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L’influence comme fonction stratégique, un funambulisme pour démocrates

L’influence comme fonction stratégique, un funambulisme pour démocrates
 Jonathan Guiffard
Auteur
Expert Associé - Défense et Afrique

Dissuasion, prévention, protection, intervention, connaissance, anticipation et ... influence : cette 6e fonction stratégique, officiellement reconnue en 2022, questionne. En quoi se distingue-t-elle de la propagande ? Quelles lignes rouges doivent être posées ? Dans cette analyse, Jonathan Guiffard appelle à inventer une grammaire démocratique de l'influence qui conserve aux régimes libéraux leur avantage moral.

Le 1er juillet 2025, un rapport parlementaire intitulé "l’opérationnalisation de la nouvelle fonction stratégique influence" a présenté des premières conclusions sur la politique française de l’influence. Ce sujet central sera aussi vraisemblablement à l’ordre du jour de la nouvelle revue nationale stratégique qui devrait bientôt être présentée. Le dispositif d’influence et de lutte contre la désinformation, remodelé depuis 4 ans, arrive progressivement à maturité et devient de plus en plus important dans la politique étrangère française, raison pour laquelle il est primordial de se pencher sur ses risques et ses opportunités.

Dans son discours du 9 novembre 2022, prononcé à Toulon, le président de la République française avait en effet présenté la dernière revue nationale stratégique (RNS), document de synthèse interministériel proposant une nouvelle analyse des menaces qui pèsent sur la France et un cap stratégique pour les Armées et les acteurs de la politique étrangère. À la page 8 de la RNS, établi comme le 11e point de l’introduction, on pouvait y lire : "L’influence est érigée en fonction stratégique. Volet aujourd’hui essentiel à l’expression de puissance, cette nouvelle fonction constitue un élément clé de notre capacité à promouvoir les intérêts de la France et à contrer les actions de nos compétiteurs sur tout le spectre de l’hybridité". Les cinq fonctions stratégiques (dissuasion ; prévention ; protection ; intervention ; connaissance et anticipation) étaient alors complétées par l’influence, une nouvelle fonction qui devait faire l’objet d’un travail complexe et continu de définition et de doctrine, notamment au sein des ministères des Affaires étrangères et des Armées.

Le dispositif d’influence et de lutte contre la désinformation, remodelé depuis 4 ans, arrive progressivement à maturité et devient de plus en plus important dans la politique étrangère française.

Concrètement, il s’agit aujourd’hui pour la France de mettre en œuvre des ressources, des capacités et des processus pour se prémunir contre les actions d’influence politique et stratégique de pays adverses ou rivaux, mais aussi de s’organiser pour pouvoir y répondre, notamment par la promotion de son système de valeurs et de ses intérêts.

Sur le plan strictement militaire, cette fonction cherche aussi à donner aux Armées les moyens de façonner, en leur faveur, l’environnement de leurs opérations militaires afin de maximiser les chances d’atteindre les objectifs tactiques et stratégiques qui leur ont été fixés.

Alors que ce processus de construction prendra du temps et s’améliorera à l’épreuve du feu (voir les révélations de juin 2023 et novembre 2023 sur la campagne de désinformation RRN/Doppelganger), cette réflexion gagnerait à bénéficier d’une prise de recul sur les opportunités et les risques stratégiques de cette fonction pour la France, si celle-ci n’est pas abordée avec philosophie et retenue. Comme toute politique publique, elle doit faire l’objet d’une réflexion pour s’assurer de sa pertinence et de son efficacité, mais aussi pour en limiter les effets contre-productifs. Dans le domaine de la perception des individus et de la confrontation des discours politiques, cette mise en garde apparaît importante. Le point essentiel : l’influence ne se pratique pas de la même manière en démocratie et en autocratie.

Une (r)évolution à opérer : rapprocher attractivité et sécurité nationale

L’influence politique, diplomatique et culturelle a toujours été une dimension importante de la politique étrangère. Le terme soft power est venu enrichir cette grammaire, à la lumière de l’influence douce et démesurée de la puissance culturelle et normative américaine dans le monde. De même, la propagande, les opérations psychologiques et la maîtrise du champ de l’information dans des conflits militaires sont aussi des constantes des doctrines militaires, de longue date et particulièrement au XXe siècle. Alors pourquoi parle-t-on d’influence aujourd’hui et pourquoi en faire une fonction stratégique ?

