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21/08/2024

[Gouverner avec son opposant] - Belgique : (dés)accords de coalition

[Gouverner avec son opposant] - Belgique : (dés)accords de coalition
 Emilie van Haute
Auteur
Professeure au Département de science politique de l’Université libre de Bruxelles

Tout l'été, l'Institut Montaigne s'intéresse aux pratiques de compromis, de cohabitation et de coalitions en Europe et dans le monde. Ce septième épisode nous emmène en Belgique, pays réputé pour sa difficulté à former un gouvernement. En 2010-2011, le record de cinq cent quarante et un jours avait été atteint. À la chute de la coalition du libéral Charles Michel, en décembre 2018, il fallu attendre 21 mois pour la formation d’un nouveau gouvernement, baptisé “coalition Vivaldi” en référence au célèbre concerto des Quatre saisons, avec lequel il partageait une composition quadripartite ainsi que, peut-être, le qualificatif de baroque. Comment harmoniser le disparate ? Quels sont les risques de dissonances entre Bruxelles, Wallonie et Flandre, les trois régions belges, et quelle partition suit le chef d’orchestre de ce gouvernement fédéral ? Comment analyser les difficultés de la tentative du nationaliste flamand Bart De Wever pour mettre en place une large coalition de gouvernement, lui qui a de nouveau été nommé négociateur  le 2 septembre, après l’échec de ses tentatives estivales ? Entretien avec Émilie VAN HAUTE.

Le débat politique en France se concentre aujourd’hui sur les notions de coalitions, de cohabitation et de compromis. Quelle est la place de ces notions dans la culture politique et institutionnelle belge ? Quels sont leurs grands fondements théoriques, historiques et philosophiques ?

En Belgique, les gouvernements de coalition sont chose courante, à l’instar d’un grand nombre de démocraties représentatives occidentales, mais ce qui singularise la Belgique est la culture de compromis, héritage de l’Histoire, alors que, en tant que monarchie parlementaire, la question de la cohabitation ne s’y pose pas. Originellement, le système politique belge était très proche du modèle français : la France avait occupé la Belgique en 1793 et lors de la déclaration d’indépendance, le 4 octobre 1830, le souvenir institutionnel du régime napoléonien a laissé des traces. La Belgique s'est dotée d'un régime parlementaire, et progressivement deux partis ont émergé, à travers le bloc des catholiques et celui des libéraux, dans un système majoritaire impliquant l’alternance entre le parti au pouvoir et l'opposition.
 
Au fur et à mesure que la révolution industrielle modifiait les structures sociales, un nouveau courant politique est né pour représenter les ouvriers : les sociaux-démocrates. Ceci, joint à l’avènement du suffrage universel masculin, a reconfiguré les dynamiques politiques. Le parti catholique s’est maintenu au nord mais le parti ouvrier s’est implanté au sud, au risque de reléguer aux oubliettes les libéraux. Ces derniers ont donc favorisé, en 1899, l’instauration d’une représentation proportionnelle, mettant fin au bipartisme "à la française" et facilitant l’entrée de nouveaux partis sur la scène politique, quitte à fragmenter le paysage partisan.

Cette culture du compromis est aussi due à une spécificité inhérente à la société belge, par opposition à la démocratie de type majoritaire, celle d’un fonctionnement consociatif. On parle de fonctionnement consociatif quand une société fortement divisée fonctionne selon des piliers nettement distincts voire parallèles. Ainsi, en Belgique, catholiques, libéraux et socio-démocrates ne sont pas uniquement des tendances politiques : de chacun de ces mouvements ont émané des segments entiers de la société. Église, parti, écoles, mouvements de jeunesse, groupes de femme ou d’ouvriers, syndicats, mutuelles… Les réseaux de socialisation coexistaient et restaient le plus souvent imperméables les uns des autres. Aujourd’hui, ce sont les communautés linguistiques française, germanophone et flamande qui restent hermétiques. Les contacts entre cercles de sociabilité se font à partir des élites mais demeurent quasi inexistants au sein de la société civile. Ceci a pu occasionner des conflits sociaux, notamment concernant les établissements scolaires (on a parlé de "guerres scolaires") et la place de la religion mais aussi à propos de questions linguistiques et culturelles. C’est par des compromis noués au sommet que ces tensions sociales très vives ont été pacifiées.

