AccueilExpressions par MontaigneÉlections intermédiaires, un an après Trump : les électeurs comme contre-pouvoirLa plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne États-Unis et amériques06/11/2025ImprimerPARTAGERÉlections intermédiaires, un an après Trump : les électeurs comme contre-pouvoirAuteur Amy Greene Experte Associée - États-Unis Dans le contexte politique détérioré d’un shutdown historiquement long et d’un taux d’approbation du président historiquement bas, les électeurs américains votaient aux élections intermédiaires (gouverneurs et élections municipales). Dans quelle mesure l'hyper-personnalisation du pouvoir et la guerre culturelle sont-elles passées de mode, alors que les électeurs s’inquiètent avant tout du coût de la vie ? Un an avant les midterms et un an après l’élection de Donald Trump, quelles leçons démocrates et républicains peuvent-ils tirer de la série de victoires démocrates ? Des victoires nettes pour les candidats démocratesLe 4 novembre 2025, à un an presque jour pour jour de la réélection décisive de Donald Trump en 2024, des millions d’Américains ont eu pour la première fois l’occasion de se rendre aux urnes pour voter lors des élections de gouverneurs et des scrutins locaux dans plusieurs États fédérés. En Virginie, la démocrate Abigail Spanberger a battu sa rivale républicaine avec une marge inédite dans l’histoire récente, et devient ainsi la première femme gouverneure de cet État. Mikie Sherrill, candidate démocrate au poste de gouverneur du New Jersey, a remporté l’élection, succédant à un gouverneur démocrate sortant, et offrant à son parti une troisième victoire consécutive dans cet État - une première depuis 1961. À New York, Zohran Mamdani, le "socialiste démocrate" autoproclamé, est passé de l’anonymat, il y a à peine un an, au statut de premier maire musulman et du plus jeune maire de la ville depuis un siècle. Les démocrates ont également remporté les élections municipales à Cincinnati (Ohio), Pittsburgh (Pennsylvanie) et à Detroit (Michigan), où Mary Sheffield est devenue la première femme maire de la ville. À travers le pays, les électeurs ont accordé de larges victoires aux démocrates dans les assemblées d’État (Virginie) et aux Cours suprêmes d’État (Pennsylvanie), tandis que les Californiens ont approuvé massivement le référendum visant à redessiner les circonscriptions fédérales en milieu de décennie, garantissant ainsi cinq sièges supplémentaires à la Chambre des représentants fédérale pour les démocrates lors des élections de mi-mandat de l’année prochaine.Que nous disent les résultats de mardi ?Les Américains, de manière générale, se montrent insatisfaits de la gestion du pays par Trump, et les candidats démocrates qui ont fait de cette élection un référendum sur le président ont été récompensés. En Virginie, Abigail Spanberger a centré sa campagne sur les conséquences désastreuses pour les électeurs de son État de la fermeture (shutdown) du gouvernement fédéral et du licenciement massif de fonctionnaires voulu par Trump et Elon Musk. Dans le New Jersey, Mikie Sherrill s’est opposée à un projet de transport local publiquement soutenu par Trump. Quant à l’initiative du président visant à redécouper les circonscriptions en milieu de décennie pour favoriser les républicains, elle a mobilisé les électeurs californiens, qui ont massivement soutenu le référendum du gouverneur Gavin Newsom en faveur d’un redécoupage favorable aux démocrates.Les Américains, de manière générale, se montrent insatisfaits de la gestion du pays par Trump, et les candidats démocrates qui ont fait de cette élection un référendum sur le président ont été récompensés.Les démocrates ont su exploiter le mécontentement généralisé à l’égard de Donald Trump. La plupart des électeurs de Virginie et du New Jersey désapprouvent le président, et parmi ces insatisfaits, 90 % ont choisi le candidat démocrate. Alors que l'économie et le pouvoir d’achat constituent la principale préoccupation d’une majorité de citoyens, ces électeurs - tout comme ceux pour qui la couverture maladie était la priorité - ont voté démocrate.Les électeurs semblent par ailleurs davantage concentrés sur leur situation économique et sur les enjeux locaux que sur les questions dites de "guerre culturelle". En Virginie, un État où plus de la moitié des électeurs pensent que les droits des personnes transgenres vont trop loin, et où la candidate républicaine a axé sa campagne sur une rhétorique anti-trans, les électeurs ont tout de même préféré la démocrate Spanberger.Le mécontentement des électeurs reflète un sentiment national plus large. De récents sondages placent le taux d’approbation de Trump à seulement 37 %, soit un point de plus que son plus bas taux de 36 %, enregistré à la fin de son premier mandat. Près des trois quarts des Américains estiment que l’économie américaine va mal, et plus de 60 % considèrent que Trump a aggravé la situation. Le même pourcentage estime que Trump est allé trop loin dans son usage du pouvoir exécutif, et presque autant (56 %) considèrent qu’il nuit à la position des États-Unis dans le monde. De même, 57 % jugent que sa politique migratoire va trop loin. À peine plus d’un quart des Américains considèrent la défense de la démocratie américaine comme une priorité. Ces chiffres traduisent la frustration des électeurs - qui avaient majoritairement choisi Trump pour sa crédibilité supposée sur les questions économiques - face à l’absence de résultats tangibles. Et à ce stade, ils ne semblent pas partager la conviction du président selon laquelle son élection de 2024 lui aurait conféré un mandat clair et étendu sur des questions au-delà de l’économie.Quelques perspectives et réflexions pour les démocrates en vue de 2026 et de 2028Les démocrates sortent clairement revigorés de ces élections, après une année où ils ont peiné à exister comme véritable force d’opposition à Trump et au parti républicain. L’image du parti reste à des niveaux historiquement bas, et pourtant, les électeurs se sont déplacés massivement pour rejeter le programme trumpiste et propulser les démocrates au pouvoir. Les républicains, quant à eux, paient le prix de leur loyauté envers un président très impopulaire. Mais chaque camp peut tirer des leçons de ce scrutin.