AccueilExpressions par MontaigneSanté mentale : la Grande Cause nationale à l’épreuve du tempsLa plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne Santé22/10/2025ImprimerPARTAGERSanté mentale : la Grande Cause nationale à l’épreuve du tempsAuteur Margaux Tellier-Poulain Responsable de projets - Santé et Protection Sociale En 2025, la santé mentale était désignée Grande Cause nationale et le gouvernement annonçait un Plan psychiatrie en 26 mesures. Prévention, accès aux soins, place de la société civile, formation des soignants : les enjeux sont nombreux et la santé mentale des jeunes se dégrade, comme l’a montré le rapport Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-mer. Il faudra donc continuer les efforts au-delà de 2025, appelle Margaux Tellier-Poulain aux côtés de ses co-signataires, dans cette tribune originellement publiée dans Libération. Les chiffres nous dessinent une réalité sans appel : 75 % des troubles psychiques se manifestent avant 24 ans. Malgré des efforts de sensibilisation ces dernières années, la stigmatisation persiste avec force puisque près de 70 % des Français adhèrent encore à un stéréotype concernant la santé mentale, la considérant parfois comme un tabou. Le constat est sévère : la population française souffre, et les enquêtes successives ne font que confirmer ce diagnostic.La santé mentale se façonne dans les relations humaines, la stabilité familiale, la confiance économique et la sérénité professionnelle ; elle se délite au contraire dans l’isolement, l’instabilité, les inégalités et le stress. Si tous les territoires sont concernés, certains sont plus durement frappés, en particulier les outre-mer (30 % des jeunes ultramarins disent être en mauvaise santé mentale soit 16 points de plus que la moyenne), les zones urbaines denses, ou encore les lieux de vie les plus précarisés.La santé mentale se façonne dans les relations humaines, la stabilité familiale, la confiance économique et la sérénité professionnelle ; elle se délite au contraire dans l’isolement, l’instabilité, les inégalités et le stress.La présentation, en juin dernier, d’un "Plan psychiatrie" a marqué une étape bienvenue de l’action publique, mais l’ampleur des besoins le rend encore trop timide, voire dérisoire face à l’ampleur du phénomène.Rendre visible un mal-être, catalyser une politique publique ambitieuse, identifier et amplifier les initiatives déjà à l’œuvre, irriguer tout le territoire d’actions concertées… La grande cause doit permettre tout cela à la fois, comme ce fut le cas pour la politique de lutte contre le cancer.Le temps long est nécessaire pour organiser la concertation et concevoir une politique de santé mentale ambitieuse, tout en renforçant la place donnée aux initiatives de la société civile.Il est aussi crucial de former massivement les professionnels de la santé à la détection précoce des troubles, agir dès l’école pour prévenir les souffrances psychiques des plus jeunes et tirer parti du numérique, tout en se gardant de ses dérives.Les expérimentations requièrent un soutien pérenneCette année, les analyses ont mis en lumière l’état dégradé de la santé mentale en France. Sur le terrain, des acteurs engagés ont imaginé, ont poursuivi et ont amplifié leurs efforts. Il faut citer, entre autres, les expérimentations en santé prévues par l’article 51, les interventions dans les écoles, les innovations numériques, l’avis du Conseil économique, social et environnemental (Cese) sur la santé mentale des jeunes, etc.Les solutions existent, foisonnent même, et témoignent de la vitalité d’un écosystème prêt à agir. Mais toutes requièrent un soutien pérenne. Il ne suffit pas d’allumer un projecteur si l’on s’apprête à l’éteindre aussitôt. La confiance des acteurs se gagne par la durée et la constance.Sous la surface de cette énergie collective, la fragilité structurelle demeure. Notre système de santé peine à apporter des réponses adaptées à l’essor des besoins. Trop de patients restent livrés à eux-mêmes, faute d’une prise en charge disponible, coordonnée et à la hauteur de leur détresse.Particulièrement vulnérables, les jeunes ne demandent pas seulement à être écoutés. Ils veulent également pouvoir coconstruire les solutions qui permettront, dès demain, de créer un environnement plus favorable à leur bien-être avec leurs familles et leurs amis qui sont en première