AccueilExpressions par MontaigneFrappes américaines en Iran : cas pratique prospectifLa plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne Moyen-Orient et Afrique08/09/2025ImprimerPARTAGERFrappes américaines en Iran : cas pratique prospectifAuteur Jonathan Guiffard Expert Associé - Défense et Afrique Pouvait-on s’attendre aux frappes américaines en Iran ? À quoi ressembleront les prochaines opérations étrangères de l'administration Trump ? Poursuivant sa série sur les méthodologies analytiques à déployer dans les politiques publiques françaises de politique étrangère et de sécurité nationale, notre expert associé, Jonathan Guiffard applique aux frappes israéliennes et américaines de juin 2025 contre le programme nucléaire iranien la méthode de l’analyse prospective pour démontrer que celles-ci ne constituaient pas une surprise, mais un cadre stratégique anticipable.Dans la nuit du 21 au 22 juin 2025, des bombardiers B2 américains frappent le programme nucléaire iranien, huit jours après le déclenchement de l’opération militaire israélienne Rising Lion dont l’objectif était de décapiter le régime iranien, détruire son programme nucléaire et susciter un soulèvement populaire. Cette opération a été vue comme une surprise par une partie de la communauté internationale et des observateurs, en dépit du fait que l’hypothèse de frappes militaires contre le programme nucléaire ait été un sujet de débat récurrent depuis le début de la "crise nucléaire" iranienne en 2002. Un grand nombre d’analystes ont ainsi considéré qu’Israël n’était pas en capacité de frapper seul le régime, et qu’en tout état de cause Donald Trump, supposé isolationniste et rétif à la guerre, ne mènerait aucune opération militaire en Iran.Dans notre article du 10 mars 2025, nous avions écrit que la nouvelle administration américaine montrait "une volonté de frapper l’Iran dans un futur proche" et qu’étaient en place les "facteurs qui favorisent une opération israélienne soutenue par les États-Unis sur le plan politique ou militaire, si l’Iran ne fait pas un geste fort". Cette proposition découlait d’une analyse prospective qui permettait d’inférer la survenue rapide de ce scénario.Cet article détaille la méthodologie qui a permis d’aboutir à cette proposition prospective, fondée sur un travail analytique rigoureux, sans accès particuliers aux cercles de décisions américains ou israéliens et sans capacités de renseignement. Comme nous l’expliquions en décembre 2024, la prospective est une capacité essentielle pour toute politique étrangère et de sécurité nationale. Si elle ne peut "lire l’avenir", elle offre une méthode permettant de se préparer aux scénarios les plus probables et éviter les surprises. L’analyse joue un rôle fondamental : elle offre des marges de manœuvre, en inférant au maximum le possible à partir du réel tout en admettant la part d’inconnues.Une fois n’est pas coutume, nous proposons donc de discuter méthode. De multiples méthodologies prospectives ont déjà été amplement développées, détaillées et discutées dans le débat scientifique, principalement américain et britannique. Pour des raisons de clarté, nous développerons les grandes lignes de la méthode mise en œuvre dans le cas d’étude iranien à partir de l’ensemble de ce corpus, pour guider le lecteur avec un processus simplifié.Première étape : poser le cadre (dynamiques de long terme)Le fondement de l’analyse prospective est de confronter un cadre de long terme avec des facteurs de rupture et des stratégies d’acteurs de court terme, pour faire émerger des scénarios, étudier leurs probabilités et identifier les étapes de leur survenue. De cette manière, il devient possible d’anticiper l’arrivée progressive d’un scénario plutôt qu’un autre, et donc de s’y préparer en termes de décisions et d’allocation anticipée des ressources.Pour poser le cadre, il est nécessaire d’identifier les variables et dynamiques de long terme. Dans le cas des attaques iraniennes, il en existe plusieurs, qui permettent de tracer des trajectoires conflictuelles.Depuis la révolution iranienne de 1979, le régime révolutionnaire islamiste de Téhéran a désigné Israël comme son ennemi. En retour, Israël a fait de même contre l’Iran et ses alliés. Une guerre indirecte s’est instaurée, renforcée par les menaces répétées de destruction d’Israël par le régime de Téhéran.Le fondement de l’analyse prospective est de confronter un cadre de long terme avec des facteurs de rupture et des stratégies d’acteurs de court terme, pour faire émerger des scénarios, étudier leurs probabilités et identifier les étapes de leur survenue.