AccueilExpressions par MontaigneÉtats-Unis : les démocrates peuvent-ils reprendre la main ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.31/03/2025États-Unis : les démocrates peuvent-ils reprendre la main ? États-Unis et amériquesImprimerPARTAGERAuteur Alexandre Marc Expert Associé - Amériques et développement Après la défaite d’une candidate de substitution, et la déroute d’un candidat de reconduction, le parti démocrate fait face à une présidence républicaine plus offensive encore qu’il ne s'y serait attendu et expose à nu toutes ses divisions. Comment comprendre que son électorat se soit détourné de lui et dans quelle mesure cette mutation s’inscrit-elle dans une tendance plus large au sein des démocraties ? En quoi consistent les trois stratégies concurrentes au sein des démocrates, entre pourrissement de la situation, affrontement contre le pouvoir fédéral parti à partir de bastion démocrates et appropriation des armes populistes de l'adversaire ? N'y a-t-il pas un risque, en privilégiant le moyen terme, que le chaos s’installe ? Une analyse d’Alexandre Marc.Le désarroi est profond parmi les électeurs d’un parti démocrate qui paraît paralysé, et dont les membres semblent désarçonnés face aux aux affronts et aux humiliations quotidiennes que leur fait subir la Maison-Blanche. On aurait pu s’attendre à ce que la profonde remise en question de quatre-vingt ans de politique américaine, et les attaques, sans précédent dans l’histoire du pays, qui pèsent sur les institutions, soient les déclencheurs d’un regain de vigueur et d’unité pour le parti démocrate, lui permettant de se rassembler et d’agir suivant une stratégie commune.C’est pourtant tout le contraire qui semble se passer. Certes, syndicats, États fédéraux ou particuliers se sont mobilisés pour attaquer le nouveau gouvernement devant les tribunaux, dans un effort pour essayer de freiner la violente frénésie transformatrice du nouveau gouvernement, et cela a eu quelques effets. Il n’en demeure pas moins que les démocrates au Congrès se font excessivement discrets et que les mobilisations populaires ou les associations liées au parti ont fait preuve d’une très faible combativité.Le désarroi est profond parmi les électeurs d’un parti démocrate qui paraît paralysé, et dont les membres semblent désarçonnés face aux aux affronts et aux humiliations quotidiennes que leur fait subir la Maison-Blanche.Il n’est pas jusqu’à Hollywood et les artistes qui ne soient restés silencieux, eux d’habitude si enclins à prendre fait et cause sur l’actualité, ainsi que le souligne Michel Guerrin dans une chronique du journal Le Monde. Le contraste avec les jours qui ont suivi l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, en 2017, est impressionnant. Alors, les rues de Washington s’étaient retrouvées paralysées par des manifestations immenses. C’est qu’en 2017, Trump avait gagné les élections mais perdu le vote populaire et que prévalait un sentiment d’injustice parmi les électeurs démocrates : l’élection de Donald Trump apparaissait comme le signe manifeste d’un défaut de représentativité du système politique américain.Tel n'est plus le cas : aujourd’hui, malgré les débats intenses et les nombreuses prises de position de commentateurs politiques, on peine à voir une mobilisation d’ampleur. Nulle stratégie, ni même tactique, ne se dégage de tous ces débats ni de l'effervescence des réseaux sociaux.Une fragmentation du parti démocrateLes démocrates qui s’étaient rassemblés d’une façon impressionnante et inattendue autour de la candidature de dernière minute de Kamala Harris pour les élections présidentielles apparaissent aujourd’hui fragmentés, de façon inédite.Non contents de ne pas pouvoir s’entendre sur des tactiques communes, ils se critiquent publiquement, souvent avec violence. Le cas du vote sur le budget au Congrès pour éviter une paralysie de l’administration, le 14 mars, est un bon exemple de l’absence d’une vision commune par les élus démocrates. Pour être adopté par le Sénat, du fait de la procédure dite du "filibuster" (vote à la majorité des deux tiers qui peut mettre fin au débat sur un projet de loi), le budget requiert 60 % des voix, ce qui signifie que les démocrates peuvent, quoique sans disposer de la majorité, le