AccueilExpressions par MontaigneVenezuela : la crise qui ne finit pasL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.07/01/2025Venezuela : la crise qui ne finit pas États-Unis et amériquesImprimerPARTAGERAuteur Alexandre Marc Expert Associé - Amériques et développement Hugo Chavez, Nicolas Maduro, Juan Gaido, Maria Corina Machado, Edmundo González : depuis 2013, les gouvernements ou les prétendants au pouvoir s’affrontent et la crise politique et économique empire. D’où vient l'effondrement économique d’un pays qui eût dû disputer la place de l'Arabie saoudite au rang des économies les plus florissantes du globe ? Quels sont les risques migratoires ? Quel est l’impact des sanctions américaines et quelles sont les positions des voisins du Venezuela, sommés de choisir entre un idéal révolutionnaire qui continue de faire recette et la défense d’une démocratie ostensiblement foulée aux pieds ? Avant l’investiture officielle de Nicolas Maduro le 10 janvier, au terme des élections truquées du 28 juillet 2024, que la communauté internationale, à de rares exceptions près, ne reconnaît pas, et alors que le candidat de l’opposition revendique aussi la victoire, une analyse d’Alexandre Marc.Le 10 janvier 2024, sauf une peu probable surprise de dernière minute, rien n’empêchera plus le Président Nicolá Maduro de se déclarer élu pour un troisième mandat comme président du Venezuela, les élections du 28 Juillet 2024 ayant été, encore une fois, confisquées par le pouvoir chaviste. L’espoir qu’elles avaient pourtant suscité auprès de la population était énorme : le petit groupe de dirigeants autoritaires qui s'accrochaient au pouvoir depuis plus de onze ans, contre la volonté d’une très large partie de la population, allait-il enfin lâcher prise ?Le 10 janvier 2024, sauf une peu probable surprise de dernière minute, rien n’empêchera plus le Président Nicolá Maduro de se déclarer élu pour un troisième mandat comme président du Venezuela.Il semble donc que non : en manipulant les élections, le pouvoir a fait rebondir la crise politique. Ni la pression de la rue et ses dizaines de morts, ni la pression internationale ne sont venues à bout d’un régime pourtant lui-même à bout de souffle. Cette fois-ci, cependant, après une très forte réaction internationale, un choix définitif s’offrait à Nicolás Maduro : abandonner toute prétention à la démocratie et reconnaître que le pays vivait sous un régime dictatorial dont la seule légitimité était l’appui des services de sécurité et de l’armée, ou quitter le pouvoir.Maduro a décidé de se maintenir au pouvoir sans que son élection ne soit reconnue comme légitime par les pays démocratiques du reste du monde. Le pays va donc très probablement continuer son inexorable descente dans le chaos politique et économique.La dégradation continue de la situation politique depuis 12 ansNicolás Maduro est arrivé à la présidence de la République du Venezuela le 19 avril 2013, remplaçant le Lieutenant-colonel Hugo Chávez, charismatique populiste de gauche, mort d’un cancer. Le gouvernement de Maduro a ensuite confisqué le pouvoir, élection après élection, tout en essayant de maintenir la fiction que son pays était une démocratie. Le précédent épisode de cette séquence fictionnelle s’était déroulé après les élections présidentielles de 2018, au cours desquelles le président Maduro s’était présenté pour un second mandat de 6 ans. Les élections étaient très largement manipulées, avec l’interdiction des partis les plus importants, des intimidations envers les candidats qui s’étaient maintenus en lice et des irrégularités dans le scrutin. Malgré une participation électorale extrêmement faible et le refus du Parlement de reconnaître les élections, Maduro avait été déclaré gagnant et intronisé comme président pour un second mandat.Le Parlement, où l’opposition était alors majoritaire, avait nommé Juan Guaidó président, si bien que, pendant un certain temps, le Venezuela avait connu deux gouvernements, un dans le pays et l’autre en exil. Les États-Unis mirent alors en place des sanctions contre l’État vénézuélien et les actifs du gouvernement détenus à l’extérieur furent confisqués au profit du gouvernement de Guaidó. Une telle situation a mené à l’impasse. L’opposition s’étant peu à peu divisée, elle a engagé, en 2022, des négociations avec le gouvernement, et a obtenu des États-Unis