AccueilExpressions par Montaigne[Afrique : les rivalités stratégiques] - Le religieux comme stratégie d’influenceLa plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne Moyen-Orient et Afrique17/12/2025ImprimerPARTAGER[Afrique : les rivalités stratégiques] - Le religieux comme stratégie d’influenceAuteur Jonathan Guiffard Expert Associé - Défense et Afrique Découvreznotre série Afrique : les nouvelles rivalités stratégiquesParmi la palette d’outils à disposition des États pour poursuivre une stratégie d’influence en Afrique, la religion, plus discrète et moins directe, est sous-estimée. Elle est pourtant un lieu de rivalités stratégiques qui structure des réseaux transnationaux de pouvoir. Évangélistes de la Maison Blanche, réseaux russes, relais du Golfe, de Turquie ou d'Iran ou influence de la communauté Sant'egidio : dans la nouvelle cartographie des jeux d'influence, s'entrecroisent des dynamiques intérieures et extérieures révélatrices des mutations du champ religieux.En novembre 2025, le président américain Donald Trump a annoncé que les États-Unis s’engageraient militairement au Nigéria s’il le fallait, pour faire cesser les massacres contre les populations chrétiennes. Cette nouvelle posture a surpris, tant l’Afrique est un continent délaissé par la stratégie américaine, malgré une longue histoire d’influence et d’ingérence religieuse des églises évangélistes américaines sur le continent.En effet, les organisations religieuses (églises, associations, médias, etc.) sont, de longue date, des acteurs à part entière des rivalités stratégiques qui s’opèrent sur le continent africain. Les États, africains et non-africains, les mobilisent pour accroître leur influence politique, sociale et économique dans les pays cibles, d’une manière sensiblement plus discrète que pour d’autres vecteurs.Depuis les années 1980, le champ religieux a opéré des mutations profondes en Afrique : pluralisation du champ religieux avec apparition de nouveaux acteurs et ré-émergence d’anciens acteurs ; effondrement des logiques de parti unique, souvent adossé à une organisation religieuse, et des structures religieuses postcoloniales ; compétition religieuse renforcée entre courants religieux ; éclatement des structures classiques et hégémonique, au profit de nouvelles organisations ; globalisation religieuse, avec des réseaux transnationaux, mais globalisation polycentrique, avec autant d’influence venant des pays développés qu’entre pays en développement ; accroissement de la participation du religieux dans le politique et dans la décision ; disparition des "deux Afriques", chrétiennes et musulmanes, supposées distinctes ou séparées par un front, au profit d’une offensive religieuse de toutes les religions dans toutes les zones ; religion devenue un vecteur privilégié d’individualisation… Autant de facteurs structurants pour les sociétés africaines.Les organisations religieuses (églises, associations, médias, etc.) sont, de longue date, des acteurs à part entière des rivalités stratégiques qui s’opèrent sur le continent africain.Ainsi, cette cartographie cherche à montrer la diversité des stratégies d’influence religieuses et leur actualité, qu’elles soient mises en œuvre par les États-Unis, la Russie, la Turquie, les pays du Golfe ou l’Église catholique.Les églises évangélistes, une lame de fond de l’influence américaineTout comme en Europe, le courant chrétien évangéliste est un des courants religieux en expansion sur le continent africain. Depuis son implantation au XVIIIe siècle au Libéria, à son expansion dans les années 1900 et à sa renaissance dans les années 1960 aux États-Unis, la vision évangéliste est dans une logique de conquête des cœurs et des esprits sur tous les continents. À partir des années 1990, les églises pentecôtistes se sont aussi rapidement développées. Ce mouvement a bénéficié d’un soutien américain considérable, avant de parvenir à rejoindre les hautes sphères politiques et de se retrouver, aujourd’hui, à la Maison Blanche. Les pasteurs sud-africains ou ghanéens ont loué l’élection de Donald Trump.Naturellement, dans ce contexte, l’influence évangéliste américaine est devenue encore plus forte. Depuis les débuts de la Guerre Froide, les églises évangélistes ont ciblé en priorité les pays africains qui se décolonisaient sous l’influence des militants panafricains anglo-américains ou en provenance des Caraïbes, mais aussi les pays avec des populations chrétiennes. Celles-ci sont donc très implantées en Afrique de l’Ouest (Sierra