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30/08/2024

[Sondage] - Trois tours de scrutin plus tard : état de l'opinion française

[Sondage] - Trois tours de scrutin plus tard : état de l'opinion française
 Institut Montaigne
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Institut Montaigne

En cette rentrée politique mouvementée, et près de deux mois après le second tour des législatives anticipées, quelles grandes conclusions peut-on tirer de la séquence électorale de juillet et de ses résultats ? Perception du front républicain, moteurs du vote RN, confiance envers l’Assemblée nationale, coalitions possibles et émotions suscitées par les résultats... La toute dernière vague de notre enquête IPSOS pour l’Institut Montaigne, Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et le Cevipof, nous donne des clés de lecture pour comprendre cette séquence politique inédite. Basée sur un échantillon représentatif de plus de 11 000 Français, interrogés entre le 26 juillet et le 1er août 2024, notre enquête vient clore un dispositif lancé plusieurs mois en amont des élections européennes, qui nous a permis de suivre de façon fine et détaillée les évolutions de l’opinion sur longue période. Nous vous proposons dans cet article un aperçu des points saillants de cette dernière vague, l’ensemble des résultats sont consultables dans le document lié.

Un Front Républicain qui fonctionne et qui divise
La perception du Front Républicain infographie

La perception du Front Républicain
Le Front Républicain est le fait d’appeler les électeurs de gauche et de droite à voter au second pour d’une élection pour un même candidat, afin d’empêcher l’élection d’un candidat du Rassemblement National. De laquelle des deux opinions suivantes vous sentez-vous le plus proche ?

- L’appel au Front Républicain exprime l’inquiétude de ceux qui pensent que le Rassemblement National est une menace pour la démocratie (50 %)
- Le Front Républicain est une tactique permettant aux partis traditionnels de conserver le pouvoir (45 %)

 

On le disait moribond pendant l’entre-deux-tours, le front républicain aura largement fonctionné lors des législatives de 2024. Rappelons les 210 retraits (130 du NFP et 80 d’Ensemble), qui ont permis de réduire considérablement le nombre de triangulaires dans les circonscriptions où le RN était en tête. Et les électeurs ont suivi : lors des duels entre le Front républicain et le RN, 97 % des électeurs du NFP ont voté pour Ensemble (ou LR), et 73 % des électeurs Ensemble ont voté pour le NFP. Un front républicain efficace, mais discuté. "Tactique permettant aux partis traditionnels de conserver le pouvoir" pour 45 % des Français, il est perçu, par une majorité de 55 % d’électeurs, comme l’expression d’une inquiétude face au RN considéré comme "une menace pour la démocratie". Cette perception varie bien sûr en fonction des familles politiques. Les électeurs RN sont largement majoritaires à considérer que ce front républicain n’est qu’une tactique politicienne conçue pour conserver le pouvoir. Les abstentionnistes, ceux qui votent blanc ou nul, se répartissent à égalité entre les deux opinions, là où les autres partis se rangent tous, en majorité, du côté du réflexe face à l’inquiétude pour la démocratie.

Des conséquences majoritairement perçues comme négatives pour la France
Les conséquences pour la France de la dissolution de l’Assemblée nationale infographie

Les conséquences pour la France de la dissolution de l’Assemblée nationale
Diriez-vous que la décision d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale et les résultats des élections législatives qui ont suivis cette décision, ont eu des conséquences positives ou négatives pour la France ?

- Des conséquences très positives (2 %)
- Des conséquences plutôt positives (10 %)
- Des conséquences ni positives ni négatives (21 %)
- Des conséquences plutôt négatives (34 %)
- Des conséquences très négatives (33 %)

Élection sans véritable vainqueur, mais sans grand perdant non plus, les législatives - comme la dissolution qui les a précédées et les conséquences qui ont suivi - sont perçues comme largement négatives pour le pays. Les plus critiques à son égard sont les électeurs LR (81 % d’opinions négatives), suivis des électeurs Reconquête (78 %) et RN (74 %). Même parmi les électeurs de gauche, dont la coalition est arrivée en tête - mais sans majorité absolue -, les opinions négatives restent majoritaires (54 %). À cette perception négative s’ajoute la défiance à l’égard de la nouvelle Assemblée élue. 73 % des électeurs déclarent ne pas avoir confiance en l’Assemblée issue du 7 juillet. Cette défiance est tout particulièrement marquée chez les électeurs Reconquête (6 % de confiance) et RN (10 % de confiance). Les moins défiants sont les électeurs insoumis (59 % de confiance), communistes (51 % de confiance) et écologistes (50 %). Chez les électeurs PS, 43 % de confiance seulement, 31 % chez les électeurs Ensemble et 16 % pour Les Républicains.

Les émotions : le grand basculement
Les sentiments à la suite des résultats des élections législatives infographie

Les sentiments à la suite des résultats des élections législatives
Et quand vous pensez aux résultats des élections législatives des 30 juin et 7 juillet dernier, lequel des sentiments suivants est le plus proche de ce que vous ressentez ?