leur appui pour qu’ils allègent les sanctions en échange de l’engagement de Maduro à organiser des élections libres pour les prochaines présidentielles, comprenant d’importantes garanties. Les accords de la Barbade entre l’opposition et le gouvernement ont été signés en 2023 et ont permis de définir une feuille de route pour la prochaine campagne.La campagne présidentielle de 2024, durant laquelle Maduro s’est présenté pour un troisième mandat de 6 ans, a été marquée par une très forte mobilisation de la population, nourrie du grand enthousiasme suscité par les accords de la Barbade et les garanties offertes par Maduro. La campagne pourtant, loin d’être, fut marquée par de nombreuses arrestations de dirigeants de l’opposition, des menaces de mort sur les candidats, l’inéligibilité déclarée par la justice vénézuélienne de la principale candidate de l’opposition, la très populaire María Corina Machado, et l’impossibilité pour l’opposition d’utiliser les médias contrôlés par l’État pour faire campagne. Le pouvoir a aussi bloqué presque intégralement le vote de la diaspora, qui représente plus d’un quart de la population vénézuélienne et est très largement favorable à l’opposition. Pourtant, cette dernière a continué à s’accrocher. María Corina Machado, aussitôt déclarée inéligible, a très intelligemment passé la main à Edmundo Gonzáles Urrutia, un ancien diplomate de 74 ans que Maduro a laissé tranquille, voyant en lui une menace bien moindre que celle constituée par Machado. Curieusement, le jour de l’élection, le gouvernement de Maduro a plus ou moins joué le jeu et la journée de vote s’est déroulée dans le calme. Maduro pensait à ce moment-là pouvoir gagner avec une courte majorité.C’est durant le dépouillement du scrutin que le gouvernement s’est rendu compte qu’Edmundo Gonzáles Urrutia était en passe de remporter la majorité. La commission électorale, entièrement contrôlée par le parti de Maduro, a tenté de reprendre la main. Après une période de flottement imputée à une attaque virtuelle sur le système électoral (le vote se fait par machine), la commission a déclaré Maduro vainqueur avec 51,2 % des voix. De son côté, l’opposition a revendiqué une victoire écrasante de près de 70 % des votes pour son candidat, en s’appuyant sur la copie des actes électoraux provenant des bureaux de votes où l’opposition était présente.Le jour de l’élection, le gouvernement de Maduro a plus ou moins joué le jeu et la journée de vote s’est déroulée dans le calme. Maduro pensait à ce moment-là pouvoir gagner avec une courte majorité.Très peu de pays ont immédiatement reconnu les élections, le plus grand nombre ont demandé la publication des procès-verbaux du dépouillement provenant de chaque bureau de vote comme preuve que Maduro avait bien gagné ces élections. Le gouvernement n’a jamais fourni les preuves de sa victoire, expliquant leur disparition par un soi-disant piratage du système informatique électoral.La population s’est immédiatement mobilisée et de très importantes manifestations ont paralysé le pays. Comme on pouvait s’y attendre, une répression féroce a suivi avec plus de 20 morts et de 2000 arrestations. Des mandats d’arrêt ont été lancés contre la plupart des opposants, obligeant le candidat de l’opposition, Edmundo Gonzáles Urrutia, à prendre la fuite et se réfugier en Espagne, pendant que María Corina Machado se cachait au Venezuela et promettait de continuer la lutte de l’intérieur. La plupart des pays occidentaux, les États-Unis en tête, ont refusé de reconnaître la validité des élections et ont reconnu, dans la plupart des cas, la victoire de l’opposition. Le ton est monté et les pays latino-américains qui ont refusé de reconnaître la légitimité des résultats, comme l’Argentine et le Chili et l’Équateur, ont été contraints à fermer leur ambassade et ont vu leur personnel diplomatique renvoyé du pays. Crise politique, effondrement économique entre 2000 et 2020On ne peut comprendre la crise politique actuelle sans prendre en compte le délabrement économique du pays. Le Venezuela, pays le plus riche en ressources de l’Amérique latine, s’enfonce depuis 20 ans dans une crise de plus en plus profonde, au prix d’un coût humain dramatique. Le pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole au monde est aujourd’hui, avec un PIB par habitant estimé en 2022 à environ 4000 dollars, un des