dedicated to preventing violent extremism).
  • Alexandre Marc, Économiste, chercheur associé au sein du think tank International Institute for Strategic Studies (IISS), ancien spécialiste de la Banque Mondiale sur les questions des conflits, de fragilité et de violence
  • Alexandre Mesnil, Conseiller technique sur le Sahel à la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ)
  • Arnaud Mettey, Colonel, Commandant des Forces Françaises en Côte d’Ivoire
  • Tom Middentorp, Général, président du conseil de l’International Military Council on Climate and Security (IMCCS), ancien chef d’état-major des Pays-Bas
  • Mahamadou Moctar Dicko, Anthropologue, coordinateur et chef de programme au sein de l’Association Malienne d'Éveil au Développement Durable (AMEDD)
  • Yannick Morillon, Directeur général de Catering International & Services (CIS) Catering
  • Wassim Nasr, Journaliste chez France 24, spécialiste du Sahel et Research Fellow au centre de recherche Ali Soufan Center
  • Alexandre Nayme, Responsable investissement d’impact et inclusion financière, Europe & Afrique, chez BNP Paribas
  • Babacar Ndiaye, Directeur de la recherche et des publications du think tank WATHI
  • MarcPetitier, Associé chez White & Case, spécialiste en Fusion & Acquisition
  • Tanguy Quidelleur, Chercheur sur les dynamiques de violence au Burkina Faso et au Mali
  • Maxime Ricard, Chercheur sur la Côte d’Ivoire et l’Afrique de l'Ouest à l’IRSEM
  • Élodie Riche, Chargé de recherche sur le Sahel à l’AFD
  • Rémy Rioux, Directeur général de l’AFD
  • Lamine Savané, Vice-doyen de la Faculté des Sciences Sociales de l’Université de Ségou et maître de conférences en sciences politiques
  • Mamadou Sawadogo, Consultant à Ouagadougou, ancien gendarme
  • Jean-Michel Sévérino, Président de la société Investisseurs et partenaires
  • Michaël Shurkin, Chercheur associé au sein de l’Africa Center de l’Atlantic Council
  • Mariam Sidibe, Chercheuse et coordinatrice à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), spécialiste des migrations, des crises et des conflits en Afrique subsaharienne
  • Vera Songwe, Économiste camerounaise, ancienne responsable à la Banque Mondiale, à la Société Financière Internationale, ancienne secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique
  • Jean-Fabien Steck, Chercheur sur l’Afrique au sein du Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie (CAPS) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères
  • Seydou Touré, Général, conseiller technique du ministre de l’intérieur ivoirien
  • Alexander Thurston, Maître de conférence en sciences politiques à l’université de Cincinnati
  • François-Guilhem Vaissier, associé chez White & Case, spécialiste finances et développement de projets
  • Patrick Vaglio, Colonel, Attaché de défense à l’ambassade de France à Abidjan
  • Christian Yoka, Directeur Afrique de l’AFD
  • Lassina Zerbo, Ancien premier ministre burkinabé (2021-2022)
  • Lionel Zinsou, Ancien premier ministre du Bénin (2015-2016), fondateur et Managing Partner de SouthBridge
  • Yahia Zoubir, Professeur au sein de Kedge Business School

Les auteurs remercient aussi Marie-Pierre de Bailliencourt, Alain Le Roy, Michel Duclos, Mathieu Duchâtel, Mahaut de Fougières, Cédric Menissier et Axel Noisette pour leur aide précieuse dans la poursuite et la restitution de ces travaux.

La crise sécuritaire en Afrique de l’Ouest, causée par l’enracinement des groupes jihadistes dans la région, est un enjeu majeur pour les États concernés, pour la sécurité des populations locales, comme pour la France et l’Europe.

