AccueilExpressions par Montaigne[Le Monde de Trump] - Proche et Moyen-Orient : "Les pays arabes ont la bonne méthode"La plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne États-Unis et amériques Moyen-Orient et Afrique23/07/2025ImprimerPARTAGER[Le Monde de Trump] - Proche et Moyen-Orient : "Les pays arabes ont la bonne méthode"Auteur Michel Duclos Expert Résident, Conseiller spécial - Géopolitique et Diplomatie Découvreznotre série Le monde de TrumpDonald Trump a obligé les différents acteurs internationaux à prendre en compte une nouvelle donne qui fait peu de cas du droit international. Qu’en est-il au Moyen-Orient ? Conséquences des frappes américaines en Iran sur la dissuasion nucléaire, positionnement et repositionnement des puissances régionales - Arabie, Qatar, Émirats, Jordanie - circonspection des Européens : si, comme l’affirme Rym Momtaz, rédactrice en chef au sein du think tank américain Carnegie Europe, les puissances moyennes par excellence sont les puissances arabes, l’étude de leurs alignements est riche d’enseignement. Une conversation avec Michel Duclos et Soli Özel.Institut Montaigne - Quel est, selon vous, le regard de Trump sur le Proche et le Moyen-Orient ? Notamment à travers le prisme des moyennes puissances ?Rym Momtaz - Pour Trump comme pour tout observateur, la région qu’au Quai d’Orsay on nomme Afrique du Nord-Moyen-Orient présente évidemment de grandes disparités. Il faut d’ailleurs replacer le sujet dans une sorte de typologie plus générale des puissances moyennes selon Trump. Distinguons notamment trois catégories : L’Europe : l’administration américaine considère qu’elle ne présente pas tellement d’intérêt pour elle. Il ne s’agit ni de détruire l’alliance transatlantique ni de remettre en cause les alliances bilatérales avec les pays européens, mais de se cantonner au “minimum syndical”, même s’il peut y avoir, comme ce fut le cas lors du sommet de l’OTAN de La Haye, un retour de flamme, pas forcément durable. Dans l’esprit de Donald Trump, tout est régi par la transactionnalité et un désir de recentrer les États-Unis sur l'hémisphère occidental, de sécuriser les nouvelles routes de transport - notamment dans l’Arctique - et les accès aux minerais rares et autres matières premières essentielles pour la domination technologique. Il reproche à l'Europe son manque d'engagement réel sur ces sujets. C’est ainsi qu’il faut comprendre ses positions concernant le Groenland ou le Canada.Les puissances moyennes du Golfe : par contraste, elles sont perçues de manière très favorable par la Maison-Blanche. Elles font d’excellents interlocuteurs pour parler affaires, sont fondamentalement en phase avec l’ADN transactionnel du président américain et comme elles ont les moyens financiers de le suivre, elles sont très réceptives, qu’il s’agisse d'investissements réels ou d'effets de manche ; c’est finalement un monde plus proche que l’Europe de la manière dont Trump voit les choses.Enfin, une troisième catégorie : les pays qui exaspèrent Trump autant qu’ils le fascinent, par leur faculté à user de la force et le déploiement de leur maîtrise militaire. On y trouve Israël ou la Russie, puissance militaire, notamment sur le plan conventionnel, et qui dispose de nombreux atouts géo-économiques (minerais rares, matières premières, Arctique … ). Donald Trump partage en outre une lubie qui était celle de l’Élysée en 2017-2018 : diviser les Russes et les Chinois. Car selon le président américain, il n’existe évidemment qu’une seule grande puissance susceptible de rivaliser avec les États-Unis, c’est la Chine.IM - Comment les récents événements au Moyen-Orient (notamment la Guerre des douze jours) ont-ils reconfiguré les relations des États-Unis avec la région ? RM - On ne sait pas l’étendue réelle de la dégradation du programme nucléaire iranien. C’est largement de cette énorme inconnue que dépend notre capacité à juger si l’intervention américaine a été positive ou non.On peut douter en tout cas qu’elle ait eu un effet dissuasif. Depuis 40 ans en effet, l’enfer, pour l’Iran, s’incarnait dans le risque d’une frappe directe venue des Américains et des Israéliens. Une telle frappe a eu lieu : ils sont toujours là. Les frappes n’ont pas eu d’effet décisif mortel immédiat ; il ne s’agit pas de nier leurs conséquences, loin de là, mais les Iraniens constatent avec stupeur que ça a eu lieu, et qu’ils ne sont pas anéantis pour autant. Les Iraniens constatent avec stupeur que ça a eu lieu, et qu’ils ne sont pas anéantis pour autant.IM -L’Iran a moins peur, le régime a éprouvé sa solidité, il sait désormais que tant qu’il n’y a pas d’armée étrangère déployée sur son sol, il peut tenir. Téhéran va poursuivre son programme nucléaire en l'orientant, plus que jamais, vers la bombe. Donald Trump a eu son grand spectacle, la démonstration de force a certainement fait son effet mais l’impact réel reste à voir. Est-ce aussi votre avis ?RM - En tout cas, c’est une forte probabilité. Un élément au passage : il ne faut ni surestimer ni négliger le rôle des personnalités. Parmi la dizaine de dirigeants iraniens éliminés en juin, combien jouent un rôle déterminant ? En revanche, l’élimination du général Ghassem Soleimani en Irak le 3 janvier 2020, patron des opérations extérieures de Téhéran au sein de la Force Al-Qods, avait été, indubitablement, cruciale. Elle n’avait d’ailleurs pas fait que des mécontents à Téhéran. Son remplaçant depuis 2020, Esmaïl Ghani, toujours en vie, a échoué dans sa gestion du Hezbollah ; or celui-ci avait été créé au départ par les Iraniens comme un instrument de dissuasion précisément en prévision d’éventuelles frappes de “dé-sanctuarisation” de leur territoire.Si l’on élargit le sujet, pour revenir au cadre global, ce qui vient de se passer illustre un phénomène plus général : les règles de la grammaire internationale qui prévalaient sont caduques ; les relations et alliances bilatérales, censées donner un peu de stabilité à l’ordre international, ne permettent plus de faire la moindre prévision. Les néoconservateurs américains avaient peut-être tort, mais ils n’en demeuraient pas moins les derniers à avoir une pensée stratégique. La politique étrangère de Trump II se résume le plus souvent à de la tactique, et c’est donc l’incertitude qui règne.Avec toutefois, quelques exceptions : les Européens sont perçus comme des freeriders, mais c’est en réalité le cas depuis Obama ; la Chine doit être affaiblie, ce qui est là aussi dans la continuité de la politique américaine récente ; et, au Proche-Orient, les accords d’Abraham conclus en 2020 ont été le grand succès de la première administration Trump. Rappelons qu’ils impliquaient les Émirats arabes unis, Israël et Bahreïn. Ils sont toutefois venus au monde entachés du péché originel qu’est l’oubli de la question palestinienne ; or celle-ci les a rattrapés depuis que le drame du 7 octobre et la guerre qui a suivi ont réouvert la question palestinienne.IM - Que va-t-il se passer maintenant sur le dossier iranien ?RM -Aucune alternative au régime qui est en place ne se laisse entrevoir, et si un “regime change” intervenait, ce serait au sein-même du régime. Dans ce contexte, on peut s’attendre à ce que l’Iran, voyant le peu de cas qu’on fait du droit international, fasse tout ce qu’il peut pour renforcer son arsenal nucléaire. Les Israéliens vont donc finir par s’apercevoir que les Européens ont une doctrine beaucoup plus cohérente que les Américains au sujet du nucléaire iranien : Donald Trump a affirmé qu’il n’était pas intéressé par un accord avec l’Iran et qu’il était convaincu que l’Iran allait cesser ses efforts vers une arme nucléaire. C’est la seule chose qui intéresse Washington. Les sujets du balistique ou du soutien de l’Iran au terrorisme ne concernent pas les Américains, à la différence des Européens : Emmanuel Macron, qui milite en faveur d’un cadre de négociation élargi, prenant en compte le soutien aux terroristes et la dimension balistique, dispose de certains arguments de poids pour les oreilles israéliennes. Certes, Israël et les États-Unis ont affaibli le programme balistique en même temps que le programme nucléaire, mais quand on sait les relations étroites entretenues par Téhéran avec Pékin, Moscou et Pyongyang depuis trois ans, remonter un programme balistique ne semble pas hors de portée. De plus, le Hezbollah est