pays les plus pauvres du continent américain. Il se situe plus ou moins au même niveau que le Honduras et le Nicaragua, alors qu’il pourrait être au niveau de l’Arabie saoudite.Tout commence avec ce qui est un cas flagrant de "Dutch disease", ou malédiction des matières premières, soit la dépendance de l’économie à une matière première exclusive qui crée des distorsions profondes dans l’économie. Les déséquilibres se sont manifestés dès les années 1970 quand les prix du pétrole se sont envolés. Le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves pétrolières au monde, est peu à peu devenu totalement dépendant de cette manne. Avec l’appréciation de la monnaie nationale, les autres exportations sont devenues de moins en moins compétitives. Le budget de l’État a explosé du fait de l’argent facile apporté par le pétrole et en parallèle, les inégalités et la pauvreté ont augmenté, conduisant à la situation actuelle, où le pétrole représente 90 % des exportations du pays et finance plus de 50 % du budget public.Le PIB du Venezuela [...] se situe plus ou moins au même niveau que le Honduras et le Nicaragua, alors qu’il pourrait être au niveau de l’Arabie saoudite.L’explosion des inégalités s’explique par l’absence de politiques de redistribution effectives. Quand l’officier parachutiste Hugo Chávez arrive au pouvoir en 1998, il instaure un régime populiste marqué très à gauche qu’il nomme la "Révolution bolivarienne" et qui est toujours là aujourd’hui.Les nombreux programmes sociaux qu’il met en place, dont très peu ont un caractère productif, permettent de réduire la pauvreté et les inégalités mais accroissent la taille de l’État et retardent la diversification économique du pays qui aurait dû être une priorité absolue. En même temps, les investissements dans l’économie et en particulier dans le secteur pétrolier se réduisent rapidement, Chávez ayant transformé la société pétrolière nationale en un instrument de financement et de mise en place de ses programmes sociaux. Au début de sa présidence, Chávez était très populaire car il répondait aux demandes des plus pauvres et représentait une alternative aux gouvernements corporatistes qui l’avaient précédé. Mais sa "révolution bolivarienne" a encouragé une politisation des services publics, allant de pair avec des nationalisations dénuées de vision stratégique, une énorme gabegie et une corruption endémique à tous les niveaux de l’État. La grande popularité des programmes sociaux auprès des plus pauvres a permis à Chávez de rester au pouvoir 14 ans, jusqu’à sa mort, mais non sans une opposition de plus en plus active des classes moyennes et même un coup d’État avorté en 2002.Son successeur et ancien vice-président Nicolás Maduro, nettement moins charismatique que Chávez, parvient au pouvoir en 2011. Peu de temps après son arrivée, en 2014, les prix du pétrole s’effondrent. L’État a recours à l’impression de billets afin de maintenir son train de vie et les nombreux programmes sociaux, générant immédiatement une hyperinflation qui atteint approximativement 10 000 % ; les produits de première nécessité disparaissent des rayons, une pénurie généralisée s’installe dans le pays, mais Maduro refuse toute réforme et persiste dans une approche populiste accompagnée d’une rhétorique anti-impérialiste. Il voit son support populaire s’effondrer et la grande majorité de la population se retourner contre lui.Entre 2014 et 2020, le pays perd 75 % de la valeur de son PIB, un des cas les plus extrêmes d’effondrement économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour un pays qui n’est pas en guerre. Les services publics sont quasi paralysés, surtout à l’extérieur de Caracas. Le pays est en défaut sur sa dette souveraine et en retard de paiement sur ses importations, la production de pétrole s’effondre du fait du manque d’investissement dans le secteur. Les États-Unis, un des partenaires économiques les plus importants du pays et notamment le principal acheteur de son pétrole, mettent en place dès 2015 des sanctions pour non-respect des règles démocratiques dans les différentes élections, sanctions qui aggravent les difficultés économiques même si la Russie, la Chine et même l’Iran sont venus rapidement à l’aide du pays, auquel ils ont évité l’effondrement total de son secteur pétrolier. Le gouvernement a eu beau répéter sans cesse que les sanctions