bloquer. Beaucoup, parmi les sénateurs démocrates, ont donc vu dans un "shutdown" (l’arrêt du financement de l’État - à l'exception des dépenses d’extrême urgence) une opportunité rare de marquer leur désapprobation sur la façon dont l’exécutif coupe le budget de l’État à travers le DOGE.Cependant, le chef de la minorité au Sénat, Charles E. Schumer, et une dizaine d’autres démocrates, ont tout de même voté avec les républicains, quoique pour un budget qu’ils tenaient pour très mauvais.Vouloir éviter un "shutdown" se conçoit mais l’épisode a exposé, devant tous les Américains, combien les démocrates étaient divisés et incapables de s’accorder sur une stratégie commune pour contrer Donald Trump. De nombreux autres motifs de discorde ont récemment éclaté au grand jour. Le gouverneur démocrate de Californie, Gavin Newsom, considéré comme présidentiable, vient ainsi de lancer un nouveau podcast où il n'hésite pas à s’entretenir avec ceux des républicains MAGA parmi les plus extrémistes, comme Steve Bannon, et où il assume lui-même des positions assez conservatrices. L’objectif affiché est de tendre la main aux électeurs qui ont voté pour Trump, mais la stratégie n’a pas conquis tous les démocrates et s’est fait violemment attaquer sur les réseaux sociaux par de très nombreux groupes démocrates pour cette initiative.Une déconnexion croissante des démocrates avec les électeursPour comprendre une telle fragmentation, il faut remonter à ses origines : une impression généralisée que le parti s’est déconnecté de sa base électorale et que la crise est plus profonde que beaucoup ne le pensaient au lendemain des élections. Lors de la première élection de Barack Obama aux États-Unis, en 2008, les démocrates jouissaient d’une confiance très élevée et étaient convaincus que le Parti démocrate était durablement ancré au sein de la population américaine et que son empreinte ne pouvait que se renforcer : une longue ère de domination libérale semblait donc acquise.Tandis que les indicateurs socio-culturels montraient des Américains de plus en plus tolérants sur les questions de valeurs, les grandes villes, en pleine expansion, étaient depuis longtemps des bastions démocrates et l’Amérique "anglo-saxonne" devenait davantage multiculturelle, notamment sous l’effet de la part grandissante des latino-américains au sein de la population - ce dernier facteur jouant, selon les observateurs de droite comme de gauche, en faveur des démocrates (66 % des "latinos" avaient voté pour Obama).Une impression généralisée que le parti s’est déconnecté de sa base électorale et que la crise est plus profonde que beaucoup ne le pensaient au lendemain des élections.Les jeunes, au sein desquels prévalait depuis longtemps un fort taux d’abstention, semblaient faciles à remobiliser et formaient un vivier naturel d’électeurs démocrates. Alors, les démocrates considéraient que des dynamiques de long terme jouaient en leur faveur, bien au-delà de l’impact de la crise financière et des menaces qu’elle faisait planer sur l’économie américaine après 2008. À l’inverse, de nombreux conservateurs considéraient leur pays comme perdu, traversé par des tendances lourdes qui s’opposaient à leur programme : seul un sursaut désespéré était susceptible d'inverser cette évolution néfaste. Revenir en arrière : c'était déjà l’obsession, notamment au sein des électeurs Blancs peu éduqués.En 2025, seize ans plus tard, l’état d’esprit a bien changé. Les démocrates doivent mesurer la dégradation à long terme de leur image, que démontrent plusieurs dynamiques sociales et culturelles. 2019 marque à cet égard un tournant, comme le prouve une analyse de Daniel Cox appuyée sur les enquêtes de l’institut de sondage Pew : alors que depuis trente ans, les Américains avaient une vue plus favorable du Parti démocrate que du Parti républicain, cette année-là marque la rupture. En 2023, 60 % du public avait une opinion défavorable du Parti démocrate. Un déclin impressionnant, alors qu’auparavant, les électeurs se considérant comme démocrates étaient un peu plus nombreux que ceux se définissant comme républicains. Cela s’est modifié dans l’enquête de 2023 où l’on voit davantage d’électeurs s’identifier au Parti républicain que démocrate.L’idée selon laquelle la