En Belgique, catholiques, libéraux et socio-démocrates ne sont pas uniquement des tendances politiques : de chacun de ces mouvements ont émané des segments entiers de la société.

Après la Seconde Guerre mondiale, les questions communautaires ont pris le dessus, contraignant les décideurs à inventer le modus vivendi d’un mode de fonctionnement consociatif - une société divisée, des élites travaillant aux compromis (à l’instar de la Suisse ou des Pays-Bas).

Les institutions belges ont-elles été imaginées pour favoriser des coalitions, ou cette pratique relève-t-elle avant tout de l’usage et de la pratique ?

Mettre des coalitions en place s’est progressivement avéré indispensable après l’adoption de la représentation proportionnelle, dont l’objectif était d’intégrer toutes les forces en présence et de faire place à la diversification des préférences politiques des électeurs. Les coalitions se sont d’abord traduites selon le format assez classique d’une alliance entre deux des trois partis principaux de la vie politique belge : les démocrates-chrétiens pouvaient choisir de gouverner à gauche avec les socio-démocrates ou à droite avec les libéraux. Mais la donne a changé et le paysage s’est complexifié quand, au niveau fédéral, chaque parti s’est scindé en deux ailes linguistiques, passant de trois à six partis. Cela a commencé en 1968 avec les démocrates-chrétiens puis les libéraux et enfin les socialistes. C’est ensuite avec de nouveaux entrants qu’il a fallu composer : d'abord les régionalistes, puis les Verts, l'extrême droite et plus récemment l'extrême gauche. Ainsi, deux systèmes partisans coexistent en Belgique, avec une version du même parti côté francophone et côté flamand : deux partis libéraux, deux Verts, deux sociaux-démocrates etc.

Outre le grand nombre de partis, la Belgique doit aussi composer avec la représentation de ses communautés linguistiques. La Belgique a alors choisi d’adopter des règles pour institutionnaliser au niveau fédéral cette pratique du compromis. La Constitution dispose ainsi que le gouvernement, au niveau fédéral, doit comporter sept ministres néerlandophones et sept ministres francophones, ce qui va obliger chacune des deux communautés au dialogue.

Mathématiquement, le chef de gouvernement qui veut former une coalition doit donc tenir compte non seulement des urnes mais aussi des communautés, cherchant à coopérer avec les partis frères de l’autre communauté ainsi qu’avec les partis idéologiquement proches et réfléchissant, dans les négociations en vue de former une coalition, par famille. Cette symétrie, qui facilitait la formation de coalition, a fonctionné jusqu’aux années 2010.

Les rapports de force sont très différents selon les régions : les démocrates-chrétiens ont longtemps dominé en Flandre, alors que du côté francophone, ce furent surtout les socio-démocrates qui eurent l’avantage. En vertu de cette asymétrie, il est avantageux pour les "petits frères" de s’associer avec leur double régional.

Les rapports de force sont très différents selon les régions : les démocrates-chrétiens ont longtemps dominé en Flandre, alors que du côté francophone, ce furent surtout les socio-démocrates qui eurent l’avantage.

Les difficultés belges à former un gouvernement sont notoires et, en cinquante ans, le pays a connu six réformes institutionnelles : comment l’expliquer ? Cela est-il valable aussi bien au niveau fédéral que régional ?

Les difficultés à former un gouvernement apparaissent principalement au niveau fédéral, moins au niveau régional où la dimension communautaire, de fait unifiée, simplifie les choses.
 
