AccueilExpressions par Montaigne2035, 2040 : l’Europe à la recherche des objectifs climatiques perdusLa plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne Environnement18/09/2025ImprimerPARTAGER2035, 2040 : l’Europe à la recherche des objectifs climatiques perdusAuteur Joseph Dellatte Expert Résident - Climat, énergie et environnement Auteur Hugo Jennepin Reyero Chargé de projet - Énergie et décarbonation D'ici 2040, 90 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; d'ici 2050, zéro émission nette. D'ici 2035, interdiction de la vente des moteurs thermiques. Bonnes actions d'une UE trop zélée ? Certains le pensent, et défendent la révision d'objectifs qui seraient autant de balles que l'Europe se tirerait dans les pieds. Les derniers débats européens sur le sujet vont en ce sens. Mais, nous montrent Joseph Dellatte et Hugo Jennepin Reyero, en rabattre de nos ambitions revient à financer à l'étranger des transformations qu'il est urgent de réaliser sur notre sol pour affirmer la position des Européens via des choix qui favorisent notre compétitivité industrielle et sont fondés sur une rigoureuse rationalité économique.Durant son discours sur l’État de l’Union (SOTEU), la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a réaffirmé son engagement en faveur du Pacte vert Européen, le présentant comme l’héritage marquant de son premier mandat. Malgré une place minime accordée aux enjeux climatiques, la présidente a réaffirmé que "la science est parfaitement claire", établissant un lien direct entre la politique environnementale, la compétitivité industrielle et la sécurité de l’Europe.Cependant, à peine 48 heures plus tard, la netteté de cette évidence semble s’être estompée. La présidence danoise du Conseil de l’UE a annoncé que l'objectif de l'Union en matière d'émissions pour 2040 serait discuté au Conseil européen, offrant un droit de veto potentiel sur les ambitions climatiques de l'Union à des pays comme la Hongrie - connue pour ses positions climato-sceptiques - et la Pologne - opposant croissance et environnement. Ce revirement soudain est le fruit d'un épisode opaque et inquiétant de manœuvres politiques. S’y joue un acte qui révèle, plutôt que de résoudre, les profondes fractures au cœur de la gouvernance climatique européenne.Au moment même où l'Europe devrait creuser son sillon pour la décarbonation de son industrie, son agenda climatique est menacé. Trois politiques phares font actuellement l'objet d'une vive opposition à Bruxelles - à un moment on ne peut plus périlleux.Dix ans après l'accord de Paris, l'UE arrive ainsi sans aura à Belém, pour la COP30, offrant à la Chine des victoires économiques et géopolitiques faciles. La nouvelle Contribution Déterminée au niveau National (CDN) européenne, prévue pour septembre, devait fournir une trajectoire claire vers la neutralité carbone d'ici 2050, ancrée dans le cap de réduction d’émissions pour 2040 proposé par la Commission. Cet objectif est aujourd’hui abandonné, progressivement érodé par une opposition politique forte et assez chaotique, depuis sa publication cet été, laissant une Europe en proie aux retards technologiques et à la perte d’ambition.Au-delà de la diplomatie climatique, les incertitudes impactent la transformation industrielle du continent et sa compétitivité future. L'interdiction de la vente de nouveaux moteurs à combustion à partir de 2035, saluée à l’époque comme la pierre angulaire de la transition verte de l'UE lors de son adoption en 2023, est actuellement en train d’être révisée - des consultations publiques sont en cours pour une décision en 2026. Plusieurs industriels et États membres ont ainsi fait monter la pression pour une approche "plus pragmatique", un euphémisme pour promouvoir une affaiblissement de l’interdiction.L'interdiction de la vente de nouveaux moteurs à combustion à partir de 2035, saluée à l’époque comme la pierre angulaire de la transition verte de l'UE lors de son adoption en 2023, est actuellement en train d’être révisée.Si à court terme un retour sur l’interdiction pourrait préserver les rentes technologiques des acteurs européens, c’est une stratégie coûteuse au long cours. Alors que l’Europe tergiverse, la Chine, sans même recourir à une interdiction formelle des véhicules thermiques, prend une nette longueur d’avance grâce à une politique industrielle ambitieuse - inexistante en Europe - lui permettant de dominer les technologies de demain.La véritable question n’est donc pas de savoir s’il faut revenir sur l’interdiction des moteurs thermiques en 2035, ni même sur les objectifs climatiques de 2040, mais plutôt de déterminer si l’Europe est capable d’accompagner la transformation de ses industriels. Cela peut