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10/01/2025

[Trump II] - Trump et Musk mettent l'Europe au défi de se redresser ou de se soumettre

[Trump II] - Trump et Musk mettent l'Europe au défi de se redresser ou de se soumettre
 François Godement
Auteur
Expert Résident, Conseiller spécial - Asie et États-Unis

​Si le premier mandat de Donald Trump avait laissé aux partenaires des États-Unis quelques "adultes dans la pièce" dont faire des interlocuteurs, il convient désormais, nous montre François Godement, de prendre au sérieux la radicalité d'un pouvoir dyarchique incarné par deux personnalités, Donald Trump et Elon Musk, qu'aucun surmoi ne vient plus censurer. Quelle vision politique sous-tend les postures provocatrices des deux hommes d'affaires ? Loin d'être seulement conjoncturelles ou opportunistes, en quoi reposent-elles sur une certaine tradition de la culture américaine ? Prise de court par la déroute du multilatéralisme, prise en étau entre la Chine et les États-Unis, que peut l'Europe face à cette Amérique "Über alles", "par-dessus tout", pour reprendre le début du troisième couplet de ce qui fut jusqu'en 1990 l'hymne allemand ? Les pistes d'une stratégie de riposte qui ne soit pas de repli. 

Le premier mandat présidentiel de Donald Trump avait été marqué par le contraste entre un Président imprévisible et ceux qu’il était convenu d’appeler "les adultes dans la pièce", une équipe présidentielle concentrée sur la stratégie - mais avec des désaccords dont le Président jouait comme sur un clavier.

Le second mandat s’annonce différent. On pouvait - l’auteur de ces lignes l’a fait - tenter de se rassurer avec la crédibilité de certains des premiers responsables annoncés pour les postes à prérogatives internationales (Conseil National de Sécurité, Département d’État, Trésor…), et se consoler en observant, qu’à quelques exceptions près (Défense), les déviants (ou les plus outranciers) étaient à des postes de politique intérieure. Avec six entreprises majeures à gérer, et une tronçonneuse à manier dans l’administration fédérale, Elon Musk semblait avoir les mains pleines.

Mais les "adultes dans la pièce" ne sont pas encore en fonction, et peu loquaces avant leur confirmation par le Congrès. Trump nomme au plus près de lui des affidés sûrs qui sont aussi des radicaux : Richard Grenell, dont le passage comme ambassadeur en Allemagne avait laissé de mauvais souvenirs, sera son envoyé spécial au Venezuela et en Corée du Nord notamment, Peter Navarro, condamné pour entrave à l’enquête du Congrès sur l’assaut du Capitole, quintessence du tariff man, son conseiller au commerce et à l’industrie, et d’autres encore.

Donald et Elon par contraste sont au balcon, et leurs déclarations dépassent tellement les bornes qu’on hésite entre deux interprétations.

Donald et Elon par contraste sont au balcon, et leurs déclarations dépassent tellement les bornes qu’on hésite entre deux interprétations. La première, c’est l’ivresse du succès, pour l’un après son retour triomphal, pour l’autre en raison des exploits spectaculaires de l’homme le plus riche du monde. Cette interprétation psychologique peut se rattacher aussi à une culture collective, celle de l’Amérique populaire et non puritaine pour qui, "if you got it, flaunt it" (si vous l’avez, exhibez le) - et sans doute aussi cette règle non-écrite du monde des affaires: "take no prisoners"

Über alles (au-dessus de tous les autres), mais sans Surmoi

Les menaces à l’encontre du Mexique, du Panama, du Canada ou du Danemark en sont les manifestations exhibitionnistes. Il y entre une part de démonstration à la cantonade. Pour que le golfe du Mexique soit enfin considéré comme américain, il faut le rebaptiser. On songe aux épigones chinois justifiant la souveraineté sur les mers de Chine par le nom qu’elles portent. Le Panama n’a même plus d’armée depuis 1989, Ronald Reagan l’a déjà envahi en son temps. Le Groenland est si nécessaire à la sécurité des États-Unis (et de l’Atlantique Nord) qu’il accueille déjà, en accord bien sûr avec le Danemark, une grande base américaine, des rampes de lancement y compris pour la défense anti-missiles, et le système de détection avancé du NORAD. Quant au Canada, quel pire message adresser au plus constant allié des États-Unis ?