des États-Unis étaient responsables de la crise au Venezuela, elle a très largement précédé les mesures décidées par Washington, mesures qui ont d’ailleurs été assouplies en 2023 du fait de l’accord de la Barbade passé avec l’opposition sur les élections présidentielles.Devant cette situation, et pour contrôler l’inflation, le gouvernement a commencé, depuis 2020, à lâcher du lest, en laissant le secteur privé opérer plus librement, en mettant fin aux nationalisations et au contrôle des changes, et en libéralisant l’économie, même si les lois en place et le cadre administratif chargés de les appliquer n’ont guère évolué, suscitant une très grande incertitude pour les investisseurs. L’abandon des politiques de contrôle économique et d’étatisation du pays ont permis au Venezuela de retrouver enfin un certain niveau de croissance, insuffisant toutefois pour redonner confiance dans la capacité du parti de Maduro à gérer efficacement l’économie.Ces successions de crises économiques et politiques se sont traduites par une émigration massive, faisant d’une crise nationale une crise internationale majeure. Depuis 2000, 7,8 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays, soit 27 % de sa population totale. Le plus grand nombre, estimé à 6,6 millions, s’est installé dans d’autres pays latino-américains, en particulier la Colombie, le Chili, l’Argentine, le Brésil et l‘Équateur. Un Vénézuélien sur quatre vit aujourd’hui à l’extérieur du pays. Cette situation accroît la sévérité de la crise migratoire aux États-Unis et dans une moindre mesure en Europe, surtout en Espagne, qui a vu le nombre de migrants vénézuéliens augmenter considérablement (ils sont maintenant un demi-million).Entre 2014 et 2020, le pays perd 75 % de la valeur de son PIB, un des cas les plus extrêmes d’effondrement économique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour un pays qui n’est pas en guerre.Les pays latino-américains ont pour la plupart des politiques migratoires très généreuses, mais cette situation provoque tout de même des pressions internes importantes sur les gouvernements, alors que la crise actuelle va accroître encore les départs du pays. Une enquête réalisée au Venezuela récemment a révélé que 17 % des personnes interrogées avaient déclaré vouloir quitter le Venezuela si Maduro restait au pouvoir. On peut se demander comment un pays pourra fonctionner avec la moitié de sa population en exil, tandis que le risque migratoire crée une forte inquiétude auprès des voisins du Venezuela.L’impuissance de la pression internationaleRares sont les pays qui ont reconnu la victoire de Maduro : la Chine, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord, la Syrie, le Nicaragua et la Bolivie. Trois pays qui disposaient d’une certaine influence sur le régime de Maduro, du fait de d’avoir à leur tête des partis de gauche, Brésil, la Colombie et le Mexique, après une valse d’hésitation, ont fini par ne pas reconnaître les résultats des élections. Cependant, une partie de la gauche latino-américaine est encore très radicale et beaucoup pensent que soutenir un régime de gauche qui porte un discours révolutionnaire passe devant le soutien à la démocratie. Ainsi, sans avoir accepté les résultats du scrutin présenté par l’État vénézuélien, certains gouvernements restent hésitants à le condamner directement. Inácio Lula, président du Brésil, a été le plus actif pour essayer de résoudre la crise et a persuadé Gustavo Petro, le président de Colombie, de faire pression sur le gouvernement venezuelien et de ne pas reconnaitre la légitimité d’un troisième mandat de la part de Maduro.Les États-Unis ont depuis 2015 essayé de faire pression sur le gouvernement du Venezuela à travers des sanctions économiques, en particulier sur son pétrole, l’unique source de financement officielle du régime. Le commerce de drogue joue également un rôle important mais reste informel et finance les individus liés au régime plus que le gouvernement. Les États-Unis ont aussi mis en place des sanctions individuelles à l’encontre de Maduro et des membres de son régime. Le gouvernement américain vient de mettre sous sanction 16 nouveaux hauts cadres du régime au Venezuela. Au total, le département du Trésor a déjà pénalisé plus de 180 cadres du régime depuis 2015 mais les sanctions ont eu jusqu’à présent peu d’effet sur le pouvoir