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30/09/2024

Proche-Orient : Israël en position de force

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Proche-Orient : Israël en position de force
 Michel Duclos
Auteur
Expert Résident, Conseiller spécial - Géopolitique et Diplomatie

Élimination d’Hassan Nasrallah le 27 septembre, frappes iraniennes sur Israël le 1er octobre : en revenant sur l’accélération dramatique des événements sur le front Nord d’Israël dans la guerre que l’État hébreu dirige désormais contre le Hezbollah, Michel Duclos évalue la marge de manœuvre respective de l’Iran et d’Israël, et les conséquences qui en résulteraient pour un Liban à feu et à sang, et plus largement pour un Proche-Orient où Israël apparaît en position de force.

Au Liban, il y a d’abord eu l’opération “bipeurs” puis “talkie-walkies”, c’est-à-dire une amputation considérable des moyens de communication du Hezbollah. Puis dans la dizaine de jours précédant le 27 septembre, une série de frappes israéliennes contre de très hauts responsables du mouvement dirigé par Hassan Nasrallah.


Dès lors, beaucoup d’observateurs se posaient la question : Israël n’était-il pas en mesure d’éliminer aussi le chef du Hezbollah lui-même ? Et, si oui, les dirigeants israéliens allaient-ils passer aux actes ? Plusieurs indices pouvaient laisser croire qu’Israël s’orientait dans une autre direction : le chef d’état-major de Tsahal indiquait qu’il préparait ses troupes à une opération terrestre ; M. Netanyahou se rendait à New-York et ce n’était donc pas le moment pour lui de franchir de nouveaux échelons dans l’escalade contre l’organisation chiite. C’est dans ce contexte que, depuis New-York, le président Biden et le président Macron signaient le 25 septembre un appel au cessez-le-feu au Liban, soutenu par un groupe de pays occidentaux et d'États de la région composé de l’UE, l’Australie, le Canada, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar.


Or, deux jours après cet appel, aussitôt rejeté par M.  Netanyahou, Israël frappait dans une banlieue de Beyrouth le quartier général du Hezbollah et Hassan Nasrallah – avec d’autres membres de son état-major - trouvait la mort.

La riposte de l’Iran

La question qui se posait au lendemain de cet événement considérable était celle de la réponse de l’Iran

La question qui se posait au lendemain de cet événement considérable était celle de la réponse de l’Iran, le grand protecteur de l’organisation chiite libanaise et plus généralement des différentes factions de l’”axe de la résistance” dans la région.

 

Un débat a sans doute eu lieu au sein de la direction iranienne sur le sujet. Ne pas réagir, c’était accepter un quasi-démantèlement du cercle de proxies qu’entretient l’Iran pour pouvoir exercer des représailles sur le territoire israélien en cas d’attaques d’Israël contre l’Iran. Réagir, c’était prendre un risque considérable, comme l’avait montré la manière magistrale avec laquelle au mois d’avril Israël (avec l’appui de ses alliés) avait repoussé une série d’attaques venues du territoire iranien tandis que l’État hébreu au contraire ripostait, de manière sélective certes, mais avec une efficacité redoutable, sur le sol iranien.  


Cet épisode, on s’en souvient, faisait suite à l’élimination d’un haut responsable des Gardiens de la Révolution à l’ambassade iranienne à Damas (le 1er avril). Quelques mois plus tard (le 31 juillet), Israël tuait le chef politique du Hamas à Téhéran même – humiliation majeure pour les Iraniens, qui cependant se sont abstenus de toute riposte à ce stade. On pouvait donc considérer que les autorités iraniennes se trouvaient dans une phase de reconsidération de leurs options, donnant la priorité aux questions économiques et à la recherche de modus vivendi avec leurs voisins (notamment l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis), voire avec les États-Unis eux-mêmes, par exemple en Irak (sur la base d’une forme de non-agression mutuelle).


