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29/10/2025
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[Le monde vu d’ailleurs] - Stratégie de la paix par la force en Ukraine, de la Maison-Blanche au Kremlin

[Le monde vu d’ailleurs] - Stratégie de la paix par la force en Ukraine, de la Maison-Blanche au Kremlin
 Bernard Chappedelaine
Auteur
Ancien conseiller des Affaires étrangères
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Le monde vu d'ailleurs

Cinq jours après avoir annoncé une rencontre avec  Poutine à Budapest, Trump a fait volte-face et imposé de nouvelles sanctions à la Russie. Au même moment, les 27 débattent de l'utilisation des avoirs russes gelés, promettent des avions Gripen ou redoublent les sanctions économiques. Assiste-t-on au retour d'une approche synchronisée entre UE et États-Unis ? La “paix par la force”, stratégie américaine qui a, pour l'instant, fait ses preuves à Gaza, est-elle duplicable ? Comment les Russes entendent-ils maintenir la relation avec Donald Trump, alors que Moscou mise sur l'affaiblissement de Kiev d'ici 2027 ?

Le nouveau revirement de Donald Trump

Au terme de sa longue conversation téléphonique avec Vladimir Poutine, le 16 octobre, le Président des États-Unis était tellement convaincu des progrès réalisés sur la question ukrainienne, qu’il a annoncé publiquement une rencontre prochaine à Budapest avec son homologue russe, rapporte CNN. Cinq jours plus tard, Donald Trump annulait la tenue de ce sommet et, pour la première fois depuis son retour à la Maison-Blanche, décidait de sanctionner l’économie russe. Ce nouveau revirement s’explique, selon la chaîne d’information, par une prise de conscience progressive du refus du Kremlin de toute concession sur l’Ukraine, notamment de son rejet d’un cessez-le-feu. "Chaque fois que je parle à Vladimir, j’ai une bonne conversation, mais elle ne mène nulle part", a admis le Président des États-Unis, dans ces conditions, la rencontre prévue à Budapest serait, selon lui,  "une perte de temps". De fait, depuis le sommet en Alaska, l’armée russe a intensifié ses frappes meurtrières en territoire ukrainien et l’entretien téléphonique entre Marco Rubio et son homologue Serguei Lavrov n’y a rien fait. Dans ces conditions, Donald Trump a accédé à la demande du Secrétaire au Trésor, Scott Bessent, qui depuis des mois plaide pour imposer des sanctions à la Russie. D’après CNN, le précédent de Gaza, où Washington est parvenu à imposer un cessez-le-feu après avoir soumis Benjamin Netanyahou à de fortes pressions, a également incité le Président américain à se montrer plus ferme à l’égard du Kremlin

Le précédent de Gaza, où Washington est parvenu à imposer un cessez-le-feu après avoir soumis Benjamin Netanyahou à de fortes pressions, a également incité le Président américain à se montrer plus ferme à l’égard du Kremlin

Le Wall Street Journal affirme que, parmi les trois options qui lui auraient été soumises (mesures visant l’industrie et les dirigeants russes, le secteur énergétique ou sanctions ciblées), Donald Trump a choisi la variante intermédiaire. Les mesures annoncées le 22 octobre 2025 par l’OFAC visent Rosneft et Lukoil, les principales compagnies pétrolières russes et leurs filiales.

Cette fois, constate le Guardian, Donald Trump a rompu avec son comportement habituel consistant à renouer le dialogue avec Vladimir Poutine après avoir menacé d’accroître la pression sur la Russie. D’après l’agence Reuters, les secteurs bancaire et énergétique russes pourraient faire l’objet de sanctions supplémentaires si Vladimir Poutine procrastine dans son refus de mettre fin aux combats en Ukraine.