Cette crise prend ses origines au début des années 2000 au Mali, avant de connaître une forte progression en 2012 avec la prise de contrôle de la moitié nord du pays par les groupes jihadistes. Depuis, ces groupes ont étendu leur zone d’action au Niger et au Burkina Faso, zone que l’on appelle le Sahel, puis au nord des pays côtiers du Golfe de Guinée. D’autres pays se trouvent dans une position précaire et pourraient faire l’objet d’attaques à moyen-terme, comme la Mauritanie et le Sénégal. De même, si le Nigéria et le Tchad semblent éloignés de la crise sécuritaire, certaines problématiques rencontrées sont similaires. Cette crise n’est donc plus limitée au Sahel et concerne désormais l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest.

Face à cette situation, quel rôle la France et l’Europe peuvent-elles avoir ? L’annonce de la fin de l’opération Barkhane en novembre 2022 a déclenché une réflexion globale sur l’engagement de la France envers l’Afrique de l’Ouest. Dans ce contexte, ce rapport a pour objectif de contribuer à cette réflexion en proposant un nouveau paradigme à travers une  politique de coopération économique ciblée impliquant l’ensemble des acteurs publics et privés en Europe et en Afrique de l’Ouest, ainsi que les bailleurs de fonds internationaux. Il se base sur un travail de recherche d’un an, plus de 80 auditions, des ateliers ainsi qu’un déplacement sur le terrain.

Sécurité en Afrique de l’Ouest, investir la filière agricole

La marginalisation économique, un facteur source d’instabilité et d’insécurité

Afin de lutter efficacement contre la dégradation sécuritaire en Afrique de l’Ouest, une compréhension des causes profondes de la menace jihadiste est essentielle. Celles-ci sont plurielles : facteurs religieux, instabilité politique, tensions intracommunautaires... Dès lors, la seule réponse militaire ne peut suffire pour faire face à la crise qui frappe la région.

Parmi ces facteurs, la marginalisation économique des populations rurales se détache comme l’une des principales causes de l’expansion des groupes jihadistes. Les zones touchées par ces groupes sont rurales et éloignées des capitales plus stables et prospères. Ces zones sont devenues le principal terreau de recrutement des jihadistes qui tirent profit de l’absence et de la faiblesse de l’État.

Ainsi, la stabilité de la région est étroitement liée aux problématiques de sécurité alimentaire et de développement économique et social dans les zones rurales. À titre d’exemple, au Bénin, le taux de scolarisation est d’environ 95 % pour Cotonou et de seulement 25 % dans le nord rural, où la menace jihadiste s’étend.

L’agriculture, une filière d’avenir à investir

La structuration de la filière agricole ouest-africaine s’impose comme principal levier pour lutter durablement contre la marginalisation économique des populations rurales. En effet, l’agriculture est le secteur le plus contributeur à la réduction de la pauvreté et est également la source de revenu principale de 80 % de la population rurale ouest-africaine.

Actuellement, le secteur fait face à des difficultés et à de nombreuses barrières. Pour leur majorité, les pays africains importent une grande partie de leurs produits alimentaires, principalement de l’extérieur du continent, alors qu’ils disposent d’un potentiel exceptionnel en ressources hydrauliques, en ensoleillement et en terres arables. De plus, entre 30 et 50 % de la production agricole est perdue dans le processus de production, de transformation et de transport.

La modernisation de la filière agricole ouest-africaine est également freinée par le manque de financements adaptés et d’investissements. L’aide publique au développement (APD) dans le domaine agricole est de seulement 3,8 % aujourd’hui contre 17 % dans les années 80. De plus, sur 14 milliards de dollars de prêts commerciaux en 2016, seulement 660 millions sont destinés à l’agriculture.

12 propositions pour une coopération économique en faveur de l’Afrique de l’Ouest

Un engagement collectif fort des pouvoirs publics, français et ouest-africains, des bailleurs de fonds internationaux et des entreprises françaises et européennes est désormais nécessaire pour structurer la filière agricole et répondre durablement aux enjeux de développement et de sécurité en Afrique de l’Ouest. 