Plusieurs dynamiques récentes se croisent.

  1. La crise de légitimité interne des démocraties qui structure progressivement les scènes politiques nationales a ouvert une brèche exploitable par des systèmes politiques concurrents ou adverses, notamment dans les pays autocratiques. Ce constat fait écho aux recherches de Raymond Aron qui soulignait que les relations internationales n’étaient pas seulement structurées par des rapports de force militaires et la défense des intérêts nationaux, mais aussi par des confrontations de modèles politiques et de système de valeurs.
  2. L’accélération de la mondialisation des flux de marchandises, d’individus et de communications a fortement accru nos interdépendances, ce qui rend ces dernières susceptibles d’instrumentalisation. Ainsi, la révolution numérique augmente ce phénomène d’interdépendance, mais aussi le tempo des échanges (instantanéité, réseaux sociaux). Le débat public est mondial et les scènes nationales sont suivies étroitement ou intégrées par des acteurs extérieurs.


Dans sa théorie de la civilisation, le sociologue Norbert Elias évoque un processus socio-historique soutenu par un accroissement continu des chaînes d'interdépendances entre les individus et les tribus/peuples/nations. Celles-ci augmentent la portée de cercles d’identification mutuelle qui amènent les individus à se "civiliser" par un phénomène d’auto-contrainte (normative, social, guerrière…). Or, selon Elias, si les cercles d’identification mutuelle permettent progressivement à des individus différents de converger et vivre ensemble, l’accroissement des interdépendance est d’abord source de fortes tensions, spécifiquement dans les périodes intermédiaires où le cercle d’identification mutuelle n’est pas encore partagé par les individus nouvellement reliés entre eux. Cette théorie embrasse bien le phénomène actuel d’accroissement des tensions du "village global", notamment dans l’espace numérique.

La crise de légitimité interne des démocraties qui structure progressivement les scènes politiques nationales a ouvert une brèche exploitable par des systèmes politiques concurrents ou adverses, notamment dans les pays autocratiques.

Ainsi, trois dimensions de l’influence se relient de plus en plus dans un continuum né de l’accroissement de ces chaînes d’interdépendances : l’attractivité d’un modèle politique, économique ou de valeurs ; l’influence diplomatique et culturelle projetée vers les autres pays ; la lutte contre l’ingérence étrangère et son corollaire offensif dans le cadre d’un conflit.

Alors que des travaux avaient déjà entamé une réflexion de fond sur ces enjeux en 2019, notamment à l’origine de la feuille de route de l’influence, présentée le 14 décembre 2021 par le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, les autorités politiques, diplomatiques et militaires françaises ont pris conscience de manière tragique et aiguë de l’existence de ce continuum lors de l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, ou dans le cadre du bras-de-fer politico-stratégique au Sahel, à partir de début 2021. Dans ces deux cas, des acteurs étrangers ont manipulé ou amplifié, via des actions d’influence numérique et diplomatique, des phénomènes intégrant des éléments du débat intérieur français, de l’attractivité du modèle français et du positionnement international de la France.

Pour cette raison, une évolution est en cours pour définir une nouvelle manière intégrée, agile et robuste de résister, répondre et utiliser ces nouveaux enjeux mêlant soft et hard power

La légitimité, garante des opérations d’influence démocratiques

La mise en œuvre de politiques d’influence et de désinformation systématiques par la Russie, pratiques reprises par de plus en plus de puissances (Chine, Inde, Turquie…), a poussé les démocraties occidentales à réinvestir ce champ dans une logique défensive. Ces dernières les avaient intégré au champ militaire (concept américain de ‘information dominance’), en oubliant la dimension civile. Fortes de leur ancienne suprématie dans le champ de l’information, les démocraties occidentales n’étaient pas prêtes à se faire bousculer par des approches agressives, fondées sur la saturation, le mensonge et le pourrissement volontaire du débat. Là où ces puissances espéraient maintenir un ordre international régulé, démocratique et libéral, par le soft power et la promotion de leurs valeurs, elles se sont vues contournées par des pratiques définies "sous le seuil", au sens où ces dernières sont volontairement agressives et cherchent à blesser (ici le tissu social et la légitimité des autorités) tout en restant sous le seuil de l’agression armée. Cette impréparation, qui tient partiellement de l’hubris, n’a pas permis aux démocraties de définir une grammaire de l’influence et de l’utiliser pour identifier les attaques bien en amont.