Léone, Libéria, Ghana, Burkina Faso, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire, Nigéria, etc.), mais aussi en Afrique Centrale (Cameroun, Gabon, République du Congo, République Centrafricaine, etc.) et Orientale (Rwanda, Ouganda, Kenya, Tanzanie, Afrique du Sud, etc.). Ces églises disposent d’une influence politique et médiatique importante, possédant régulièrement des radios et chaînes de télévision religieuses qui leur permettent de diffuser massivement leurs prêches mais aussi des débats religieux ou sociétaux pour aider les croyants.Dans plusieurs pays, ces églises disposent d’un pouvoir considérable dans les sphères politiques : en Ouganda, où 35 % de la population se disait pentecôtiste en 2022, elles travaillent étroitement avec le président Museveni, et exportent leur modèle dans la région (Kenya, Rwanda, Tanzanie). Le président et la première dame (Museveni) sont de fervents évangéliques ; au Nigéria, ces églises disposent de médias, d’universités et de réseaux politiques importants, avec des pasteurs allant même jusqu’à s’engager en politique.Ces églises évangélistes sont locales et autonomes, mais reçoivent de l’aide financière et humanitaire des églises américaines. Sous les mandats de George Bush (2000-2008), par exemple, ces églises travaillaient à soutenir des organisations locales conservatrices. Avec le nouveau mandat de Donald Trump, ces églises, très influentes à Washington, repartent à l’assaut du continent. Ainsi, début novembre 2025, Paula White-Cain, télévangéliste réputée, pasteure en cheffe et responsable du Bureau de la Foi à la Maison Blanche, a effectué une tournée sur le continent aux côtés de l’influent pasteur ghanéen Nicholas-Duncan Williams, son "père spirituel". Elle s’est notamment rendue dans la région des Grands Lacs. En outre, la prise en grippe du Nigéria sur fond de "massacres des chrétiens" vient précisément de l’influence de cet entourage évangéliste, alors même que si les tensions existent bien entre chrétiens et musulmans au Nigéria, la très grande majorité des victimes du terrorisme sont musulmanes. Les réseaux évangélistes américains peuvent aujourd’hui compter sur plusieurs responsables de haut niveau tels que les présidents William Ruto au Kenya, Abiy Ahmed en Éthiopie, Félix Tshisekedi en RDC ou Netumbo Nandi-Ndaitwah en Namibie.Le discours basé sur la morale, l’entreprenariat et l’enrichissement personnel séduit des pans entiers des populations chrétiennes, notamment car il tranche avec des discours de sobriété et d’explication de la pauvreté qui avaient été traditionnellement portés par les églises catholiques proches des pouvoirs.Selon une estimation du séminaire évangélique américain Gordon-Conwell, plus de la moitié des croyants évangéliques dans le monde seront africains en 2050. Le discours basé sur la morale, l’entreprenariat et l’enrichissement personnel séduit des pans entiers des populations chrétiennes, notamment car il tranche avec des discours de sobriété et d’explication de la pauvreté qui avaient été traditionnellement portés par les églises catholiques proches des pouvoirs en place et influentes après les indépendances.La Russie joue sur tous les tableaux : des marges musulmanes aux réseaux chrétiensSur le continent africain, la Russie joue activement avec le fait religieux dans sa stratégie d’influence. Il ne s’agit pas de la partie la plus visible de ses activités mais celle-ci est bien réelle. S’inspirant de sa propre logique d’empire, Moscou poursuit deux axes :(a) établir des liens avec les élites musulmanes, tout en mobilisant les marges lorsque cela est nécessaire ; (b) mobiliser des relais chrétiens, orthodoxes ou non, en incarnant son rôle de "3e Rome" et de défenseur des valeurs traditionnelles.Ainsi, Moscou s’appuie par exemple sur plusieurs responsables musulmans affidés, en Tchétchénie ou au Tatarstan, pour entretenir des liens diplomatiques avec des responsables politiques africains. Ainsi, Rustam Minnikhanov, le président de la république du Tatarstan est régulièrement mobilisé pour des rencontres diplomatiques sur le continent, mais anime aussi le Forum "Russie - Monde Islamique" de Kazan qui vise à inviter des responsables musulmans, notamment africains, pour nourrir les relations avec la Russie. À titre d’illustration, l’ancien président bissau-guinéen avait par exemple souhaité faire former des troupes en Tchétchénie, chez Ramzan Kadyrov, autre responsable musulman proche de Vladimir Poutine.En parallèle, la Russie n’a aucun mal à travailler étroitement avec des