- Les démocrates ont su utiliser Trump comme catalyseur de leur discours électoral et pour mobiliser des électeurs mécontents. L’absence du président sur les bulletins a, en revanche, affaibli la participation républicaine. Cet écart d’enthousiasme a clairement favorisé les démocrates en 2025 et pourrait jouer un rôle similaire en 2026 - tout repose en effet sur les enjeux nationaux et internationaux qui émergeront durant l’année à venir. Mais en 2028, lorsque Trump ne pourra plus se représenter, les démocrates devront offrir davantage qu’une simple alternative à Trump : ils devront convaincre par leur vision, leur stratégie et leurs propositions concrètes. De leur côté, les républicains devront faire émerger une figure capable de rassembler le parti et de maintenir l’engagement des électeurs dans l’absence de la figure charismatique de Trump. Le vice-président J.D. Vance commence déjà à se positionner comme l’héritier désigné de Trump et le futur visage du conservatisme américain.- Les élections de mardi ont également montré que les réalités locales priment à ce stade chez les électeurs démocrates sur une idéologie nationale unifiée. Alors que le parti cherche à convaincre en vue des élections de mi-mandat, il semble que les électeurs préfèrent les candidats qui se focalisent précisément et concrètement sur les problèmes qui les touchent de près, notamment économiques. Les électeurs démocrates - tout comme les indépendants qu’ils cherchent à rallier - ne forment pas un bloc homogène ; leurs valeurs et priorités varient. Des politiques locales adaptées aux territoires très variés semblent résonner davantage et pourraient s’avérer être une stratégie gagnante pour 2026.En 2028, lorsque Trump ne pourra plus se représenter, les démocrates devront offrir davantage qu’une simple alternative à Trump- Mais les grandes questions idéologiques restent à trancher. L’élection municipale de New York a mis en lumière certaines fractures persistantes au sein du parti démocrate - et plus largement de l’électorat américain. Les électeurs de Mamdani étaient principalement âgés de moins de 45 ans, diplômés de l’enseignement supérieur, souvent primo-votants et enregistrés comme démocrates. Ceux d’Andrew Cuomo, figure démocrate bien connue ayant concouru en tant qu’indépendant avec le soutien de Trump, étaient plutôt plus âgés, sans diplôme universitaire et natifs de New York. Les indépendants se sont divisés entre les deux candidats. Les partisans de Mamdani cherchaient le changement ; ceux de Cuomo, l’expérience. Même dans un bastion libéral comme New York, des lignes de fracture internes subsistent : clivages générationnels, fractures éducatives, tensions entre progressistes et centristes. Ces débats animent les démocrates à l’échelle nationale également, et les réponses à ces questions pourraient constituer le socle sur lequel la gauche bâtira sa base pour la présidentielle de 2028. Les élections de mi-mandat de 2026 serviront probablement de laboratoire pour ces sujets, offrant aux électeurs démocrates une nouvelle occasion, à portée nationale cette fois, de trancher entre différentes visions et approches idéologiques.Des leçons également pour les républicainsLes élections de 2025 laissent entrevoir plusieurs avertissements pour les républicains :- Le soutien à l’agenda politique de Donald Trump montre des signes d’essoufflement. Le mécontentement public vis-à-vis de sa présidence s’accroît avec le temps. La période de grâce du président est révolue, et les électeurs associent désormais l’état du pays - notamment économique - à ses politiques. Si la base républicaine lui reste globalement fidèle (même si l’on observe un léger affaiblissement aux marges), ces électeurs ne se mobilisent pas forcément pour soutenir les candidats républicains locaux. Trump, repoussoir pour les électeurs démocrates, le devient de plus en plus pour les indépendants, pourtant indispensables à toute victoire républicaine.- Les électeurs attendent des résultats économiques concrets, et leur fenêtre d’opportunité risque de se refermer. Si les républicains veulent convaincre en 2026, ils devront sans doute privilégier les arguments économiques aux thèmes culturels ou aux polémiques "anti-woke". Alors que le shutdown [fermeture du gouvernement] perdure, ce qui, entre autres conséquences, menace les aides alimentaires de 42 millions d’Américains et prive de salaire des centaines de milliers de fonctionnaires, les citoyens affrontent d’autres difficultés : coûts du logement et de la nourriture en hausse, stagnation des revenus, dettes médicales et peur croissante d’une récession. À l’approche des fêtes de Thanksgiving et de Noël, les Américains sont particulièrement sensibles à leur situation financière. Et ils le seront jusqu’en novembre 2026.Les citoyens affrontent d’autres difficultés : coûts du logement et de la nourriture en hausse, stagnation des revenus, dettes médicales et peur croissante d’une récession.Si les républicains de Trump ne parviennent pas à présenter des résultats tangibles à mesure que la saison des élections de mi-mandat approche, ils risquent d’être les prochaines victimes de l’adage désormais intemporel, celui qui a propulsé Trump à la victoire tout juste il y a un an : "It’s the economy, stupid".Copyright image : ALEX WONG / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP Abigail Spanberger, nouvellement élue gouverneur de la Virginie, le 4 novembre 2025 à Richmond. ImprimerPARTAGERcontenus associés 09/10/2025 Droite-tech et nationalistes chrétiens : mariage contre-nature à la Maison-... Julian Blum 17/09/2025 [Le Monde de Trump] - États-Unis : "Trump est l’agent provocateur dont nous... Michel Duclos Soli Özel