1) Sentiment positif
- Soulagement (18 %)
- Espoir (11 %)
- Joie (3 %)

2) Sentiment négatif
- Déception (31 %)
- Colère (16 %)
- Indifférence (12 %)
- Peur (9 %)

Au total :
- 56 % expriment un sentiment négatif
- 32 % expriment un sentiment positif

Les sentiments négatifs suite aux résultats du second tour sont majoritaires, et ont changé de nature et de camp depuis le 9 juin. Des 45 % d’électeurs RN animés par l’espoir au mois de juin après l’annonce de la dissolution, ils ne sont plus que 7 % à exprimer ce sentiment, les 12 % qui exprimaient leur soulagement en juin ne sont, eux, plus que 1 %. Les électeurs RN sont désormais animés par la déception (48 %) et la colère (30 %). Les sentiments positifs, qui étaient très minoritaires chez les électeurs de gauche le 9 juin, sont désormais plus importants dans cette famille politique, qui ressent du soulagement (37 %), de l’espoir (23 %) et de la joie (6 %). Soulagement également pour les électeurs Ensemble (25 %), qui arrive néanmoins après la déception (30 %).

Les moteurs du vote RN : entre immigration, représentation et "on n’a jamais essayé"
Les raisons du vote pour le RN et ses alliés au second tour des élections législatives infographie

Les raisons du vote pour le RN et ses alliés au second tour des élections législatives
Quelles sont les raisons pour lesquelles vous avez voté pour le candidat du RN (ou ses alliés) ?Total supérieur à 100 % car trois réponses possibles

- Vous partagez les propositions du Rassemblement National sur l’immigration (47 %)
- Le Rassemblement National comprend mieux et représente mieux les gens comme vous (39 %)
- Vous vouliez faire barrage au candidat qui se présentait contre le candidat RN (33 %)
- On n’a jamais essayé le Rassemblement National, il ne peut pas faire plus de mal que les autres partis (32 %)
- Vous souhaitez que Jordan Bardella devienne Premier Ministre (32 %)
- Vous vouliez exprimer votre colère vis-à-vis du gouvernement et du Président de la République (25 %)
- Vous partagez les propositions du Rassemblement National sur les questions sociales (15 %)

Le vote RN aux législatives a été porté par trois principaux moteurs. L’adhésion aux propositions du RN sur l’immigration arrive largement en tête, mentionnée par 47 % de leurs électeurs (qui pouvaient choisir jusqu’à trois propositions) - un pourcentage qui grimpe à 55 % chez les hommes de plus de 60 ans et chez les bac+5. On observe également une corrélation entre le niveau de revenu et l’importance des propositions du parti sur l’immigration : 20 points séparent les foyers les plus riches des plus modestes. 37 % de ceux gagnant moins de 1 250 euros par mois retiennent l’immigration comme moteur, 57 % pour ceux dont le revenu mensuel net est supérieur à 5 000 euros. L’immigration enfin est la préoccupation première des électeurs RN s’estimant très satisfaits de leur vie (50 %), loin devant toutes les autres. Le fait que le parti "comprenne mieux et représente mieux les gens comme nous" arrive en seconde position (38,7 %), avec une sociologie électorale très différente de la première. Il s’agit du premier item retenu par les électeurs les plus défavorisés et les moins diplômés. Premier item aussi pour ceux qui se déclarent très insatisfaits de leur vie. Le "on n’a jamais essayé", enfin, arrive en troisième position, avec une présence notable chez les agriculteurs (68 %). Suivent ensuite, dans un mouchoir de poche, le fait que "le RN ne peut pas faire plus mal que les autres partis" (32,8 %), le souhait que Jordan Bardella devienne Premier ministre (31,7 %), et l’adhésion aux propositions sur les questions sociales (31,5 %). Le vote barrage contre un candidat se trouvant face au RN arrive, lui, en queue de peloton (15 %).

En quête d’un Premier ministre : les Français et le compromis politique
Le souhait à propos des coalitions qui pourraient se constituer et former un gouvernement infographie

Le souhait à propos des coalitions qui pourraient se constituer et former un gouvernement
Et pour chacune des coalitions suivantes qui pourraient se constituer afin de former un gouvernement, diriez-vous qu’elles sont souhaitables et possibles, souhaitables mais pas possibles ou pas souhaitables ?

Souhaitable et possible
- Une coalition du Nouveau Front Populaire (21 %)
- Une coalition du Nouveau Front Populaire et d’Ensemble (15 %)
- Une coalition d’Ensemble et des partis de gauche mais sans La France Insoumise (20 %)
- Une coalition d’Ensemble et des Républicains (20 %)
- Une coalition du Rassemblement National et ses alliés (24 %)

Souhaitable mais pas possible
(elle n'obtiendra pas de majorité solide et durable)
- Une coalition du Nouveau Front Populaire (26 %)
- Une coalition du Nouveau Front Populaire et d’Ensemble (27 %)
- Une coalition d’Ensemble et des partis de gauche mais sans La France Insoumise (30 %)
- Une coalition d’Ensemble et des Républicains (28 %)
- Une coalition du Rassemblement National et ses alliés (21 %)