Les pressions conjointes de Washington et de Bruxelles sur Moscou

La décision de Washington renoue avec l’approche occidentale synchronisée délaissée par Donald Trump. Elle s’inscrit dans une séquence qui a vu, la même semaine, un nouvel effort des Européens afin d’accentuer la pression militaire et économique sur la Russie. L’utilisation des avoirs russes gelés en Europe (environ 140 Mds € sur un total avoisinant 200 Mds €) pour financer l’effort de guerre ukrainien, dans le cadre d’un  "plan de réparation", fait partie des initiatives envisagées par l’UE. Ce plan repose sur la "fiction" qu’une fois le conflit terminé, la Russie paiera à l’Ukraine des réparations de guerre, explique la FAZ. Depuis 2022, les intérêts de ces actifs russes ont servi à financer l’assistance européenne à l’Ukraine, mais l’utilisation du capital, géré en grande partie par la société Euroclear domiciliée en Belgique, au profit de l’Ukraine pose des problèmes juridiques et suscite des craintes sur la crédibilité de l’euro, bien que la Commission européenne fasse valoir qu’il ne s’agit pas d’une confiscation des avoirs de la Banque centrale de Russie. Au Conseil européen du 23 octobre, la discussion sur ce point a été brève et non concluante, indique le Financial Times (FT). Plusieurs dirigeants, notamment le Premier ministre belge, ont souligné que le "plan de réparations" nécessitait des travaux complémentaires avant que la Commission ne mette sur la table une position formelle. Aussi, ce plan n’est pas mentionné dans les conclusions du Conseil européen qui "invite la Commission à présenter, dès que possible, des possibilités de soutien financier sur la base d'une évaluation des besoins de financement de l'Ukraine". La Belgique souhaite s’entourer de garanties juridiques solides et "mutualiser les risques" face à de ce que Moscou présente d’ores et déjà comme un vol de ses avoirs et les entreprises allemandes encore présentes en Russie s’inquiètent aussi d’une saisie de leurs biens. Le président de la Chambre de commerce germano-russe, Mattias Schepp, a souligné les risques encourus par les entreprises allemandes, qui "ont investi en Russie plus qu’aucun autre pays", pour un montant qu’il estime supérieur à 100 Mds€.

La Belgique souhaite s’entourer de garanties juridiques solides et "mutualiser les risques" face à de ce que Moscou présente d’ores et déjà comme un vol de ses avoirs et les entreprises allemandes encore présentes en Russie s’inquiètent aussi d’une saisie de leurs biens.

Quelques heures après la décision de l’OFAC concernant Lukoil et Rosneft, l’UE a adopté le 19e train de sanctions, qui pour la première fois inclut l’achat du gaz naturel liquéfié (GNL) et interdit les contrats à long terme de GNL russe à compter du 1er janvier 2027. Désormais, "l’UE et les États-Unis frappent la Russie là où cela fait mal", souligne Foreign Policy.

D’autres mesures sont destinées à lutter contre le contournement des sanctions en vigueur et visent la "flotte fantôme" de navires pétroliers acquis par la Russie, des raffineries chinoises, l’utilisation du système de paiement MIR et renforcent les contrôles à l’exportation des technologies à double usage. Les diplomates russes sont également concernés, tenus désormais d’informer les autorités de l’État où ils sont accrédités, quand ils effectuent des déplacements hors du pays de résidence. Le 24 octobre, les représentants des pays membres de la "coalition des volontaires" se sont réunis à Londres. Le Premier ministre britannique a exposé un "plan en cinq points", qui ambitionne de priver la Russie de ses recettes énergétiques, d’utiliser les avoirs russes pour la protection de l’Ukraine (population civile et infrastructures énergétiques), de renforcer ses capacités de défense aérienne et d’accentuer la pression militaire par la fourniture à Kiev de missiles de longue portée. Quant au travail sur les garanties de sécurité données à l’Ukraine, une fois la paix revenue, il se poursuit, a souligné Keir Starmer. Londres va livrer 5000 missiles légers multi-rôles et la France, a indiqué Emmanuel Macron, va fournir des missiles Aster et trois avions Mirage supplémentaires. Toutefois, ceux qui espéraient des mesures susceptibles de modifier le rapport de forces sur le champ de bataille et d’amener Vladimir Poutine à négocier seront déçus, estime la BBC. La semaine a cependant été marquée par la signature par la Suède et l’Ukraine d’une lettre d’intention pour la fourniture à Kiev de chasseurs JAS 39 Gripen. De l’avis des experts, cet avion est bien adapté à la guerre menée par la Russie, il garantit une interopérabilité avec l’OTAN et représente une étape majeure dans la modernisation de l’aviation de combat ukrainienne. Une chaîne de production de JAS 39 va être construite en Ukraine, a indiqué au FT le dirigeant de la société SAAB, qui produit le Gripen

Le Kremlin mise toujours sur la relation avec Trump et fustige des Européens bellicistes

