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Opération spéciale

Budget 2024 :
derrière les débats, quels enjeux pour les Français ?

Cette année, les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 seront étudiés et votés à l’Assemblée nationale puis au Sénat dans un contexte politique inédit : depuis les élections législatives de juin 2022, l’exécutif ne possède plus qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Dans ce nouveau paysage parlementaire, les débats jouent plus que jamais un rôle clé dans le vote des budgets. Ces discussions seront particulièrement décisives au regard des enjeux budgétaires qui sont actuellement au cœur des préoccupations des Français : crise énergétique, inflation, pouvoir d’achat…

Dans ce contexte, et durant toute la période budgétaire, l’Institut Montaigne proposera une série d’analyses sur le travail parlementaire et les propositions des différentes nuances politiques :

  • des décryptages thématiques des mesures et amendements majeurs sur des sujets allant de l’éducation au logement, en passant par la transition écologique et énergétique ou encore la santé.
  • des éléments d’analyse et de chiffrage du coût des propositions et amendements formulés par les différents groupes et alliances politiques ainsi que leur éventuelle cohérence avec les programmes présentés lors des élections présidentielles et législatives.

 

Nos analyses sur le budget 2024

Le PLF et PLFSS en 6 questions

Le rôle de ces textes financiers est de présenter l’ensemble des dépenses (et prévisions de dépenses) et des recettes du budget de l’État et de la sécurité sociale, pour l’année à venir. Y sont ainsi présentées : les principales mesures et politiques publiques décidées par le gouvernement et les crédits budgétaires qui leur sont alloués. À titre d’exemple, dans le cadre du PLF pour 2024, le gouvernement a prévu d’accroître le budget destiné à l’enseignement scolaire (le ministère de l’Éducation nationale étant le premier poste de dépenses de l’État) de 3,7 milliards d’euros supplémentaires, le portant ainsi de 56,5 à 60,2 milliards d’euros.

Les députés et les sénateurs jouent un rôle important dans l’élaboration du texte final du PLF. En effet, dès lors qu’il est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, le PLF est scrupuleusement décortiqué par les députés et les sénateurs.

  • Les parlementaires peuvent :
    • user d’un droit d’amendement leur permettant de modifier les textes,
    • proposer d’ajouter ou de supprimer une disposition fiscale,
    • modifier la répartition des dépenses au sein d’une mission, entre programmes,
    • se prononcer sur les plafonds d’emplois et les critères de performance d’un ministère.
  • Les parlementaires ne peuvent pas proposer des amendements qui augmenteraient les dépenses publiques ou diminueraient les ressources de l’État.
    C’est la raison pour laquelle de nombreux amendements sont "gagés", c’est-à-dire qu’ils apportent une compensation financière à toute diminution de ressources publiques qu’ils proposent. Toutefois, les contreparties financières proposées sont souvent les mêmes : majoration de l’accise sur les alcools ou création d’une taxe additionnelle sur le tabac. Ce principe est inscrit dans l’article 40 de la Constitution du 4 octobre 1958. De plus, conformément à l’article 41, le gouvernement peut frapper d’irrecevabilité un amendement qui ne relèverait pas du domaine de la loi. Aussi, contrairement au gouvernement, les parlementaires ne peuvent créer une mission ou redéployer des crédits entre des programmes de missions différentes.

Chaque PLF s’ouvre par un exposé général des motifs. Il présente les orientations générales et l’équilibre budgétaire du texte, y compris les grandes hypothèses macro-économiques et de soutenabilité des finances publiques. En complément, figure également une évaluation succincte des recettes du budget général.

Un article liminaire vient ensuite faire état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations pour l’année suivante, tout en revenant sur les soldes réellement observés les années précédentes.

Le contenu du PLF se décompose par la suite en deux parties :

  • la "première partie du PLF" qui s’ouvre traditionnellement par l’article 1. Elle autorise la perception des impôts par l’État pour l’année à venir. Les autres articles de cette partie sont relatifs aux recettes de l’État, soit en grande majorité les mesures sur la fiscalité.
  • la "seconde partie du PLF" ne peut être discutée avant l’adoption de la première partie du PLF. Elle porte principalement sur les budgets alloués aux ministères.
    Ces crédits sont répartis entre 32 "missions" budgétaires (Culture, Défense ou Pouvoirs publics par exemple), elles-mêmes composées de "programmes", c’est-à-dire des enveloppes globales et limitatives de crédits mises à la disposition des ministères. Les programmes sont scindés en "actions", soit la destination prévue des crédits, à titre indicatif.

