AccueilExpressions par Montaigne[Le monde de Trump] - Chine : “Une opportunité comme il ne s’en est pas produite depuis cent ans” La plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne12/08/2025ImprimerPARTAGER[Le monde de Trump] - Chine : “Une opportunité comme il ne s’en est pas produite depuis cent ans” Auteur Michel Duclos Expert Résident, Conseiller spécial - Géopolitique et Diplomatie Auteur François Godement Expert Résident, Conseiller spécial - Asie et États-Unis Découvreznotre série Le Monde de TrumpEn avril, la décision de l’administration Trump de hisser à 145 % les droits de douanes contre les biens chinois affichait nettement combien la rivalité avec la Chine serait structurante. La trêve conclue à Genève le 11 juin, qui les a ramenés à 30 %, et la continuation des pourparlers à Stockholm les 3 et 4 août, signent une pause provisoire, qui vient peut-être d’être prolongée de trois mois (car à ce jour, Trump n’a toujours pas ratifié la prolongation). Comment comprendre l’importance de la rivalité sino-américaine ? Que pèse le commerce par rapport aux enjeux militaires ? Notre époque est-elle pour la Chine “une opportunité comme il ne s’en est pas produite depuis 100 ans”, ainsi que Xi Jinping l’a dit à Poutine dès 2023 ? Michel Duclos s’entretient avec François Godement dans cet épisode de la série [Le monde de Trump].INSTITUT MONTAIGNE - Comment Donald Trump considère–t-il la Chine, alors que la rivalité avec ce pays est devenue le paramètre structurant de la politique américaine ? Quelle en est la traduction concrète dans la stratégie de l’administration Trump II ?FRANÇOIS GODEMENT - Le Président Xi ne s’est pas rendu au Sommet des BRICS à Rio, du 6 au 7 juillet dernier. Plusieurs raisons l’expliquent (présence du président Modi, marque de désintérêt dès lors que l'alignement des BRICS sur Pékin n’est plus systématique, certaines rumeurs sur la santé du dirigeant chinois) mais la cause principale en est simple : la Chine est tout entière centrée sur son épreuve de force avec les États-Unis, et à raison, car c’est vrai aussi du point de vue de ceux-ci.Côté États-Unis, il ne faut plus raisonner selon les paramètres de l’administration Trump I, dont la politique avait été poursuivie en grande partie, ou affinée, par l’administration Biden. Certes, le personnel au pouvoir s'est distingué par la désignation de la menace chinoise en priorité absolue. Le secrétaire d'État Marco Rubio, le secrétaire à la Défense Pete Hegseth ou encore l’ancien conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz (limogé le 1er mai) sont aux avant-postes de cette ligne politique. Le discours de Pete Hegseth à Singapour, lors du Shangri-La dialogue, ne laisse aucun doute : un affrontement possible avec la Chine, qui est susceptible de dégénérer en conflit armé - à l’initiative, selon toute vraisemblance, de la Chine - est la ligne officielle de cette administration.L’extrême susceptibilité américaine à l’égard de la Chine s’explique par plusieurs facteurs. C’est d’abord, on l’oublie trop souvent, la “néo-guerre de l’opium à l'envers” que constitue le fléau du fentanyl. Il a motivé, dès janvier, l’application de 10 % de droits de douane additionnels (aux temps lointains où 10 % supplémentaires constituaient encore une sanction !). La drogue est assemblée chimiquement au Mexique mais financée par des réseaux financiers chinois et, au-delà des intérêts financiers qui sont en jeu ou de la difficulté à réguler les mafias, Pékin a poursuivi un véritable objectif de déstabilisation à travers cet opioïde. Les consommateurs et les industries pharmaceutiques ont leur responsabilité, le système répressif censé endiguer le phénomène aux États-Unis ne marche pas, mais la Chine est indubitablement responsable, et les indices de recul de sa part sont très ténus à ce jour.Le deuxième “problème chinois” est d'ordre militaire et concerne Taiwan. Les menaces s’intensifient progressivement. Mais c’est là qu’une différence majeure apparaît entre les lignes de Joe Biden et de la nouvelle administration : Donald Trump cultive un certain flou, loin d’un Joe Biden qui avait largement dissipé “l'ambiguïté stratégique” à quatre reprises durant son mandat pour ne laisser aucun doute sur le casus belli qu’un coup de force chinois constituerait.IM - Mais Joseph Biden avait alors été aussitôt corrigé par sa propre administration !FG - Certes, mais la parole présidentielle et la dissuasion par le verbe n’étaient pas négligeables. Donald Trump n’a absolument pas repris personnellement ce langage. Et la récente interdiction, formalisée ou restée informelle, d’une escale du président taiwanais Lai Ching-te à New York est aussi une concession importante à Pékin.Alors, oui, la logique de réorientation de l'effort militaire américain vers l’Indopacifique et la montée en gamme du Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, ou QUAD (alliance informelle avec le Japon, l'Australie et l'Inde) sont importantes, tout comme l’influence d’Elbridge Colby, sous-secrétaire à la Défense chargé des questions politiques : c’est lui qui a justifié la réorientation des efforts de défense et un certain abandon du fardeau européen pour se concentrer sur Taiwan. Mais Colby a aussi déclaré que les États-Unis ne pourraient pas défendre Taiwan en dépit d’elle-même, si l’île n’imposait pas la conscription militaire ni ne consacrait au moins 10 % de son PIB aux dépenses de défense. Taiwan est en effet restée très pacifique et relativement peu mobilisée sur le front de sa défense militaire : les États-Unis affichent désormais leur refus de substituer leurs efforts aux siens. Et le président américain agite des griefs commerciaux contre Taiwan, tout en poursuivant l’objectif d’implanter TSMC, le plus grand atout stratégique de l’île, aux États-Unis.À côté du Fentanyl et de Taiwan, un troisième élément est déterminant dans les relations entre la Chine et les États-Unis : le modèle de l’homme fort. Depuis 2012, Xi Jinping semble avoir volé de succès en succès. Il a construit une économie qui est la 2e au monde, qui dispute de près la première place aux États-Unis, et qui les dépasse même si l’on regarde uniquement son poids dans la mondialisation et ses succès industriels. C’est un modèle fascinant pour Donald Trump. Celui-ci reste convaincu de la possibilité de négocier d’homme à homme la solution de n’importe quel conflit : cette croyance est-elle si différente de la confiance passée dans les vertus d’une politique d’engagement ?Il faut donc distinguer la doctrine de l’administration en général de l’approche du Président Trump lui-même. Il a surmonté l’épreuve judiciaire post-6 janvier, les sondages le confortent, l’économie américaine se maintient, le “Liberation Day” du 2 avril a été proclamé et des surtaxes douanières imposées au reste du monde, alors qu’il y a quelques mois seulement, on annonçait la chute de Wall Street et une inflation phénoménale…Certes, les experts prédisent que c'est encore à venir, mais pour l’instant, rien n’est arrivé. Donald Trump se voit donner en quelque sorte un quitus pour exprimer librement tous ses instincts. Or, son instinct répugne à s'engager dans des aventures militaires ou armées - à moins d’être certain que ses adversaires sont nettement plus faibles que lui (avec les Houthis) ou que l’opération reste circonscrite à un objectif très ponctuel (en Iran).Les obsessions présidentielles vis-à-vis de la Chine concernent donc avant tout sa balance commerciale. Le déficit : c’est le quatrième, et le plus capital, des “problèmes chinois”. Toutefois, en homme des années 80, Donald Trump reproche, de la même façon, ce déficit aux Japonais, aux Allemands, voire aux Africains, qui ont avec les États-Unis un excédent commercial important - étant donné qu’ils exportent leurs matières premières ! Cette obsession va de pair avec l’ambition de réindustrialiser l’Amérique. Or, la Chine est à la fois la source principale du déficit de la balance commerciale américaine, et la principale pourvoyeuse de biens de consommation à très bas prix, qui bénéficient au pouvoir d’achat des Américains les moins favorisés.IM - Les barrières protectionnistes : parlons-en. Quelle est la place du bras de fer douanier dans les relations sino-américaines ?FG - Il est absolument capital, à la fois sur le plan commercial et sur le plan économique, et il a toutes les chances de s'installer dans la durée. En 2019, les économistes libéraux estimaient que les comptes courants chinois seraient en déficit du fait d’un rééquilibrage vers la consommation intérieure et les services. La baisse de l’excédent commercial a semblé s’esquisser durant la première année du Covid, mais les déséquilibres à l'avantage de la Chine ont repris de plus belle : il était d’un trillion