La constitution de coalitions au niveau fédéral est rendue plus compliquée dans les périodes où l’on ouvre le débat sur la réforme de l’État, sujet particulièrement engageant et clivant. D’autres facteurs aggravent les difficultés, notamment celui du parti qui sort en position de force : est-ce un parti à la dynamique centripète ou centrifuge ? Sera-t-il susceptible de rallier les partis de droite et ceux de gauche, malgré les configurations partisanes spécifiques de chaque région ? En général, l’espace francophone est plus à gauche tandis que la partie néerlandophone est plus à droite.

Cela n’a pas toujours été le cas, le basculement de la Flandre à droite s’est progressivement accentué dans les années 2000. La montée en force de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA, en français, "Alliance néo-flamande"), à partir des élections régionales et européennes de 2009, a compliqué la donne, entraînant une "droitisation" des forces de droite et donc une difficulté supplémentaire au moment de chercher une voie médiane avec les partis de gauche et du centre, fortement affaiblis côté néerlandophone, alors que du côté francophone, c’est le parti socialiste qui était dominant, face aux libéraux. Les élections européennes, fédérales et régionales belges de 2024 ont néanmoins reconfiguré le paysage : la Wallonie a viré à droite, facilitant ainsi les convergences avec la Flandre. Les socialistes francophones ne sont plus les interlocuteurs indispensables des coalitions.
 
Au niveau régional, l’équation est différente : les gouvernements régionaux ont de nombreuses compétences, si bien que l’absence de gouvernement au niveau fédéral ne signifie pas le blocage politique du pays. En cas de "panne" dans la formation d’un gouvernement, le gouvernement sortant au niveau fédéral se contente de gérer les affaires courantes et le pays fonctionne d’autant mieux qu’avec le temps, et par la force des choses, la notion "d’affaires courantes" s’est élargie et ne consiste plus seulement à répliquer des politiques existantes. C’est ainsi un gouvernement sortant qui a décidé de participer à l’opération militaire en Libye sous l’égide des Nations-Unies, en 2011, avec le soutien massif du Parlement. Parallèlement, les gouvernements régionaux se voient attribuer de plus en plus de compétences, si bien que le niveau fédéral est de moins en moins responsable. Dans les dernières crises gouvernementales, c’est toujours un événement extérieur qui a accéléré la formation d’un gouvernement : le gouvernement De Croo de 2020 a surgi du Covid, le gouvernement d’Yves Leterme de 2008 est issu de la crise économique et financière…

Comment analyser la période 2018-2020, où la coalition a mis vingt et un mois avant de se former ? Est-elle symptomatique d’une crise politique de la Belgique actuelle ?

Les urnes ont désigné des gagnants au profil très différents : ce qui a pris du temps fut d’éliminer petit à petit toute une série de scénarios. Le Vlaams Belang, parti d’extrême-droite flamand, est sorti en position de force (16,7 % des voix), tout en même temps que le Parti du travail de Belgique, PTB-PVDA, d’extrême-gauche, qui avait réalisé un score de 5,3 %. Ces partis radicaux, sortis gagnants du scrutin, ne pouvaient pas être négligés, quoique leur entrée dans une coalition fût peu probable.

Dans les dernières crises gouvernementales, c’est toujours un événement extérieur qui a accéléré la formation d’un gouvernement.

Les partis traditionnels, sortis affaiblis du scrutin, ont dès lors dû préparer l'opinion publique à l'exclusion des radicaux, avant de former un gouvernement appuyé sur des forces minoritaires. Le libéral Charles Michel a pris le temps de consulter le Vlaams Belang et le PTB pour évaluer les hypothèses de coalition avant de prendre acte de l’incapacité à trouver un compromis.