En définitive, Téhéran a finalement décidé qu’il ne pouvait pas se permettre de laisser impunie l’élimination de Nasrallah. La riposte est venue le 1er octobre sous la forme d’une nouvelle attaque de missiles tirés depuis le territoire iranien. Il est important d’analyser les points communs et les différences entre l’attaque du mois d’avril et celle qui vient d’avoir lieu. Dans le second comme dans le premier cas, il semble que les Iraniens ont informé à l’avance (mais dans des délais beaucoup plus courts) les États-Unis ; surtout, dans les deux cas, la défense israélienne a été capable, avec l’aide de ses alliés notamment américains, d’intercepter la quasi-totalité des missiles iraniens. Ce dernier point est d’autant plus important que cette fois, les Iraniens avaient doublé la mise en termes de nombre de projectiles envoyés par rapport à l’attaque du mois d’avril.

Mais les différences importantes sont d’un autre ordre : en avril, le président Biden avait appelé Israël à ne pas répondre ; il a indiqué cette fois que les États-Unis se tiendraient aux cotés d’Israël dans la nécessaire riposte de celui-ci. Peut-être cette position des Etats-Unis renvoient-elles à une autre différence majeure entre avril et aujourd’hui : on ne peut plus douter un an après l’agression atroce du 7 octobre qu’Israël a établi un rapport de forces qui lui est favorable dans la région. L’Iran est d’ailleurs  beaucoup plus seul dans son combat contre l’État hébreu.

Mais les différences importantes sont d’un autre ordre : en avril, le président Biden avait appelé Israël à ne pas répondre ; il a indiqué cette fois que les États-Unis se tiendraient aux cotés d’Israël dans la nécessaire riposte de celui-ci

Que va faire Israël ?

Ces derniers temps, beaucoup de commentateurs estimaient que M. Netanyahou irait aussi loin qu’il le pouvait dans sa confrontation avec l’”axe de la résistance” (les mouvements soutenus par l’Iran) d’ici les élections américaines (4 novembre). C’était en effet probable – même si rien ne prouve que le prochain président des États-Unis, Mme Harris ou M. Trump, exercera sur lui des pressions plus fortes ou plus efficaces que M. Biden ; les accès de fureur de celui-ci contre le Premier ministre israélien au cours de ces derniers mois ne l’ont jamais conduit à mettre en cause l’assistance militaire américaine à Israël. En conséquence, si le gouvernement israélien n’est parvenu ni à obtenir la libération des otages ni à éliminer le chef du Hamas, Yahia Sinwar, il contrôle Gaza, il patronne la colonisation complète de la Cisjordanie et se trouve en position de poursuivre son offensive au Liban.

Très impopulaire au lendemain du 7 octobre 2023, M. Netanyahou remonte progressivement la pente, un an après, auprès de son opinion ; celle-ci accepte largement la politique qu’il mène.

 

L’assassinat d’Hasan Nasrallah et les frappes iraniennes servent en réalité parfaitement les plans de M. Netanyahou

L’assassinat d’Hasan Nasrallah et les frappes iraniennes servent en réalité parfaitement les plans de M. Netanyahou : elles confortent la thèse qu’il a développée dans son discours devant l’Assemblée générale des Nations-Unies, selon laquelle le conflit en cours est  un conflit entre l’Iran et ses proxies et Israël ; les Palestiniens sont passés aux oubliettes ; dans le nouveau tour que prennent les événements, Israël peut compter non seulement sur l’appui des Occidentaux (voir la réaction de l’Élysée) mais aussi la bienveillance des États arabes, à commencer par l’Arabie saoudite.

Dès lors, il est peu douteux que la riposte israélienne sur l’Iran sera plus forte qu’en avril. Jusqu’où ira-t-elle ? Et notamment dans quelle mesure visera-t-elle des installations nucléaires de l’Iran (avec sans doute un appui américain) ? Ou encore une partie des installations pétrolières du pays ? Compte tenu du “bilan” des israéliens en matière d’élimination ciblées de leurs ennemis, un certain nombre de personnalités iraniennes ont aussi à craindre des actions contre elles. On dit ainsi que les Gardiens de la Révolution ont pris des précautions pour mettre à l’abri le Guide suprême lui-même.

Copyright AHMAD AL-RUBAYE / AFP

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