S’arrêter là, c’est faire bon marché de deux faits. Les deux personnages, Trump, Musk (et plus largement le mouvement MAGA) ont joué l’élection sur l’idée d’une fraude de leurs adversaires politiques en 2020, sur la volonté de revanche vis-à-vis d’alliés ingrats "volant" l’Amérique, sur un ressentiment social massif qui se mue en xénophobie. Sans cesse, y compris depuis sa seconde élection, Trump dépeint une Amérique en proie à un déclin sans précédent. On croirait entendre les rages de l’Allemagne après le Traité de Versailles. Par une ironie du sort, ce discours convient aussi à nos souverainistes et gauchistes anti-américains, qu’ils l’encensent ou qu’ils le condamnent.

En réalité - et Trump comme Musk le savent très bien - l’Amérique est triomphante, pour des raisons qui associent l’esprit d’innovation et de risque, un État orfèvre en matière de stratégie industrielle, et les filets de sécurité (mais non un welfare state universel) tissés souvent au niveau des États, loin des caricatures qui en sont faites en Europe. Et plus simplement parce que, sans inclure le Groenland, l’Islande ou le Canada, il est déjà le pays le mieux doté au monde en ressources naturelles, et l’étalon monétaire de la planète. D’ailleurs, pour justifier une annexion du Groenland, les arguments économiques voisinent avec la justification stratégique par la poussée chinoise dans l'Arctique. le futur conseiller à la sécurité nationale Michael Walz se sert largement de ces arguments économiques : "C’est une question de minéraux critiques. C’est une question de ressources naturelles (…) C’est le pétrole et le gaz. C’est notre sécurité nationale". Pour le canal du Panama, Trump évoque aussi des prix de transit abusifs.

Le génie politique de Donald Trump est d’avoir attisé et chevauché les ressentiments, l’hostilité au wokisme, à la réglementation fédérale, à la perte des repères identitaires, pour conquérir presque tous les pouvoirs fédéraux : une ironie de plus puisque sa base est anti-fédéraliste. Aujourd’hui, il se sert de son récit imaginaire d’une Amérique non pas au bord du précipice, mais au fond du gouffre, pour engager une politique internationale axée exclusivement sur les rapports de force. 

Le génie politique de Donald Trump est d’avoir attisé et chevauché les ressentiments, l’hostilité au wokisme, à la réglementation fédérale, à la perte des repères identitaires, pour conquérir presque tous les pouvoirs fédéraux.

Points de convergence

En cela il est rejoint par Elon Musk. Cet authentique révolutionnaire de l’ingénierie a triomphé de bien des obstacles pour accélérer la diffusion de technologies. Il n’a rien inventé de fondamental, mais il développe tout ce qu’il touche, plus vite et plus massivement que les autres, à la plus grande surprise de ses concurrents, quand ils existent. L’Amérique et le monde ont écarquillé les yeux devant le retour sur terre du premier Starship se lovant au sein d’un bras articulé : c’est le symbole le plus fort depuis la marche sur la Lune. Comment Musk ne pourrait-il pas contempler avec mépris ceux qui l’ont sous-estimé, et qu’il a mis à terre ?

Les deux trajectoires, celle d’Elon et celle de Donald, se retrouvent sur d’autres points : la vindicte publique à l’égard des opposants, dans le domaine digital pour Musk, dans l’establishment politique pour Trump. Point de convergence également autour du même mépris des règles et des convenances : les insultes publiques ad hominem d’Elon Musk à l’encontre des responsables de grandes démocraties ne se trouveraient même pas dans la bouche de dictateurs. L’autre point de convergence, on l’a vu, est la priorité aux intérêts économiques.