Préparé par la Direction du Budget (DB) du ministère de l’Économie et des Finances, le PLF est d’abord soumis au Haut conseil des finances publiques (HCFP) afin d’évaluer la réalité des hypothèses économiques, avant d’être examiné par le Conseil d’État. À la suite de sa présentation en Conseil des ministres, le PLF est déposé à l’Assemblée nationale afin que les députés, puis les sénateurs procèdent à l’examen du texte avant de le voter. Enfin, si le Conseil constitutionnel n’est pas saisi pour juger de la constitutionnalité du PLF, la loi de finances initiale est officiellement promulguée par le président de la République et publiée au Journal officiel.

Toutes ces étapes sont explicitées sur l'​​infographie Comment est élaborée une loi de finances ? sur vie-publique.fr

Le 3e alinéa de l’article 49 de la Constitution du 4 octobre 1958, ou Constitution de la Ve République, énonce : "Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale sur le vote d'un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée dans les vingt-quatre heures qui suivent, est votée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent. Le Premier ministre peut, en outre, recourir à cette procédure pour un autre projet ou une proposition de loi par session."

Ainsi, le "49.3", est un outil constitutionnel grâce auquel le gouvernement peut forcer l’adoption d’une loi rejetée par l’Assemblée nationale. S’il ne peut user de ce droit qu’une fois maximum lors d’une session parlementaire - c’est-à-dire la période durant laquelle les parlementaires se réunissent pour délibérer, du premier jour ouvrable d’octobre au dernier jour ouvrable de juin - le gouvernement peut en revanche avoir recours au 49.3 autant qu’il le souhaite sur le PLF et le PLFSS.

À titre d’exemple, Michel Rocard est celui qui a eu le plus recours au 49.3 : 28 fois sur 13 textes différentsdurant les trois années où il était Premier ministre (1988-1991), sous la présidence de François Mitterrand.

Le gouvernement peut décider, après délibération en Conseil des ministres, d’utiliser le 49.3 lorsque les débats s’enlisent ou s’il a besoin de faire passer une loi en urgence. Le recours à cet article entraîne alors la suspension des débats parlementaires. L’exécutif décide alors du contenu du texte : il choisit quels amendements y intégrer, qu’ils aient été adoptés ou non lors des débats en commission des finances ou en séance publique. Cette version du texte est ensuite adoptée sans vote, puis transmise au Sénat.

Bien que son recours soit souvent critiqué, parfois comme un "déni de démocratie", il est la traduction d’un équilibre des pouvoirs fixé et garanti par la Constitution du 4 octobre 1958. En effet, si le gouvernement choisit d’engager sa responsabilité sur un texte de loi, l’Assemblée nationale dispose d’un droit de réponse : les députés peuvent déposer une motion de censure dans les 24 heures suivant le recours au 49.3, à condition qu’au moins un dixième des membres de cette chambre la signent. Dans l’hypothèse où celle-ci serait adoptée dans les deux jours après le dépôt de la motion, le gouvernement serait renversé et donc contraint de présenter sa démission, tandis que le texte serait rejeté. Cependant, une telle situation serait inédite puisqu’aucune motion n’a jamais abouti depuis 1958.

Le détail de la mise en œuvre des programmes et des actions est ensuite exposé dans des documents annexés au PLF. Tout d’abord dans les projets annuels de performances (PAP) ou "bleus budgétaires". Ces documents constituent l’aspect le plus concret des finances publiques, car ils présentent la stratégie, les objectifs, les indicateurs et les cibles de résultat.

À cela s’ajoutent les documents de politique transversale, ou "oranges budgétaires", au sein desquels figurent les objectifs à atteindre pour une politique interministérielle comme la politique d’égalité femmes-hommes ou de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale par exemple.

Pour coordonner ces politiques spécifiques, le Premier ministre nomme un chef de file, chargé de constituer un document de politique transversale, en complément des PAP.