Bien que les sanctions pétrolières décidées à Washington soient susceptibles d’aggraver la situation économique de la Russie, les réactions officielles sont restées modérées. Interrogé sur l’annulation du sommet de Budapest, Vladimir Poutine s’est employé à relativiser cette décision, expliquant que "de telles rencontres devaient être bien préparées". Iouri Ouchakov, son conseiller diplomatique, a tenu à préciser que, "pour l’instant", il n’y a pas de nouvelle date, mais que le Kremlin demeure "sur le principe disponible" pour un tel sommet. Les sanctions imposées par Washington sont "incontestablement une tentative de faire pression sur la Russie, mais aucun pays qui se respecte ne peut rien décider sous la pression", a expliqué le Président Poutine. Quant à la livraison à Kiev de missiles Tomahawk, un temps évoquée par Donald Trump, il y voit une "tentative d’escalade" et a promis une "réponse forte, voire écrasante" au cas où ces missiles seraient utilisés pour frapper le territoire russe. Trois jours plus tard, Vladimir Poutine a vanté les performances du Burevestnik, nouveau missile de croisière à propulsion nucléaire, "à portée infinie", une arme "unique qu’aucun autre pays ne possède", et qui serait, selon lui, en phase finale d’essais. Pour justifier le refus du Kremlin d’accepter un cessez-le-feu en Ukraine, son porte-parole accuse les Européens de pousser Kiev à l’intransigeance : "nous voyons que l’UE est littéralement en proie à une hystérie guerrière. C’est la raison de la pause" actuelle dans les négociations, prétend-il. Selon Dmitri Peskov, "Trump a compris qu’il n’y a aucune raison de penser qu’à court terme on puisse faire avancer le règlement de paix". Serguei Lavrov accuse lui aussi les Européens de "forcer la main de l’administration américaine". Ces "faucons" européens la soumettent à une "pression énorme, incroyable", qui n’est pas restée sans effet. En Alaska, Donald Trump a convenu que le meilleur moyen de mettre un terme à cette "guerre terrible" devait être non pas "un simple cessez-le-feu" mais un "règlement de paix stable et durable", affirme le ministre russe des Affaires étrangères, qui se réfère à un message du président des États-Unis, diffusé après le sommet, dans lequel il déclare "préférer un accord permanent à un cessez-le-feu temporaire". 

La communauté des experts russes escompte toujours une victoire sur le terrain

"À l’évidence, les sanctions américaines marquent une nouvelle étape", analyse Ivan Timofeev. "Les faucons occidentaux sont parvenus à mettre la machine américaine de leur côté, mais la Russie ne va sans doute pas modifier son cap politique, l’Ukraine va payer pour la victoire des faucons", déplore le directeur du RIAC. "Donald Trump veut vraiment un accord avec Poutine, mais il n’est pas encore prêt à franchir le pas décisif, c’est-à-dire exercer une pression maximale sur Zelensky et sur l’Europe pour les contraindre à accepter l’inévitable, les conditions et les exigences russes fondamentales, qui ne sont pas seulement territoriales", analyse Piotr Akopov. Le président des États-Unis applique sa doctrine de "la paix par la force" au conflit ukrainien, alors que la force est clairement du côté russe, observe Alexandr Iakovenko, autre commentateur de l’agence Ria novosti. "Trump aime les victoires rapides et faciles", juge pour sa part Alexeï Tchesnakov. Pour le président des États-Unis, "l’arrêt des hostilités signifie la fin du conflit", mais, comme le montre la situation à Gaza, cette approche est insuffisante, il faut traiter les "causes profondes" de la confrontation. C’est à juste titre, explique ce politologue, que Moscou rejette un cessez-le-feu qui permettrait à l’Ukraine de reconstituer ses forces et de bénéficier de nouvelles livraisons d’armes occidentales et qui ne créerait pas de "dynamique pour traiter des causes profondes de la crise". L’attitude adoptée par la Maison-Blanche "n’aura pas d’incidence sur le champ de bataille et nous donne du temps pour améliorer notre position de négociation", assure Marat Bachirov, qui se veut optimiste sur la capacité de l’armée russe à l’emporter sur le terrain : "puisque Zelensky refuse de céder volontairement le Donbass, le sommet sera repoussé jusqu’au moment où l’armée russe l’aura pris de force".

Pour le président des États-Unis, "l’arrêt des hostilités signifie la fin du conflit", mais, comme le montre la situation à Gaza, cette approche est insuffisante, il faut traiter les "causes profondes" de la confrontation.