Ce qui précède n’est pas un détour, mais l’entrée dans notre propos. L’affairiste débutant Trump, bien saisi par le film The Apprentice, y compris dans son intuition de rapports de force changeants, et le révolutionnaire techno-futuriste incarnent désormais une Chevauchée des Walkyries américaine, mi-reality show des médias sociaux, mi-stratégie internationale hyperréaliste. Celle-ci considère tous les partenaires de l’Amérique comme des obstacles mobiles ou des faibles, et par contraste tous les adversaires autoritaires de l’Amérique comme des prospects avec qui négocier en affaires.

Il est impossible à ce stade de distinguer la posture de la réalité. Oui, Trump n’a utilisé la force armée pendant son premier mandat que dans des épisodes très limités qu’il ne pouvait perdre - l’Iran et les mercenaires russes en Syrie en ont fait les frais. Mais il avait aussi renforcé la présence militaire américaine en Europe de l’Est, poursuivi la guerre en Afghanistan et initié l’endiguement de la Chine. Oui, ses premiers efforts vis-à-vis de la Russie portent sur une négociation : les Européens y sont-ils vraiment opposés dans leur majorité ? Oui, il a attaqué à plusieurs reprises les "fauteurs de guerre et les globalistes pour qui l’Amérique vient en dernier" (warmongers and America Last globalists).

Si on se rassure en se rappelant que Trump est un adepte de la négociation, on doit s’inquiéter que celle-ci laisse moins de place que jamais à la considération d’intérêts communs, sans parler de valeurs partagées.

La rivalité vue sous l’angle de la sécurité économique peut en effet l’emporter sur la géopolitique. Oui, les intérêts de Musk en Chine - de Tesla à ses actions commerciales préjudiciables aux intérêts de Taiwan - semblent rejoindre ce qui fut le pari du lobby financier américain : miser sur la Chine à n’importe quel prix. En paroles, les ennemis forts sont très généralement mieux traités que les alliés, forts ou faibles. Si on se rassure en se rappelant que Trump est un adepte de la négociation, on doit s’inquiéter que celle-ci laisse moins de place que jamais à la considération d’intérêts communs, sans parler de valeurs partagées.

Et pourtant…

Enfin un wake-up call pour l’Europe ?

L’Europe (ou le Japon) et l’Amérique seront pris dans un dilemme mutuel. Pour les Européens, tous les présupposés de l’après-Guerre froide depuis 1989 s’effondrent. C’est manifeste sur le plan des règles internationales où l’ONU, sapée d’abord par les Russes et les Chinois, et le multilatéralisme sont l’ombre d’eux-mêmes. Une génération de diplomates et de négociateurs commerciaux a voulu y remédier avec ce que les spécialistes nomment le "plurilatéralisme" - alliance moins que générale au nom du partage de valeurs et d’intérêts communs : un esprit de club. Il faut vraiment être un Européen attardé pour y songer aujourd’hui, pendant que d’autres tissent au mieux des coalitions d’intérêts, plus généralement des marchandages bilatéraux. D’autres chapelles vont tomber : avec la domination par les États-Unis des sources d’énergie et celle de la Chine sur la transition énergétique, l’Europe est prise en pince. Les coûts d’un système de protection sociale qui tient plus de l’assurance collective que d’une démarche d’investissement financier deviennent plus difficiles à assumer. Ceux qui n’ont cessé de déceler du "néo-libéralisme" derrière la moindre velléité de réforme risquent de faire connaissance avec le "miléisme" primaire : la "tronçonneuse", que Musk incarne si bien pour sa part.

Plus fondamentalement encore, l’Europe est face à deux défis impitoyables : la domination industrielle de la Chine par les coûts et de plus en plus par l’innovation. Et celle des États-Unis, par les capitaux aspirés et par l’essor du digital au sens le plus large. Oui, Donald Trump va menacer l’Europe de tarifs pour qu’elle réduise les excédents commerciaux, alors que les États-Unis sont la première destination des investissements européens. En un an, la détention de Bons du Trésor américain par des Français est ainsi passée de 222 à 330 milliards d’euros. Les plateformes et les services digitaux américains dominent le futur de la société européenne. Oui, Trump évoque déjà l’impératif de 5 % du PIB pour les dépenses militaires des membres de l’Alliance atlantique, alors que l’Amérique elle-même n’y consacre pas autant. Et en prime, il faudra acheter américain : l’asymétrie dans les marchés publics va devenir un enjeu important.