Ce rapport formule douze recommandations visant à mettre en place une politique de coopération économique ambitieuse et impactante. Il propose également deux projets concrets et facilement reproductibles à l’échelle de la région : les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) agricoles et les coopératives intégrées.

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Axe 1 : Structurer le secteur agricole ouest-africain par une politique foncière stabilisée, un investissement amont sur les intrants agricoles et la mise en place de filières spécifiques
Détails

Recommandation 1 : Stabiliser l’encadrement juridique du foncier grâce à un travail de certification et de cadastrage, un changement réglementaire et un soutien technique international.

Recommandation 2 : Accroître la productivité des intrants agricoles (semences, engrais et produits phytosanitaires) par une politique de développement et de distribution dédiée, englobant la recherche, les circuits marchands de distribution, les règles de certification et les expérimentations dédiées aux territoires concernés.

Recommandation 3 : Favoriser localement la transformation industrielle des matières premières agricoles, sur des filières spécifiques, par des partenariats avec des entreprises françaises et européennes, en mettant en exergue les opportunités que constituent les zones franches locales, les aides publiques et les infrastructures de valorisation de la production.

 

Le modèle de la coopérative intégrée qui dispose d’une taille critique pour favoriser le financement et l’intégration en filière paraît particulièrement adapté aux besoins.

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Axe 2 : Construire les infrastructures et les compétences indispensables à la valorisation des efforts agricoles
Détails

Recommandation 4 : Prioriser les efforts sur l’eau et l’énergie en particulier les infrastructures d’irrigation et l’électrification des exploitations agricoles par des technologies solaires décentralisées.

Recommandation 5 : Permettre la distribution nationale et internationale des productions en développant les infrastructures de transport et les chaînes logistiques au niveau régional.

Recommandation 6 : Structurer les compétences de la filière agricole en faisant de l’agronomie une priorité de la politique française de coopération.

 

Le modèle de l'École nationale à vocation régionale (ENVR) agricole, qui  favorise les coopérations scientifiques, la formation et l’expérimentation, semble pouvoir aider à répondre à ces enjeux de compétences.

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Axe 3 : Adapter les financements publics et privés aux besoins de la filière agricole
Détails

Recommandation 7 : Encourager les acteurs de la finance privée à investir durablement dans la filière agricole en favorisant l’émergence de banques agricoles et de sociétés d’investissement, nationales et locales, par des partenariats public-privé offrant des garanties face à la prise de risque.

Recommandation 8 : Intégrer une partie des flux financiers des diasporas dans l’investissement agricole au travers de solutions adaptées de conversion des transferts monétaires.

Recommandation 9 : Concentrer prioritairement l’aide publique au développement (APD ; bailleurs de fonds publics) sur la production agricole, à hauteur minimale de 0,1 % du RNB français en 2025 et de 0,2 % en 2030 pour les pays de la zone afin d’avoir un impact non dilué.

Recommandation 10 : Aider les États de la zone à percevoir l’impôt de manière plus fiable par une mise en œuvre administrative innovante, afin de financer le développement agricole dans la durée et d’inclure progressivement le secteur informel dans l’économie légale.

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Axe 4 : Inciter les entreprises étrangères à s’investir dans le secteur agricole et à transformer les promesses économiques du sous-continent
Détails

Recommandation 11 : Poursuivre la professionnalisation de l’environnement des affaires pour pérenniser les investissements, dans le prolongement du projet Compact with Africa lancé par le G20 et en veillant à systématiser la mise en œuvre de critères de qualité et d'opérationnalité dans les appels à projet régionaux des bailleurs de fonds internationaux.

Recommandation 12 : Inciter les entreprises françaises à investir durablement dans l’espace ouest-africain par une politique à l’export dédiée aux investissements agro-industriels et des partenariats privés entre entreprises françaises et africaines.

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Rapport
(192 pages)
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