victoire était acquise aux démocrates, dès lors que l’on s’assurait que tous les électeurs gagnés à leur cause se rendaient bien aux urnes, avait vécu. En une courte décennie, malgré la forte polarisation ambiante, la base du parti s’était rétrécie. Dans une interview parue dans Politico, le directeur de recherche de Navigator Research Group, un groupe d’enquête d’opinion du parti démocrate, a estimé, en s’appuyant sur une récente enquête qualitative auprès d’électeurs démocrates, que les résultats reflétaient une "critique assez cinglante du parti qui de façon évidente s’était largement déconnecté des préoccupations de la majorité des Américains". Le parti n’a pas vraiment vu venir des changements qui pourtant ne datent pas d’hier : en particulier, la division politique autour de l’origine raciale ou culturelle s’est beaucoup estompée, tandis que s’élargissait la faille entre les populations peu diplômées et les populations éduquées. Ces élites éduquées sont devenues beaucoup plus libérales et déconnectées du reste de la population, alors que les populations moins éduquées sont devenues de plus en plus conservatrices, rejetant de plus en plus un élitisme libéral considéré comme condescendant.La division politique autour de l’origine raciale ou culturelle s’est beaucoup estompée, tandis que s’élargissait la faille entre les populations peu diplômées et les populations éduquées.Trois sujets se font jour dans la plupart des commentaires et analyses de la presse de centre gauche et dans les tribunes et opinions sur les raisons de cette situation : le parti démocrate se serait montré incapable de répondre aux inquiétudes économiques des électeurs, surtout parmi les moins éduqués et la classe ouvrière ; le parti s’est positionné trop à gauche sur les questions culturelles et identitaires et ce que l’on appelle désormais le "wokisme", en dépit d’un électorat nettement plus conservateur ; enfin, la plateforme du parti est très fragmentée et poursuit des objectifs souvent contradictoires sans montrer de direction claire ou de vision réellement mobilisatrice.Si les enjeux sont identifiés, et qu’ils suscitent de vives discussions, cela ne permet pas pour autant de définir une nouvelle voie unitaire pour le parti tant les réponses à leur apporter divisent les militants et la base du parti.Réaffirmer le parti comme celui des classes moyennesUne direction semble pourtant se dessiner parmi les élites du parti : donner moins d’importance aux questions culturelles et identitaires, devenues un repoussoir pour une partie des populations noires et latinos. Tout en protégeant activement le droit des minorités, le parti mettrait de côté les aspects les plus radicaux des guerres culturelles. Ces directions sont en fait celles qui étaient déjà perceptibles lors des élections présidentielles.Aux États-Unis se joue un phénomène similaire à celui du reste des démocraties occidentales : alors que la population est de plus en plus tolérante sur de nombreux sujets, en particulier de choix sexuels et les préjudices raciaux, elle vote davantage conservateur. Cela ne semble pas lié à un rejet de l’inclusion comme principe, mais à un rejet du militantisme dans le domaine identitaire, à la perception d’un laxisme au sujet des immigrés clandestins et enfin à un désintérêt des élites pour les problèmes concrets des populations peu éduquées qui se sentent exclues du libéralisme. Alors que le Parti démocrate n’était pas considéré comme spécialement libéral sur les questions de valeurs jusqu’en 2014, il est désormais vu comme celui qui en fait la promotion, notamment dans le domaine social et culturel. Les démocrates se sont trouvés directement impliqués dans ce que l’on appelle aujourd’hui les "guerres culturelles". Pour beaucoup de commentateurs démocrates, l’activisme de la gauche "culturelle" du parti l’a rendu aveugle à ce qui se passe plus en profondeur dans la société. Dans une tribune au Washington Post, Rahm Emanuel, ancien chef de cabinet de Barack Obama, a très bien résumé ce sentiment et note que la trop grande importance donnée à la guerre culturelle et au mouvement de reconnaissance identitaire qui ont aliéné une grande partie des électeurs démocrates de base donnent l’impression que le parti était au service