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01/10/2024

Claudia Sheinbaum présidente : les nouvelles opportunités du Mexique

Claudia Sheinbaum présidente : les nouvelles opportunités du Mexique
 Alexandre Marc
Auteur
Membre de l’Institut pour les transitions intégrées de Barcelone et fellow à l’Institut International pour les Études Stratégiques de Londres

Le 1er octobre, Claudia Sheinbaum, présidente nouvellement élue du Mexique, est entrée en fonction. Elle qui est la légataire de l’héritage à la fois puissant et pesant d’Andrés Manuel López Obrador, alias AMLO, l’ancien chef d’État populiste, populaire et hyperactif, quelle sera sa marge de manœuvre pour faire sortir son pays de la "trappe des pays à revenus intermédiaires" ? En quoi le Mexique pourrait-il bénéficier de la rivalité entre Chine et États-Unis ? Quels sont les grands chantiers en cours, entre accords de libre-échange, politiques environnementales, réforme de la justice et lutte contre le narcotrafic ? Par Alexandre Marc.

La victoire de Claudia Sheinbaum aux élections présidentielles mexicaines, le 2 juin 2024, a surpris par son ampleur. Avec 60 % des votes enregistrés en sa faveur, elle devient la première femme présidente de ce grand pays de 130 millions d’habitants, 15e puissance économique mondiale par sa taille. Elle succède à un président, Andrés Manuel López Obrador, dit AMLO, un populiste tempéré de pragmatisme qui a l’habitude de déchaîner les passions, pour ou contre lui. L’élection de juin a constitué une sorte de référendum sur les politiques menées par AMLO et surtout sur sa personnalité, car Claudia Sheinbaum était celle qu’il avait choisie pour lui succéder. Elle est membre de son parti de gauche Morena et a mené la plus grande partie de sa carrière politique dans son ombre. AMLO, ne pouvant être élu qu’une seule fois pour six ans selon la Constitution mexicaine, a choisi une successeure qui lui garantit de continuer dans son chemin de transformation du Mexique. Cependant, tous les efforts qu’il a menés sont loin d’être des succès. Claudia Sheinbaum lui doit presque tout de sa carrière politique impressionnante. Elle a notamment été maire de la ville de Mexico entre 2018 à 2023. Pourra-t-elle s’extraire de l’ombre de son protecteur, pacifier la politique mexicaine et mener les réformes qui sont essentielles pour que le Mexique bénéficie des opportunités uniques qui se présentent à lui ?

Le Mexique pris dans le piège du revenu intermédiaire

Le terme de "piège du revenu intermédiaire" aurait été introduit par des économistes de la Banque mondiale il y a une vingtaine d’années : par ce concept, on désigne les nombreux pays en développement qui se sont hissés, au cours des trois dernières décennies, au niveau de revenu intermédiaire, sans jamais encore, pour la plupart, avoir réussi à passer le cap du statut de pays à haut revenu. Ce piège est d’ailleurs le sujet du rapport annuel de la Banque mondiale de cette année tant cette question prête à discussion aujourd’hui. De très nombreux pays, après une période de développement rapide, voient leur croissance baisser et sont confrontés à de nombreuses difficultés d’ordre structurel et macroéconomique qui ne leur permettent pas de progresser au même rythme. C’est le cas du Mexique. Le pays a connu un développement très rapide entre 1975 et 2010, puis son niveau de croissance moyen a baissé et a évolué en dents de scie avec une croissance moyenne de 1,5 % environ entre 2010 et 2022. Cependant, ces dernières années, le Mexique a bien géré sa situation macroéconomique, contrôlant le montant de sa dette extérieure et son équilibre fiscal et attirant un montant non négligeable d’investissements extérieurs. Toutefois, le pays connaît toujours de sérieux problèmes structurels, manque d’infrastructure, faible qualité de son système éducatif, très important niveau d’inégalité, problèmes de gouvernabilité et très haut niveau de corruption selon le dernier rapport de l’OCDE dont le Mexique est membre.

Le Mexique a bien géré sa situation macroéconomique, contrôlant le montant de sa dette extérieure et son équilibre fiscal et attirant un montant non négligeable d’investissements extérieurs.

