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23/07/2025
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Que lire cet été ? Les neuf recommandations de lecture de l'Institut Montaigne

Que lire cet été ? Les neuf recommandations de lecture de l'Institut Montaigne

Lire pour changer, écouter Liszt pour croire en l’avenir, se replonger dans la figure d'Alexandre le Grand pour méditer sur ce qu’est un homme d’État, penser le lien entre l’intime et le social, interroger l’Histoire ou croire à la rédemption : l'Institut Montaigne vous propose une sélection de neuf ouvrages, recommandés par nos experts et les membres de notre équipe. Lisez donc, mais avant tout, fuyez, c’est l’été !

Changements : paradoxes et psychothérapie, Paul Watzlawick, John H. Weakland et Richard Fisch, Points, 2014

Changements : paradoxes et psychothérapie, Paul Watzlawick, John H. Weakland et Richard Fisch, traduit par Pierre Furlan, Points, 2014

"Plus ça change, plus c’est la même chose" ? Pour comprendre d’où vient cette impression paradoxale, l’École de Palo Alto est d’un utile secours. Ce courant de pensée en sciences humaines, sur lequel ont été fondés les principes de la thérapie familiale, ne se contente pas de dialoguer avec la psychanalyse : en inscrivant les pathologies individuelles dans les interactions sociales qui les déterminent, il propose une théorie des relations qui nous questionne avec profit. Ce tout petit livre, Changements : paradoxes et psychothérapie, en offre une riche introduction. Il nous parle, certes, des rapports humains mais nous enseigne surtout une manière de repenser nos modes d'interaction politique. Au moment où la France s'interroge sur sa capacité à changer de paradigme pour embrasser les défis qui sont les siens, une telle lecture ouvre d'éclairantes perspectives.

Marie-Pierre de Bailliencourt, Directrice générale de l'Institut Montaigne

Enfance - La trilogie de Copenhague

 

La vie de Liszt est un roman, Zsolt Harsányn, Actes Sud, 2001

Gagner la guerre

Nul besoin d’aimer la musique de Liszt - ni même de la connaître - pour être fasciné par la trajectoire de cet homme prodige, aussi doué pour la vie qu’il l’était pour le piano. De sa Hongrie natale à Vienne (où, enfant, il rencontre Beethoven et est formé par Czerny), adulé à Paris et vénéré à la cour du Tsar Nicolas Ier, Liszt incarne tous les excès du romantisme : une virtuosité sans égale, un goût prononcé pour les passions humaines (ou pour les femmes), et une curiosité qui le conduit des cercles républicains aux palais de Louis-Philippe et de Weimar, de l’art à la spiritualité, des bras éperdus de Marie d’Agoult à l’habit d’abbé… Bref, toutes les contradictions du XIXe sont là, et Liszt transpose tout en musique : les révolutions ("Funérailles"), les nationalismes ("Rhapsodie hongroise"), l’amour charnel ("Liebestraüme") et spirituel ("Via Crucis"). La galerie de personnages qui jalonnent sa vie relève elle aussi du roman total : Chopin (que Liszt chaperonne, tout en se liant à George Sand), Berlioz, son grand ami, Hugo, Lamartine, Musset, Delacroix, Heine, mais aussi Wagner (dont il deviendra le beau-père !) et même le Pape Pie IX. L’auteur restitue ce bouillonnement avec une plume alerte, érudite sans jamais céder au didactisme. On referme ces 700 pages en ayant la nostalgie d’un temps où la culture faisait monde, et où tout le monde, dans les salons, respirait à plusieurs une pensée en mouvement. Et l’on se surprend à croire, encore, que de l’art pourrait (re)naître la possibilité d’un avenir commun.