passer soit par des règles strictes - interdictions, prix du carbone, l’approche européenne du "bâton" - soit par un soutien massif et généralisé à l’innovation de rupture et à la mise à l’échelle, à l’image de la stratégie chinoise. Revenir sur la stratégie européenne sans proposer d’alternative reviendrait, en réalité, à abdiquer toute stratégie.Les coulisses d’une anti-stratégie européenneAu départ, tout semblait réuni pour que l'objectif 2040 soit rapidement adopté lors du prochain Conseil Environnement. Cependant, sous la pression d'une coalition hétéroclite - France, Italie, Pologne, Hongrie, Slovaquie et Autriche - Copenhague a fait volte-face, reportant la décision au Conseil européen. Cette décision confère de facto à chaque chef d'État un droit de veto et introduit des enjeux géopolitiques majeurs dans ce qui aurait dû être une négociation technique sur le climat.La Commission européenne avait proposé une réduction de 90 % des émissions d'ici 2040 par rapport aux niveaux de 1990, avec une flexibilité limitée à 3 % à travers des crédits carbone internationaux (CCI) prévus à l'article 6 de l'accord de Paris. Cette compensation limitée, introduite par l'Allemagne et soutenue par le Danemark ainsi que d'autres membres ambitieux en matière de climat, visait à préserver l'intégrité de la trajectoire de décarbonation de l'Europe.Mais les divisions ne se sont pas fait attendre. Avant l’été, la France a plaidé pour 7 % de CCI, cherchant à obtenir une plus grande marge de manœuvre pour les secteurs confrontés à des coûts de transition élevés. La Pologne est allée plus loin, préconisant l'intégration directe des CCI dans le Système d'Échange de Quotas d'Émissions (ETS) de l'UE - une mesure qui atténuerait la pression sur ses industries nationales à mesure que les allocations gratuites dans le cadre de l’ETS1 sont supprimées. Varsovie a ouvertement brandi la menace du veto si ses demandes étaient ignorées.En résulte une étrange alliance d'intérêts contradictoires : les figures de proue climatiques craignant une perte de crédibilité, les grandes économies comme la France cherchant une marge de manœuvre, et les retardataires comme la Pologne déterminés à ralentir la transition. Le danger est manifeste : si cette dynamique venait à se concrétiser au sein du Conseil, l'ambition climatique de l'Europe pour 2040 pourrait être vidée de sa substance - voire totalement paralysée.Si la proposition polonaise visant à instaurer une flexibilité de 10 % par rapport au niveau de référence de 1990 était adoptée, l'UE financerait à l'étranger un volume de réductions d'émissions équivalent à celui qu'elle est autorisée à émettre sur son territoire dans le cadre d'une trajectoire de réduction de 90 %, d'ici 2040. Le coût économique et tactique est élevé pour les États membres, qui devraient financer des projets de décarbonation à l'étranger afin de respecter leurs objectifs et d'éviter d'éventuels recours en justice.Chaque euro dépensé pour des compensations à l'étranger est un euro qui n'est pas investi dans la décarbonation des territoires, alors même que ces investissements nationaux seront inévitables dans un futur proche.Cette approche est à double tranchant. Chaque euro dépensé pour des compensations à l'étranger est un euro qui n'est pas investi dans la décarbonation des territoires, alors même que ces investissements nationaux seront inévitables dans un futur proche.Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 signifie que toutes les émissions nationales restantes devront être éliminées quoi qu'il arrive, tôt ou tard. Trop de flexibilité risque ainsi de retarder l'action tout en augmentant les coûts totaux. L'Europe paiera double, une fois pour décarboner à l'étranger, puis une fois chez elle, plus tard, bien souvent quand elle sera dépassée.De Paris à Belem, l’Europe à contresens climatique ?À l'approche de la COP30 en novembre, l'UE est confrontée à une échéance cruciale : le dépôt de sa Contribution déterminée au niveau national (CDN), son engagement officiel dans le cadre de l'accord de Paris. Dans une note préparée à l'intention des ambassadeurs du Conseil de l'UE, la présidence danoise a proposé un objectif d'émissions pour 2035 compris entre 66,3 % et 72,5 % en-dessous des niveaux de 1990.L'intervalle est révélateur. Une réduction de 66,3 %, basée sur une trajectoire linéaire entre 2030 et 2050, laisserait l'UE loin de son objectif de neutralité carbone, tandis que le plafond de 72,5 % correspondait à la proposition initiale danoise. En séparant l'objectif de 2035 du 2040, les États membres ont ouvert une faille dans - et potentiellement retardé - l’objectif, sapant ainsi la crédibilité européenne avant même le début de la COP30.La