Face à la fragmentation du paysage politique, le gouvernement a été obligé de réunir sept partis, qui ont accepté de mettre de l’eau dans leur vin : le Parti socialiste (PS), les Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V), l'Open Vlaamse Liberalen en Democraten (Open VLD), le Mouvement réformateur (MR), Vooruit (social-démocrate néerlandophone), les Écologistes et Groen (deux partis écologistes). Les formations politiques belges ont appris depuis longtemps à faire preuve de pragmatisme pour réduire leurs exigences mais la nécessité de "tester" des scénarios de coalition avec des partis intransigeants est une nouvelle donne politique qui rallonge le processus. De plus, tout accord de coalition doit être validé en congrès par les membres du parti qui veut le conclure : étape qui suscite des difficultés supplémentaires…
 
Dans ce contexte de 2019, où les gagnants avaient des profils très différents, entre progressistes de gauche radicale côté wallon, droite et droite radicale en Flandre, la culture politique belge a fait valoir ses atouts : elle est capable de définir dès le départ des accords de gouvernement qui vont déterminer la ligne politique à suivre lors des cinq ans à venir. La phase de négociation dure nécessairement assez longtemps puisque toutes les forces en présence s’attachent à bétonner autant que possible leurs acquis dans cet accord de gouvernement et à conserver les grandes lignes présentées à leurs électeurs. Les nouveaux partis, moins chevronnés, sont souvent les maillons faibles de ces négociations très fines : ainsi, la N-VA, lors de sa première participation à des négociations, s'est rapidement rendu compte de cet écart en termes de préparation par rapport au parti socialiste.

Le concept de "cordon sanitaire" a-t-il du sens dans la vie politique belge, alors que l’on assiste à la montée d’une extrême droite xénophobe et séparatiste (Vlaams Belang, "Intérêt flamand") ?

Au sein de l’espace francophone, l’extrême-droite était incarnée par de petits partis tenus à l’écart des autres forces politiques et même des médias par un cordon sanitaire ferme qui interdisait toute collaboration ou même toute discussion.

Du côté néerlandophone, existait un cordon sanitaire politique et médiatique mais les médias l’ont fait tomber : le Vlaams Belang est désormais invité sur les plateaux, quoique le cordon politique soit toujours en place au niveau fédéral. Il est en revanche depuis peu fragilisé au niveau local et est remis en question dans deux municipalités belges. En 2024, Bart De Wever, à la tête de la Nouvelle Alliance flamande, a d’abord laissé planer le doute quant à la possibilité d’une alliance avec le Vlaams Belang mais s’est ensuite rétracté, expliquant qu’aucun parti francophone n’accepterait jamais de monter une coalition avec le parti séparatiste et que par conséquent, tout vote pour le Vlaams Belang était un vote perdu : c'est cela qui pourrait expliquer que la N-VA soit restée premier parti aux niveaux régional et fédéral, mais pas au niveau européen où la question de la participation gouvernementale est moins saillante, et donc le vote "utile" moins marqué.

En résumé, on peut dire que le cordon sanitaire a joué en yoyo : la progression électorale de l’extrême-droite, de 1991 aux années 2000, a été suivie d’une relative fatigue des électeurs qui constataient l’impuissance du Vlaams Belang au niveau fédéral. Ils se sont alors tournés vers l’Alliance néo-flamande, N-VA, de Bart De Wever, considérée comme une alternative plus pragmatique au Vlaams Belang. À mesure que le N-VA se normalisait, rejoignant le gouvernement et rompant avec sa ligne protestataire, les électeurs sont revenus au Vlaams Belang.

Au sein de l’espace francophone, l’extrême-droite était incarnée par de petits partis tenus à l’écart des autres forces politiques et même des médias par un cordon sanitaire ferme qui interdisait toute collaboration ou même toute discussion.

Quel bilan tracer de la mandature d’Alexander De Croo ? A-t-elle permis de mener des réformes à bien ?