Charleyne Biondi, Experte Associée - Numérique

 

Mémoire, Les champs de braises, Hélie de Saint Marc, Perrin, 1995

Gagner la guerre

À l’heure où le tragique de l’Histoire et la trajectoire française peuvent inquiéter, les Mémoires d’Hélie de Saint Marc offrent la perspective presque réconfortante d’un Français dans les tourments du XXe siècle. Résistance insouciante, déportation terrible, Indochine mystérieuse, Algérie dramatique : sans emphase, ni facilité, un individu nous trimballe dans les recoins plus ou moins glorieux de notre Histoire. Un lumineux antidote de fraternité et de dignité face aux morosités du temps.


François Chimits, Responsable de projets - Europe

 

Explosive modernité, Eva Illouz, Gallimard, 2025

Gagner la guerre

Contrairement à ce que Explosive modernité. Malaise dans la vie intérieure, le dernier essai d’Eva Illouz, pourrait laisser penser, ce titre n’est pas un énième essai de développement personnel.

Sociologue des émotions, Eva Illouz s’efforce bien plutôt de penser l’articulation complexe entre d’un côté nos affects les plus intimes - espoir, déception, envie, colère, peur, nostalgie, honte et fierté mais aussi jalousie et amour - et de l’autre les systèmes idéologiques, les institutions et encore les discours et les récits collectifs. Selon l’auteur, la conjonction de ces émotions conduit à des formes d’intimité "implosive" et de modernité "explosive".

En s’appuyant non seulement sur la sociologie, mais aussi sur les ressources de la littérature, de la psychanalyse, des sciences politiques et de la philosophie, l’auteur s’attache à mettre en lumière l’imbrication des dimensions biologique, psychologique ainsi que sociologique et politique des émotions, la société devenant ainsi un véritable "miroir de l’âme".

Dans le droit fil d’un ouvrage précédent, Les émotions contre la démocratie, Eva Illouz continue de nous aider à comprendre, non seulement que les émotions sont également sociales, mais aussi que les dynamiques politiques à l'œuvre contre nos démocraties libérales (notamment la montée des populismes) présentent une dimension émotionnelle centrale que les défenseurs de ces dernières doivent prendre très au sérieux.


Thierry Chopin,  Expert Associé - Europe

 

Éloge de la fuite, Henri Laborit, Gallimard, 1985

Gagner la guerre

Dans ce classique publié en 1976, le neurobiologiste Henri Laborit montre que nos décisions sont moins dictées par la raison que par des circuits primitifs ancrés dans le cerveau limbique - recherche du plaisir, évitement de la douleur. Face à la contrainte, l’homme fuit ou lutte, puis rationalise son comportement a posteriori.

Relire ce texte éclaire d’un jour nouveau notre incapacité collective à redresser les finances publiques : si chaque mesure se heurte à tant de résistance, c’est peut-être moins par égoïsme que par réflexe conditionné. Il est toutefois difficile d'adhérer à la conclusion de l’auteur - pour qui fuir est toujours la réponse la plus noble. En matière budgétaire, la fuite a un nom : la dette. Et celle-ci a ses limites ; on peut fuir éternellement une réalité, jamais ses conséquences.

Une thèse iconoclaste donc, mais surtout une lecture stimulante qui nous rappelle que gouverner, c’est d’abord choisir ce que l’on accepte d’affronter.


Nicolas Laine, Responsable des Publications - Études France

 