À partir de 2002, la communauté internationale apprend l’existence de sites nucléaires d’enrichissement non déclarés en Iran, puis d’un programme nucléaire militaire clandestin, en pleine violation des obligations de l’Iran en tant qu'État non doté partie au Traité de Non-Prolifération (TNP). C’est le début de la "crise nucléaire" iranienne, et des efforts de la communauté internationale, portée progressivement par le E3 (France, Royaume-Uni, Allemagne), les États-Unis, la Russie, la Chine et l’Union Européenne (UE), en lien avec l’Agence Internationale pour l’Énergie Atomique (AIEA) pour mettre fin à cette crise de prolifération et que l’Iran respecte de nouveau ses obligations internationales.Dans ce contexte structurant, Israël a dressé une première ligne rouge, reprise par l’administration américaine, comme par les membres du E3 : le régime iranien ne doit jamais se doter de l’arme nucléaire, ni se mettre en mesure de pouvoir le faire. Or, la découverte que l’Iran avait poursuivi clandestinement un programme nucléaire, dont une opération de renseignements israélienne démontrait plus tard qu’il avait eu une dimension militaire, même si l’Iran l’a toujours nié, était de nature à discréditer aux yeux de Tel Aviv toute tentative de s’assurer de la nature exclusivement pacifique de ce programme. Il constitue par nature pour Israël, sauf changement de régime en Iran, une menace directe pour sa sécurité.En 2015, par un effort qui a mêlé activités de renseignement, négociations diplomatiques, pressions politiques et sanctions économiques, le E3, les États-Unis, la Russie et la Chine [on parle alors aussi de P5+1], l’AIEA et l’UE parviennent à contraindre le régime iranien à signer un accord, un plan d’action global et conjoint ou JCPOA. Celui-ci l’autorise, de manière très limitée, à enrichir de l’uranium à des fins civiles sous un contrôle étroit de l’AIEA, en échange d’une levée des sanctions multilatérales décidées depuis 2006 contre le programme nucléaire.Le dossier aurait-il pu en rester là ? Non, car :les limitations les plus strictes imposées par le JCPOA avaient vocation à s’assouplir dans le temps en pariant sur la réintégration progressive de l’Iran dans la communauté internationale, et la possibilité d'appliquer de nouveau les sanctions de l’ONU arrivait à échéance le 18 octobre 2025 (‘snapback’).les États-Unis se sont retirés de l’accord en 2018, réimposant les sanctions unilatérales américaines contre l’Iran, et ce dernier a progressivement pris des mesures en représailles violant ses engagements au titre du JCPOA et réintroduisant de l’incertitude sur ses activités nucléaires et ses intentions. aucun État n’a à ce jour démontré publiquement que le régime de Téhéran a, au moins depuis 2003, l’intention ou donné l’ordre de se doter de l’arme nucléaire. Téhéran a-t-il renoncé à ses intentions militaires ? Téhéran cherche-t-il uniquement à se mettre "au seuil", c’est-à-dire en capacité de se doter rapidement de l’arme si le besoin s’en fait sentir ? Cherche-t-il à maintenir une ambiguïté stratégique à ce sujet de nature à dissuader toute attaque israélienne ? Ou le régime a-t-il déjà donné l’ordre de s’en doter ? Ce débat demeure ouvert, et a été relancé à la suite des frappes israélo-américaines. Une chose est sûre : le régime islamiste iranien a eu des intentions nucléaires militaires par le passé, conduit depuis 2019 des activités en violation du JCPOA dont il ne parvient pas à faire la démonstration de leurs finalités exclusivement civiles, et demeure obsédé par sa survie face à ce qu’il considère comme des menaces militaires occidentales. Le programme nucléaire iranien (civil) constitue à ce titre une "fierté nationale" pour le régime tout autant qu’un risque de perdre une ambigüité servant de garantie de sécurité majeure contre Israël. Son démantèlement constitue donc une ligne rouge stratégique pour Téhéran (rendant impossible de suivre la voie empruntée par Mouammar Kadhafi en démantelant le programme libyen).On identifie donc les dynamiques de fond suivantes :Israël, expressément menacé, ne croit pas aux intentions pacifiques de Téhéran ;Téhéran ne démontre pas sa bonne foi, enchaîne les violations et poursuit ses avancées technologiques ;Le P5+1, l’AIEA et l’UE privilégient un contrôle étroit du programme à une solution militaire pour s’interposer entre deux acteurs en guerre, mais ne parviennent pas à définitivement contrôler le programme ;Les deux lignes rouges d’Israël et de l’Iran allaient donc nécessairement se croiser.Le JCPOA a certes constitué la moins mauvaise option diplomatique et a permis momentanément de replacer sous contrôle le programme iranien, il n’a convaincu