
Margaux Tellier-Poulain est responsable de projets santé et protection sociale à l’Institut Montaigne depuis novembre 2023. Avant de rejoindre l’Institut Montaigne, Margaux était conseillère affaires sociales et droits des Femmes au Sénat.
Le dépistage est un mal-aimé en France, symptomatique d’une attention majeure portée au curatif vis-à-vis du préventif dans l’Hexagone. Près d’un tiers des Français (29 %) ne se sentiraient pas suffisamment concernés ou à risque pour réaliser un acte de dépistage (ce chiffre passe à près d’un jeune sur deux de 18 à 24 ans). Pourtant, l’intérêt du dépistage est sans appel : près d’un tiers de l’ensemble des décès pourraient être évités grâce à la prévention et à des interventions plus efficaces et plus rapides selon l’OCDE. Par ailleurs, un cancer diagnostiqué précocement conduit à des protocoles de traitement deux à quatre fois moins coûteux que ceux proposés suite à un diagnostic à un stade plus avancé.
Le dépistage en santé, ce mal-aimé français ?
Tandis que les taux de participation aux dépistages organisés demeurent en-deçà de la moyenne des pays de l’OCDE et bien inférieurs aux objectifs européens (45 % de participation au dépistage du cancer du sein en 2022 en France, contre un objectif de 70 % au niveau européen), il existe un véritable enjeu d’éducation et d’incitation des Français à aller vers davantage de prévention en santé.


Pourquoi les Français ne se font pas assez dépister ?
4 raisons principales
1) Peur de la maladie
Avoir l’impression d’être déjà malade et se sentir vulnérable.
2) Confiance excessive envers le système de santé
Faire le choix d'ignorer le poids de la prise en charge d'une maladie, en termes de guérison ou de coûts.
3) Biais d’optimisme
Ne pas se sentir à risque ou concerné.
4) Procrastination et le "biais du présent"
Ne pas s’inquiéter de faits lointains ou des risques éventuels.
Comment expliquer de tels retards dans le dépistage organisé par des campagnes nationales structurées et largement financées ? Comment assurer que la peur du diagnostic n’entache pas l’accès au dépistage? Comment renforcer la compréhension de l’intérêt d’un dépistage ?
Instaurer une culture de la prévention
Afin de créer les conditions les plus favorables à un changement de paradigme, cette note s’attache à définir les barrières au dépistage individuel de l'adulte pour l’ensemble des pathologies non transmissibles (dont les trois cancers d’ores et déjà ciblés par des campagnes de prévention) et propose des solutions pour les surmonter. Dans ce contexte, une culture du dépistage, au-delà des silos pathologiques et inculquée au citoyen dès l'enfance, doit être une priorité pour assurer la mise en œuvre d’un véritable virage préventif en France. Cette note formule des recommandations concrètes afin de mettre en lumière le potentiel du dépistage, encore sous-utilisé et de le définir comme premier maillon d’un parcours de santé. Il s’agira notamment de penser le dépistage avec le citoyen, en tenant compte de ses préférences, ses peurs, ses barrières pour élaborer une politique de prévention qui puisse répondre à ses préoccupations.


Créer une nouvelle culture du dépistage en France
4 objectifs :
1) Prévenir plutôt que guérir : Faire de la prévention la clé de voûte de notre politique de santé
2) Sensibiliser : Créer une conscience sanitaire éclairée chez les Français : inciter à préserver son capital santé.
3) Donner accès : Améliorer l’accès aux dépistages des Français à risque et les plus éloignés du système de santé.
4) Amplifier : Surpasser la moyenne européenne pour les dépistages organisés des cancers (colorectal, sein, col de l’utérus).
Cette même méthode doit être suivie pour définir une communication adaptée aux Français dans toute leur diversité (de tout âge, en tout lieu et de toute catégorie socio-économique). Cela, afin de viser à enfin atteindre les moyennes européennes dans les taux d’adhésions aux campagnes organisées et de renforcer le dépistage des autres pathologies pour lesquelles l’action de chacun - citoyen, professionnels de santé, employeurs, acteurs publics- est essentielle.