The Generalship Of Alexander The Great, J. F. C. Fuller, Da Capo Press, 1989

Gagner la guerre

Parmi les nombreux ouvrages consacrés à Alexandre le Grand, le livre de John Frederick Charles Fuller - célèbre officier de l'armée de terre britannique et historien militaire - s’impose comme le plus intéressant. Plus qu’une simple biographie ou une étude de ses grandes batailles, Fuller réalise un récit passionnant de la trajectoire d’Alexandre, monté à 20 ans sur le trône d’un royaume mineur du monde grec, pour prendre la tête des cités grecques comme hegemon et étendre la culture hellénistique jusqu’à l’Indus. Fuller expose d’abord le contexte historique dans lequel Alexandre vient au pouvoir, les conditions politiques et militaires de son action, et le problème stratégique qu’il devait résoudre. Dans un deuxième temps, il présente une analyse limpide et précise des caractéristiques d’Alexandre, comme tacticien, comme stratège et comme homme d’État. En cela, il dégage pour nous des enseignements intemporels de l’action d’Alexandre, en particulier son application originale des principes stratégiques, son utilisation de la guerre comme instrument politique, et la profondeur de sa vision politique (Homonoia), qui comme l’écrit Fuller, modifia le cours du monde.

L’étude du plus grand capitaine de l’histoire par celui qui fut le stratégiste le plus original du XXe siècle.


André Leblanc, Expert Résident - Défense et Sécurité nationale

 

 

Mon vrai nom est Élisabeth, Adèle Yon, Éditions du Sous-Sol, 2025

Gagner la guerre

À la croisée du récit intime, de l’enquête historique et du documentaire, Mon vrai nom est Élisabeth d’Adèle Yon est un livre profondément captivant. L’autrice y remonte le fil de son histoire familiale pour redonner voix à son arrière-grand-mère, internée de manière arbitraire dans les années 1930. Porté par un dispositif narratif original - mêlant archives personnelles, entretiens, extraits de dossiers médicaux et analyse des pratiques psychiatriques de l’époque - ce texte inclassable interroge avec justesse les silences de la mémoire et les dérives d’un système. En cette année 2025, où la santé mentale est érigée en grande cause nationale, cet ouvrage saisissant résonne plus que jamais. À lire absolument.


Blanche Leridon, Directrice Exécutive, éditoriale et Experte Résidente - Démocratie et Institutions 

 

Rosie Carpe, Marie Ndiaye, Éditions de Minuit, 2001

Gagner la guerre

R​ose-Marie Carpe quitte Brive-la-Gaillarde pour faire des études commerciales à Paris ; échoue ; devient Rosie, femme de chambre à La Croix-de-Berny, fille-mère, alcoolique ; s'exile en Guadeloupe ; repart ? Le récit pourrait sembler sinistre, il ne l'est absolument pas. Malgré un naturalisme à la Zola et des personnages à la Houellebecq, la plume de Marie Ndiaye regarde ses protagonistes avec une infinie compassion qui leur redonne toute leur dignité.

Rosie Carpe s'empare de grands thèmes actuels : de jeunes retraités avidement consommateurs (que l'on pourrait dire, si l'antonomase avait été agréée par l'Académie, trumpiens), une classe moyenne déclassée, une jeunesse en déroute, des banlieues périurbaines démoralisantes et des outre-mers abandonnés. Avec ses descriptions luxuriantes et ciselées et son portrait de femme, de la déchéance au salut, ce roman aussi bien réaliste que religieux, sociologique qu'existentiel, qui parle d'amour et de maternité, de famille et de solitude, déploie une vision humaniste et complexe.


Hortense Miginiac, Chargée de projets - Éditorial

 

La Tyrannie du mérite, Michael Sandel, Albin Michel, 2021

Gagner la guerre

Pourquoi tant de citoyens des démocraties occidentales se sentent-ils humiliés, abandonnés, méprisés ? Dans La Tyrannie du mérite, le philosophe américain Michael Sandel s’attaque à l’un des grands récits contemporains : celui de la méritocratie. En interrogeant la promesse selon laquelle "chacun peut réussir s’il travaille dur", il montre comment cette idéologie nourrit souvent l’arrogance des gagnants et le ressentiment des perdants. Porté par une écriture claire et des exemples tirés aussi bien de la politique que de la culture populaire, cet essai puissant propose une lecture critique du malaise démocratique et invite à repenser les fondements moraux de nos sociétés et à retrouver le sens du “bien commun”.


Nicolas Prévélakis, Expert Associé - Théorie politique 

 

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