Les réponses des gouvernements - tant sur le plan politique que sur celui des politiques publiques - restent à voir.
La réalité de l'exode russe obligerait à un véritable dialogue transatlantique et peut-être même à une politique stratégique vis-à-vis des exilés russes. Il y a la question de la négation du visa Schengen de court séjour pour lequel les Russes étaient les plus grands bénéficiaires (30 % de tous les visas de ce type accordés au cours des dix dernières années) et qui voient maintenant leurs demandes refusées pour des raisons de sécurité ou d'approbation. S'il est important de faire preuve de solidarité et de soutien envers l'Ukraine, la gestion du thème des exilés russes doit s'inscrire dans une politique plus large, systémique et coordonnée : faut-il organiser le soutien aux exilés ? Si oui, avec quels outils et quelles ressources budgétaires ? Selon quel calendrier et avec quelles incitations ?
Qu'en est-il de la Biélorussie ?
Le président Loukachenko a un jour tenté d'agir en tant que médiateur vis-à-vis de Moscou et est devenu depuis un cobelligérant à part entière. Il fait l'objet de sanctions internationales mais aussi d'une énorme pression interne pour son soutien à Poutine et à une guerre qui est très impopulaire en Biélorussie. Jusqu'à présent, la politique à l'égard de la Biélorussie a été ad hoc, en fonction des événements sur le terrain. Dans la mesure où Loukachenko est complètement investi politiquement dans la guerre en Ukraine, une nouvelle approche envers son régime et son opposition est nécessaire. Dans quelle mesure la politique doit-elle être énergique pour soutenir un cabinet démocratique d'opposition ? Cette politique doit-elle inclure des liens de sécurité ? Ou l'Occident doit-il tenter d'attirer Loukachenko loin de Moscou ? Dans quelle configuration cette possibilité existerait-elle ou pourrait-elle exister ? Comment la dimension transatlantique peut-elle aborder le problème d'une manière cohérente et unifiée ?
L'Amérique regarde vers l'Est. Et l'Europe ?
Une majorité d'Européens misent toujours sur la capacité des États-Unis à assurer leur sécurité. Mais l'Europe a également retenu des années Trump que les États-Unis peuvent se montrer plus transactionnels et négliger parfois la concertation avec leurs partenaires européens. L'Europe a appris qu'elle doit être capable de travailler par elle-même. Avec le retour de la guerre en Europe, les Européens ont été confrontés à la dure réalité qu'ils demeurent incapables de répondre aux crises de leurs proches voisins sans le soutien des États-Unis. À mesurer que les divisions internes s'exacerbent dans la politique américaine - et avec la possibilité d'un bouleversement électoral dans les prochains jours - la capacité des États-Unis à prendre des engagements de sécurité avec l'UE pourrait devenir plus contrainte. L'Amérique pourrait se trouver obligée de faire face à plusieurs fronts : la montée de l'antilibéralisme, l'impasse du système politique national et une inflation élevée, le tout sur fond de concurrence stratégique croissante de pays comme la Chine et la Russie. Les Européens devront se mobiliser.
Le moment ukrainien dans les relations transatlantiques n'est que cela - un moment. L'engagement des États-Unis sur le théâtre européen ne signifie pas un retour à un leadership américain prépondérant sur le continent, pas plus qu'il ne rétablit les États-Unis dans son rôle de protagoniste incontournable. Au lieu de nous demander comment l'alliance transatlantique peut être maintenue, nous devons également analyser la facilité avec laquelle elle pourrait se détériorer et ce que nous devons faire pour nous assurer que cela ne se produise pas. Plutôt que de rester en mode réactif, les succès remportés dans la recherche d'une unité autour de l'Ukraine devraient être considérés comme une occasion d'examiner attentivement les sources de friction et les nouveaux défis, et d'anticiper une manière de travailler ensemble pour identifier les enjeux et obtenir ensuite des résultats. L'Europe doit transcender la théorie et l'introspection pour s'engager sur le terrain de la volonté et des décisions politiques concrètes.
Ce document a été rédigé avec l'aide d'Amy Greene.
Copyright : Samuel Corum/ Getty Images via AFP
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