Avec ses sept composantes, le gouvernement d’Alexander De Croo est le plus large que la Belgique ait connu. Le nombre élevé de parties prenantes ajoute de manière inhérente de la complexité aux négociations, alors même que de nombreuses réformes étaient attendues, sur des dossiers lourds d’enjeux à propos desquels les partis ne partagent absolument pas la même vision : réforme fiscale, réformes des pensions, sortie du nucléaire … Le tout, dans un contexte de crise (Covid, crise énergétique, inflation) qui a été paradoxalement profitable aux membres de la coalition, en les obligeant à mettre de côté leurs dissensions pour faire face, la gestion de crise imposant une sorte d’union nationale qui ne laissait pas beaucoup le luxe de se déchirer. Toutefois, dès que le Covid et les questions énergétiques ont eu disparu de l’actualité, les tensions sont revenues au galop. Finalement, le gouvernement De Croo n’a pas fait aboutir de réforme fiscale, s’est cantonné à une réforme minimaliste des pensions - seule apte à garder ensemble les socio-démocrates et les conservateurs - et s’est dédit sur la sortie du nucléaire, revenu en faveur après la crise énergétique, au nom de l’impératif de souveraineté.

Quelles sont les perspectives politiques actuelles, alors que Bart De Wever, désigné négociateur en chef au mois de juillet, vient de remettre son mandat au roi Philippe, prenant acte de son incapacité à former un gouvernement ?

Après les élections de 2024, un gouvernement fédéral alliant la N-VA, les libéraux francophones (MR), les ex-démocrates-chrétiens centristes francophones (Les Engagés), les démocrates-chrétiens flamands (CD&V), et les socialistes flamands (Vooruit) pourrait être formé. Ceci serait synonyme d’une reconfiguration politique importante en Belgique : tant au fédéral qu'au niveau régional, la Flandre se trouverait plus à gauche que la Wallonie, puisque le nouveau gouvernement wallon est composé des Engagés et du MR, sans que les socialistes ne participent, à l’inverse de la Flandre où Vooruit est pressenti pour participer au gouvernement flamand. Ainsi, la Belgique se trouve dans une situation inédite où les forces politiques en présence sont relativement convergentes entre les deux principales communautés, ce qui pourrait faciliter la formation du gouvernement fédéral. Il faudra néanmoins que les partis frères réussissent à s’adapter avec leur famille incomplète, puisque les socialistes flamands doivent se positionner sans leurs acolytes francophones et que, de même, les libéraux francophones se trouvent dépourvus de l’appui des libéraux flamands.

Face à cette situation complexe, Bart De Wever, nommé “formateur” du gouvernement fédéral par le roi Philippe, doit décider s’il est prêt à former un gouvernement de coalition sans majorité des 2/3 nécessaire pour une réforme de l'État

Face à cette situation complexe, Bart De Wever, président de l’Alliance néo-flamande N-VA, nommé “formateur” du gouvernement fédéral par le roi Philippe le 10 juillet, puis nommé à nouveau le 2 septembre après qu’il avait eu remis son mandat au roi Philippe le 22 août, doit décider s’il est prêt à former un gouvernement de coalition sans majorité des 2/3 nécessaire pour une réforme de l'État, reconduisant ainsi le choix pragmatique effectué en 2014 qu’il s’était pourtant engagé à ne jamais reproduire. La question de la réforme de l’État pourrait toutefois sembler moins prégnante, puisque Bart De Wever la justifiait principalement par les blocages dus à la nécessité de prendre en compte les socialistes francophones, or ceux-ci ont été défaits aux élections de juin. Il pourrait donc se contenter de mener à bien un agenda politique et socio-économique de droite au niveau fédéral, ce qui ne nécessiterait pas un gouvernement d’aussi large envergure que celui que nécessite une ambition réformatrice plus affirmée (auquel cas, le vote des 2/3 du Parlement est requis, ce qui signifie le soutien de tous les partis à l’exception des extrêmes). Bart De Wever s’est fixé pour échéance le 20 septembre, date à laquelle la Belgique (tout comme la France) doit remettre son “plan budgétaire structurel de moyen terme” à la Commission européenne (c’est-à-dire son programme d’ajustement budgétaire visant à rétablir son déficit excessif (4,4% en 2023 - 5,5% pour la France) au regard des critère du traité de Maastricht.