L’insécurité reste bien entendu très préoccupante malgré de légers progrès enregistrés sous la présidence de AMLO, où l’on a vu le taux d’homicide quelque peu se stabiliser. Les chiffres récents ont beau offrir un certain espoir, avec une croissance de l’économie de 3,2 % en 2023, le pays continue à souffrir de nombreux maux qui ne lui permettent pas un décollage rapide.

Rivalité États-Unis / Chine : la chance à saisir

Le Mexique est pourtant un des pays les mieux placés dans le monde pour bénéficier des tensions géopolitiques actuelles et du rapide repositionnement des États-Unis sur la scène internationale. Depuis la présidence de Donald Trump, les États-Unis sont entrés dans une guerre économique ouverte avec la Chine. La pandémie du Covid a de plus révélé les risques d’une dépendance excessive d’approvisionnement aux produits essentiels, qui mettait en péril leur sécurité nationale. Joe Biden a très largement continué et même renforcé la politique de relocalisation industrielle de son prédécesseur. Le vote de "l’Inflation Reduction Act" au Congrès est probablement la réussite la plus impressionnante de sa présidence et représente un tournant majeur dans la politique industrielle et environnementale des États-Unis, proposant des subventions et des crédits de taxe très importants pour l’environnement. Mais l’IRA n’est pas le seul programme encourageant une relocalisation, c’est aussi le cas du CHIPS Act approuvé en 2022, qui a créé d’importantes incitations à produire des semi-conducteurs et à mener la recherche nécessaire pour améliorer cette production.

Tout cela ne peut pas se faire qu’aux États-Unis, la relocalisation s’accompagne forcément d’une localisation chez les voisins, maintenant appelée "nearshoring". Le Mexique est un des plus grands bénéficiaires indirects de ces différentes mesures de sécurisation de la production américaine du fait de sa proximité des États-Unis. Avec une base industrielle déjà en place, des coûts de main d’œuvre plus bas et une main d’œuvre plus jeune, une proximité géographique qui réduit considérablement les coûts de transport et un environnement bureaucratique pour les investisseurs. Selon la Banque mondiale, le Mexique se situe à la 54e position sur 192 pays en ce qui concerne l’indicateur sur la facilité de mener des affaires, ce qui n’est pas si mal pour un pays à revenu moyen et surtout un accord de libre échange qui réduit les coûts d’exportations vers les États-Unis. Le Mexique fait en effet partie d’un accord important de libre échange avec les États-Unis et le Canada (United States-Mexico-Canada Agreement). Le commerce entre les trois pays qui font partie de l’accord a augmenté de 27 % entre 2019 et 2022. Près de la moitié des investissements étrangers au Mexique (FDI) proviennent des États-Unis.

Une enquête récente menée dans le cadre du rapport américain State of Manufacturing Report 2024 révèle une large augmentation du nombre de patrons de l’industrie aux États-Unis qui préfèrent se concentrer sur l’Amérique du Nord (Mexique et Canada) afin de mener leur politique de diversification hors d’Asie. Cela inclut la production de batteries de voitures électriques et de leurs composants comme Tesla et Nissan mais aussi de grandes entreprises comme Honeywell, AT&T et de nombreuses autres.

La pandémie du Covid a de plus révélé les risques d’une dépendance excessive d’approvisionnement aux produits essentiels, qui mettait en péril leur sécurité nationale.

Le Mexique : des opportunités pour l’Europe ?

L’Europe a beaucoup à gagner à renforcer ses liens avec le Mexique surtout si celui-ci parvient enfin à établir une croissance forte sur le long terme. Le Mexique est le principal partenaire commercial de l’Europe en Amérique latine. L’UE est également le deuxième investisseur dans le pays après les États-Unis. Les relations entre l’Europe et le Mexique ont bénéficié d’un accord de libre-échange. Depuis l’an 2000, les relations commerciales entre l’Union européenne et le Mexique sont régies par un accord de libre-échange qui a permis un accroissement rapide des échanges. Depuis 2016, cet accord est en cours de négociation afin de l’améliorer et de lui donner plus de poids. Les négociations sur le nouvel accord ont pris fin en 2020 et il va baisser de façon importante les droits sur les produits alimentaires et sur les services. Il n’a cependant jamais été ratifié et les discussions sont toujours en cours. Les entreprises européennes pourraient toutefois, à travers leurs investissements et leurs échanges, bénéficier des incitations que les États-Unis sont en train de mettre en place pour sécuriser leur production.