Fiodor Loukjanov s’interroge sur certains aspects de la stratégie russe. Jusqu’à présent, observe ce spécialiste réputé des questions internationales, rien dans le comportement de Donald Trump "ne confirme sa volonté réelle de prendre des mesures rigoureuses à l’encontre de la Russie, qui menaceraient le dialogue avec Moscou". Certes, il est impulsif, et "il en faut peu pour l’irriter" mais "Poutine a appris à lui parler".

"L’exigence américaine peut s’expliquer, estime Fiodor Loukjanov, au plan militaire, l’initiative appartient à la Russie, les combats renforcent la position de Moscou dans les négociations, un arrêt l’affaiblirait", aussi, selon lui, "la confusion diplomatique va se poursuivre". Le politologue n’est cependant pas convaincu par les efforts de Kirill Dmitriev, visant à promouvoir les relations économiques russo-américaines. Selon le Moscow Times, l’émissaire du Kremlin est d’ailleurs revenu "les mains vides" du déplacement qu’il vient d’effectuer en urgence aux États-Unis. "On ne peut mettre de côté le conflit le plus aigu pour régler des questions plus simples, comme la reprise des relations commerciales et la normalisation du travail des représentations diplomatiques", estime Fiodor Loukjanov. "La conclusion n’est pas très encourageante", admet-il dans une autre analyse, d’autant que "le problème ne se réduit pas à la question des territoires", référence aux autres exigences formulées de longue date par le président Poutine, qui ont trait notamment aux restrictions à la souveraineté ukrainienne et à la refonte de l’architecture de sécurité européenne.

La stratégie de Donald Trump ne fonctionne pas vis-à-vis de la Russie, souligne aussi Dmitri Trenin, autre politologue reconnu, mais Moscou n’a pas non plus été capable de lui expliquer les "causes profondes" du conflit ukrainien et en quoi les demandes russes ne sont pas "maximalistes". Le chercheur met en avant plusieurs raisons, notamment la position de ses "vassaux européens", des Républicains et de ses adversaires Démocrates, "unis dans leur attitude hostile, sinon russophobe". L’attitude ouverte manifestée par le Kremlin à l’égard de Donald Trump - que cet expert qualifie d’ "opération diplomatique spéciale", par analogie avec le terme officiel utilisé pour désigner l’agression de l’Ukraine - a toutefois été utile, estime Dmitri Trenin, qui démontre aux partenaires de la Russie, la "volonté sincère de Moscou de parvenir à une paix juste et durable". Le dialogue russo-américain se poursuit à deux niveaux (Lavrov-Rubio ; Dmitriev-Witkoff), mais, ajoute le politologue, "il faut bien comprendre la fonction de la diplomatie en temps de guerre", qui consiste selon lui, à "consacrer les résultats obtenus sur le théâtre des opérations militaires". "L’opération diplomatique spéciale peut être utile, mais elle ne peut se substituer à l’opération militaire spéciale", avertit l’ancien directeur du bureau de la Carnegie à Moscou. 

"Le problème ne se réduit pas à la question des territoires", référence aux autres exigences formulées de longue date par le président Poutine, qui ont trait notamment aux restrictions à la souveraineté ukrainienne et à la refonte de l’architecture de sécurité européenne.

Ces différents arguments sont repris et précisés par Dmitri Souslov, spécialiste des États-Unis. À l’issue du sommet d’Anchorage, "Donald Trump n’a visiblement pas pu ou pas voulu exercer des pressions fortes, notamment sur les Européens, pour les contraindre à accepter la position russe ou du moins à faire preuve de compréhension par rapport à ce qui a été obtenu à Anchorage", à savoir, d’après lui, "les modalités d’un règlement pacifique définitif en Ukraine". 