C’est à ce point de l’histoire qu’on arrive à une bifurcation décisive. Qu’il soit permis à un observateur de longue date des relations Europe-Chine de faire un parallèle avec la situation actuelle. Pendant une décennie (2008-2019) de flottement de la politique chinoise de l’Europe, cette dernière a varié dans ses priorités et ses éléments de langage, ne sachant en vérité à quel saint se vouer, et par incapacité de forger un consensus stratégique durable. C’est l’intransigeance chinoise qui a finalement donné une ligne directrice en 2019. 

Aujourd’hui, à une échelle bien plus grande encore, l’Europe multiplie les objectifs qui pour des raisons financières et politiques sont de plus en plus incompatibles entre eux. 

Décarboner, mais avec quelles ressources, et en tous cas avec un fournisseur chinois incontournable ?

 

Poursuivre une autonomie stratégique, MAIS avec des armements largement nationaux (ou américains) et encore moins de coordination effective pour leur emploi : le ciment, c’est bien sûr l’OTAN. L’exemple de la Pologne, en tête du réarmement mais avec des fournisseurs américain et coréen, illustre les limites actuelles de l’autonomie stratégique. 

Ceux qui n’ont cessé de déceler du "néo-libéralisme" derrière la moindre velléité de réforme risquent de faire connaissance avec le "miléisme" primaire : la "tronçonneuse", que Musk incarne si bien pour sa part.

Sauver la compétitivité économique ET la protection sociale, cette dernière d’une ampleur il est vrai très variable selon les pays. 

Assurer les risques souverains en les mutualisant, mais SANS véritable marché des capitaux ni union bancaire, et avec une surveillance budgétaire politiquement dépourvue de réels moyens de contrainte.

Tous ces objectifs ont été poursuivis parce que la politique le dictait, et parce qu’un grand marché avec une épargne (trop) abondante a des capacités de résistance, comme la crise de l’euro de 2010 l’a démontré.

Mais les défis sont bien plus pressants aujourd’hui. Ce sont non pas l’un mais bien nos deux partenaires économiques majeurs - la Chine et les États-Unis - qui ont une stratégie de négociation, de pression et de chantage bilatéraux au sein même de l’Europe. Au-delà de réactions épidermiques - après tout, les élites européennes ont si bien vitupéré le trumpisme que Musk et compagnie peuvent aussi leur rendre la monnaie de leur pièce - il y a des terrains de rétorsion. Il faut répliquer aux ingérences massives et ouvertes - par exemple, 100 millions de dollars pour faire perdre les élections au gouvernement britannique, aboutissement étonnant d’une "relation spéciale" du Royaume-Uni avec les États-Unis depuis 1940 au moins.

L’entreprise de propagande et de désinformation que chacun peut constater avec X, à l’algorithme dévoyé, vaut bien les craintes exprimées à propos de TikTok. Et l’Amérique a assez observé le jeu chinois avec l’Europe pour s’en inspirer, jouer des divisions nationales, ou de la vanité de tel ou tel dirigeant européen. La Commission européenne, qui a entrepris à la fois un grand travail de sécurité économique et négocié tout ce qu’elle a pu avec l’administration Biden, risque aujourd’hui d’être contournée ou même ignorée par les États-Unis, comme la Chine l’a fait. En un sens, par rapport aux dirigeants chinois, Donald Trump a le mérite de la franchise. 

Ne rentrons pas dans ce jeu. Au lieu de tirer sur le pianiste, renforçons les capacités et l’unité d’action de l’Union européenne - en vue d’objectifs ramassés et non d’une prolifération d’ambitions réglementaires. Choisir n’est pas toujours un renoncement, mais du réalisme économique et stratégique.