L’héritage d’AMLO : un atout et beaucoup de risques pour Claudia Sheinbaum

AMLO est un personnage hautement controversé. Adulé par sa base, constituée des classes moyennes basses, il est détesté par une grande partie des élites mexicaines qui l’accuse d’avoir profondément divisé la société, d’avoir affaibli les institutions et d’avoir mené des politiques peu effectives en passant plus de temps et d’énergie à les vendre au public qu’à assurer leur succès. Mais AMLO, il faut le reconnaître, demeure extrêmement populaire auprès d’une majorité des Mexicains, essentiellement du fait de sa politique sociale et de son discours anti-système critiquant de nombreuses institutions que les classes les plus pauvres n’ont jamais tellement vues pencher en leur faveur. Il a restructuré et étendu de multiples programmes sociaux et a augmenté le salaire minimum qui a doublé en valeur nette durant sa présidence : la pauvreté s’est réduite, passant de 41,9 % à 36,3 % de la population, et les inégalités toujours extrêmement élevées au Mexique ont commencé à baisser. Cependant, ombre au tableau, la pauvreté extrême a augmenté, conséquence de l’augmentation rapide du salaire minimum qui a poussé beaucoup de travailleurs dans l’informalité où les salaires sont extrêmement bas. Le bilan économique et social de sa présidence est mitigé. Il a su, à force de discours habiles et populistes, vendre le bilan de ses six ans au pouvoir et garder sa popularité, mais l’analyse de l’impact de ses politiques, à l’exception des programmes sociaux, révèle un résultat beaucoup moins brillant que le président ne le prétend.

AMLO est un personnage hautement controversé. Adulé par sa base, constituée des classes moyennes basses, il est détesté par une grande partie des élites mexicaines qui l’accuse d’avoir profondément divisé la société, d’avoir affaibli les institutions et d’avoir mené des politiques peu effectives.

La lutte contre la corruption, un de ses principaux thèmes électoraux, aux côtés de l’aide aux plus pauvres, a livré des résultats pour le moins médiocres malgré un certain nombre d’arrestations très visibles, surtout parce qu’AMLO a protégé ses alliés politiques qui, une fois au pouvoir, ont également bénéficié de leur position de façon souvent illicite. Même si la perception de la corruption a légèrement baissé sous sa présidence, un tiers des Mexicains disent encore payer des pots-de-vin pour avoir accès aux services publics. Le pays est classé à la 126e place sur 180 pays selon l’index de l’ONG Transparency International sur la perception de la corruption. La lutte contre le crime organisé et la violence, une autre importante promesse électorale, n’a pas davantage été couronnée de succès.

Après s’être engagé à retirer l’armée de la rue et à mener sa politique d’"Abrazos, no balazons" ("des accolades, pas des fusillades"), AMLO a donné aux militaires le premier rôle contre les narcotrafiquants et engagé contre eux une véritable guerre au bilan bien incertain. Selon l’Index Global du Crime Organisé, le Mexique est le 3e pays le plus affecté avec un des taux d’homicide parmi les plus hauts du monde, qui n’a guère baissé depuis l’arrivée d’AMLO au pouvoir.

Mais l’aspect le plus polémique de sa présidence est sa tendance à politiser tout ce qu’il touche, par une attitude et un discours très populistes qui ont considérablement polarisé la société. Un pragmatisme lisible entre autres à travers sa gestion macro-économique ou dans les bonnes relations qu’il est parvenu à maintenir avec les États-Unis n’a pas empêché des positions largement contre-productives à propos de certains sujets comme le développement du secteur pétrolier, le secteur de la justice ou la relation avec la presse.

Le plus précieux des legs qu’il laisse à Claudia Sheinbaum est une majorité absolue à la Chambre des députés où son parti Movimiento de Regeneracion Nacional (Morena) a obtenu 255 sièges aux dernières élections et bénéficie d’un soutien indéniable des classes populaires. Le parti est aussi aux commandes dans 24 des 31 États qui constituent le Mexique. Morena jouit d’une majorité qualifiée au Sénat, ce qui lui ouvre toutes les portes de la législation du pays. Cela donne à Claudia Sheinbaum un contrôle très enviable sur le système politique. Mais tout cela ne s’avèrera aussi utile que prévu qu’à la condition qu’AMLO, personnage hyperactif, accepte de prendre sa retraite dans son ranch comme il l’a promis ! Rien n’est moins sûr.