ni Israël, ni une partie de l’establishment américain, persuadés que Téhéran ne s’était pas départi de son intention, sur le temps long, de se doter de l’arme.Ainsi, quel que soient les débats techniques sur le délai d’obtention de la matière hautement enrichie nécessaire à la fabrication d’une première arme (TBO), le taux d’enrichissement, le volume de matière faiblement enrichie autorisé, l’implication ou non de la Russie dans un accord visant à remettre sous le boisseau le programme iranien, la mise en œuvre de sanctions économiques, etc. : aucun de ces facteurs n’est parvenu à établir un cadre qui éviterait la percussion de ces dynamiques fondamentales. Le JCPOA a certes constitué la moins mauvaise option diplomatique et a permis momentanément de replacer sous contrôle le programme iranien, il n’a convaincu ni Israël, ni une partie de l’establishment américain, persuadés que Téhéran ne s’était pas départi de son intention, sur le temps long, de se doter de l’arme.Deuxième étape : établir les variables d’intérêt (dynamiques de moyen terme)En 2018, Donald Trump s’est donc retiré du JCPOA pour pouvoir réimposer de fortes sanctions contre Téhéran, illustrant la bascule des équilibres américains. Comme Israël et une partie des analystes américains, le pouvoir était désormais convaincu que Téhéran instrumentalisait l’accord pour aller à la bombe. Cette volte-face s’est accompagnée d’un accroissement significatif de la guerre indirecte menée par Téhéran contre les forces armées américaines en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Cette montée des tensions a culminé avec l’assassinat du général iranien Qassem Soleimani, le 3 janvier 2020 à Bagdad, par un drone américain, revendiqué fièrement par Donald Trump. Cette séquence a offert deux enseignements : d’une part le tabou d’une intervention militaire américaine n’existe plus, ce qui est un point fondamental pour la suite, car l’assassinat ciblé d’un haut-responsable militaire d’un pays tiers constitue un acte de guerre, et a minima un fort casus belli. D’autre part, Téhéran préfère la désescalade, comme l'a montré la faiblesse de sa réponse politico-militaire, laissant ainsi voir sa crainte d’une action américaine et ses capacités limitées de représailles.En parallèle, la guerre indirecte entre Israël et l’Iran s’est sensiblement accrue. Les opérations clandestines israéliennes contre le programme nucléaire se sont accélérées (assassinats de scientifiques et de militaires iraniens en Iran et en Syrie ; sabotage d’infrastructures nucléaires ; cyberattaques, etc.) et les opérations des forces régionales sous contrôle de Téhéran contre Israël se sont également accrues (Hezbollah libanais, Hamas palestinien, Houthis yéménites, Hashd Al-Chaabi irakiens). La percussion s’est donc rapprochée.Enfin, le E3+2, l’AIEA et l’UE ont essayé de faire revenir Téhéran au respect de ses engagements nucléaires au titre du JCPOA, malgré le départ américain, pour replacer le programme nucléaire iranien sous contrôle technique et diplomatique et éviter une solution militaire (course à la bombe et/ou bombardements). Plusieurs cycles de négociations à Vienne en 2021 et 2022 ont abouti à la rédaction d’un nouvel accord, qui n’a jamais pu être conclu. Dans cette négociation, dans un contexte de désengagement de la Russie et de la Chine, les Européens se sont retrouvés confrontés à un problème fondamental, qui touche au cœur de la faiblesse européenne sur les dossiers diplomatiques et de sécurité internationale (comme avec la guerre russo-ukrainienne) : la difficulté à trouver des leviers stratégiques sur l’Iran, c’est-à-dire suffisamment dissuasifs ou attractifs pour parvenir à des résultats stratégiques, en dépit de la perspective d’une levée des sanctions unilatérales américaines.Ces dynamiques de moyen terme brossent le tableau suivant :Téhéran ne se sent plus contraint par le JCPOA et voit se crédibiliser l’imminence d’une intervention militaire, ce qui la renforce dans la nécessité stratégique d’aller au seuil pour rétablir une forme de dissuasion ou de se doter de l’arme. L’Iran accroît par ailleurs la pression militaire sur Israël et les États-Unis ;Tel-Aviv et Washington sont désormais alignés sur l’absence de confiance vis-à-vis des intentions stratégiques iraniennes, et sur une politique de pression maximale pour retarder les avancées du programme nucléaire iranien. Même le mandat Biden démontre un consensus démocrate sur une forme de pression à maintenir sur Téhéran en l’absence d’accord ;Le E3, l’AIEA et l’UE sont affaiblis dans leurs négociations, face à un programme nucléaire iranien plus avancé, des partenaires