peut-être très affaibli mais les Houthis sont encore là : il reste à l’Iran des proxies puissants et la partie n'est pas terminée.Les Israéliens vont donc finir par s’apercevoir que les Européens ont une doctrine beaucoup plus cohérente que les Américains au sujet du nucléaire iranien.Les Israéliens vont commencer par refuser de reprendre des discussions sérieuses avec les Européens pour se concentrer sur la relation bilatérale israélo-américaine, par exemple avec Steve Witkoff, l’envoyé spécial de Donald Trump au Moyen-Orient. Mais comme ce dernier est peu au fait des subtilités géopolitiques, il n’est pas exclu que l’État hébreu finisse par en revenir aux Européens.Deux options sont ouvertes : soit le programme nucléaire iranien n’est pas anéanti, auquel cas les Israéliens risquent d’appliquer en Iran, comme au Liban, leur stratégie de “tonte du gazon” [NDR : des frappes récurrentes] , ce qui signifie une instabilité constante - option préférée par Benyamin Netanyahou ; soit, en cas de changement de gouvernement en Israël, et d’installation d’un personnel politique un peu plus raisonnable, Israël se tournera vers les Européens pour établir un nouveau cadre de négociations.Dans tous les cas, il ne faut pas sous-estimer la détermination des Iraniens : certains rappellent qu’ils ont averti le Qatar et les États-Unis du lancement d’une attaque. Certes, mais une attaque avec des missiles est consubstantiellement risquée, les Iraniens ont assumé un risque réel. Les Qataris sont pourtant leurs plus proches alliés régionaux - les seuls en fait. Les attaques contre Israël montrent aussi le franchissement d’une barrière psychologique très importante qui signale un appétit pour le risque plus élevé qu’avant.IM - Après l’assassinat de Qassem Soleimani, les Iraniens avaient frappé des installations pétrolières en Arabie Saoudite (via les Houthis), et atteint l’usine de Jeddah dans l’ouest, le 13 décembre 2020 - rappelant l’attaque des sites d'Abqaïq et de Khurais du 14 septembre 2019. Constatant que ses alliés américains ne réagissaient pas, Riyad s'était rapprochée des Iraniens, par le “Pacte de non-agression” du 10 mars 2023. Pourrait-on assister à un mouvement du même type aujourd’hui ?RM - Il y a tout de même une différence considérable entre les frappes de 2020 contre l’Arabie Saoudite et le risque que l’Iran a fait courir au Qatar en juin de cette année : à l'époque, en 2020, l’Arabie saoudite et l’Iran étaient à couteaux tirés, ce qui n’est pas le cas de Doha avec Téhéran aujourd'hui, et l'attaque n’avait pas été télégraphiée à l’avance. Mais les Saoudiens en avaient, comme vous le dites, immédiatement tiré une conclusion : diversifier leurs alliances, quitte à conclure un “pacte avec le Diable” avec l’Iran.C'est d’ailleurs pour cela qu'aujourd'hui, les Saoudiens ont fait profil bas et ne comptent pas remettre en cause leur relation avec l’Iran : ils n’ont pas confiance dans les États-Unis, et encore moins envers Israël, y compris ceux des Saoudiens qui trouvaient souhaitable une normalisation. Les bombardements constants de la Syrie et du Liban ont rayé Israël de la carte de partenaires possibles pour Riyad. Israël a prouvé, après le 7 octobre, qu'il n’écoutait aucun de ses alliés et agissait en dépit de toutes les discussions et tentatives de conciliation. Bien que le nouveau pouvoir syrien ait exprimé son souhait d’apaisement, le territoire de la Syrie est bombardé toutes les semaines ; le Liban, alors que, pour la première fois depuis 1978, un gouvernement envoie l’armée libanaise dans le Sud du pays pour désarmer le Hezbollah, subit des invasions territoriales et des bombardements sans arrêt.En somme, là où Israël estime qu’un Moyen-Orient déstabilisé est préférable, l’Arabie Saoudite veut la stabilité et le maintien du statu quo.Les Émirats arabes unis ont une approche en un sens plus mercenaire que ne l’est celle de l’Arabie. Abu Dhabi est prêt à sacrifier beaucoup de choses, notamment la question de la Palestine, ce qui est relativement aisé compte tenu de l’agilité que lui offre l’absence d’opinion publique politisée ; il est aussi parvenu à imposer aux Américains ses relations avec la Chine et la