AccueilExpressions par MontaigneActualisation de la Revue intégrée du Royaume-Uni : quelles nouveautés pour la direction de la politique...L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.05/04/2023Actualisation de la Revue intégrée du Royaume-Uni : quelles nouveautés pour la direction de la politique étrangère britannique ?ImprimerPARTAGERAuteur Georgina Wright Directrice adjointe des Études internationales, Experte résidente Auteur Amelia Hadfield Doyenne des affaires internationales de l'Université de Surrey Auteur Tea Zyberaj Titulaire d'une bourse d'études doctorales au Centre pour la Grande-Bretagne et l'Europe Document stratégique fixant les ambitions internationales et de défense du Royaume-Uni, la "Revue intégrée de sécurité, défense, développement et politique étrangère" vient de faire l’objet d’une actualisation. Publiée dans sa version initiale en mars 2021, portée à l’époque par Boris Johnson, elle développait le concept de "Global Britain" et projetait le pays dans une ère nouvelle, post Brexit. Deux ans plus tard, quelle nouvelle stratégie porte ce document ? Quelles sont désormais les priorités du Royaume-Uni dans le monde ? Georgina Wright, Directrice du programme Europe et Senior Fellow à l'Institut Montaigne, Amelia Hadfield, professeur en affaires européennes et internationales à l'université de Surrey et Tea Zyberaj, du Centre for Britain and Europe à l'université de Surrey en décryptent les grands enseignements. Retrait des forces alliées d'Afghanistan, rivalité technologique croissante entre les États-Unis et la Chine, retour dévastateur de la guerre en Europe : de nombreux évènements ont secoué l’actualité internationale depuis la publication initiale, par le gouvernement britannique, de sa "Revue intégrée" de sécurité, défense, développement et politique étrangère en février 2021.La plupart des tendances internationales identifiées dans la Revue intégrée de 2021, telles que la redéfinition de l’équilibre des forces mondiales, la vitesse des avancées technologiques et les risques de concurrence systémique sont toujours d’actualité. Mais la réponse du gouvernement britannique à ces problèmes semble plus audacieuse en se présentant comme un partenaire incontournable et fiable, aussi bien en Europe qu'à l'étranger.Dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine et l’affirmation de la Chine dans la région indopacifique, le gouvernement britannique semble miser sur le pragmatisme et le réalisme dans cette Revue actualisée pour renforcer sa résilience.Sans surprise, la Revue identifie la sécurité et la stabilité de la région euro-atlantique comme une "priorité absolue" pour le Royaume-Uni, et reconnaît clairement la Russie comme étant la plus grande menace pour le voisinage immédiat du Royaume-Uni sur la scène régionale.Le Royaume-Uni s'est engagé à poursuivre la coopération avec ses partenaires européens pour fournir à l'Ukraine l’appui militaire, économique et diplomatique nécessaire pour réaffirmer sa souveraineté et commencer sa reconstruction – un engagement réitéré lors du sommet franco-britannique qui s’est tenu à Paris, quelques jours avant la publication du document actualisé.Dans un contexte de mise à l’épreuve de la zone euro-atlantique, cette actualisation illustre la nécessité de renforcer la "famille européenne des nations" afin d’assurer une plus grande sécurité collective et une meilleure stabilité stratégique. Cela met également en évidence le réseau complexe de liens de défense que le Royaume-Uni entretient avec différents pays européens, y compris les accords bilatéraux et les groupements ad hoc.À cet égard, si les États-Unis restent un partenaire essentiel pour le Royaume-Uni, les alliés européens sont davantage mentionnés dans la mise à jour de la Revue intégrée (la France y est mentionnée 22 fois en 2023, contre 11 fois dans celle de 2021 ; l'Allemagne y est mentionnée 4 fois de plus qu'en 2021).Tout comme en 2021, le Royaume-Uni s'engage à rester le principal allié européen au sein de l'OTAN et un acteur clé du G7.Tout comme en 2021, le Royaume-Uni s'engage à rester le principal allié européen au sein de l'OTAN et un acteur clé du G7. Avec l’augmentation de ses dépenses militaires, le Royaume-Uni est largement en phase avec la tendance à la hausse des budgets de défense chez certains membres clés de l'OTAN tels que la France, l’Allemagne et la Pologne. Une coordination qui pourrait donner lieu à de futures opportunités de collaboration avec l’Union européenne.Le Royaume-Uni souligne également l’importance de la Communauté politique européenne, la nouvelle plateforme paneuropéenne initiée à Prague en mai 2022 dont l’idée provient originellement de Paris.L'UE elle-même ne représente plus le tabou qu'elle avait pu constituer. Le Royaume-Uni se montre enclin à une plus grande coopération avec celle-ci dans certains domaines d'intérêt commun, notamment en matière de sécurité énergétique et de défense, par le biais du mécanisme de coopération structurée permanente (PESCO) de l'UE.La mise à jour de la stratégie britannique ne révèle pas de prétention à sous-évaluer les partenaires européens et de l'UE, mais tente plutôt