ligne pour les soutenir et les accompagner.Les solutions existent, foisonnent même, et témoignent de la vitalité d’un écosystème prêt à agir.Ils appellent des réponses concrètes, notamment sur le coût d’accès aux soins, que 19 % d’entre eux souhaitent voir diminuer. Tournons-nous vers eux pour rendre la prévention et l’accès aux soins plus efficients, plus accessibles et mieux adaptés à leurs besoins.Un circuit de soin rapide et lisibleEncourageons les initiatives de déstigmatisation et de prévention. Donnons-leur les moyens d’aller mieux en renforçant les dispositifs de prévention, d’écoute et d’orientation dans les établissements scolaires et universitaires.Permettons un circuit de soins rapide et lisible dès les premiers signes de troubles. Renforçons la lutte contre le harcèlement, qui mine la confiance et détruit les repères. Redonnons souffle et moyens aux associations de terrain, ces tisseuses de liens sans lesquelles aucune politique ne prend vie.Assurons les budgets nécessaires au fonctionnement décent des établissements de santé spécialisés, partout sur le territoire, et rendons plus attractifs les métiers de la santé mentale. Un an est un délai dérisoire face à l’immensité du chantier. Ne détournons pas le regard dès l’an prochain, alors même que les chiffres sont alarmants, et que les besoins commencent à peine à se révéler. La santé mentale doit demeurer une grande cause au-delà du 31 décembre 2025.C’est à ces conditions seulement qu’une politique publique cohérente et structurée pourra se déployer sur tout le territoire, mobiliser un plus grand nombre d’acteurs, coordonner toutes les initiatives, favoriser la libération de la parole et, surtout, progresser concrètement pour améliorer l’accompagnement de chacun grâce à l’implication de tous.Signataires : Margaux Tellier-Poulain Responsable de projets, santé et protection sociale à l’Institut Montaigne Victor Delage Fondateur et directeur général de l’Institut Terram Eric Chenut Président de la Mutualité française Solanges Nadille Sénatrice de la Guadeloupe Chantal Jourdan Députée de l’Orne Jean-Carles Grelier Député de la Sarthe Helno Eyriey Rapporteur de l’avis du Cese sur la santé mentale et bien-être des enfants et des jeunes Dominique Joseph Présidente du groupe santé et citoyenneté du Cese Danièle Jourdain- Menninger Présidente de la commission affaires sociales et santé du Cese Jérémie Boroy Président du CNCPH Matthias Savignac Président de la MGEN Angèle Malâtre-Lansac Déléguée générale de l’Alliance pour la santé mentale Johanna Couvreur Directrice de Quartet santé Arnaud de Broca Président du Collectif handicaps Daniel Goldberg, Président de l’Uniopss Gentiana Malo Déléguée générale de l’association Astrée Docteure Claire Morin Médecin psychiatre et cofondatrice de Lyynk Professeure Marie-Rose Moro Présidente de la Maison de Solenn Maxime Perez-Zitvogel Cofondateur de la Maison perchée Docteure Rachel Bocher Présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) Professeur Pierre-Michel Llorca Chef du service de psychiatrie du CHU de Clermont-Ferrand Docteur Jean-Victor Blanc Médecin psychiatre et fondateur Culture pop et psy Alexis Génin Directeur général de Brain et Mind Abdoulaye Diarra Directeur de l’association Innovation citoyenne en santé mentale (ICSM) Facettes Docteur Denis Leguay Président de Santé mentale France Muriel Vidalenc Présidente de Premiers Secours en santé mentale (PSSM) France Docteur Jonathan Chabert Chef de clinique universitaire, assistant des hôpitaux de psychiatrie au sein de l’université Paris-Est-Créteil et des hôpitaux universitaires Henri-Mondor Emmanuelle Rémond Présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et /ou handicapées psychiques (Unafam). Copyright GERARD JULIEN / AFP ImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneSeptembre 2025Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-mer Cartographie des inégalités1 jeune sur 4 est en dépression, et 1 sur 3 a déjà eu des pensées suicidaires ou envie de se faire du mal au cours des deux semaines précédant l’enquête : cinq ans après la crise du Covid, la santé mentale s’impose désormais comme une grande cause nationale.Consultez le Rapport 16/05/2024 Faire de la santé mentale une Grande cause nationale Angèle Malâtre-Lansac 27/02/2024 Santé mentale des jeunes : il est temps d’innover ! David Gourion