des élites libérales et écoutaient davantage les manifestations sur les campus des universités d’élite que celles des classes moyennes. Selon beaucoup de commentateurs, le parti doit de façon urgente se concentrer de nouveau sur les priorités concrètes des classes moyennes, qui ne sont pas en guerre contre le néolibéralisme mais veulent plus d’opportunités économiques, plus de stabilité financière, moins de crimes et moins de drogue, une meilleure éducation et une meilleure santé : pouvoir d’achat, sécurité, crises existentielles qui les menacent directement (qu’il s’agisse du changement climatique ou de la montée en puissance des pays hostiles aux États-Unis) sont autant de sujets-clefs.Mais une autre faille divise, de longue date, le parti, entre les tenants d’un "néolibéralisme social" et ceux qui soutiennent une approche beaucoup plus socialisante et populiste de la politique économique. Là aussi il existe une fracture importante entre ceux qui veulent redevenir le parti de la classe ouvrière et des populations peu éduquées et ceux qui estiment que regagner les voix de cet électorat se fera aux dépens de la confiance des classes moyennes, que cela risquerait d’aliéner. Selon le journaliste et essayiste Fareed Zakaria, les démocrates ne devraient donc pas fournir tant d’efforts à vouloir répondre aux demandes des populations les moins éduquées et les plus isolées dont le passage aux républicains semble aujourd’hui totalement acquis. À l’appui de cette interprétation, les scores décevants des candidats de la gauche sociale du parti démocratique, comme Bernie Sanders, qui n’ont jamais dépassé le stade des primaires dans une élection présidentielle, montrant par là l’attachement de la grande majorité des Américains à l’économie de marché et au capitalisme.Cet effort de focalisation sur les problèmes concrets était déjà clairement perceptible dans la campagne de Kamala Harris, qui avait centré ses interventions sur les classes moyennes et sur le pouvoir d’achat et qui avait fort peu parlé des minorités et de l’environnement. Toutefois, ce positionnement est intervenu trop tard et Kamala Harris a été rattrapée par son passé de politicienne californienne.Regagner les voix de cet électorat se fera aux dépens de la confiance des classes moyennes, que cela risquerait d’aliéner.Donald Trump a réservé ses attaques les plus virulentes à cet aspect du passé politique de son adversaire et a constamment rappelé le soutien qui avait été le sien aux personnes transgenres. Le recentrage du message démocrate a aussi été très clair dans le choix de la sénatrice Elissa Slotkin, en réponse au discours sur l’état de l’Union de Donald Trump le 4 mars dernier : la jeune centriste, sénatrice dans un swing state, le Michigan, est connue pour son efficacité sur les terrains dominés par les républicains.Alors qu’une partie des élites du parti semble commencer à s’accorder sur une redéfinition de l’électorat cible et d’un message plus focalisé, cela ne résout en rien le problème immédiat de la façon dont le parti peut freiner les mesures de l’administration Trump, qui comprennent la destruction des institutions et la mise au pas de la justice et de la presse.Dès lors, on distingue trois stratégies au sein des démocrates, qui ne sont pas toujours coordonnées et qui sont même quelquefois opposées.La tentation du laissez-faire : attendre que Trump s’effondre de lui-mêmeCette stratégie consiste à laisser le gouvernement Trump accumuler les erreurs sans lui laisser prise à aucune occasion d’accuser les démocrates de saboter ses politiques. Trump a une capacité extraordinaire à rejeter la responsabilité de ses erreurs sur les autres et il est beaucoup plus efficace dans ce domaine que dans celui de gouverner d’une façon effective. Cette approche a été décrite avec précision par James Carville, un des stratèges les plus en vue du Parti démocrate, dans un essai publié par le New York Times le mois dernier, où il qualifie cette approche de "pause tactique".Beaucoup de cadres du parti ont déjà de facto adopté cette approche, qui explique par exemple le ralliement des démocrates pour éviter un "shutdown" du gouvernement. Cela rend aussi compte, en grande partie, des raisons pour lesquelles la voix des ténors du parti