vénézuelien. Le 18 novembre 2024, dans une rare démonstration d’unité, la Chambre des représentants américaine a voté de nouvelles sanctions qui interdisent, entre autres, au gouvernement américain de signer des contrats avec des personnes ou des entreprises entretenant des relations d'affaires avec le régime vénézuélien.Si les sanctions individuelles sont relativement indolores pour les États-Unis, il n’en va pas de même pour les sanctions pétrolières. Les États-Unis les ont toutefois progressivement réintroduites depuis avril 2024. Les sanctions mises en place en 2015 ont eu un fort impact sur le pays et sur la population mais n’ont finalement pas eu beaucoup d’effet sur les positions du gouvernement. Les sanctions économiques sont devenues un instrument central de la diplomatie américaine avec plus de 22 pays sous sanction. Cependant, celles-ci sont de moins en moins efficaces du fait de la situation géopolitique mondiale et beaucoup, au sein de l’administration américaine, questionnent leur utilité. Le fait qu’aujourd’hui les Chinois, les Russes et même l’Iran volent au secours des pays sanctionnés réduit fortement leur effet, au moins sur le court terme. Après les premières sanctions des États-Unis contre la société pétrolière du Venezuela (PDVSA), ces trois pays sont venus à la rescousse de la société pour éviter qu’elle ne sombre. La Chine est devenue durant cette période le principal acheteur de pétrole vénézuélien. Selon Reuters, elle l’a fait à travers des sociétés intermédiaires qui sont capables de détourner les sanctions américaines en changeant l’origine du pétrole produit. La Chine est également le principal créditeur du Venezuela et plusieurs sociétés chinoises opèrent dans le secteur pétrolier.Une partie de la gauche latino-américaine est encore très radicale et beaucoup pensent que soutenir un régime de gauche qui porte un discours révolutionnaire passe devant le soutien à la démocratie.Beaucoup plus significatif que les sanctions pour comprendre la crise actuelle est l’inculpation de Maduro aux États-Unis pour trafic de drogue. Les inculpations concernent également son vice-président, Tareck El Aissami, et un certain nombre de membres des forces armées et des juges de l’administration vénézuélienne, en tout quatorze personnes. Ils sont accusés d’avoir collaboré avec les FARC de Colombie dans le trafic de drogue, d’avoir facilité le blanchiment d’argent lié à ce commerce et d’avoir favorisé l’entrée de drogues sur le territoire américain.Ces inculpations sont accompagnées d’une prime de 15 millions de dollars pour toute information permettant l’arrestation des accusés. L’implication de membres du gouvernement vénézuélien dans le trafic de drogue a débuté sous la présidence de Hugo Chávez qui cherchait à aider les FARC en Colombie à financer leur mouvement de guérilla et à affaiblir les États-Unis. Ce commerce est devenu ensuite la source de financement informel pour beaucoup de caciques du régime vénézuélien, en particulier dans l’armée à travers un cartel vénézuélien dénommé "Los Soles".Ces inculpations sont certainement ce qui inquiète le plus le président et son proche entourage, sachant qu’une fois qu’il aura quitté le pouvoir, ses chances d’échapper à la justice américaine seront maigres et qu’il finira selon toute probabilité sa vie dans une prison de haute sécurité, quelque part aux États-Unis. Tout règlement de la crise du Venezuela devra passer par le règlement de ce problème, en d’autres termes, une amnistie de la part du gouvernement américain. Apparemment, les États-Unis ont considéré cette possibilité même s’ils ne l’ont pas reconnue officiellement. L’autre alternative est une retraite dorée à Cuba, une perspective pas spécialement attrayante. Pour le moment, ces charges représentent une très puissante motivation pour Maduro et ses proches de se maintenir coûte que coûte au pouvoir.Les États-Unis sont quant à eux en pleine transition politique et les esprits sont ailleurs. Plutôt que le 10 janvier, c’est le 20 - investiture de Donald Trump - qui occupe davantage. Marco Rubio, nommé ministre des Affaires étrangères par Donald Trump, sénateur de Floride d’origine cubaine, ne sera probablement pas confirmé par le Sénat avant la fin janvier. Il a déclaré qu’une de ses priorités serait d’en finir avec les régimes illégitimes de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela.Scénarios