de dollars à la fin de 2024, et pourrait atteindre 1,2 trillion en 2025. On aurait pu penser que la tendance ne se poursuivrait pas : et pourtant, les exportations globales de la Chine vers le reste du monde ont augmenté au lieu de baisser en 2025 alors même que le bluff douanier des Américains était à son niveau d'intensité maximal !Chinois, Européens et Américains se font face dans une sorte de dilemme du prisonnier : chacun cherche à ne pas inciter l’autre à sortir l’artillerie lourde d’une guerre commerciale, mais l'offensive pourrait être déclenchée à tout instant.Globalement, la part des exportations chinoises allant aux États-Unis est de 11 %, mais 13 % vers l’Europe, et 16 % vers l’ASEAN, qui est devenue le premier partenaire commercial de la Chine. Le déséquilibre est énorme et s’accentue de mois en mois : la Chine provoque un tsunami commercial. Désormais, Chinois, Européens et Américains se font face dans une sorte de dilemme du prisonnier : chacun cherche à ne pas inciter l’autre à sortir l’artillerie lourde d’une guerre commerciale, mais l'offensive pourrait être déclenchée à tout instant. Pour disrupteur qu’il puisse paraître, le rapport de forces installé par l’administration Trump n’est pas illogique. Les États-Unis connaissent un déficit structurel de leur balance des paiements : trouver des recettes grâce à des taxes sur les importations a une raison d’être, même si c’est une action unilatérale injustifiable au regard des règles du commerce international. La note de Stefan Miran à l’Hudson Bay Capital, en novembre 2024, “A User's Guide to Restructuring the Global Trading System” résonne aujourd'hui de manière prophétique. Elle montre aussi que la volonté de réajuster la place du dollar est absolument déterminante au sein des équipes de Donald Trump.Il y a eu à l’endroit de la Chine, comme avec d’autres un “bluff” américain, c’est clair : ce fut 40 jours [du Liberation Day du 2 avril à l’annonce le 12 mai de la suspension pendant 90 jours d’une partie des droits de douane punitifs] de quasi découplage pour la Chine. À présent, la poussière retombe et il faut se rendre à l’évidence : cette stratégie américaine faite de zigzags et de menaces sort gagnante. Les Européens acceptent comme un moindre mal des droits de douane à 15 % (ils étaient en janvier 2025 à 2,4 %), la Chine voit ses produits taxés à 30 % et présente comme une victoire la “pause” de 90 jours après l’annonce de droits de douane à 145 %. Dans le même temps, les recettes douanières américaines se sont déjà élevées en juillet à 30 milliards de dollars et le taux moyen de douane sur les importations américaines globales est passé de 2,5 % à 18,5%. La stratégie consistant à faire payer un droit d’entrée au marché américain fonctionne. La relation avec les pays exportateurs ou sur-producteurs est complètement revue et les recettes fiscales américaines s’en trouvent pour l’instant confortées.Put Up, or Shut Up. C’est la devise de la Maison-Blanche. Elle ne nous plaît pas : la belle affaire ! Le pari politique et géopolitique était audacieux mais il n’était pas irrationnel, et la tactique était brutale, mais elle était revendiquée. Put Up, or Shut Up. C’est la devise de la Maison-Blanche. Elle ne nous plaît pas : la belle affaire !IM - Revenons à la dimension militaire : les Américains ont-ils réellement de l’avance en termes d’équipements militaires et de sous-marins à longue portée ?FG - Les États-Unis, même avec le soutien du Royaume-Uni, n’ont pas la capacité, seuls, de construire en quantités suffisantes les sous-marins nucléaires capables d'opérer longtemps en eaux profondes - qui sont à ce jour les armes les plus déterminantes en cas de conflit avec la Chine. Le choix des Australiens de se tourner vers les États-Unis en septembre 2021 au moment de l’accord AUKUS pour avoir des sous-marins de classe Virginia s’avèrera peut-être une décision mal avisée. Les États-Unis n’ont pas la capacité de production requise, et l'administration Trump a annoncé en juin que le pacte Aukus serait ré-examiné à la lumière de sa compatibilité avec l’agenda America First…Pour l’instant, les États-Unis ont plus d’équipements militaires que la Chine, mais le facteur quantitatif n’est pas une garantie suffisante. La production navale de navires de surface, tout comme la capacité d’innovation de la Chine, sont colossales - même si produire du