de rééquilibrer les théâtres euro-atlantique et indopacifique. Cela permet de dissiper les doutes qu’avait pu susciter la Revue de 2021 quant à la possibilité que le Royaume-Uni tourne le dos à l'Europe pour se concentrer sur l'espace indopacifique.En ce qui concerne la Chine, le langage utilisé dans la Revue 2023 est sans surprise plus ferme que celui de 2021 – et fait référence à un "grand défi de notre époque" (‘epoch-defining challenge’). Néanmoins, la mise à jour propose de maintenir une stratégie à trois volets à l'égard de Pékin, basée sur un engagement constructif et une coopération appropriée lorsque la Chine est alignée sur les intérêts britanniques, tout en réduisant la dépendance excessive à l’égard de la Chine dans les secteurs clés du Royaume-Uni, en particulier dans les domaines sensibles tels que la recherche.Plus important encore, la mise en jour reconnaît la complexité du système international multipolaire actuel, qui "ne peut être simplement réduit à une opposition entre démocratie et autocratie, ou divisé en blocs binaires de type guerre froide". À cet égard, elle reconnaît, de manière certes un peu simpliste, la nécessité d'établir une coordination plus efficace pour relever les défis mondiaux.Contrairement aux éditions précédentes, elle n'identifie pas la "prévention" comme une priorité.Il est évident que diverses alliances seront nécessaires pour traiter de problèmes différents : de la lutte contre le changement climatique à la coordination des sanctions, en passant par la protection de l'industrie britannique face à la rivalité technologique entre les États-Unis et la Chine, le Royaume-Uni devra trouver les moyens de travailler avec d’autres pays, même ceux qui ne partagent pas entièrement ses valeurs ou ses perspectives.L’annonce de la mise à jour de la Revue intégrée s’est faite le jour du sommet AUKUS à San Diego, soulignant ainsi l'importance croissante des différentes alliances pour le Royaume-Uni. Londres devra réfléchir à la manière d'en tirer le meilleur parti afin d’équilibrer ses engagements euro-atlantiques et indo-pacifiques.Néanmoins la Revue a fait l'objet de critiques concernant sa stratégique de prévention des conflits. Contrairement aux éditions précédente, elle n'identifie pas la "prévention" comme une priorité et ne prévoit pas de moyens financiers spécifiques pour s'engager à l'étranger.De plus, les outils traditionnels de soutien public et de développement, tout comme dans l'IR21, sont omises. Cela reflète une tendance générale à la réduction des dépenses, comme en témoignent la fusion du ministère du Développement international avec le bureau des Affaires étrangères et la diminution du budget global de l'aide britannique de 0,7 % à 0,5 % du revenu national brut.Les estimations actuelles suggèrent que l'aide "devrait rester de l'ordre de 0,5 % au moins jusqu'en 2027/28". Cela soulève des questions quant à la portée réelle de la politique étrangère du Royaume-Uni et sur les effets que peuvent avoir cette aide, le commerce et la diplomatie britanniques sur les problèmes chroniques mondiaux.L'appel à une approche plus pragmatique, reposant davantage sur la politique étrangère est vital.La Revue intégrée actualisée tente de brosser un tableau honnête des défis multiples et complexes auxquels le Royaume-Uni est confronté ainsi que de la manière dont le pays pourrait tenter de les relever. Son appel en faveur d’une approche plus pragmatique, reposant davantage sur la politique étrangère est vital.Les réajustements diplomatiques post-Brexit et l'urgence de faire face à une guerre de plus en plus complexe et éprouvante en Ukraine sont autant de signes que le Royaume-Uni doit non seulement insuffler un nouvel élan dans son cercle contemporain d'alliés, mais aussi jouer un rôle plus actif dans le soutien d'un "ordre international ouvert et stable".Les enjeux sont de taille, alors que l’année 2023 pourrait voir les "rivalités stratégiques symétriques dans les régions euro-atlantique et indopacifique" s'exacerber et se transformer en une lutte géopolitique destructrice. Il reste à voir si l'IR23 est le document capable de définir la réponse du Royaume-Uni à de tels défis. Cet article est disponible dans sa version originale en anglais sur le site de UK In A Changing Europe. Les auteures remercient tout particulièrement Louise Chetcuti, chargée de projets États-Unis et Transatlantique à l’Institut Montaigne, qui l’a assistée pour la rédaction de cet article et Camille Le Mitouard, chargée de projets Allemagne et Russie, pour la relecture.Copyright Image : Ben Stansall / POOL / AFPLe Premier ministre britannique Rishi Sunak donne une interview télévisée en marge de la Conférence de Munich sur la sécurité (MSC) à Munich, dans le sud de l'Allemagne, le 18 février 2023.ImprimerPARTAGERcontenus associés 05/04/2023 La nouvelle loi de Programmation militaire en quatre questions Bruno Tertrais 29/03/2023 Cyberguerre en Ukraine : les leçons américaines Jonathan Guiffard 17/03/2023 Barkhane : échec, réussite ou bilan nuancé Jonathan Guiffard 07/03/2023 Un an de guerre en Ukraine : quel bilan pour les sanctions économiques occi... Agathe Demarais