Enfin, les documents budgétaires jaunes sont des annexes informatives communiquées au Parlement au début des discussions budgétaires afin de préciser l’effort financier réalisé par plusieurs ministères dans un domaine précis, tels que ceux en faveur du sport, des préventions de santé ou des associations.

Nos chiffrages détaillés

700 M€ de gage tabac : augmentation de 1 € du prix du paquet de cigarettes

Impact de recettes supplémentaires prévues sur la fiscalité sur le tabac sur le prix d’un paquet de cigarettes

  • pour 100 M€ de recettes supplémentaires de la fiscalité sur le tabac (ie pour une mesure "gagée sur le tabac", pour un coût de 100 M€), une hausse du prix du paquet de cigarettes d’environ comprise entre 0,13 € et 0,17 € est à attendre, soit une médiane de 0,15 € ;
  • pour 700 M€ de recettes supplémentaires, la hausse du prix du paquet de cigarettes serait comprise entre 0,95 € et 1,12 € soit une médiane de 1,04 €.

Commentaire synthétique du chiffrage et ses effets

La hausse du prix d’un paquet de cigarettes induite par des "gages tabac" à hauteur de 700 M€ par amendements au PLF 2023 (1ère partie du PLF 2023 adopté par 49.3) serait d’environ 1,04€. Pour une hausse de 100 M€ la hausse du prix du paquet serait de 0,15 €.
 
L'impact sur les prix d'une hausse du rendement de la fiscalité sur le tabac n'est pas strictement proportionnel au rendement attendu. En effet, l'élasticité prix négative est croissante avec l'ampleur de la hausse des prix. C'est-à-dire que plus la hausse de rendement espéré est forte, plus le volume consommé diminue, ce qui nécessite une hausse de prix plus que proportionnelle à la hausse du rendement attendu, pour compenser l’effet négatif de la baisse du volume.
 
Il convient de noter que l'impact des "gages tabac" du PLF 2023 viendrait s'ajouter à une mesure de hausse de la fiscalité sur le tabac prévue par l’article 8 du PLFSS pour 2023. Leur effet combiné conduirait à une hausse de près de 2 € du paquet de cigarettes entre 2022 et 2025.

Chiffrage détaillé de la proposition

Si les fabricants sont libres de fixer le prix de leurs produits, ce prix est de fait fortement dépendant de la fiscalité qui s’y applique compte tenu de la structure de celle-ci : pour un paquet de cigarettes, la charge fiscale (accises et TVA) représente 84 % du prix.

La dynamique des prix a eu un impact très significatif sur la consommation, qui a fortement reculé jusqu'en 2020. Ainsi, entre 2018 et 2019 (soit après trois relèvements de fiscalité dans le cadre de la trajectoire LFSS 2018), les volumes de consommation de cigarettes et de tabac à rouler ont diminué de 16 %.

Comme dans l'étude d'impact de l’article 8 du PLFSS 2023, une élasticité-prix de -0,7 est retenue pour une hausse de prix faible (au niveau de 100M€). Pour une hausse de prix importante (au niveau de 700M€), une élasticité-prix de -0,75 est retenue. Ce dernier coefficient est celui constaté lors de la hausse de fiscalité entre 2018 et 2020 (+2,3 € de hausse de prix du paquet de cigarettes).

L'estimation de l’impact des amendements gagés sur une hausse des droits tabac est fondée sur une hypothèse d’une stabilité du prix hors taxes et remises (qui représente le coût de fabrication et de transport, ce qui implique une stabilité des marges des fabricants et fournisseurs).

Les bornes de l'impact du gage tabac sont estimées à partir des données de l'étude d’impact de l’article 8 du PLFSS 2023. La borne basse est établie à partir d'une méthode qui simule l’effet volume négatif pour chaque niveau de hausse de rendement puis en déduit la hausse de prix nécessaire pour atteindre le rendement attendu. La borne haute est établie à partir d'une méthode qui isole la hausse de prix induite par la mesure de déplafonnement de la revalorisation des prix prévue en PLFSS 2023, puis en déduit proportionnellement l'impact pour les niveaux de gage tabac simulés, avec une élasticité prix supérieure pour un rendement de 700M€.
 