matériel militaire naval est une chose, lui faire connaître l’épreuve du feu en est une autre. Pendant longtemps a prévalu l’idée selon laquelle l’étanchéité des acteurs, dans un système chinois hiérarchisé et fonctionnant en silos, représentait un obstacle fondamental à la diffusion rapide des systèmes de pointe. Il faut se rendre à l’évidence : la centralisation voulue par Xi Jinping semble porter ses fruits. L’armée chinoise, pourtant paradigme de la chaîne de commandement tout en verticalité, se convertit de gré ou de force à l’efficacité horizontale. L’effort de dépense militaire déployé par la Chine est supérieur à la croissance de son PIB, les économies d’échelle permettent une montée en force d’une rapidité étonnante y compris en matière de défense, l'industrie des drones, qui sont absolument cruciaux, est à la pointe et constamment améliorée.Pendant trente ans, j’ai soutenu, comme d’autres, l’idée que la démocratie était aussi un atout économique. Aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence, l’autoritarisme peut aussi forcer à la diffusion et au partage de l’innovationIl n’est plus temps de minorer l'efficacité de la production chinoise ou de pondérer les quantités statistiques par un facteur qualitatif pour se rassurer : le doute tenaille les observateurs sur l’équilibre des forces, et la supériorité américaine ne peut plus être assurée. Pendant trente ans, j’ai soutenu, comme d’autres, l’idée que la démocratie était aussi un atout économique. Aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence, l’autoritarisme peut aussi forcer à la diffusion et au partage de l’innovation - au détriment bien sûr des garanties de propriété intellectuelle.Une étude de l’Australian Strategic Policy Institute, publiée en août 2024, a fait le tour du monde : sur la période 2019-2023, la Chine serait en tête de 57 des 64 innovations critiques. D’autres études sont plus prudentes, mais la tendance est là : la Chine est en passe de rejoindre ou de dépasser les États-Unis dans la recherche scientifique en matière de technologies critiques.Toutefois, le facteur personnel entre en compte : Xi est un homme prudent, qui peut frôler les lignes rouges mais ne tombe pas dans le piège de les franchir. Il a tiré les leçons de l’expérience de Deng Xiaoping, qui a envahi le Vietnam en 1979. Ainsi, si la question est celle des capacités militaires : la Chine les a. Si c’est celle des intentions : elles sont plus indécises. Et du côté américain, la préférence de Donald Trump pour l’évitement de conflit se manifeste aussi. La récente autorisation donnée à la vente de semi-conducteurs performants, le silence présidentiel sur Taiwan, une nouvelle extension probable de 90 jours des négociations commerciales - alors que partenaires et alliés sont frappés parfois sans retenue - sont des indicateurs d’une immense hésitation, et peut-être d’un véritable désaccord au sein de l’administration américaine entre ceux qui privilégient les objectifs commerciaux ou financiers et les tenants d’une ligne stratégique de dissuasion.Dès lors, l'effort américain permettra-t-il de reprendre l'initiative ? Ou s’agit-il pour les Américains de se construire une économie-bunker en s’abritant derrière des barrières protectionnistes ? Les Européens sont confrontés à la même difficulté, à laquelle s’ajoutent les paramètres de budgets de défense difficiles à traduire en production ou défi climatique et d’une pyramide démographique négative.IM - Comment juger l’ambition américaine de séparer la Chine et la Russie ?FG - Cela paraît difficile. Vladimir Poutine est cerné par un double risque : être dépassé par les nationalistes, comme dans l’affaire Prigojine de juin 2023, ou devoir affronter une vague de démocratisation que le Kremlin ne pourrait pas contrôler avec la même efficacité que Xi Jinping - mais il est soutenu par Pékin. Lors de sa visite à Bruxelles le 3 juillet, Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères, aurait déclaré à Kaja Kallas que la Chine ne pourrait accepter une défaite russe, rompant, de manière assez spectaculaire, avec la posture - fallacieuse certes - de neutralité entre les deux pays.Pour la Chine, nous sommes trop lents, trop timorés, nous parlons trop et agissons trop peu. En attendant, la Commission est une négociatrice moins facile à manœuvrer qu’on pourrait le croire et l’UE s’en sort un peu mieux