pour l’après 10 janvierL’intronisation sera certainement marquée par des manifestations et peut-être des violences. Cependant, ces dernières semaines la rue est restée relativement calme, et le pouvoir a même relâché une partie des personnes emprisonnées à la suite des manifestations de l’été dernier. À moins d’une révolution violente, il est probable que le régime chaviste restera en place après le 10 janvier. Les Vénézuéliens ont dans le passé préféré réagir en quittant le pays plutôt que de s’engager dans une confrontation violente avec l’État. Le système répressif est extrêmement puissant, et en plus de l’armée et de la police, le régime a mis en place des milices bolivariennes particulièrement brutales.Edmundo Gonzales Urrutia, le candidat dont l’opposition affirme qu’il est le vainqueur des élections, est maintenant réfugié en Espagne. Il a déclaré son intention de se rendre au Venezuela pour être intronisé le 10 janvier. Les États-Unis l’ont reconnu, le 19 novembre, comme le président légitimement élu du Venezuela et l’Italie a suivi la voie des Américains. Edmundo Gonzales Urrutia rejoindrait ainsi Cristina Machado, la véritable leader de l’opposition qu’il a désignée comme vice-présidente et qui se cache actuellement au Venezuela. Edmundo Gonzales tente également d'accroître sa visibilité sur la scène internationale. Il était le 17 décembre à Strasbourg pour recevoir le Prix Sakharov de la liberté de conscience décerné par le Parlement européen et prévoit de visiter plusieurs pays latino-américains avant de se rendre au Venezuela. Face à la multitude des crises mondiales, attirer l’attention des dirigeants européens sur le Venezuela est toutefois une gageure.L’hypothèse d’une révolte au sein de l’armée, voire d’un coup d’État, ont pu être évoquées mais là aussi les probabilités paraissent très faibles, étant donné que les officiers supérieurs sont totalement achetés par un régime dont ils sont les grands bénéficiaires et les principaux piliers. La majorité des ministres provient de l’armée et la plupart des sociétés d’État sont gérées par des militaires.Face à la multitude des crises mondiales, attirer l’attention des dirigeants européens sur le Venezuela est toutefois une gageure.Aussi Chávez, après le coup d’État de 2002, a-t-il organisé un service d’espionnage et de sécurité interne extrêmement efficace, le "Servicio Bolivariano de Inteligencia Nacional", sur le modèle du FSB russe, qui est présent dans tous les corps d’armée. Il est aussi engagé dans la traque des officiers qui ont quitté le pays et peuvent être kidnappés ou simplement assassinés, comme cela est arrivé récemment au Chili. L’armée, comme partout, est très secrète et les rumeurs de désaccord en son sein resurgissent régulièrement mais le recours à un coup d’État est peu probable. Cependant, les soldats sont loin d’être satisfaits de leur condition et les cas de désertion sont très fréquents : les militaires préfèrent déserter et passer la frontière que de risquer sa vie dans une confrontation directe avec le reste du système de sécurité. Dans le cas où des groupes armés arriveraient à se mobiliser du côté de l’opposition, ce qui est peu probable, un effondrement de l’armée, comme cela a été le cas en Syrie, n’est pas totalement à exclure.L’idée d’une intervention extérieure génère souvent, au sein du régime, une véritable paranoïa. En septembre, Caracas a dénoncé une tentative de renversement du pouvoir, a arrêté trois Américains, un Tchèque et deux Espagnols, et a prétendu que des mercenaires français devaient également être impliqués. Mettre sur le dos de complots de l’étranger toute tentative de déstabilisation interne est une pratique courante de Maduro, qui révèle l’ampleur de ses craintes face à l’idée qu’un mouvement d’opposition violent puisse se former au Venezuela.Selon toute probabilité, Nicolas Maduro sera donc intronisé le 10 janvier, malgré les manifestations : la crise économique devrait s’approfondir, la répression se renforcer, l’isolement du Venezuela persister et l’immigration s’amplifier.Copyright image : Juan BARRETO / AFP Nicolas Maduro à Caracas le 14 décembre 2024 ImprimerPARTAGERcontenus associés 09/04/2024 Amérique Latine : les démocraties face à l’expansion de la violence Alexandre Marc 07/02/2024 Sortir l’Argentine de la crise, un défi colossal Alexandre Marc