Il convient de noter que l’effet des "gages tabac" du PLF 2023 viendrait s'ajouter à une mesure de hausse des droits tabac prévue par l'article 8 du PLFSS pour 2023. Leur effet combiné conduirait à une hausse d’environ 2 € du paquet de cigarettes entre 2022 et 2025. Le cumul potentiel de ces mesures est présenté ci-dessous.

 

Prix moyen pondéré des cigarettes (20 unités)2022202320242025
Trajectoire PLFSS 202310,16 €10,68 €11 €11,15 €
+ hausse de fiscalité à hauteur de 700 M€ de "gages tabac" en amendements au PLF 2023 11,72 €12,04 €12,19 €

 

Coût estimé : entre 300 M€ et 400 M€ par an

Contexte du chiffrage

Informations générales amendement déposé par les députés Eva Sas (Écologiste - NUPES) et Éric Coquerel (LFI - NUPES). Adopté par la commission des finances de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la 1ère partie du PLF.

Mesure proposée : exonérer de TVA l’usage domestique des premiers 18,2 m3 d’eau, ce qui correspond à la quantité d’eau nécessaire pour toute personne physique par an, d’après l’OMS.

Commentaire synthétique du chiffrage et ses effets

Les Français consomment de l'ordre de 54 m3 d'eau par an en moyenne, pour un coût facturé du mètre cube d'eau de 4,3 €. Au total, pour chaque habitant, les dépenses annuelles d’eau s'élèvent en moyenne à 230 €, soit près de 20 € par mois.

La facture d'eau des Français finance d’abord l'assainissement (42 %) et l'eau potable (37 %). Les redevances et taxes représentent un cinquième de la facture (21 %) et sont versées principalement au bénéfice des agences de l'eau et aux Voies Navigables de France (VNF). La TVA ne représente en moyenne qu’entre 13 € et 17 € de la facture annuelle des Français. 

La "suppression" de la TVA pour 18,2 m3 par an, sur les 54 m3 consommés en moyenne, conduirait à une économie moyenne comprise entre 4,5 € et 6 € par an. Au total, cette mesure impliquerait une économie de l'ordre de 50 centimes d'euro par mois pour les Français.

Chiffrage détaillé de la proposition

La TVA représente environ 7,5 % de la facture d'eau des Français. Sa "suppression" pour une consommation jusqu'à 18,2 m3 par personne impliquerait une moindre recette pour l'État comprise entre 300 M€ et 400 M€. 

L'Office français de la biodiversité estime qu'environ 1,4 million d'habitants en France métropolitaine, ont seulement "accès à des services de base (élémentaires) et n’ont pas accès à l’eau gérée en toute sécurité"). 

Néanmoins, il est peu vraisemblable que cette suppression améliore l'accès des Français à l’eau et à l'assainissement, celui-ci étant davantage limité par les infrastructures de réseau que par les frais de TVA payés par les ménages. À l'inverse, le financement de nouvelles infrastructures ou d'infrastructures rénovées par l'État suppose que celui-ci dispose des recettes nécessaires à son action.

Coût estimé : 0,8 Md€ par an

Contexte du chiffrage

Informations générales : amendement déposé par le député Charles de Courson (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Adopté par la commission des finances de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la 1ère partie du PLF.

Mesure proposée : indexer le barème de l'IR sur un niveau d'inflation de 6,4 % (et de 4,4 % pour la dernière tranche) et non de 5,4 %, comme prévu par le gouvernement.

Commentaire synthétique du chiffrage et ses effets

Le barème progressif de l'impôt sur le revenu repose sur des taux d'imposition croissants (0 %, 11 %, 30 %, 41 %, 45 %) en fonction des tranches de revenu, au nombre de cinq. L'amendement vise une revalorisation des 4 premières tranches de revenu de 6,4 % (au lieu de 5,4 % prévu par le Gouvernement dans le PLF pour 2023) et de 4,4 % de la dernière tranche (au lieu de 5,4 %). 

L’indexation globale de + 5,4 % prévue initialement par le Gouvernement coûterait 6,4 Md€ l’an prochain, la modulation prévue par l'amendement représenterait un surcoût annuel de 0,8 Md€ d’après l'outil Leximpact mis à disposition du Parlement. 