diplomatiques défiants (Russie et Chine) et une incapacité à convaincre Israël du bien-fondé des négociations. La percussion de courbes opposées est presque inévitable.Troisième étape : identifier les facteurs de rupture (court terme)Dans ce contexte, trois scénarios apparaissent :(i) une opération militaire israélienne, (ii) un renoncement par Téhéran à son programme nucléaire, (iii) un nouvel accord plus contraignant qui maintient le statu quo.Pour les raisons évoquées supra, les deux derniers scénarios apparaissent a priori peu probables ; mais sur le plan méthodologique, il convient de les considérer et de prêter attention aux facteurs de court terme, y compris de rupture, qui seraient susceptibles d’en crédibiliser un ou plusieurs.La fin 2024 et le début 2025 voient se dérouler deux évènements majeurs qui permettent de crédibiliser une option militaire et l’imminence d’une opération israélienne soutenue par les États-UnisOr, la fin 2024 et le début 2025 voient se dérouler deux évènements majeurs qui permettent de crédibiliser une option militaire et l’imminence d’une opération israélienne soutenue par les États-Unis, c’est-à-dire le scénario (i).Tout d’abord, un officier de renseignement de la CIA est mis en examen et arrêté au Cambodge, mi-novembre 2024, pour avoir fait fuiter un document daté d’octobre 2024. Celui-ci est une analyse image réalisée par la NGA, le service de renseignement américain chargé de l’analyse par imagerie satellite (GEOINT), concernant la préparation d’exercices militaires israéliens, qui laisse penser à la NGA que les Israéliens sont prêts à lancer une opération militaire en Iran. L’existence de ce document est particulièrement importante car elle confirme qu’un service américain particulièrement fiable considère qu’Israël se prépare à des opérations militaires imminentes.Deux opérations militaires israéliennes surviennent aussi à l’automne 2024 : une opération commando au sol d’Israël en Syrie, en septembre 2024, visant à détruire une usine souterraine de conception de missiles et un premier raid militaire d’Israël en Iran, en octobre 2024, en réponse à un tir de missiles balistiques contre son territoire. Ce document témoigne du fait qu’Israël se prépare donc activement à changer la dimension de ses opérations. Or l’attaque du Hamas, survenue le 7 octobre 2023, a ouvert la voie à une bascule stratégique très importante : la défaite militaire du Hamas, puis celle du Hezbollah.Dès lors, cinq facteurs de court terme deviennent structurants pour l’analyse :Le 13 juillet 2025, Donald Trump subit une tentative d’assassinat lors d’un discours à Butler (Pennsylvania), dans un contexte de plusieurs menaces d’assassinat attribuées à l’Iran le visant personnellement. Ce facteur personnel et psychologique ne doit pas être sous-estimé ;Donald Trump entame un nouveau mandat, le 20 janvier 2025. Le 04 février 2025, il fait une conférence de presse avec Benyamin Netanyahu, son premier invité international, durant laquelle il rappelle sa ligne rouge : l’Iran ne peut pas détenir l’arme nucléaire et tous les moyens seront déployés pour cela ;Alors que le bureau du directeur national du renseignement (ODNI) de Joe Biden avait diffusé une évaluation, en juillet 2024, indiquant ne pas avoir d’élément prouvant que l’Iran avait pris la décision de développer activement une arme nucléaire, évaluation reprise par Tulsi Gabbard ensuite, des fuites dans la presse américaine, en février 2025, évoquent des évaluations alarmistes des services de renseignement américain sur les intentions iraniennes à développer rapidement une arme nucléaire ;Donald Trump et, surtout, son entourage MAGA sont opposés à des engagements militaires longs. En revanche, les premières nominations de sécurité nationale ont démontré le souhait de s’entourer de personnes ayant de l’expérience dans les domaines des opérations spéciales et clandestines, illustrant le goût de Donald Trump pour des actions ponctuelles et à forte portée stratégique et symbolique ;En réduisant le nombre de proxies de Téhéran en mesure de menacer militairement Israël, les opérations militaires américaines contre les Houthis, démarrées en janvier 2024 et qui se sont intensifiées entre mars et mai 2025, ont constitué une étape préliminaire offerte par les Américains à la planification israélienne et ouvert la voie à une double opération en Iran. Israël était prête militairement depuis au moins octobre 2024, et en mai 2025 n’avait plus de menaces de représailles à ses portes, tout en bénéficiant des garanties américaines. Dans ce contexte, le scénario (i) devenait le plus probable, favorisé par un dernier facteur