groupes musulmans issus des marges, notamment des groupes salafistes locaux, à l’image de ses combattants tchétchènes salafistes. Ainsi, en Libye, Wagner combat aux côtés de groupes salafistes libyens ayant fait allégeance au maréchal Hafter. Au Burkina-Faso, ce sont notamment des organisations salafistes de la région de Bobo-Dioulasso qui ont porté la contestation de 2022, au sein de la Coalition des Patriotes du Burkina-Faso ou d’Ançar Dine, aux côtés d’organisations pro-russes. Bien que Vladimir Poutine et plusieurs idéologues qui l’entourent se fassent les promoteurs de la "race blanche et chrétienne", il est important de comprendre que la pratique impériale russe a amené les élites moscovites à travailler étroitement avec les responsables musulmans de Russie. Ainsi, quelle que soit sa posture idéologique, il faut toujours garder à l’esprit que Moscou reste avant tout opportuniste et utilise tous les leviers à sa disposition pour développer son influence localement.L’Islam n’est toutefois pas le seul vecteur instrumentalisé par la Russie pour déployer son influence en Afrique. En effet, certains oligarques très proches du pouvoir, comme l’ultra-orthodoxe Konstantin Malofeev, se mobilisent auprès d’acteurs chrétiens et instrumentalisent ce fait religieux pour développer l’influence russe en Afrique. Konstantin Malofeev a, par exemple, lancé l’Agence Internationale de Développement Souverain (IASD), une entreprise de conseil utilisé comme véhicule d’influence en Afrique. Des réseaux religieux proches de l’extrême-droite et faisant la promotion de valeurs conservatrices sont aussi activés par la Russie, tout comme certaines organisations internationales qu’il finance (Mouvement International Russophile, très actif en Afrique).La Russie n’a aucun mal à travailler étroitement avec des groupes musulmans issus des marges, notamment des groupes salafistes locaux, à l’image de ses combattants tchétchènes salafistes.Ce mouvement se poursuit aussi grâce à la mobilisation de l’Église orthodoxe russe. En 2021, un exarchat africain de l’Église orthodoxe russe est créé pour entamer une compétition contre l’influence des patriarches d’Alexandrie et de Constantinople sur le continent.Ce dernier patriarcat a permis à l’Église orthodoxe d’Ukraine de se séparer de l’Église russe en 2019, ce qui renforce cette compétition. Il est dirigé par le métropolite Konstantin de Zaraisk. À titre d’exemple de son implication : jusqu’en 2023, cet exarchat travaillait étroitement avec Wagner sur le continent. Des actions sont aujourd’hui menées pour nourrir des liens avec des Églises orthodoxes locales, comme c’est le cas en Éthiopie, en RCA, à Maurice, au Burkina Faso ou au Kenya. On observe l’ouverture de nouvelles paroisses et nouvelles églises orthodoxes a lieu, par exemple en Ouganda, en Angola, au Gabon ou en Guinée, ainsi que le soutien à certaines églises locales et le développement de partenariat avec le clergé russe, qui reçoit le clergé africain en pèlerinage et formation.La stratégie religieuse des puissances musulmanesLa Turquie, tout comme les pays du Golfe comme le Qatar, les Émirats Arabes Unis (EAU) et l’Arabie Saoudite, jouent du fait religieux dans leur stratégie d’influence en Afrique, en instrumentalisant leurs proximités culturelles et religieuses avec les pays et populations musulmanes.La Turquie dispose de plusieurs leviers : (i) la Diyanet, la fondation Maarif et les instituts Yunus Emre (ii) la TIKA et l’aide au développement et (iii) les ONG religieuses. La Diyanet est l’institution étatique en charge des affaires religieuses et du culte musulman en Turquie. Directement sous le contrôle du président de la république, c’est une institution très puissante et influente dans le système politique turc. Elle dispose d’un rôle de coopération limité, réalisé par sa fondation (Türkiye Diyanet Vakfi, TDV), mais réel et soutenu par l’Etat. Diyanet a ouvert son premier bureau de conseil en Mauritanie en 2014, suivi de bureaux en Éthiopie et en Somalie la même année ; en Tanzanie, au Kenya, au Nigéria et en Ouganda en 2015 ; au Soudan, au Cameroun et à Madagascar en 2018, au Ghana en 2020 et en Afrique du Sud et au Tchad en 2021. Elle mène par exemple des actions de développement comme l’ouverture de centres d’éducation, notamment aux sciences religieuses, par exemple en Tanzanie, en Afrique du Sud ou en Mauritanie, mais donne aussi des bourses pour étudier dans des centres religieux en Turquie et distribue de la documentation religieuse.La fondation Maarif a été