La mesure parlementaire, comme celle du Gouvernement, bénéficierait à l'ensemble des 18,7 millions de foyers fiscaux qui ne sont pas exonérés par l'impôt sur le revenu. Les ménages aux revenus élevés payant plus d'impôts, en seraient les principaux bénéficiaires. En moyenne, les foyers du 10ème décile de la répartition des revenus (au-delà de 55 275 €) gagneraient, par rapport à la mesure du Gouvernement, 95 € grâce à la mesure portée par l'amendement. 

À titre d'exemples, un foyer de 2 adultes gagnant 4 000 € ou 20 000 € par mois paieraient respectivement 32 € ou 285 € d'impôts sur le revenu en moins grâce à l'amendement, des économies pour ces ménages qui s'ajoutent à celles de 248 € et 1542 € qu'impliquent la mesure du Gouvernement. Autrement dit, si la norme fiscale demeurait inchangée, ces deux ménages paieraient respectivement 280 € et 1827 € d’impôts en plus en 2023.

Chiffrage détaillé de la proposition

L'amendement porté par l'Assemblée nationale impliquerait une baisse du rendement de l'impôt de 86,9 à 86,1 Md€. L'outil Leximpact, mis à disposition du Parlement, permet d'en décomposer le coût en fonction des déciles de revenus. Près de la moitié du coût de la mesure bénéficierait au 10e décile de revenus.

Recettes d'impôt sur le revenu en Md€PLF 2023AmendementMoindres recettes
1er décile : revenus ⩽ 2 366 €/an000
2ème décile : revenus ⩽ 9 034 €/an000
3ème décile : revenus ⩽ 13 487 €/an000
4ème décile : revenus ⩽ 17 108 €/an0,060,050,01
5ème décile : revenus ⩽ 20 664 €/an0,810,780,03
6ème décile : revenus ⩽ 25 758 €/an1,681,650,03
7ème décile : revenus ⩽ 31 957 €/an2,862,790,07
8ème décile : revenus ⩽ 40 104 €/an5,815,690,12
9ème décile : revenus ⩽ 55 275 €/an11,4311,30,13
10ème décile : au-delà64,2463,870,37
TOTAL86,8986,130,76

 

Source : Leximpact

Manque à gagner : 174 M€ par an

Contexte du chiffrage

Informations générales : amendements identiques déposés par les députés Marc Le Fur (LR) et Charles de Courson (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Adoptés par la commission des finances de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la 1ère partie du PLF.

Mesure proposée : relever la valeur faciale des titres-restaurant de 11,84 euros à 13 euros, afin de soutenir le pouvoir d’achat des salariés et de leur donner accès à un repas complet et sain.

Commentaire synthétique du chiffrage et ses effets

Le dispositif de ticket restaurant a un double coût pour les finances publiques : 

  1. La participation de l'employeur n'est pas assujettie aux cotisations patronales.
  2. La participation de l'employeur n'est pas assujettie à l'impôt sur le revenu du salarié.

Il existe donc un effet potentiel de substitution à une hausse de salaire, qui a un effet équivalent en net pour le salarié mais sans assujettissement ni social ni fiscal. 

L'amendement au PLF ne prévoit de compensation de la perte de recettes que pour l'Etat, par une hausse des taxes sur le tabac. Or la perte de recettes est trois fois plus importante pour la sécurité sociale que pour l'Etat. La législation sociale renvoyant au code général des impôts pour fixer le montant exonéré, l'exonération supplémentaire proposée par l'amendement s'appliquerait aussi à la sécurité sociale. Or, cet impact n'est pas identifié dans l'exposé des motifs. 

La DG Trésor estime que l'aide publique au dispositif des titres restaurant a un effet économique positif pour le secteur de la restauration et, plus largement, de l’alimentation. Mais elle ajoute que cette aide pourrait être orientée sur un autre secteur pour un même rendement et que par ailleurs, elle a un effet anti‐redistributif important dans la mesure où contrairement à une hausse du salaire qui serait plus neutre, la déduction fiscale associée au titre restaurant ne bénéficie pas aux revenus les plus faibles (qui sont non imposables).

Chiffrage détaillé de la proposition

La moindre recette pour la sécurité sociale liée à l'exonération actuelle de cette assiette est évaluée avant la mesure à 1,28 Md€.