temporalité est malvenue. Alors que seulement 28 pays ont actualisé leur CDN, le régime climatique multilatéral est fragile, en particulier après le retrait agressif des États-Unis de la diplomatie climatique mondiale. Si l'UE et la Chine arrivent toutes deux avec des engagements faibles, la COP30 risque l'insignifiance. Comblant cette absence, une CDN chinoise modeste serait applaudie du fait même de son existence, aussi lointaine soit-elle de l'objectif de neutralité carbone de Pékin pour 2060, et l'objectif de 2050 aligné sur l'accord de Paris.C’est le positionnement de l'Europe en tant que leader mondial en matière de climat qui est en jeu, tant à la table des négociations que dans la course économique acharnée pour dominer les industries d'un monde neutre en carbone. Pour l’instant, le continent vacille.Les conséquences vont bien au-delà de la diplomatie. C’est le positionnement de l'Europe en tant que leader mondial en matière de climat qui est en jeu, tant à la table des négociations que dans la course économique acharnée pour dominer les industries d'un monde neutre en carbone. Pour l’instant, le continent vacille.2035, vers la fin des moteurs thermiques : pari audacieux ou mirage du passé ?Cette confusion est clairement visible dans la bataille qui fait rage à Bruxelles autour de l'interdiction prévue en 2035 de la vente de moteurs à combustion interne (MCI). Les transports représentent un tiers des émissions de l'UE, 70 % desquelles proviennent des voitures et des camions. Pire encore, les émissions de ce secteur ont augmenté depuis 1990, ce qui en fait le plus grand échec climatique de l'Europe.Adopté en 2023, cet objectif est devenu la cible principale d'une partie de la classe politique et la victime d’un manque de vision stratégique. Au-delà des véhicules, l’interdiction illustre une bataille plus large sur l'avenir industriel de l'Europe, en particulier dans les technologies qui seront déterminantes pour la croissance future, telles que les batteries.D'un côté, les défenseurs du statu quo cherchent à protéger les technologies existantes, anciens fleurons de l’industrie européenne. De l'autre, les partisans de l'électrification encouragent des investissements massifs dans les batteries et les mobilités propres, pour rattraper les années de retard sur la Chine. La division se poursuit au sein des constructeurs automobiles européens : certains s'accrochent à la "neutralité technologique", espérant que les carburants synthétiques prolongeront un jour la durée de vie des moteurs à combustion, tandis que d'autres misent résolument sur l'électrification, trop souvent au désavantage de l’Europe. S'appuyant sur des batteries chinoises bon marché pour alimenter les voitures européennes, aucune place n’est faite pour des chaînes d'approvisionnement nationales ni le développement d’une souveraineté technologique.Ce revirement reflète le choix cornélien auquel fait face l'Europe : rester ancrée dans le passé ou miser entièrement sur les industries du futur. Jusqu’ici, l’Europe a voulu jouer sur les deux tableaux - au risque de perdre sur les deux fronts.Ambitions climatiques ou stratégies politiciennes ?Alors qu’il devait renforcer les ambitions climatiques de l’UE, l'objectif 2040 a mis en évidence des divisions profondes. Au Parlement européen, les lignes de fracture sont autant partisanes que nationales. Les droites extrêmes appellent à abandonner complètement l’objectif 2040, tandis que les sociaux-démocrates veulent le renforcer en supprimant les flexibilités. Les conservateurs du PPE sont pris en tenailles, entre un "pragmatisme" climatique et la pression électorale croissante de son aile droite - le parti reste cependant uni dans sa défense du moteur à combustion interne.Friedrich Merz a fait écho à l'appel d'Emmanuel Macron pour que la question soit tranchée par le Conseil européen, une décision qui ralentirait, voire bloquerait l'action climatique de l'UE sans violer explicitement les engagements de son parti, la CDU.La position allemande reflète cette ambivalence. Formellement, la coalition au pouvoir est contrainte par son accord de gouvernement de soutenir l'objectif de 2040. Cependant, les tensions restent fortes en interne. Friedrich Merz a fait écho à l'appel d'Emmanuel Macron pour que la question soit tranchée par le Conseil européen, une décision qui ralentirait, voire bloquerait l'action climatique de l'UE sans violer explicitement les engagements de son parti, la CDU.La France, quant à elle, illustre les bouleversements institutionnels et politiques qui secouent certaines parties de l'UE. Alors que le gouvernement françaiset les principaux acteurs industriels soutiennent publiquement des objectifs ambitieux, tant en