Or dans ce contexte, les déclarations du Premier ministre néerlandais Mark Rutte selon lesquelles les Pays-Bas, à travers cet accord, endossaient une stratégie d'avance technologique sur la Chine sont problématiques en cela qu'elles suggèrent la possibilité d'un véritable dévoiement de l'outil des contrôles export vers une finalité qui n'est pas légalement la sienne, puisqu'il n'est conçu que pour le double usage et les utilisateurs finaux militaires.
Pourtant la compétition militaire avec la Chine n'est en rien une considération secondaire pour les États-Unis - elle est au cœur des mesures américaines. Surtout, rien n'indique que les Pays-Bas ne contrôleront pas les exportations de technologies de semi-conducteurs à la Chine sous l'angle du double usage. Au contraire, c'est la probabilité de loin la plus forte, si forte qu'il s'agit d'une quasi-certitude. En réalité, l'ensemble du secteur des semi-conducteurs est susceptible de contribuer à des programmes militaires. Si les générations les plus avancées de puces logiques ne sont pas aujourd’hui incorporées à des systèmes d'armes, elles sont utiles aux supercalculateurs qui permettent leur conception. Si les puces aux fonctions d'intelligence artificielle sont essentielles aux serveurs d'Alibaba Cloud, elles permettent aussi à des superordinateurs de traiter suffisamment de données pour simuler et donc planifier des opérations militaires sur un théâtre donné. Il est ainsi possible de résumer cet accord trilatéral en disant qu'il vise les applications militaires de l'intelligence artificielle. Et du fait de la nature du système chinois de domination publique de l’économie et de modèle d’intégration civilo-militaire, l’utilisation finale d’une technologie par la Chine n’est jamais garantie, ni vérifiable. Ainsi, si le militaire ne représentait que 5% du secteur de l'intelligence artificielle en Chine, il y aurait quand même un risque de diversion vers des applications militaires des 95% d'applications civiles.
Doit-on s'attendre à ce que les Pays-Bas cherchent à européaniser ce volet de leur politique de contrôle à l'exportation ? La possibilité légale existe depuis la révision du règlement européen sur les biens à double usage. Les États membres de l'Union peuvent initier une procédure d'inclusion sur la liste commune européenne d'un bien qu'ils contrôlent à l'échelon national.
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