En partant de cette donnée pour 2020 et en l'actualisant des hausses du montant de contribution patronale exonéré, l'impact de la hausse proposée pour le PLFSS 2023 peut être estimé à 134 M€ de pertes de recettes de cotisations sociales.

La moindre recette pour l'État liée à l’exonération d'impôt sur le revenu de la participation des employeurs est évaluée pour 2022 à 420 M€. En partant de cette donnée, actualisée de l'évolution proposée par la mesure, le coût fiscal de celle-ci peut être estimé à 41 M€. Le total des moindres recettes pour les finances publiques peut être estimé à 174 M€.

Coût estimé : 1,180 Md€ par an

Contexte du chiffrage

Informations générales : amendement déposé par le député Stéphane Peu (Gauche républicaine et démocrate - NUPES). Adopté par la commission des finances de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la 1ère partie du PLF.

Mesure proposée : revaloriser le montant des APL et allocations logements étant irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, le présent amendement propose d’octroyer aux bénéficiaires de l’APL un crédit d’impôt d’un montant équivalent, cette proposition étant recevable au titre de l’article 40.

Commentaire synthétique du chiffrage et ses effets

Le coût budgétaire de la mesure est très élevé. L'outil du crédit d'impôt n'est mobilisé que pour contourner l'article 40 de la Constitution, qui limite la création de dépense par amendement parlementaire davantage en matière de charge qu’en matière de recettes. La loi fiscale s'en retrouve encore complexifiée, l'impôt sur le revenu étant déjà grevé de très nombreuses niches fiscales. 

Sur le plan économique, les études universitaires du dispositif des APL pointent un risque de captation partielle de toute aide au locataire via une hausse des loyers qui tient compte de cette solvabilisation de la demande de logement. 

Chiffrage détaillé de la proposition

Le nombre de bénéficiaires des aides au logement (APL, ALS, ALF) est de 6,6 millions. Le crédit d'impôt proposé sur ce champ est de 15 € par mois soit 180 € par an. Le coût pour les finances publiques, en moindre recettes d'IR, est donc de 1,180 Md€. Cette estimation est cohérente avec l'exposé sommaire, qui chiffre une mesure équivalente directe sur les APL à 1 Md€.

Recettes supplémentaires estimées : 500 M€ 

Contexte du chiffrage

Informations générales : amendement déposé par le député Jean-Paul Mattei (MoDem et Indépendants). Adopté en séance publique de l’Assemblée nationale lors de l’examen de la 1ère partie du PLF.

Mesure proposée : mettre en place une majoration temporaire de 5 points du prélèvement forfaitaire unique (PFU), le portant à 35 %, sur les distributions de revenus par des grandes entreprises supérieurs de 20 % à la moyenne des revenus distribués entre 2017 et 2021.

Commentaire synthétique du chiffrage et ses effets

En 2018, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), également appelé "flat tax", est devenu l'option par défaut pour l'imposition des revenus du capital. Le PFU applique un taux de 30 % à ces revenus, que l’amendement propose de faire passer temporairement à 35 %.

D’après la documentation budgétaire, le rendement prévisionnel du prélèvement forfaitaire unique pourrait atteindre 6,1 Md€ en 2023. Au maximum, l’augmentation temporaire de 5 points du taux de prélèvement forfaitaire unique, en passant de 30 à 35 points, augmenterait de 17 % les recettes, soit 1 Md€ supplémentaire.

Néanmoins, l’augmentation de 5 points ne concerne que les dividendes versés, d’une part par des grandes entreprises (a), d’autre part dont les distributions de revenus sont supérieures de 20 % à la moyenne des revenus distribués entre 2017 et 2021 (b). Il n’existe pas d’informations publiques permettant d’estimer directement la part de dividendes concernées, des hypothèses doivent donc être faites.