Ainsi, même si les démocraties ont décidé d’investir ce champ, il est impératif que les approches restent différentes dans les démocraties et les autocraties. En effet, la pratique de l’influence ou de la communication stratégique (STRATCOM) touche aux perceptions, aux idées et aux valeurs : elle a une importante composante politique. Si les menaces dites hybrides sont en effet des outils que les démocraties et les partenaires de l’OTAN pourraient utiliser pour se défendre ou pour obtenir des gains, ils ne devraient pas les utiliser sans retenue, à l’inverse de la pratique des autocraties.

Les opérations d'influence sont très difficiles à distinguer de la politique normale. Or, influencer la politique dans un système démocratique est une violation des institutions et des règles communément admises pour que le débat démocratique soit serein et légitime.

En effet, il y a un enjeu central pour les démocraties : la légitimité politique et publique de leur action. Les opérations d'influence sont très difficiles à distinguer de la politique normale. Or, influencer la politique dans un système démocratique est une violation des institutions et des règles communément admises pour que le débat démocratique soit serein et légitime.

Il n’en va pas de même dans une autocratie, où le pouvoir ne cherche pas à renforcer les institutions du "vivre-ensemble contradictoire" mais bien à asseoir son pouvoir. La légitimité est donc un point cardinal dans ce domaine.

En matière de relations internationales et de concurrence stratégique, les règles ne peuvent pas être les mêmes pour les différents acteurs, même s'il est légitime de répondre aux agressions des autocraties. Cette légitimité se fonde aux yeux de l'opinion publique et par le respect des institutions et d’un corpus de valeurs partagées. Une opération d’influence finira par être connue : elle sera donc jugée à l’aune de cette grille de légitimité.

Lorsque les États-Unis sont accusés de polariser volontairement le débat public iranien ou que l’armée française est suspectée d’animer des réseaux de bots sur les réseaux sociaux africains pour promouvoir l’action de la France, on constate bien la tentation d’utiliser ces outils de la même manière que les autocraties. La firme américain Graphika avait produit un rapport donnant quelques exemples intéressants d’opérations d’influence occidentale.

Ainsi, 

  • Si une opération d’influence s’inscrit dans une logique défensive, elle peut être considérée comme 100 % légitime. Cette logique défensive est attendue des institutions par la population. Tous les moyens sont bons pour y répondre et pour y mettre fin, avec la retenue usuelle caractéristique d’un respect du droit international et d’un corpus de valeurs démocratiques. 
  • Si une opération d’influence est de nature offensive et qu’elle a pour but de dissuader un adversaire menaçant ou d'affaiblir un concurrent avant qu'il ne vous attaque, le cadre de légitimité est un peu différent : tous les moyens ne sont pas utilisables dans le cadre des opérations d’influence
  • Si une opération d’influence est de nature offensive, ayant pour but d'obtenir des avantages stratégiques en général, il n’est certainement pas possible d’utiliser tous les moyens d’influence, notamment militaires. 
  • Dans le cadre stratégique d’un conflit ou tactique d’une opération militaire, l’utilisation d’opérations d’influence est légitime aux yeux de la population (sauf, naturellement, si le conflit lui-même n’apparaît plus comme légitime).

Ces distinctions sont très importantes car l’essence même de l’influence dans le domaine de la sécurité nationale, comme son lien passé avec la propagande et les opérations psychologiques, rend très floue ses pratiques et porteuses de risques. À l’ère de l’information, des théories du complot et des réseaux sociaux, ce risque est démultiplié. Les démocraties occidentales sont les grandes puissances de ce monde : dans ce cadre, elles doivent montrer l’exemple et agir avec retenue pour rester dans le cercle de la confiance et de la légitimité des opinions publiques.