Car le danger est aussi en notre sein. Devant la difficulté ou l’impossibilité de concilier les intérêts européens dans une stratégie commune, devant l’incapacité européenne à assurer ou même définir une fin de conflit en Ukraine, c’est l’Europe et ses institutions qui seront blâmées. La leçon politique du trumpisme n’est pas perdue pour ses émules européens des deux bords : le mensonge paie. Une grande partie des électorats et des classes politiques peuvent se réfugier dans un repli protectif et neutraliste : "ce n’est pas notre affaire", "charbonnier est maître chez soi", "les Français (ou les Allemands, les Néerlandais, les Italiens…) d’abord". Notre histoire politique est riche de ces replis qui se terminent en déroute.

La voie est étroite. Avec la Chine, nous n’avons pas de relation stratégique, mais un immense défi commercial et industriel. La Russie est pour elle un instrument de sa propre puissance, car elle mobilise les forces du rival européen et de l’adversaire américain. Il n’y a pas de relation d’équivalence avec le défi américain, car les intérêts communs avec la Chine sont des plus limités. Trianguler avec les deux partenaires, en pratique marchander avec la Chine pour contrer les agissements douaniers ou autres des États-Unis, peut apparaître de bonne guerre. Mais cela se heurte à cette vérité constante que la Chine négocie avec les forts et non avec les faibles. L’alliance de revers chinoise, c’est la Russie et non l’Europe. Son premier défi économique externe, ce sont les États-Unis et leurs leviers d’action.

En outre, sans prédire l’avenir de la vie politique américaine, l’engagement chinois contre l’usage du droit international, la menace collective de sa militarisation accélérée, restent un plus grand danger. Il faut sauver ce qui peut être sauvé du bouclier américain. Le désigner comme tel ne veut pas dire y renoncer.

Au lieu de tirer sur le pianiste, renforçons les capacités et l’unité d’action de l’Union européenne - en vue d’objectifs ramassés et non d’une prolifération d’ambitions réglementaires.

Pour cela, il faut aussi faire entendre raison à Donald Trump. Cela s’annonce difficile. A-t-il seulement un horizon au-delà de son second et dernier mandat, ou d’une suprématie américaine sans partage ? Lui et Elon Musk comprennent-ils qu’en encourageant dans les démocraties les répliques chauvines de MAGA, ils isolent à terme l’Amérique ? A-t-on jamais vu une alliance solide et durable de régimes nationalistes et autoritaires ou illibéraux ?

Comprennent-ils qu’en agitant un bluff d’invasions et de sanctions diverses ils accréditeront dans les opinions publiques une relation d’équivalence avec les agressions russes et le travail de sape chinois ? 

Pour l’instant, ces arguments seront inaudibles à Washington. L’établissement de multiples rapports de force prime. Les opinions publiques sont d’ailleurs méprisées - là où la Chine utilise sa muraille digitale et son armée de trolls, Musk compte sur les algorithmes. L’ahurissante campagne électorale de Donald Trump lui a démontré que les faits comptent peu par rapport à ce qu’on en dit. Mystique, mythologique ou même mythomaniaque, la démarche du Prophète a payé.

L’Union Soviétique n’avait jamais pu "construire le socialisme dans un seul pays". Les trumpiens comptent sur une campagne idéologique au sein des démocraties pour éviter l’isolement stratégique. Ils ont pour cela de sérieux atouts, et Elon Musk est pour eux une ressource précieuse ; polariser les débats comme un gigantesque champ électrique, en focalisant leurs thèmes et en réduisant l’information à des décharges émotionnelles, c’est dans l’ordre des media sociaux l’équivalent de l’invention du courant alternatif par… Nikola Tesla ! 

L’épuisement du progressisme ou de la social-démocratie européenne qui profitent à des boutefeux, l’asphyxie des conservateurs - sur le modèle du Parti républicain - par ses concurrents identitaires pratiquant la politique à l’estomac, sont autant d’avertissements. 

Il faut donc croire en la force des idées positives, surmonter le Cartel des Non, cette spécialité parlementaire française. N’accablons pas ceux qui réussissent à être, même brièvement ou partiellement, des acteurs de ce sursaut. Les politiques américaine et chinoise, elles, sont incarnées, ô combien.

Copyright image : Brandon Bell / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Le 19 novembre 2024, Donald Trump et Elon Musk assistent à un lancement de SpaceX à Brownsville, au Texas.

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