Tout comme Dmitri Trenin, il évoque des pressions internes aux États-Unis, au sein même de l’administration Trump (MM. Rubio, Bessent, Kellogg) et met en cause "l’État profond", la "grande majorité" des sénateurs républicains, ainsi que les alliés européens, à qui Donald Trump a déjà imposé des droits de douane et un effort de défense important (5 % du PIB). Aussi, selon Dmitri Souslov, "la situation devrait globalement demeurer telle qu’elle est actuellement. L’administration Trump devrait éviter de se lancer dans une escalade vis-à-vis de la Russie et s’abstenir de fortes pressions sur l’Europe pour la contraindre à accepter les conditions russes". Dans le même temps, Washington devait "accroître progressivement la pression sur Moscou et Kiev pour les contraindre à des concessions", estime cet américaniste, qui en veut pour preuve les rumeurs de nouvelles sanctions à l’encontre de la Russie (cf. Reuters). Il est possible que les États-Unis restreignent la fourniture de renseignements à l’Ukraine et la vente aux Européens d’armements qui lui sont destinés, avance Dmitri Souslov. Mais, "fondamentalement, la situation changera quand le front commencera à s’effondrer", ce qui pourrait se produire assez rapidement, affirme-t-il. Si tel était le cas, les conditions formulées par la Russie ne seraient plus considérées comme "une capitulation de Trump face à Poutine, mais comme le sauvetage de l’Ukraine, ce serait une situation totalement inédite", explique Dmitri Souslov, convaincu que "l’effondrement du front" en Ukraine aura des effets positifs sur la diplomatie russo-américaine, qui alors "produira des résultats".

Une perspective de paix ?

Vladimir Frolov s’interroge aussi sur les chances d’un règlement en Ukraine et considère que les sanctions pétrolières américaines et le refus de Donald Trump de faire pression sur Kiev et sur les Européens pourraient conduire Moscou à réexaminer sa stratégie de négociation. Jusqu’à présent, le calcul de la Russie se fonde sur sa supériorité militaire et sur un affaiblissement progressif de l’armée ukrainienne. Les frappes ukrainiennes sur les infrastructures énergétiques russes ont créé des difficultés, mais n’ont pas eu d’impact, à ce stade, sur les opérations militaires. D’après ce politologue, le Kremlin anticipe un épuisement de l’Ukraine à l’horizon 2026, qui serait alors contrainte d’accepter les termes russes d’un règlement. Moscou n’acceptera pas de cessez-le-feu sur la ligne de contact aussi longtemps que le cadre d’un règlement définitif qui lui convienne n'aura pas été défini. Une partie des élites russes est prête, selon cet expert, à un arrêt des hostilités sur la base des propositions publiées en juillet dernier dans la revue The National Interest par le politologue américain Thomas Graham, ancien conseiller du Président Bush, qui les a récemment expliquées dans un média russe

Les frappes ukrainiennes sur les infrastructures énergétiques russes ont créé des difficultés, mais n’ont pas eu d’impact, à ce stade, sur les opérations militaires.

Tout en critiquant certaines de ses propositions, un parlementaire, Konstantin Zatouline juge digne d’intérêt le fait que Thomas Graham se prononce pour une "paix de compromis", ce qui correspond, prétend-il, à l’état d’esprit des dirigeants russes.

Il note qu’à aucun moment depuis février 2022, Vladimir Poutine n’a exigé de l’Ukraine "une capitulation sans condition comme préalable indispensable à la paix". Écrivant quelques jours avant le sommet prévu à Budapest, le député à la Douma souligne que l’enjeu de la guerre dépasse la question de l’Ukraine, affecte l’avenir de la Russie et a un coût humain et économique. Il ne s’agit pas seulement de la défense de nos intérêts face à l’Occident, mais aussi des relations avec nos voisins et alliés partout dans le monde, fait valoir ce spécialiste de l’espace post-soviétique. Lors du retour à la paix, il faudra aussi maintenir la stabilité politique du pays et empêcher la propagation du "syndrome post-conflit" tel que les États-Unis et l’URSS l’ont connu après leurs interventions au Vietnam et en Afghanistan, avertit Konstantin Zatouline. Très rares sont cependant les responsables russes qui expriment une opinion indépendante sur la fin de la guerre en Ukraine. Dmitri Kozak qui, selon le New York Timesnotamment, a tenté de convaincre Vladimir Poutine que "l’opération militaire spéciale" était une erreur, lui aurait proposé en début d’année, sans succès, d’être désigné comme l’interlocuteur des États-Unis sur le dossier ukrainien (dont il était chargé au Kremlin jusqu’en 2022). Mais ce compagnon de longue date de Vladimir Poutine a quitté l'administration présidentielle en septembre.

Copyright image : Pavel Bednyakov / POOL / AFP
Poutine, lors du 20e anniversaire de Russia Today au théâtre du Bolchoi, le 17 octobre 2025
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