Cette nécessaire typologie s’inscrit plus largement dans un besoin de définition et de doctrine, car la prise en compte politique de ces opérations d’influence vient d’abord d’une analyse des opérations adverses, notamment russes, ce qui implique que les démocraties sont dans la logique réactive et défensive décrite plus haut. Il est important de concevoir une grammaire démocratique de l’influence.

Si la tâche des démocraties est de construire et de maintenir un ordre fondé sur des règles, l’objectif des autocraties est de l’affaiblir. En tant que démocratie, un État a la responsabilité de rétablir l’ordre : c'est un sacerdoce plus difficile que de le détruire, à l’image d’un château de sable. La conclusion est donc que les démocraties devraient essentiellement utiliser les instruments de l’influence pour faire respecter un ordre international fondé à la fois sur des règles claires, sur un pluralisme d’opinions, mais dans un cadre de vérité partagé. Par conséquent, dès lors que les démocraties jouent un "sale jeu" avec des pratiques d’influence dignes des autocraties, notamment dans la guerre cognitive, elles participent de l’affaiblissement de cet ordre international et font le jeu de leurs concurrents. C’est la leçon la plus importante : rétablir la vérité et la consolider doit être la mission principale de la fonction influence pour une démocratie.

Ce rétablissement de la vérité sera d’autant plus efficace qu’il s'inscrit dans trois temporalités distinctes : l’instantanéité du temps des médias et des réseaux sociaux ; la temporalité de court et moyen terme de la formulation et transmission des idées ; le temps long de la coopération et de la structuration d’un ordre international stabilisé.

Sur le plan militaire, la retenue et la précision

Alors que les autocraties peuvent utiliser plus de ressources et agir sans les mêmes limites que les démocraties, il est important de comprendre qu’en démocratie, ces limitations protègent et légitiment l’action des militaires. Lorsque ces derniers veulent jouer sur le même terrain que leurs adversaires, même si cela est tentant et permet parfois des gains rapides, c’est une erreur fondamentale. Pour rester puissant dans la durée, il faut conserver l’avantage moral. Les menaces hybrides ne sont pas des menaces assez dangereuses pour justifier de perdre cet avantage. Elles sont réelles, il est important de les reconnaître et de les combattre, mais elles ne justifient pas de perdre cet avantage moral, même temporairement.

Pour rester puissant dans la durée, il faut conserver l’avantage moral. Les menaces hybrides ne sont pas des menaces assez dangereuses pour justifier de perdre cet avantage.

Pour l'État, notamment les armées, deux champs d’actions sont parfaitement légitimes : la défense vis-à-vis d’opérations d’influence et les opérations offensives en cas de conflit. Dans ces deux cas, il est normal d’utiliser tous les moyens à votre disposition, mais une ligne rouge demeure. À ce titre, les opérations d’influence secrètes ou clandestines apparaissent légitimes dans certains contextes et objectifs, très précis et très délimités. Elles doivent être utilisées judicieusement et avec parcimonie.

L’influence offensive ou préemptive, par la masse ou la saturation, est un outil des autocraties, non employables par les démocraties car facilement dénonçables. Pour une démocratie, la logique de saturation et d’amplification par la masse peut seulement servir une politique authentique et positive d’influence, c’est-à-dire les aspects de soft power et d’attractivité. L’authenticité garantit l’adhésion, le mensonge non.

Si les partisans de la démocratie et de l’ordre international sapent les valeurs démocratiques fondamentales pour obtenir un avantage à court terme, ils seront perdants à la fin. Ainsi, si vous essayez d’affaiblir un adversaire en augmentant la dissension entre ses citoyens, ses communautés et le reste de la société, vous serez perdant à la fin. De la même manière, si vous ciblez une personne spécifique et contribuez à sa poursuite en justice, vous serez légitime ; mais si vous souhaitez le salir, lui ou ses proches, en entrant sur un terrain personnel, vous serez perdant.

La nature des opérations d’influence et des messages distillés constitue une ligne fine qu’il convient d’appréhender comme un funambule.