matière de réduction des émissions que de transport, l'Élysée a adopté une ligne différente. Macron soutient un pari risqué pour mettre en place des "conditions habilitantes" : plus grande reconnaissance de l'énergie nucléaire, soutien supplémentaire à l'industrie lourde, assouplissement des règles d'utilisation des sols et révision du cadre de répartition des charges. Ces demandes, qui peuvent apparaître réalistes, viennent alors même que la France a déjà obtenu des concessions importantes, notamment sur le nucléaire. Plusieurs textes européens redéfinissent l’atome, ouvrant la voie à un traitement préférentiel et à de nouvelles sources de financement.L'objectif de 2040 et l'interdiction des moteurs à combustion interne en 2035 sont difficilement séparables. Un assouplissement de la réglementation automobile rendrait mathématiquement impossible la réalisation de l'objectif de 2040, tandis que le report de la décision de 2040 compromettrait l’intégrité de l'interdiction de 2035. La fragmentation des États membres et de industries risque de transformer ces deux mesures emblématiques en simple monnaies d'échange, avec des conséquences profondes, non seulement pour la trajectoire climatique et le leadership mondial de l'Europe, mais aussi pour l'avenir de son économie industrielle.L’Europe peut-elle encore forger une stratégie cohérente ?Au carrefour des ambitions climatiques et des inquiétudes industrielles, le débat sur l'objectif de 2040 et la révision de l'interdiction des moteurs à combustion interne reflètent une réflexion plus profonde sur l'avenir environnemental et économique de l'Europe. Confrontée au protectionnisme agressif de Trump et à la progression rapide de la Chine dans le domaine des clean techs bon marché, l'UE est contrainte de repenser son programme écologique.Le leitmotiv de la Commission von der Leyen II est la compétitivité, ou la promesse de faire coïncider croissance économique et transition écologique. Cependant, la compétitivité ne doit pas être comprise comme un slogan ni comme une porte de sortie ; c’est une stratégie tournée vers l'avenir : une transformation décisive qui positionne l'Europe pour une prospérité durable dans un monde décarboné.Défendre le statu quo n'est pas un positionnement de compétitivité. C'est au contraire économiquement autodestructeur. Alors que les industries européennes font face à des coûts énergétiques deux à trois fois plus élevés que leurs concurrents chinois ou américains, tout en opérant dans un système commercial strictement réglementé et en ayant moins d'outils fiscaux pour se protéger les chocs mondiaux, l'Europe ne peut se contenter d'imiter les États-Unis ou la Chine. Le continent doit tracer sa route, basée sur ses atouts uniques, et agir fermement pour conserver les avantages résiduels liés à sa position de premier entrant - avant qu’ils ne disparaissent.Défendre le statu quo n'est pas un positionnement de compétitivité. C'est au contraire économiquement autodestructeur.Les objectifs climatiques ne sont pas seulement des réussites diplomatiques, ils constituent également un argument industriel. Les inscrire dans la loi apporte aux investisseurs la clarté nécessaire pour engager des capitaux, réduire les risques liés aux investissements propres et créer les conditions d'une transformation industrielle rapide.Un leadership européen fort permet également aux gouvernements nationaux et à la Commission de redoubler d’effort sur la mise en place de politiques de soutien, en concevant une stratégie industrielle cohérente axée sur la "compétitivité durable".Totémiser les ambitions climatiques comme un obstacle à la compétitivité est trompeur. La crise de l'industrie automobile allemande, par exemple, va bien au-delà de l'interdiction des MCI en 2035. Les constructeurs automobiles allemands perdent du terrain sur le marché chinois en même temps qu’ils sont confrontés à une hausse des droits de douane aux États-Unis. Le passage réussi aux véhicules zéro émission n'est pas une concession environnementale, mais une condition préalable à leur survie sur le marché mondial - d’où la nécessité d’une stratégie ambitieuse centrée sur la structuration de l’offre. Une note à paraître de l’Institut Montaigne rappelle que des mesures de ce genre telles que l'interdiction de la vente des véhicules thermiques à l’horizon 2035 ne pourront être acceptées par les consommateurs que si elles s’accompagnent d’alternatives accessibles et, si possible, européennes. Faute de quoi, le "backlash" déjà à l’œuvre s’amplifiera. Dans ce contexte, la clartéimporte plus que la "flexibilité". Clients comme fabricants ont besoin d'un signal clair pour se rééquiper et investir.La réalité est indéniable : le moteur