  • (a) Au regard de la part des grandes entreprises dans les recettes de l’impôt sur les sociétés (33 %) et en considérant que les grandes entreprises sont susceptibles de verser davantage de dividendes que les entreprises de taille inférieure, les dividendes concernées par la mesure pourraient être au moins divisées par deux. Le rendement de la mesure serait alors réduit à 500 M€.
  • (b) Par ailleurs, toutes les grandes entreprises ne devraient pas être concernées par le dispositif. Néanmoins, la trajectoire d’augmentation spontanée des recettes de PFU attendue par le Gouvernement (4,9 Md€ en 2021, 5,7 Md€ en 2022, 6,1 Md€ en 2023) laisse indiquer que le versement des dividendes suit une dynamique soutenue (+ 25 % entre 2021 et 2023). Au regard de cette dynamique, il peut être fait l’hypothèse que les dividendes distribués en 2023 par toutes les grandes entreprises excèderont d’au moins 20 % la moyenne des 5 précédentes années. Autrement dit, en raison de la trajectoire de hausse des recettes du PFU, il apparaît vraisemblable que le ciblage de l’amendement sur les dividendes en hausse ne sera pas effectif.

Au total, l’Institut Montaigne estime donc que la mesure pourrait rapporter 500 M€ l’an prochain, une estimation néanmoins entourée d’incertitudes dues à l’indisponibilité de données fiscales.

Coût estimé : 40 M€ par an, dès 2023

Contexte du chiffrage 

Informations générales : article 17 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.

Mesure proposée : déployer des rendez-vous de prévention à des âges clés de la vie - à 25,45 et 65 ans - entièrement pris en charge par l'Assurance maladie.

Commentaire synthétique du chiffrage et ses effets

En France, environ 800 000 de personnes ont 25 ans, 865 000 ont 45 ans et 680 000 ont 65 ans. Chaque année, 2,3 M de personnes pourraient donc être concernées par le rendez-vous de prévention. 

Le Gouvernement estime, qu’en raison du non-recours au dispositif et d’une évaluation préalable aux rendez-vous de 45 et de 65 ans, seules 290 000 personnes effectueraient réellement le rendez-vous prévention en 2023 (12 %) et 860 000 personnes à l’horizon 2026 (37 %).

Selon l’Institut Montaigne, la prévision de 860 000 patients (et autant de consultations) par an, dès 2023, est plus vraisemblable. En effet, même si le dispositif est peu connu l’an prochain, tous les patients d’une tranche d’âge compris entre 20 et 25 ans, 40 et 45 ans, et 60 et 65 ans (et non seulement de 25, 45 et 65 ans) pourraient se rendre dès l’année prochaine au rendez-vous de prévention. Le nombre de personnes éligibles sera donc plus élevé que ce qui est mentionné dans le PLFSS. Dans les années à venir, le nombre de personnes éligibles baissera (car un patient ne va qu’à un rendez-vous prévention), tandis que le dispositif sera plus connu, impliquant un taux de recours plus élevé, ce qui est également anticipé par le gouvernement. Il est donc raisonnable d’estimer que ces deux phénomènes se compensent, conduisant donc à une prévision stable de 860 000 patients chaque année, et cela, dès l’an prochain.

Les rendez-vous prévention mobiliseraient l’équivalent de 250 médecins généralistes à temps plein, sur un total de 94 538. L’estimation de l’Institut Montaigne repose sur l’hypothèse que les médecins généralistes passent près de 44h30 par semaine auprès de leurs patients, pour une durée moyenne de consultation de 18 minutes. Ces consultations prévention seraient toutefois deux fois plus longues que les consultations de médecine générale ordinaire (36 minutes au lieu de 18 minutes), hypothèse prise en compte dans le chiffrage de l’Institut Montaigne.

L’impact des rendez-vous de prévention sur l’activité médecins spécialistes est en revanche difficile à anticiper.

Chiffrage détaillé de la proposition 

La durée de la consultation pourrait conduire à une majoration de son coût : au lieu de 25€ (actuellement chez le médecin généraliste), le tarif applicable à la prévention pourrait s’établir à 46€ (actuellement en vigueur chez le spécialiste), comme évoqué dans le PLFSS. 

Sous ces hypothèses, l’Institut Montaigne estime que le coût annuel du dispositif serait de 40 M€ par an, dès 2023, contre un impact évalué par le Gouvernement à environ 10 M€ en 2023, 20 M€ en 2024, et 30 M€ au-delà. 

À terme, des économies sont attendues, notamment en lien avec la baisse de comportements néfastes pour la santé (tabagisme, alcoolisme, etc.). 

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