missionnée pour reprendre en main la gestion de près de 200 écoles turques qui avaient été mises en œuvre par la secte Gülen dans une vingtaine de pays d’Afrique. Dans ce contexte, elle a adapté les programmes pour qu’ils soient plus cohérents avec les programmes en Turquie, notamment sur le plan religieux, là où les écoles Gülen dispensaient un enseignement plus libéral. En complément de l’action étatique, les instituts culturels Yunus Emre, qui disposent d’une dizaine de bureaux en Afrique, proposent quant à eux des cours de langue et de religion, mais aussi la célébration commune des fêtes religieuses musulmanes.Via son organisme d’aide au développement, la TIKA, et ses 22 bureaux de coordination sur le continent africain, la Turquie met aussi en œuvre des programmes de coopération et de développement multi-sectoriel, notamment dans le domaine religieux. Son action est très importante : entre 2017 et 2022, elle réalise 1884 projets sur le continent dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’agriculture. En complément, elle mène des projets pour les fêtes religieuses, comme ici au Ghana. Enfin, des ONG turques comme les fondations Aziz Mahmud Hudayi ou IHH, mènent des missions humanitaires sur tout le continent, notamment en Somalie, au Soudan ou au Burkina Faso, pour aider les populations locales, mais aussi développer des relais au sein des clergés locaux. Elles conduisent des programmes d’éducation religieuse, modelés sur les écoles islamiques Imam Hatip de Turquie, auprès des populations. Lors des fêtes religieuses, telle que la Tabaski (Aïd Al Kebir), ces ONG font par exemple des dons de bétails, symboliques mais efficaces pour s’installer.Le Qatar, le Koweït, les EAU et l’Arabie Saoudite poursuivent une stratégie de compétition, basée sur le financement d’écoles religieuses et l’influence des étudiants et responsables se rendant dans leurs pays pour des raisons religieuses. Le Qatar, le Koweït, les EAU et l’Arabie Saoudite poursuivent une stratégie de compétition, basée sur le financement d’écoles religieuses et l’influence des étudiants et responsables se rendant dans leurs pays pour des raisons religieuses. Ainsi, des écoles religieuses sont, par exemple, installées au Sahel, au Bénin et au Togo, ce qui est parfois perçu d’un mauvais œil par des pouvoirs qui répriment de plus en plus les musulmans de leurs pays. Localement, la pratique change et devient plus rigoriste, sous l’influence de ces pays.Ces écoles sont mises en œuvre sur tout le continent. Des aides financières sont parfois apportées par ces pays. Les étudiants en religion reçoivent aussi régulièrement des bourses pour aller étudier dans des écoles islamiques du Golfe, revenant ensuite avec une pratique religieuse golfique et devenant de facto des relais d’influence. L’Egypte et le Maroc pratiquent aussi une stratégie similaire, le premier en finançant des bourses d’étudiants à l’université Al Azhar, le second en exportant sa doctrine religieuse spécifique en Afrique de l’Ouest.Iyad Ag Ghali, le célèbre chef du mouvement jihadiste sahélien JNIM, a ainsi été consul du Mali en Arabie Saoudite mais aussi prêcheur du mouvement fondamentaliste pakistanais Tabligh. Dans ce contexte, il a développé des réseaux politico-religieux importants. Si lui a basculé dans la violence armée, nombre de relais d’influence n’effectue naturellement pas ce transfert vers le jihadisme. Son cas est à part, mais illustre une réalité des réseaux politico-religieux qui relient le Golfe et l’Afrique sub-saharienne.Les médias sont aussi une source majeure d’influence religieuse des pays du Golfe : il ne s’agit pas seulement des chaînes d’informations comme Al Jazeera, mais bien de chaînes de prêches et de débats religieux.Si cette stratégie des pays à majorité sunnite est très active, l’Iran n’est pas en reste pour développer ses réseaux religieux à travers quelques communautés chiites. Des communautés importantes sont présentes au Nigéria et en Tanzanie, et des petites communautés existent en Algérie, au Sénégal ou en Afrique du Sud : celles-ci ne manquent pas d’être labourées par l’influence religieuse iranienne. Les communautés libanaises qui ponctuent le continent jouent aussi le rôle de relais de cette influence discrète mais réelle. Bien que le nombre de chiites soit sensiblement inférieurs aux sunnites sur le continent africain, cette doctrine est en expansion et apparaît par petites touches dans de nombreux autres pays africains. Les techniques mises en œuvre sont les mêmes que leurs