à combustion interne disparaîtra, que ce soit en 2035 ou peu après. Les secteurs difficiles à décarboner, comme l'acier et l'aluminium, subiront également une profonde transformation. Les technologies propres qui permettent cette transition seront le moteur de la croissance de demain. Il n'y aura pas de période de grâce dans la course mondiale au leadership écologique. Repousser l’évidence de l'action pourrait apporter un soulagement temporaire alors que la croissance ralentit, mais cela laisserait l'Europe dangereusement mal préparée à ce qui l'attend - et enfermée dans ses dépendances internationales.La Chine s'est déjà positionnée sur les industries de l'avenir, des batteries aux panneaux solaires, et devient progressivement le leader mondial de la transition. L'Europe doit identifier de toute urgence les secteurs dans lesquels elle entend conserver ou renforcer son leadership, et agir de manière décisive pour faire monter d’échelle la production et l'innovation tant qu’elle peut user de ses avantages.Le coût financier, social et industriel de l’inaction est bien trop lourdNe pas se transformer a un coût. Une étude récente de l'université de Mannheim avec la BCE estime que les événements climatiques extrêmes de cet été ont à eux seuls causé 43 milliards d'euros de pertes. D'ici 2029, le coût économique cumulé des vagues de chaleur, des sécheresses et des inondations pourrait tripler pour atteindre 126 milliards d'euros. La France figure parmi les pays les plus exposés, avec des pertes prévues passant de 10 milliards d'euros en 2025 à 34 milliards d'euros en 2029. La Cour des comptes estime que le financement de la transition écologique coûterait environ 1,2 % du PIB par an, contre 15 % du PIB pour couvrir les coûts d’adaptation si l'action est retardée.En d'autres termes, l'inaction coûte bien plus cher que la transformation. Affaiblir les objectifs de l'Europe aujourd'hui ne fera qu'augmenter la fréquence et la gravité des catastrophes climatiques, nuisant tant aux citoyens qu’à l'économie. La transition n'est pas seulement un impératif environnemental, c'est, comme le dit la Cour des comptes, une "décision rationnelle et économiquement pertinente."L'Europe doit donc ancrer ses ambitions climatiques dans une stratégie industrielle audacieuse. Cela implique de protéger les secteurs stratégiques tout en les équipant pour leur transformation, d'accélérer l'innovation et le déploiement des technologies propres, et de créer un marché concurrentiel dans lequel les produits européens bas carbone constituent le choix naturel tant pour les fabricants que pour les consommateurs.En investissant dans ses atouts et en établissant des règles claires et prévisibles, l'UE peut faire en sorte que les objectifs climatiques ne soient plus considérés comme des fardeaux, mais comme les fondements de la compétitivité dans un monde incertain.Les débats à venir seront difficiles. Certaines industries devront supporter des coûts plus lourds à court terme, avec la perspective d'une résilience et d'une prospérité à long terme. En investissant dans ses atouts et en établissant des règles claires et prévisibles, l'UE peut faire en sorte que les objectifs climatiques ne soient plus considérés comme des fardeaux, mais comme les fondements de la compétitivité dans un monde incertain.L'alternative est la dérive : une Europe qui défend les industries d'hier, perd les marchés de demain et supporte les coûts croissants du chaos climatique.Plutôt que de saper leurs politiques écologiques, l'Europe et ses États membres - en particulier le triangle de Weimar : la France, l'Allemagne et la Pologne - doivent saisir cette occasion pour résoudre leurs divisions politiques et creuser un sillon commun. Cela repose sur trois piliers : un objectif ambitieux pour 2040, une feuille de route crédible vers la neutralité carbone pour le secteur automobile et une stratégie industrielle européenne cohérente qui profite à toutes les régions - Ouest, Est, Sud et Nord - même lorsque la délocalisation industrielle est nécessaire pour des raisons pratiques.Copyright image : NICOLAS TUCAT / AFP Ursula von der Leyen lors d’une conférence de presse, le 16 septembre 2025 à Bruxelles.ImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneJuillet 2025Cleantech : réduire nos dépendances stratégiques à la ChineL’UE vise la neutralité carbone d’ici 2050, mais reste dépendante de matériaux critiques dominés par la Chine. Cette note explore les enjeux géopolitiques et les leviers pour une souveraineté industrielle européenne durable.Consultez la Note d'action 16/09/2025 Grand oral d’Ursula von der Leyen : l’Europe saura-t-elle monter d’un cran ... 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