que d’autres dans le face à face avec la Maison-Blanche : cela peut inspirer un certain respect à la Chine.IM - Pékin prend-il seulement les Européens au sérieux ?FG - Non. Pour la Chine, nous sommes trop lents, trop timorés, nous parlons trop et agissons trop peu. En attendant, la Commission est une négociatrice moins facile à manœuvrer qu’on pourrait le croire et l’UE s’en sort un peu mieux que d’autres dans le face à face avec la Maison-Blanche : cela peut inspirer un certain respect à la Chine. Il reste qu’il nous faudra faire des choix beaucoup plus radicaux.IM - La Chine est donc si sûre d’elle-même ? N’a-t-elle pas malgré tout besoin d’une Europe qui ne soit pas totalement affaiblie ?FG - Si, bien sûr. Les sujets d'inquiétude existent. La Chine a ses propres défis : sauvetage de l’immobilier, lutte contre la grande pauvreté, retraites… Elle peut avoir besoin de l’Europe, et cela sera d’autant plus vrai que nous resterons ouverts sur les échanges technologiques …Mais il faut aussi relever que du point de vue de la “guerre des valeurs” et de la “croisade morale”, l’obsession républicaine d’un déclin occidental rapproche davantage l’Amérique de Trump de la Chine de Xi ou de la Russie de Moscou que de ce qui fut le camp occidental …IM - Comment se positionnent les moyennes puissances ?FG - Elles sont plus que jamais déchirées : davantage vis-à-vis des États-Unis que de la Chine. Pourtant qu’on ne s'y trompe pas : si les discours chinois sont tout de miel, là où l'administration américaine crie et insulte, la Chine fait preuve d’une forte agressivité pratique. Quasiment aucun des pays qui ont conclu des accords séparés avec la Chine n’en ont été récompensés, que l’on regarde du côté de l’Afrique du Sud, de l’Iran, ou des accords des Routes de la soie passés avec l'Italie ou l’Espagne… La Chine se prévaut du multilatéralisme pour séduire ses partenaires du “Sud” : en pratique, elle est tout sauf multilatérale.Est-il dès lors plus facile pour les “puissances moyennes” de faire front commun pour résister à la Chine qu’aux États-Unis ? Jusqu’ici, les différences de traitement douanier ont permis à l’administration américaine de traiter ses interlocuteurs de façon largement bilatérale - la seule exception est l’Union européenne, mais ceci est davantage dû au caractère intensif et critique de nos échanges technologiques qu’à une véritable force de l’Union. Face à Pékin, la situation est beaucoup plus uniforme, et porte de plus en plus sur les exportations de la Chine plutôt que sur son marché intérieur. Malgré l’affichage de notre attachement au libre-échange, il est plus facile de prendre exemple sur les droits de douane américains pour ériger des barrières contre le tsunami des produits chinois. Les pays concernés pourraient-ils s’entendre pour endiguer les exportations chinoises ? C’est pour l’instant de la politique-fiction tant ils semblent loin de se mettre d'accord.C’est le défi qui nous attend. En dépit de l’agressivité de Donald Trump vis-à-vis des Européens, nous serons obligés de faire front commun face aux pratiques chinoises, qui représentent une menace considérable pour notre industrie. Les pays du Sud ont moins de scrupules que nous à imposer des barrières commerciales, mais le consommateur français est partagé entre la protection de son économie et celle de son niveau de vie : c’est un vrai dilemme qui se pose partout. Donald Trump a - peut-être, c’est à vérifier - tranché pour les États-Unis. Les Européens doivent trouver leur voie.En terminant sa visite d’État à Moscou, le 22 mars 2023, Xi Jinping avait prononcé cette phrase, aussitôt approuvée par Vladimir Poutine : “Nous assistons à des changements tels que nous n’en avons pas connu depuis 100 ans. Et c’est nous qui conduisons ces changements ensemble.” “Une opportunité comme il ne s’en est pas produite depuis cent ans” : c’est le nouveau leitmotiv de la Chine, un véritable slogan national.IM - Cela ne s'applique pas à Trump.FG - Non, mais cela pourrait peut-être constituer une maxime utile pour les puissances moyennes, si elles parvenaient à la faire leur !Propos recueillis par Hortense MiginiacCopyright Alan-Ducarre ImprimerPARTAGERcontenus associés 23/07/2025 [Le Monde de Trump] - Proche et Moyen-Orient : "Les pays arabes ont la bonn... Michel Duclos 25/03/2025 Relations commerciales Chine-Europe : sortir de l’impasse François Godement