Claudia Sheinbaum réussira-t-elle à s’affirmer et à apaiser la politique mexicaine ?

Claudia Sheinbaum a une histoire personnelle et un tempérament très différents de ceux d’AMLO. Elle est plus technique, moins populiste, avec une tendance à suivre les dossiers en détails comme cela a été révélé dans sa gestion de la ville de Mexico. Elle possède un doctorat d’ingénieure et une maîtrise de l’Université de Berkeley en Californie, et a exercé longtemps comme universitaire reconnue avec de nombreuses publications. Sa participation au panel d’experts sur le changement climatique établi par les Nations Unies lui a donné une grande visibilité internationale sur les questions environnementales.

Si elle a pour le moment fait très attention à ne pas contredire AMLO, même sur ses projets les plus controversés, comme la réforme de la justice, Olivia Sheinbaum a discrètement commencé à poser ses marques. Elle a par exemple décidé de créer un nouveau ministère des Sciences, des humanités de la technologie et de l’innovation, indiquant une vision plus scientifique et technique que son prédécesseur et affirmant sa croyance ferme en la valeur de la recherche au Mexique. Elle a aussi nommé au ministère de l’Environnement l’ancienne ministre des Affaires étrangères, une femme très respectée pour ses positions sur le changement climatique. Les ministres nommés à l’Économie et aux Finances ont rassuré les investisseurs et indiqué une continuation du pragmatisme dans ce domaine.

Claudia Sheinbaum a une histoire personnelle et un tempérament très différents de ceux d’AMLO. Elle est plus technique, moins populiste, avec une tendance à suivre les dossiers en détails comme cela a été révélé dans sa gestion de la ville de Mexico.

Beaucoup de nouveaux ministres ont fait partie du cabinet de AMLO, mais Claudia Sheinbaum semble avoir choisi les plus respectés pour leur gestion des dossiers. Cependant, pour le moment, en dehors du côté plus technique et du choix de ses collaborateurs avec un solide parcours universitaire, sa volonté et sa capacité à prendre une certaine distance avec AMLO ne sont pas encore évidentes.

L’ancien président dispose d’une grande influence au sein du parti qu’il a créé il y a encore peu de temps, en 2014, et qui regroupe une très grande diversité d’opinions allant du centre-gauche jusqu’à l’extrême-gauche. Morena est connu pour ses rivalités internes, et s’est vu installer, à sa tête, un des fils d’AMLO, lequel, de plus, porte son nom. Olivia Sheinbaum devra donc se mettre en mesure de prendre le contrôle du parti, à moins qu’elle ne consente à finir prisonnière des luttes internes et surtout de l’influence d’AMLO et ses discours souvent incendiaires.

Des dossiers explosifs :

Claudia Sheinbaum hérite d’un certain nombre de dossiers potentiellement explosifs qui l’attendent immédiatement et vont tester dès les premiers jours sa capacité à gouverner. Assurer à la fois la rupture ou le changement demandé par les investisseurs et les classes moyennes et la continuité que demande la classe populaire va représenter un travail d’équilibriste délicat. Le premier de ces dossiers est un héritage direct de son prédécesseur qui a voulu coûte que coûte en faire son cadeau de départ. Il s’agit d’une réforme très profonde de la justice, extrêmement controversée, et qui a requis une modification de la Constitution. Le projet approuvé de justesse par le Sénat a généré des protestations très importantes du corps judiciaire et de la société civile. La partie la plus controversée de la réforme est l’élection des juges et des magistrats, y compris ceux de la Cour suprême, par la population. AMLO voit cette réforme comme une manière d’attaquer la corruption et la lenteur du système, certainement une des grandes faiblesses institutionnelles du pays. Le président sortant prétend également que le système fonctionne en faveur des riches et du grand capital. Cette réforme risque de considérablement politiser le secteur de la justice, de réduire l’indépendance de la branche judiciaire et de faire fuir les investisseurs. Les tensions avec les États-Unis et le secteur privé se sont fortement exacerbées autour du projet, et c’est une véritable bombe qu’AMLO a déposé sur les genoux de sa successeure.