Il pourrait donc se contenter de mener à bien un agenda politique et socio-économique de droite au niveau fédéral, ce qui ne nécessiterait pas un gouvernement d’aussi large envergure que celui que nécessite une ambition réformatrice plus affirmée (auquel cas, le vote des 2/3 du Parlement est requis, ce qui signifie le soutien de tous les partis à l’exception des extrêmes). Bart De Wever s’est fixé pour échéance le 20 septembre, date à laquelle la Belgique (tout comme la France) doit remettre son "plan budgétaire structurel de moyen terme" à la Commission européenne (c’est-à-dire son programme d’ajustement budgétaire visant à rétablir son déficit excessif (4,4 % en 2023 - 5,5 % pour la France) au regard des critère du traité de Maastricht.

Bart De Wever, le président de l’Alliance néo-flamande (N-VA), dénonce les "blocages" de la Belgique fédérale et souhaite donner à la Flandre un maximum d’autonomie, quitte à se placer "en dehors de la loi" : comment jouent les divisions entre Wallonie et Flandre au moment de former une coalition ?

Les régions gagnent progressivement en compétence, au détriment du fédéral. L’objectif ultime de la N-VA, parti indépendantiste, est de progressivement déliter le niveau fédéral - considéré comme inapte, si ce n’est inepte, à mener une politique - au profit du niveau régional. Il semble toutefois que le gouvernement fédéral soit cette fois constitué plus vite que le gouvernement régional, ce qui met à mal une partie de la rhétorique de l’Alliance néo-flamande. Mais quelle que soit la diligence relative avec laquelle il sera constitué, et en dépit de la notoire créativité institutionnelle belge, un gouvernement doté d’une majorité simple restera impuissant à mener des réformes institutionnelles. Il restera l’option de travailler dossier par dossier, en lançant, pour ce qui concerne les compétences fédérales, des appels à projet ouverts aux régions volontaires, manière de déléguer à l’échelon régional certaines compétences sans mener de réforme institutionnelle et en donnant plus d’autonomie politique. L’ambition finale de l’Alliance néo-flamande demeure celle de l’indépendance complète.

Pour conclure cette discussion, quelles leçons la France pourrait-elle retenir du modèle belge dans la séquence politique inédite qu’elle traverse ?

Certes, toutes choses n’étant pas égales par ailleurs, le duplicata n’est ni souhaitable ni possible et "comparaison n’est pas raison". Néanmoins, la réflexion et la pratique politiques françaises peuvent se trouver enrichies par l’exemple belge. La France pourrait ainsi retenir au moins trois acquis de la vie politique au-delà des Ardennes :

- Trouver la bonne configuration politique prend du temps. L’opinion publique belge ne s’indigne ou ne s’inquiète pas si rien ne se passe, voire même s’étonne quand les choses avancent, y compris lors de la crise des 541 jours sans gouvernement en 2010. Ce que d’aucuns pourraient qualifier d’"apathie", typique des sociétés consociatives, se trouve moins dans les démocraties majoritaires davantage centrées sur le conflit, mais permet de travailler dans le compromis.

- Les négociations fonctionnent mieux si elles bénéficient d’une certaine discrétion médiatique, un peu sur le modèle d’un "conclave", pour ne pas susciter immédiatement braquages de principes et refus de posture.

- Les accords de coalition gagnent à être clairs et fiables, car le diable se loge dans les détails, et savoir rédiger des accords de compromis entre partenaires est un art.

Propos recueillis par Hortense Miginiac
Copyright image : Alan Ducarre

Visuel : Coalition De Croo, en 2020.
Sens antihoraire : David Clarinval, Mouvement réformateur (MR), Pierre-Yves Dermagne, Parti socialiste (PS), Frank Vandenbroucke, Vooruit, Petra De Sutter, Groen, Vincent Van Peteghem, Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V), Frank Vandenbroucke, Vooruit, Georges Gilkinet, Écologistes, au centre, le Premier ministre Alexander De Croo, Open VLD

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