à considérer : l’impossibilité pour les responsables politiques et militaires américains de ne pas soutenir une opération israélienne, une fois le tabou stratégique évacué, et ce d’autant que seuls les Américains disposent de capacités de bombardements de sites souterrains en mesure de frapper les sites nucléaires durcis en Iran (‘bunker-buster’).En identifiant ces facteurs de rupture, en écoutant les discours clairs de Donald Trump et en reliant cela à une analyse plus systémique des mécaniques institutionnelles de sécurité nationale américain, il était donc possible et logique d’anticiper un scénario de frappes, quelques mois à l’avance.Ce type d’analyse prospective permet d’établir un cadre stratégique et d’éviter les erreurs d’appréciation. Elle doit surtout permettre d’anticiper les décisions et de veiller à une bonne allocation des ressources.Ce type d’analyse prospective permet d’établir un cadre stratégique et d’éviter les erreurs d’appréciation. Elle doit surtout permettre d’anticiper les décisions et de veiller à une bonne allocation des ressources. Avec plusieurs mois d’anticipation, il devient possible de mobiliser prioritairement ses diplomates et ses officiers de renseignement sur le sujet pour clarifier les inconnues (date précise ; planification opérationnelle ; quelle stratégie iranienne en amont ; quelles conséquences ; etc.) avec des moyens dont seuls les États disposent. La prospective n’est pas une boule de cristal pour voir l’avenir, mais un acte de planification qui permet de réduire les surprises stratégiques.Qu’en est-il des autres priorités américaines ?Dans notre article de mars 2025 et dans cette logique analytique et prospective, nous avions proposé d’inférer les autres priorités de politique étrangère et de sécurité nationale de Donald Trump pour ce second mandat.En plus de l’Iran, nous avions expliqué que le Mexique serait la P1, que les ressources militaires américaines seraient progressivement allouées à ce dossier, que la planification prendrait du temps mais qu’ensuite, l’administration Trump saisirait tout opportunité pour mener des opérations unilatérales. À ce stade, l’administration avance bien dans ce sens-là, ayant, au début du mois d’août 2025, autorisé l’usage de la force militaire contre les cartels au Mexique et augmenté la pression sur les Mexicains. Comme nous l’écrivions, "en tout état de cause, il est probable qu’une guerre américaine s’engage de nouveau contre les acteurs sud-américains de la drogue". Les pions se mettent en place.Dans ce domaine, nous avions aussi expliqué que le Venezuéla serait la deuxième priorité, avec l’Iran, et que Donald Trump chercherait à faire tomber Nicolas Maduro, objectif de son premier mandat qu’il n’avait pas réussi à mener à bout. Là encore, l’administration avance dans ce sens, avec le même ordre secret signé en août 2025, en ayant déployé depuis des navires de guerre au large du Venezuela et en augmentant sensiblement la pression sur Maduro. Une première opération militaire a été réalisée, le 2 septembre 2025, contre un navire accusé de transporter de la drogue, lié à un cartel "travaillant avec Nicolas Maduro". Donald Trump est en train de construire le prétexte pour intervenir militairement de manière limitée contre le Vénézuéla.Enfin, nous avions expliqué que la Chine serait la troisième priorité de son mandat, mais l’objectif le plus stratégique. Il chercherait à continuer la politique de pression (commerciale, par exemple) et d’isolation diplomatique et technologique, tout en évitant d’escalader à la guerre avec des mesures de désescalade. Ce zigzag devrait continuer durant son mandat, sauf à ce qu’une crise s’impose à lui : à ce titre, nous avions écrit que Taïwan reste un dossier que Donald Trump voudra vraisemblablement éviter de gérer, en repoussant l’échéance d’une confrontation avec Pékin au maximum. C’est bien le comportement erratique et peu fiable qu’il semble désormais adopter à l’égard de l’île et de ses responsables, reproduisant même les éléments de langage chinois qui vont dans ce sens (comme il le fait avec la Russie sur le dossier ukrainien).Donald Trump et Benjamin Netanyahou à la Maison Blanche, le 7 avril 2025 Copyright image : Brendan SMIALOWSKI / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 23/07/2025 [Le Monde de Trump] - Proche et Moyen-Orient : "Les pays arabes ont la bonn... Michel Duclos 30/06/2025 Iran : guerre des Douze jours, le jour d’après Michel Duclos 16/06/2025 Israël-Iran – les Européens à contre-emploi Michel Duclos 18/06/2025 [Le monde vu d’ailleurs] - Israël/Iran : une équation complexe pour la Russ... Bernard Chappedelaine