comme Obama, Clinton, Harris et d’autres, est si peu audible aujourd’hui. Cette stratégie est confortée par un constat : l’électorat est de plus en plus réactif dans toutes les démocraties (à ce propos, se reporter à la note L'après 2024 : crépuscule ou renouveau démocratique ? de Blanche Leridon) et vote davantage contre quelque chose et quelqu’un que pour quelque chose et quelqu’un. La réaction aux politiques de Trump, qui ne peuvent, selon James Carville, que créer le chaos, va donc vite retourner la population contre lui.La banque centrale américaine, la FED, vient de prévoir une croissance de l’économie de 1,7 % pour 2025, alors que Joe Biden avait quitté le pouvoir avec une croissance de plus de 3 %.Deux facteurs semblent confirmer la validité de cette stratégie : l’état de l’économie et la baisse dans la qualité des services offerts à la population. L’impact du premier mois de Trump au pouvoir a été très négatif pour l’économie, qui est maintenant au bord de la récession avec des prix qui repartent à la hausse. La banque centrale américaine, la FED, vient de prévoir une croissance de l’économie de 1,7 % pour 2025, alors que Joe Biden avait quitté le pouvoir avec une croissance de plus de 3 %.Elle prévoit ensuite une hausse des prix de 2,7 %, que Jay Powell, président de la FED, attribue directement à la guerre tarifaire dans laquelle Trump s’est engagé. Les États-Unis seraient en train d’entrer dans une période de stagflation. De plus, la bourse vacille et le dollars perd de sa valeur.L’impact des coupes budgétaires sur la prestation des services de base va véritablement se faire sentir, sans aucun doute, sur le moyen terme. Il n’est pas possible que la violence du DOGE dans les coupes de personnel n’ait pas un effet sur la qualité des services et même sur leur financement. La révolte gronde déjà au niveau de l'électorat populaire et les parlementaires républicains le ressentent dans les réunions qu’ils ont avec leurs électeurs sur le terrain, devenues houleuses.Pour le moment, l’indice de satisfaction envers les politiques de Trump est resté étonnamment élevé et cette "lune de miel" a été plus longue que d’habitude, en tout cas plus longue que durant sa première présidence, mais elle commence à s’étioler. Les sondages placent le niveau de satisfaction à l’égard des politiques du gouvernement entre 47 % et 45 %, avec des niveaux d’insatisfaction qui frisent les 50 %.Le danger d’une telle approche, c’est que les élections sont dans près de deux ans, ce qui laisse énormément de temps à Trump pour saper les institutions et mettre l’administration américaine à son service. Ses politiques sont beaucoup plus radicales que durant son premier mandat et sa capacité à affaiblir la justice et les services sécuritaires n’a jamais été aussi forte. Les menaces sur les juges qui bloquent ses politiques et sur les membres des services de sécurité qui ne répondent pas à ses injonctions sont sérieuses et crédibles. L’État de droit est déstabilisé.Laisser les États fédérés et les élus locaux être le fer de lance de la résistanceL’autre stratégie qui est aussi amplement commentée est de laisser les États fédérés, les municipalités et les élus locaux prendre la tête de l’opposition sur le terrain et essayer d’exploiter une faille du système américain qui est la délimitation des responsabilités entre les États fédérés et l’État fédéral. Celle-ci n’est pas toujours claire, mais les États fédéraux ont un pouvoir non négligeable. Ils peuvent attaquer l’État fédéral en justice parce que certaines décisions de l’exécutif (executive orders) sont prises dans des domaines qui relèvent en fait de la compétence des États, ou parce qu’ils sont inconstitutionnels. Ils peuvent également passer des lois qui remettent en question la validité des décisions prises par le gouvernement fédéral ou simplement décider de ne pas mettre en place des décisions de l’État central et s’engager dans un bras de fer, comme cela a été fait dans certains cas avec les actions contre les immigrés clandestins. Le plus important, c’est probablement qu’ils ont le pouvoir de protéger le processus électoral et les électeurs des manipulations. Les États se sont déjà engagés activement dans ce sens, voyant la désinformation comme un risque