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Chaque année, les maladies psychiatriques touchent 1 personne sur 4. La pandémie de Covid-19 et la crise sanitaire qui l’a accompagnée ont fait exploser la prévalence des troubles mentaux les plus fréquents (troubles dépressifs et troubles anxieux). Ainsi, en décembre 2022, 17  % des Français présentaient des signes d’un état dépressif (+7 points par rapport au niveau hors pandémie) et 24  % des signes d’un état anxieux (+11 points). Pour autant, notre système de santé peine encore à apporter des réponses adaptées à cet essor des besoins de soins en santé mentale.

Face à cet enjeu majeur d’accès aux soins et dans la continuité de son engagement pour la santé mentale et la psychiatrie (ateliers Parlons Psy, 2018, Psychiatre l’état d’urgence, 2018, Santé mentale : faire face à la crise, 2020), l’Institut Montaigne s’engage dans l’action en déployant le premier pilote de soins collaboratifs dans la prise en charge des troubles mentaux fréquents en France : le modèle SÉSAME (Soins d’Équipe en SAnté MEntale).

Organisation des professionnels de santé mentale selon le modèle SÉSAME

Projet conduit en collaboration avec le Centre hospitalier de Versailles, réputé pour son expertise dans la collaboration entre psychiatrie et médecine générale, et l’association Quartet Santé, le modèle SÉSAME constitue une réponse complémentaire aux mesures gouvernementales prises pour répondre à la crise. Au-delà de la simple présentation des principes clés et de la méthode SÉSAME, cette note invite à un changement de paradigme. Elle en appelle à une approche plus globale des enjeux de santé, qui s'appuie sur la mobilisation de toutes les ressources utiles aux patients et qui ouvre une réflexion plus large sur les rôles, la place et la nécessaire coopération des différents professionnels.

Fort de plus de 3 ans d’expérimentation dans 4 sites de médecine générale du département des Yvelines, les premiers résultats obtenus démontrent de la pertinence de SÉSAME dans le contexte français et font de ce modèle l’échelon manquant entre la médecine générale et les soins psychiatriques. Ainsi, l’obtention d’un financement dérogatoire au titre de l’Article 51 constitue une opportunité de passage à l’échelle du modèle, au niveau de la région Île-de-France dans un premier temps, puis à l'ensemble du territoire si l’expérimentation fait preuve de sa faisabilité comme de son efficacité.

Les médecins généralistes demeurent en première ligne dans la prise en charge de ces troubles : dans 76  % des cas, ils sont les premiers professionnels consultés en cas de problème de santé mentale. Pour autant, ces derniers font face à de multiples défis : essor des besoins de santé sous l’effet du vieillissement de la population et du développement des maladies chroniques, temps moyen de consultation réduit (16 min environ), formation insuffisante à la psychiatrie et saturation des soins psychiatriques qui offrent peu de relais de prise en charge.

Cette situation fait obstacle à un repérage précoce et à une prise en charge appropriée. Elle constitue une perte de chances pour de nombreux malades, exposés à des risques accrus d’évolution chronique ou de risque suicidaire. Ainsi, 50 % des patients présentant des troubles dépressifs et anxieux ne sont pas repérés par les médecins généralistes et un tiers des patients seulement reçoit un traitement adapté pour un diagnostic avéré de dépression.

Enjeu de prévention de premier ordre, relever le défi de l’accès aux soins de santé mentale nous impose d’imaginer de nouveaux parcours de soins faisant intervenir le bon professionnel de santé, pour le bon patient, au bon moment. Ces parcours doivent être construits autour d’une conviction forte : la santé mentale n’est pas l’affaire de la seule psychiatrie et doit mobiliser l’ensemble des ressources sanitaires, sociales et médico-sociales utiles aux patients.

Depuis 2020, le modèle SÉSAME est déployé dans quatre sites de médecine générale dans les Yvelines (Les Mureaux, Porcheville, Versailles et Chevreuse) et s’inspire du collaborative care model développé dans les années 1990 par le Centre Advancing Integrated Mental health Solutions (AIMS) de l’Université de Washington (Seattle, États-Unis). Il propose de constituer une équipe de soins spécialisée en santé mentale autour du médecin généraliste : le suivi rapproché est assuré par un infirmier coordinateur et un psychiatre à distance propose un appui expertal. Il s’appuie par ailleurs sur une prise en charge globale centrée sur les besoins et les préférences du patient.

Modèle disposant d’un haut niveau de preuve et promu par la Haute Autorité de santé et le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie, les soins collaboratifs ont essaimé et sont désormais présents dans de nombreux pays.

 

Le projet SÉSAME a été pensé et élaboré avec les acteurs de terrain et le soutien de l’Université de Washington. Le parcours de soins proposé se structure en plusieurs étapes : 

  • Une phase de dépistage par le médecin généraliste. 
  • Une évaluation initiale réalisée par l’infirmier SÉSAME. 
  • Une phase de prise en charge assurée par l’infirmier SÉSAME à travers des contacts proposés au patient tous les quinze jours. 
  • Une phase de prévention des rechutes où les contacts où les contacts entre le patient et l’infirmier deviennent mensuels. 
  • La sortie du dispositif en cas de rémission, d’orientation vers des soins spécialisés ou de souhait du patient.

 

Depuis son lancement, l’expérimentation pilote a mobilisé 17 médecins généralistes, 3 infirmières SÉSAME et 3 psychiatres référents. En septembre 2023, près de 700 patients avaient été adressés au dispositif.

 

Fort de près de trois ans d’expérience, SÉSAME est plébiscité par les acteurs de terrain. Les premiers résultats démontrent la pertinence du modèle des soins collaboratifs dans le contexte du système de santé français : 

  • Du côté des professionnels de santé, SÉSAME permet de proposer une prise en charge précoce et de mobiliser les ressources sanitaires et sociales adéquates.
  • Du côté des patients, SÉSAME offre un cadre non-stigmatisant et de proximité favorisant l’accès aux soins et contribuant à déconstruire les idées reçues sur les soins psychiatriques.

Dans un contexte marqué par une politique gouvernementale volontariste sur le sujet de la santé mentale, SÉSAME représente une perspective prometteuse pour notre système de santé et la prise en charge des troubles mentaux les plus fréquents d’intensité modérée à sévère.

Identifié dès 2021 par l’Assurance maladie comme un modèle à suivre et observer, SÉSAME vient d’obtenir un financement dérogatoire au titre de l’Article 51. Cette reconnaissance constitue une opportunité unique de transformer l’essai. Une nouvelle étape de l’aventure de SÉSAME commence autour d’un déploiement territorial élargi et la mise en œuvre d’un modèle de tarification appelé à être généralisé si l’expérimentation fait la preuve de sa faisabilité comme de son efficacité.

La phase pilote du projet SÉSAME a bénéficié du soutien de fondations philanthropiques, parmi lesquelles la Fondation Sisley d’Ornano, du Fonds d’innovation organisationnelle en psychiatrie et de l’APTA 78 (Association Plateforme Territoriale d’Appui, dont la mission est de promouvoir les échanges interprofessionnels et la coordination des acteurs).

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