Pas souhaitable
- Une coalition du Nouveau Front Populaire (53 %)
- Une coalition du Nouveau Front Populaire et d’Ensemble (53 %)
- Une coalition d’Ensemble et des partis de gauche mais sans La France Insoumise (43 %)
- Une coalition d’Ensemble et des Républicains (45 %)
- Une coalition du Rassemblement National et ses alliés (47 %)

Interrogé sur le futur gouvernement, notre panel plébiscite une coalition qui réunirait les groupes Ensemble et les partis de gauche, mais sans la France Insoumise. Cette coalition est jugée souhaitable par 50 % de l’électorat interrogé, devant une coalition Ensemble / les Républicains (48 %), une coalition uniquement composée du NFP (47 %) ou une coalition du RN et de ses alliés (45 %). La coalition Ensemble / NFP avec la France insoumise n’est pas souhaitable pour 53 % des électeurs. 59 % des électeurs du NFP au premier tour des élections législatives jugent souhaitable une coalition Ensemble / NFP sans LFI, contre 50 % pour une coalition avec Ensemble comprenant la France Insoumise.

Quelles mesures prioritaires ?
Les mesures défendues pendant la campagne jugées prioritaires pour les Français

Les mesures défendues pendant la campagne jugées prioritaires pour les Français
Voici plusieurs mesures qui ont été défendues pendant la campagne électoral. Quelles sont celles qui, selon vous, devraient être prioritairement mises en place ? En premier, en second, en troisième ?

Cité en 1er
- Maintenir l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation pour l’ensemble des retraités (21 %)
- Suspendre les allocations familiales pour les familles en cas d’absentéisme scolaire des enfants (13 %)
- Exonérer les enfants de droits de succession jusqu’à 150 000€ (10 %)
- Abroger la réforme des retraites et restaurer la retraite à 60 ans (16 %)
- Réserver le RSA et les prestations de solidarités aux étrangers ayant travaillé au moins 5 ans en France (10 %)
- Augmenter le SMIC à 1600€ net (14 %)
- Taxer à 100 % les héritages au-delà de 12 millions d’euros (6 %)
- Tripler le plafond de la "Prime Macron" de pouvoir d’achat de 3 000 à 10 000€ (2 %)
- Aucune de ces mesures (0 %)

Cité en 2e et 3e
- Maintenir l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation pour l’ensemble des retraités (32 %)
- Suspendre les allocations familiales pour les familles en cas d’absentéisme scolaire des enfants (30 %)
- Exonérer les enfants de droits de succession jusqu’à 150 000€ (29 %)
- Abroger la réforme des retraites et restaurer la retraite à 60 ans (21 %)
- Réserver le RSA et les prestations de solidarités aux étrangers ayant travaillé au moins 5 ans en France (27 %)
- Augmenter le SMIC à 1600€ net (18 %)
- Taxer à 100 % les héritages au-delà de 12 millions d’euros (17 %)
- Tripler le plafond de la "Prime Macron" de pouvoir d’achat de 3 000 à 10 000€ (9 %)
- Aucune de ces mesures (8 %)

Et du côté des programmes et des idées ? Le maintien de l’indexation des pensions de retraite sur l’inflation pour l’ensemble des retraités est la mesure discutée durant la campagne qui est la plus plébiscitée dans l’opinion. Elle arrive en tête chez les électeurs PS, Ensemble et LR, démontrant le poids prépondérant des mesures en faveur du pouvoir d’achat. Si la suspension des allocations familiales pour les familles en cas d’absentéisme scolaire arrive en seconde position, la proposition est très marquée politiquement - plébiscitée par 60 % des électeurs RN et 49 % des électeurs Ensemble, mais 12 % des électeurs LFI et 24 % des électeurs socialistes. Vient ensuite l’exonération des enfants de droits de succession jusqu’à 150 000 euros (jugée prioritaire pour 39 % des interrogés, 49 % des électeurs Ensemble, 54 % des électeurs LR). L'abrogation de la réforme des retraites, régulièrement mentionnée durant la campagne, est en réalité très soutenue à gauche, mais beaucoup moins chez les électeurs Rassemblement national. 76 % des électeurs insoumis la jugent prioritaire, 65 % des électeurs communistes, 48 % des écologistes et 45 % côté PS. Côté RN, ses électeurs y sont beaucoup moins attachés puisquel’abrogation n’arrive qu’en quatrième position, après les pensions de retraite, la suspension des allocations familiales, l’exonération des droits de succession et le fait de réserver le RSA et les prestations de solidarités aux étrangers ayant travaillé au moins 5 ans en France.

Si une proposition fait l’unanimité néanmoins, c’est celle concernant la mise en place de la proportionnelle : elle recueille 76 % d’opinion favorable, un soutien dont l’ampleur varie en fonction des familles politiques. Les électeurs RN sont 88 % à s’y déclarer favorables, 59 % chez les LR et 54 % du côté d’Ensemble et du NFP. Une première mesure consensuelle pour un hypothétique nouveau gouvernement et un nouveau souffle démocratique pour un pays dans l’impasse ?
 

Copyright image : Emmanuel Dunand / AFP

[Sondage] - Trois tours de scrutin plus tard : état de l'opinion française (57 pages)Télécharger
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