Sa popularité repose principalement sur la jeunesse urbaine et les diasporas (qui ne votent pas). Bien que quelques semaines avant l'élection et à contre-courant de ce que la presse a pu écrire depuis des mois, certains sondages le placent maintenant en tête, il y a fort à parier que son poids électoral se révèle bien plus faible que son poids médiatique.
Le deuxième homme de cette campagne, Abubakar Atiku, présente quant à lui certainement le programme le plus libéral et développementaliste. C’est un homme politique expérimenté, connu pour ses positions "pro-business". Il répète à l'envi souhaiter que le Nigeria affiche le taux d’imposition des entreprises le plus faible d’Afrique. Il table sur le secteur privé et les investissements étrangers pour stimuler la croissance économique du pays qu'il estime pouvoir atteindre 10 % sous son administration. Régulièrement en visite en Europe, capable d’adapter son discours aux enjeux de l’époque (il saupoudre par exemple sa communication de références aux changements climatiques), il s'agirait d'un partenaire assez prévisible pour la diplomatie française.
Enfin, le cas de Bola Ahmed Tinubu, candidat du parti au pouvoir et à ce titre favori, est peut-être le plus difficile à anticiper. Personnalité à la santé déclinante, il a également tenu des propos controversés sur le changement climatique, dont il attribue la responsabilité entièrement à l'Occident. Son programme est jugé "brutal" aussi bien en matière économique que sécuritaire par des observateurs de la politique nigériane. Alors que dans les derniers jours de janvier, le convoi de son prédécesseur recevait des projectiles lors de ses déplacements dans le Nord, il ne serait pas particulièrement surprenant que l’arrivée au pouvoir de Tinubu, conjuguée à une forte lassitude des Nigérians face à l’inflation, l'insécurité ou les pénuries d’essence, provoque également des contestations dont l’ampleur reste imprévisible.
Cette tripartition inédite de l'offre politique pourrait avoir des conséquences importantes. La loi électorale nigériane disposant qu'il faut, pour être élu, au moins 25 % des voix dans 23 des 36 États, cette élection pourrait connaître un second tour : ce serait une première depuis 1999.
Face aux sentiments anti-français, qu'il s'agit de doublement nuancer - parce qu'ils ne sont pas qu'anti-français, et parce qu'ils ne sont pas récents (Nicolas Sarkozy les déplorait déjà à Cape Town en 2008) - la France a régulièrement cherché à diversifier ses partenaires sur le continent, avec, pour le moment, un succès mitigé.
Face à la concurrence internationale, il semble délicat pour les entreprises françaises - en perte de vitesse entre 2010 et 2020 - de se maintenir sur des marchés où elles n’ont que peu de relais. Le bilan de Barkhane tout comme le retour des Russes à travers le groupe paramilitaire Wagner rend également délicate la négociation de nouveaux accords de défense.
La visite d'Emmanuel Macron au Nigeria en 2018 avait permis à la France d'apparaître, pendant quelques jours, sur les radars du géant nigérian. Si les pronostics sont déjoués et qu'Abubakar Atiku ou Peter Obi sont élus président fin février, la France aura, alors, un nouveau coup à jouer pour s'affirmer comme un partenaire stable d'une démocratie, qui sera d'ici 30 ans plus peuplée que les États-Unis.
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