Russie (les Émirats sont une plaque tournante pour l’argent gris).Les attaques contre Israël montrent aussi le franchissement d’une barrière psychologique très importante qui signale un appétit pour le risque plus élevé qu’avant.Pourtant, les Émirats sont en difficulté sur tous leurs théâtres d’opération et, si on a pu dire du pays que c’était une sorte de Sparte, ses aventures militaires sont loin d’être couronnées de succès : rien de net au Yémen (retrait des troupes au sol en 2019), échec au Soudan (soutien des Forces de soutien rapide du général Hemeti), défaite en Libye (soutien à Khalifa Haftar) face à l’action de la Turquie, rien de déterminant ne ressort sur Gaza malgré leur pari sur Israël : le bilan est maigre.Mais il en résulte une certaine aisance face à la méthode Trump : ils n’ont pas beaucoup d’attentes, ne se font aucune illusion et comprennent bien son ADN transactionnel, à la différence de l’Arabie qui attendrait des Américains une stratégie plus cohérente. Tout cela est une forte incitation, pour Abu Dhabi, à continuer de diversifier ses partenariats.IM - Qu’en est-il des autres partenaires régionaux ?RM - Le Qatar, lui, va continuer habilement sur le fil du rasoir, entretenant des alliances contradictoires sans rien changer. L’émir Al-Thani ménage les Occidentaux, a de bonnes relations avec le Hamas (Doha héberge depuis 2012 le bureau politique du Hamas), est allié avec l’Iran, accueille les bases militaires américaines à Al-Udeid…Les Égyptiens sont profondément déstabilisés et extrêmement inquiets depuis le 7 octobre : ils sentent une forte menace contre la stabilité intérieure et leur sécurité nationale et savent que les États-Unis ne sont pas prêts à les protéger. Ils n’ont, toutefois, aucune marge de manœuvre vu leur situation géographique et financière. Leurs relations avec Paris témoignent de leurs tentatives pour se dégager quelques ouvertures diplomatiques.La Syrie n’avait aucune attente vis-à-vis des États-Unis mais le nouveau gouvernement a saisi le type de langage que l’administration Trump était prête à entendre ; il sait à merveille le manier, comme en témoigne la rencontre d’Ahmed Al-Charaa avec Donald Trump, le 14 mai dernier. Il existe un terrain d'entente pragmatique, d’autant plus que l’administration américaine reconnaît qu’elle a tout intérêt à la stabilité du nouveau pouvoir et à la survie d’Al-Charaa. Les sanctions ont été suspendues, sous l’influence déterminante des Saoudiens et des Turcs.Au Liban, le gouvernement est démuni face à la pression américaine colossale pour le désarmement du Hezbollah et doit s'exécuter ; il doit aussi vivre avec l’absence d’un soutien réel au sein de la majorité de la population aux réformes économiques ou politiques - d’ailleurs même si l’administration Trump met la pression dans ce sens, une partie de l'administration soutient en même temps certains dirigeants politiques libanais notoirement corrompus.La Jordanie est à genoux, terrifiée à l’idée d’une annexion de la Cisjordanie, sa stabilité plus que jamais fragilisée, sans aucun levier… Dans la nuit du 25 juin, des colons israéliens ont massacré le seul village chrétien de Cisjordanie (Taybeh), ou d’autres villes comme Kafr Malik, et cela n’a suscité que très peu de réaction internationale ou de conséquences réelles pour le gouvernement israélien.La Turquie est la grande gagnante dans la région et la vision stratégique de Recep Tayyip Erdogan est complètement validée. Il a normalisé ses relations avec les pays du Golfe, son investissement à long terme (depuis 2015) sur Al-Charaa porte ses fruits ; il s’affirme donc dans la région mais il rencontre plus de difficulté à jouer sa partition stratégique entre l’Ukraine et la Russie, alors que ses avantages géographiques sur la Mer Noire devraient lui donner davantage de leviers. Quoique plus à son aise avec Donald Trump qu’il ne l’était avec Joe Biden, Erdogan a désapprouvé les frappes américaines en Iran et, tout comme Riyad, n’a en réalité que peu d’attentes vis-à-vis de Washington.IM - Erdogan comprend sans doute Trump de mieux en mieux, mais il y a peu de chances qu’il réussisse un saut qualitatif dans sa relation avec Washington.RM - En réalité, les pays arabe – ou ceux de la région, pour inclure la Turquie - n’ont pas une perception particulièrement bonne de Donald Trump mais ils ont la bonne méthode. Les Français devraient apprendre des Arabes comment gérer Donald Trump, d’autant plus que la France, à la différence des pays de la région Proche et Moyen Orient, dispose de l’arme nucléaire. Elle n’aura jamais les atouts business du Golfe mais cette puissance militaire, en partage avec l’Europe le cas échéant, pourrait être intéressante pour les États-Unis, à condition qu’elle monte en puissance. Les pays arabe – ou ceux de la région, pour inclure la Turquie - n’ont pas une perception particulièrement bonne de Donald Trump mais ils ont la bonne méthode.IM – En partant du cas du Proche-Orient, dans quelle mesure imaginer des partenariats entre puissances moyennes dans le monde de Trump – c’est-à-dire le monde résultant de l’action de Trump ? Quelles incitations seraient nécessaires pour convaincre les moyennes puissances de nouer entre elles des coalitions plus fortes ?RM - La question est fondamentale. Dans ce monde sans droit ni ordre, on peut imaginer des coalitions de circonstances, des actions politiques et symboliques significatives (comme la reconnaissance de la Palestine) mais non des alliances stratégiques contraignantes.Il faut bien voir d’ailleurs qu’en dehors de l’Europe, la notion d’alliance n’a pas vraiment cours dans le monde d’aujourd’hui. La Russie et la Chine ne croient évidemment pas à des alliances pour défendre leurs intérêts. Un autre cas-type : le Brésil ne compte pas s’engager à long terme en profondeur avec d’autres pays ; on parle beaucoup des BRICS : cela fonctionne peut-être, mais en termes d’image seulement ! Les Européens ont été un cas unique depuis des décennies : ils ont bénéficié d’une alliance stratégique historique avec les États-Unis et ils persistent à croire à ce mode de relations ; ils devraient commencer à comprendre qu’elles sont obsolètes.Les mêmes Européens jouent en dessous de leur potentiel : ils n’apparaissent pas comme des partenaires très attractifs pour les autres “puissances moyennes”. L’Inde, par exemple, il est vrai désormais plus qu’une puissance moyenne, continuera à discuter avec les Européens, mais n’ira sûrement pas jusqu’à monter une coalition stratégique avec eux!S’agissant du Proche-Orient, le cas de la relation de l’Europe à Israël est significatif : l’Union Européenne est le premier partenaire commercial d’Israël (en 2022, 24 % des exportations israéliennes allaient vers les Vingt-Sept, et 31 % de ses importations provenaient de l'Union), mais elle n’en tire aucun moyen de pression contre le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Des dizaines d’évaluation ont démontré les violation du droit international auxquelles se livre Israël ; l’article 2 de l’accord d’association UE-Israel conditionne les relations entre les deux partenaires au "respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques") ; et pourtant l’UE est incapable d’en tirer les conséquences ; elle livre ainsi un spectacle regrettable aux pays du Sud - Inde, Afrique du Sud, Brésil … - qui y voient une preuve de faiblesse. Le monde juge aussi ce que vaut une alliance avec l’UE à partir de l’exemple ukrainien : pas de défense aérienne, pas de montée en puissance qui puisse changer la donne sans les États-Unis… C’est assez éloquent.Les pays arabes sont prêts à des coalitions avec la Russie, le Brésil, la Chine ; ils veulent aller vers une diversification de leurs partenariats diplomatiques, pas vers des coalitions contraignantes. S’agissant d’une relation d’alliance proprement dite, on a déjà évoqué la déception saoudienne à l’égard des États-Unis : l’Arabie saoudite a compris la leçon. Propos recueillis par Hortense MiginiacCopyright image : Alan DucarreImprimerPARTAGERcontenus associés 15/07/2025 [Le Monde de Trump vu par lui-même] - Walter Russell Mead "Trump est l'ambi... Michel Duclos 15/07/2025 [Le monde de Trump vu d’Indonésie] - Dino Patti Djalal "Le monde n’a pas be... Michel Duclos 23/07/2025 [Le Monde de Trump vu d’Asie centrale] - Michaël Levystone : "Le revers de ... Michel Duclos