C’est la raison pour laquelle la dimension offensive de la fonction influence doit être soigneusement conçue par les militaires, avec l’aide de civils ayant une formation en sciences sociales. Elle doit proposer une doctrine toute en retenue, précise, rusée, sage, avec des opérations sur-mesure et s’intégrant dans les codes politiques, sociaux et culturels des cibles visées. L’inverse du modèle de masse et de saturation prôné par les autocraties. Ce point est d’autant plus important que dans le monde de l’influence, toute erreur peut être utilisée contre vous.

L’influence au service d’une vision politique et stratégique claire

Deux constats découlent de ce raisonnement :

  1. Si chaque erreur peut être utilisée contre vous, vous devez réduire vos vulnérabilités. Même si vos actions sont légitimes, il est facile de vous cibler et de vous attaquer si vous avez des responsabilités et des vulnérabilités politiques, historiques et stratégiques. La politique africaine de la France illustre ce dilemme.
  2. La communication stratégique politique et diplomatique est aussi importante pour les démocraties que l’influence. Or, il apparaît que la communication stratégique reste encore faible dans les démocraties, en raison d’un manque d’organisation. Dans une démocratie, il est plus difficile d’avoir un discours politique unique et cohérent, car la transparence, la nuance, la complexité et le débat sont des valeurs cardinales. Le pluralisme et la liberté des médias est aussi un facteur. Il est plus facile pour une autocratie de construire, de soutenir et de faire adopter à toute la verticale administrative et politique une position unique et simple.


En conclusion, l’influence et la communication stratégique ne sont efficaces que lorsque les autorités politiques ont une vision stratégique claire. Les rivalités géopolitiques s’incarnent avant tout dans un affrontement politique. L’influence est un outil intéressant et utile pour l’armée et les diplomates, mais ce n’est qu’un moyen de poursuivre des objectifs politiques.

Dans l’espace africain, au sein duquel de nombreuses opérations d’influence sont très bien documentées, ce raisonnement est illustré. Par exemple, l’efficacité de la machine de désinformation et d’amplification russe ne fonctionne que parce qu’elle illumine et amplifie des problèmes préexistants entre les responsables français, ouest-africains et leurs opinions publiques. Il s’agit bien de jouer sur des problématiques éminemment politiques. De même dans le domaine des pratiques : lorsque les militaires occidentaux tentent d’influencer les esprits avec de faux comptes sur les réseaux sociaux, leur action perd toute légitimité, parce qu’ils sont issus de nations démocratiques et qu’ils ne devraient pas se comporter de cette façon. À l’inverse, les démocraties sont fortes dans le domaine cognitif lorsqu’elles utilisent correctement et légitimement leur influence : le démontage de l’opération de désinformation russe de Gossi (Mali) en est l’illustration parfaite.

Ce serait une erreur fondamentale de la part des militaires, des diplomates ou des officiers de renseignement de penser que l'influence et la communication stratégique sont leurs responsabilités : c’est la responsabilité des autorités politiques élues démocratiquement.

Si les autorités politiques des démocraties ne préparent pas une vision stratégique forte, claire et pérenne, ou si elles changent fréquemment d’objectifs et de positions, les opérations d’influence ne seront pas efficaces. Ce serait une erreur fondamentale de la part des militaires, des diplomates ou des officiers de renseignement de penser que l'influence et la communication stratégique sont leurs responsabilités : c’est la responsabilité des autorités politiques élues démocratiquement, ces corps administratifs n’étant que les chevilles ouvrières de la vision dans ce domaine.

Le président, le gouvernement et les élus doivent participer eux-mêmes à cette rivalité internationale avec clarté, modération et fermeté, en défendant les valeurs démocratiques et libérales.

Comme d’autres acteurs de la société civile (chercheurs, journalistes, artistes, influenceurs…), les responsables politiques doivent aussi améliorer notre politique d’influence, en participant à élever le débat public par la modération des propos et la hauteur de vue, afin de renforcer notre attractivité et le poids de notre voix, tout en sortant d’une forme de naïveté à l’égard des logiques d’ingérence étrangères.

Copyright image : Ludovic MARIN / AFP

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