coreligionnaires sunnites : centres culturels iraniens, bourses d’études religieuses en Iran notamment à l’Université International Al Mustafa de Qom (Iran), formation de cadres religieux, médias, etc. Ainsi, des organisations comme le Croissant Rouge Iranien, le Khomeini Relief Committee, le Mouvement Islamique du Nigéria ou l’Institut Mohazidir International sont des acteurs importants de cette influence religieuse.Sant Egidio, un discret et influent relais du VaticanL’Église catholique est aussi présente sur le continent, où vivent 272 millions de croyants, bien qu’elle subisse les assauts de ces concurrents en religion et notamment les évangélistes cités ci-dessus. La conversion des populations africaines reste forte : en 2025, sept millions d’Africains ont rejoint cette église. En Afrique centrale (RDC, Congo, Angola, etc.), l’Église catholique reste très influente grâce à un grand nombre de fidèles, mais celle-ci dispose de relais politiques dans tous les espaces du continent. Nombreux sont les responsables africains actuels à avoir été formés dans des écoles catholiques ou à appartenir à cette église. En novembre 2025, constatant la multiplication des violences sur le continent, le pape Léon XIV appelait à une réflexion sur cette influence.Dans cette bataille d’influence, une organisation assez discrète sort du lot depuis trois décennies et nourrit sérieusement l’influence du Vatican sur le continent : la Communauté Sant Egidio. Fondée en 1968, Sant Egidio est une association internationale de fidèles dédiée à la lutte contre la pauvreté et la paix dans le monde. À partir des années 1990, elle joue un rôle central dans la médiation de nombreux conflits, notamment en Afrique. Elle s’implique dans la résolution de guerres civiles au Mozambique, au Congo et au Burundi. Depuis deux décennies, elle s’implique en Côte d’Ivoire, en RCA, au Sud Soudan, au Sénégal, en Libye ou au Tchad. Elle est aussi impliquée dans la résolution de prises d’otages, par exemple au Sahel ou au Sénégal. Enfin, elle pilote un programme de lutte contre le VIH, dénommé DREAM, déployé dans de nombreux pays africains, ce qui lui permet d’asseoir son influence durablement tout en travaillant à des objectifs de santé.Très soutenue par le pape François et déployée sur l’ensemble du continent, cette communauté cultive donc pour le Vatican des réseaux politiques extensifs.Ainsi, comme nous le décrivons ici, la religion reste un moteur important d’influence pour les puissances étrangères, au niveau de la société comme au niveau des élites. Pour comprendre les dynamiques politiques, il est essentiel de comprendre cette cartographie, qui se fait souvent beaucoup plus discrète que les autres leviers de l’influence des États. Pour être complète, celle-ci doit d’ailleurs intégrer des phénomènes réels mais plus marginaux qui émanent des églises et religions asiatiques ou latino-américaines. L’espace social de la religion est très fertile et très mouvant en Afrique, ce qui offre des opportunités essentielles pour développer une influence socio-politique.Ce mouvement n’est pas que centrifuge et l’influence religieuse ne vient pas uniquement de l’étranger vers l’Afrique. Au contraire, on observe désormais des logiques d’influence religieuse importante allant d’Afrique vers le reste du monde.En revanche, il est aussi important de tordre le cou à une représentation : ce mouvement n’est pas que centrifuge et l’influence religieuse ne vient pas uniquement de l’étranger vers l’Afrique. Au contraire, on observe désormais des logiques d’influence religieuse importante allant d’Afrique vers le reste du monde : que ce soit vers les communautés immigrées à l’image du fort développement du pentecôtisme ghanéen en Europe et aux États-Unis ou du mouridisme sénégalais aux États-Unis, ou que ce soit vers les communautés noires à l’image du développement de courants religieux dits traditionnels, néo-akan ou néo-yorouba, aux États-Unis.Copyright image : AFP Des fidèles musulmans dans le sud de Khartoum, le 28 juin 2023.ImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneSeptembre 2023Sécurité en Afrique de l’Ouest, investir la filière agricoleComment structurer la filière agricole en Afrique de l'Ouest pour lutter contre la marginalisation économique des populations rurales et, par extension, l'enracinement des groupes jihadistes dans cette région ?Consultez le Rapport 09/12/2025 [Afrique : les rivalités stratégiques] - Guerre au Soudan : le Darfour, un ... 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