Claudia Sheinbaum hérite d’un certain nombre de dossiers potentiellement explosifs qui l’attendent immédiatement et vont tester dès les premiers jours sa capacité à gouverner.

Le deuxième sujet explosif est celui du pétrole. Le pétrole représente une ressource importante pour le Mexique qui en a été dans les années 70 le 5e producteur mondial. Depuis, sa production n’a pas cessé de baisser et le Mexique n’est plus autosuffisant en produits pétroliers et en énergie. La compagnie mexicaine Pemex, qui représente 7 % du PNB mexicain, est aussi la plus endettée du monde.

L’autosuffisance énergétique est un des piliers de la politique d’AMLO, mais il approche la question d’une façon extrêmement étatique, tentant de sauver Pemex à travers d’importantes subventions de l’État et poussant la compagnie à accroître son potentiel de raffinage. Il a fait construire une très grande raffinerie, Dos Bocas Refinery. On a reproché au président une politique extrêmement coûteuse pour l’État et rendue d’autant plus inefficace par la volonté, perçue comme idéaliste, de ne pas impliquer le secteur privé. De plus, les investissements étatiques colossaux dans le pétrole ont été menés au détriment du développement des énergies renouvelables dans lesquelles le Mexique a pourtant un important potentiel. Pendant ce temps, Pemex a toujours énormément de mal à augmenter sa production. Alors que Claudia Sheinbaum a exprimé durant la campagne sa volonté de continuer les politiques énergétiques de AMLO, étatistes et souverainistes, elle a aussi largement insisté sur le changement climatique. Elle devra faire des choix difficiles. Les besoins d’investissement sont aussi très importants dans le réseau énergétique très déficient du pays. Ces faiblesses dans la politique énergétique du Mexique représentent un frein pour les investissements et l’industrialisation du pays. Il est évident que des réformes sont urgentes dans ce secteur et que les questions énergétiques ont été traitées jusqu’alors de façon très idéologique.

Enfin, la nouvelle présidente hérite d’une situation sécuritaire complexe. L’armée possède des responsabilités importantes dans ce secteur et manque de transparence. La politique actuelle est devenue essentiellement répressive et n’arrive pas à endiguer le crime dont la plus grande partie vient des cartels. La violence contre les femmes en particulier est une des plus élevées au monde. La résurgence de la violence vient en grande partie du développement très rapide de la production et de la vente du fentanyl ces dernières années : les cartels mexicains, qui produisent maintenant dans de nombreux pays, en ont été les grands bénéficiaires. Même si ces dernières années, le taux d’homicide s’est quelque peu stabilisé autour de 29 homicides pour 100 000 habitants, il reste bien supérieur au taux de 2015 et est un des plus élevés au monde. Au début du mois de septembre, une guerre a éclaté entre deux gangs dans l’État du Sinaloa et a fait 39 morts en quelques jours malgré la mobilisation de plus de 2000 militaires. Cette irruption de violence témoigne du peu d’impact que les politiques d’AMLO ont eu sur la violence au Mexique. Une approche beaucoup plus réfléchie dans ce secteur s’impose d’urgence.

Ainsi, si Claudia Sheinbaum dispose de l’avantage d’un parti qui contrôle fermement les instances législatives du pays et de la légitimité d’un score électoral de 60 % des votes, fait rare pour une démocratie, si elle arrive au pouvoir à un moment où le contexte international n’a probablement jamais été aussi favorable au Mexique, il lui faudra relever le défi, si elle veut réussir à faire du Mexique un pays à haut revenu, de réformer une grande partie des politiques dont elle a héritée et ce avec l’appui d’un parti peu homogène et fracturé et face une polarisation extrême du pays. Son plus grand défi reste le contrôle d’un ex-président à qui elle doit sa carrière, et qui, populaire et populiste, aura du mal à lui laisser les coudées franches.
 

Claudia Sheinbaum et son prédécesseur, Andres Manuel Lopez Obrador, à Mexico, le 10 juin 2024
Copyright image : Emma GUILLAUME / AFPTV / AFP

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