très élevé pour les élections aujourd’hui.Cette approche a toutefois des limites. Les désaccords entre État fédérés et État central finissent toujours entre les mains de la justice et remontent assez rapidement vers la Cour suprême, laquelle s’est montrée ces derniers temps assez favorable au soutien des privilèges de l’exécutif, et encline à se prononcer pour un président fort, dont elle a réduit considérablement la responsabilité pénale. Aussi la justice est-elle lente, face à un exécutif qui emploie une stratégie de rapidité et de chaos apparent, mettant les institutions devant le fait accompli, en une dynamique particulièrement difficile à renverser.Promouvoir un activisme populiste de terrain à la rencontre de l’électorat de baseEnfin, au nombre des stratégies que certains élus mettent en place figure une présence accrue sur le terrain et les réseaux sociaux, privilégiant une rhétorique populistes et agressive inspirée des campagnes trumpiennes. Il s’agit de rapidement mobiliser le mécontentement au niveau local, d’expliquer les politiques de Trump sur les coupes budgétaires comme une atteinte à la dignité des travailleurs et des personnes à faible revenu ou de mettre en avant les contradictions des politiques actuelles qui favorisent les oligarques alors que les prix montent et que la croissance baisse. Pour cela, Musk est une cible parfaite, lui qui représente toutes les contradictions de l’approche trumpienne de l’économie.Tim Walz, l’ancien candidat malheureux à la vice-présidence des États-Unis et gouverneur du Minnesota, lors d’un événement organisé en soutien à des élections locales au Wisconsin, a insulté Elon Musk, le traitant de "nepo baby sud-africain" pour le plus grand plaisir de son audience.Musk est une cible parfaite, lui qui représente toutes les contradictions de l’approche trumpienne de l’économie.D’autres députés n’hésitent pas à inviter Musk, qui a un passeport américain, à rentrer chez lui en Afrique du Sud.Bernie Sanders, 83 ans, ancien candidat à la présidentielle, a repris la route pour s’adresser aux Américains dans les petites villes des États-Unis dans un style des plus populistes, debout derrière un pick-up avec un porte-voix, haranguant la foule. À chaque arrêt, il fait salle comble, parfois dans des salles de plus de 4000 personnes. La très populaire démocrate de gauche, représentante au Congrès, Alexandria Ocasio-Cortez, se lance également dans des tournées sur le terrain.Un nouveau groupe vient d'être créé à la chambre des représentants, le "New Economic Patriots", sous l’impulsion d’un jeune représentant, Chris Deluzio, élu de Pennsylvanie. Il a qualifié lui-même son mouvement de populiste et lui fixe comme objectif de s’attaquer directement à ce qu’il dénonce comme un "manque de colonne vertébrale" du parti démocrate. À gauche du parti sur les sujets économiques, il veut attaquer directement les grandes corporations et mène des actions de terrain. À son image, on peut s’attendre à ce que de plus en plus d’élus se rendent sur le terrain et tentent de mobiliser les électeurs, en s’inspirant d’une rhétorique assez trumpienne.Un pari risqué !Toutes ces approches se combinent et s’entremêlent sans beaucoup de coordination ni de stratégie bien définie et demeurent focalisées sur le moyen terme. Faute d’une mobilisation populaire importante et avec un pouvoir législatif entièrement aux mains d’un Parti républicain pour le moment très uni derrière Donald Trump, il ne faut pas attendre un impact immédiat qui permettrait dans les semaines prochaines de contenir le chaos créé par Washington. Le pari que font beaucoup de démocrates, que les institutions, en particulier les institutions démocratiques, pourront résister aux assauts actuels de l’administration en attendant que l’opposition s’organise et que l’insatisfaction monte, est loin d’être gagné.Copyright image : Scott OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFPImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneDécembre 2024Extraterritorialité américaine : une arme à double tranchantL'extraterritorialité, largement utilisée par les États-Unis, combine lutte contre les menaces globales et renforcement de leur domination économique. 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