AccueilExpressions par MontaigneMunicipales 2020 : quelle issue à Paris ?L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.25/06/2020Municipales 2020 : quelle issue à Paris ? Action publique Vie démocratiqueImprimerPARTAGERAuteur Baptiste Larseneur Expert associé - Éducation Quinze semaines se seront écoulées entre le premier tour des élections municipales, caractérisé par une abstention inédite, et le second tour le 28 juin prochain. Après avoir annulé l’organisation du second tour en raison des circonstances exceptionnelles liées au Covid-19, le législateur, par l’adoption de la loi du 23 mars 2020, dite loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, avait fixé son organisation au plus tard en juin 2020.Plusieurs critiques ont été formulées quant à l’incidence de l’organisation de cette élection sur les résultats du scrutin. Le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’État le 26 mai dernier d’une question prioritaire de constitutionnalité, a répondu à plusieurs d’entre elles. Après avoir rappelé que la modification du déroulement des opérations électorales était justifiée par un motif impérieux d’intérêt général, il considère que l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 en son alinéa 1, visant au report des élections au plus tard en juin 2020, "ne méconnaît ni le droit de suffrage, ni le principe de sincérité du scrutin, ni celui d'égalité devant le suffrage". Le Conseil ajoute "qu’il appartiendra, le cas échéant, au juge de l'élection d'apprécier si le niveau de l'abstention a pu ou non altérer, dans les circonstances de l'espèce, la sincérité du scrutin".Le dimanche 28 juin prochain se déroulera donc le second tour des élections municipales dans les 4 816 communes dans lesquelles l’une des listes ne l’a pas emporté dès le premier tour, au titre desquelles figure l’élection la plus symbolique : celle du maire de Paris.Les enseignements du premier tour de l’élection parisienneLa gauche en tête au soir du premier tourLors du premier tour des élections municipales de 2014, la coalition UMP-UDI-Modem conduite par Nathalie Kosciusko-Morizet était arrivée en tête en recueillant 35,64 % des suffrages exprimés (242 282 voix), contre 34,40 % (233 808 voix) pour Anne Hidalgo à la tête d’une coalition PS-PCF-PRG et 8,86 % pour Christophe Najdovski, tête de liste du parti EELV (60 234 voix).Six ans plus tard, la liste conduite par Anne Hidalgo, malgré un score bien moins important qu’en 2014, se hisse en tête du scrutin à l’échelle de la ville au soir du premier tour. Elle n’obtient que 29,33 % des suffrages exprimés contre 34,40 % en 2014, et surtout ne recueille la confiance que de 162 219 électeurs, soit 71 589 voix de moins qu’en 2014. Cette situation paradoxale, qui permet à la liste conduite par Anne Hidalgo d’être la première force politique parisienne à l’issue du premier tour malgré un score plus décevant qu’en 2014, trouve deux explications principales. D’une part, la moindre participation des électeurs parisiens vraisemblablement liée au risque de propagation du Covid-19 à conduit à une diminution du nombre total de suffrages exprimés (696 587 votants en 2014 contre 553 017 en 2020 à l’échelle de la ville). D’autre part, l’émergence d’une nouvelle offre politique dans la capitale - la candidature du parti présidentiel - induit une plus grande dispersion des voix. Les résultats de ce premier tour, à l’échelle de la ville, sont encourageants pour l’actuelle maire de Paris. En se hissant en tête du scrutin, la liste conduite par Anne Hidalgo réussit là où elle avait échoué en 2014. Anne Hidalgo aura donc convaincu de la pertinence de son projet pour la ville, profité de la multiplication des candidatures (LREM et LREM dissident) et vraisemblablement bénéficié d’un effet "crise sanitaire" favorisant davantage encore le maire sortant.Plus singulièrement, elle résiste à la progression enregistrée nationalement - dans la continuité des élections européennes - par le parti EELV. Hormis dans le XVIIIe arrondissement (17,15 % pour EELV contre 31,66 % pour le PS), la liste conduite par David Belliard (EELV) se situe toujours à plus de 15 points de la liste conduite par Anne Hidalgo. Au soir du premier tour, cette situation plaçait évidemment Anne Hidalgo en situation de force pour négocier un accord d’entre-deux tours visant à la fusion des deux listes.Cependant, ces résultats enregistrés à l’échelle de la ville peuvent être affinés par arrondissements pour mieux comprendre la dynamique qui est à l’œuvre :La liste conduite par Anne Hidalgo se maintient en tête dans l’ensemble des arrondissements où elle s’était imposée lors du premier tour des élections de 2014, hormis dans le Ve arrondissement. À contrario, la liste qu’elle conduit n’aura su se hisser en tête dans aucun des arrondissements dans lesquels elle était en ballotage défavorable au soir du premier tour des élections municipales de 2014. Nous assistons ainsi à une cristallisation de la vie politique parisienne avec à l’est et au centre (à l’exception du Ve et du IXe) des arrondissements acquis à la gauche et à l’ouest des arrondissements acquis à la droite. La liste conduite par Anne Hidalgo arrive en tête du scrutin dans le nouveau secteur Paris Centre, regroupant les quatre premiers arrondissements. Sa liste s’impose alors qu’à l’issue du premier tour en 2014, elle n’était en tête que dans le IIIe arrondissement. Enfin, contrairement aux listes conduites par Rachida Dati et Agnès Buzyn, sa liste ne parvient pas à se maintenir dans l’ensemble des arrondissements de Paris. Elle ne recueille que 8,05 % dans le XVIe arrondissement.Après les candidatures successives de Jean Tibéri en 1995, Philippe Seguin en 2001, Françoise de Panafieu en 2008 et Nathalie Kosciusko-Morizet en 2014, c’est Rachida Dati, personnalité emblématique de la droite et bien implantée localement depuis son élection à la mairie du VIIe arrondissement en 2008 qui incarne le visage de la droite lors de ces élections municipales. Sa liste obtient 22,72 % des suffrages exprimés au 1er tour (soit 13 points de moins que Nathalie Kosciusko-Morizet) et ne recueille la confiance que de 125 639 électeurs. C’est 116 643 voix de moins qu’en 2014. À titre personnel, engagée comme tête de liste dans le VIIe arrondissement, Rachida Dati est la seule candidate à s’imposer dès le premier tour en recueillant 50,69 % des suffrages exprimés (contre 41,01 % en 2014).La représentante du parti présidentiel, Agnès Buzyn, s’est engagée dans la campagne moins d’un mois avant la tenue du premier tour, en raison du retrait de la candidature de Benjamin Griveaux. Elle devait également faire campagne face à Cédric Villani, candidat dissident, du fait de l’incapacité du parti présidentiel à imposer son processus de désignation. Agnès Buzyn se présentait donc dans une situation délicate. Arrivée troisième de ce scrutin à l’échelle de la ville, elle recueille 17,26 % des suffrages exprimés (99 767 voix). Sa liste se maintient dans l’ensemble des arrondissements et se hisse en tête dans le Ve et dans le IXe arrondissement. Dans ces deux arrondissements, les deux têtes de liste LREM, Florence Berthout (ex LR) et Delphine Bürkli (ex DVD) sont les maires sortants. À titre personnel, tête de liste dans le XVIIe arrondissement, elle ne recueille que 22,68 % des suffrages exprimés contre 40,08 % pour le maire sortant Geoffroy Boulard (LR).Membre de la majorité municipale sortante, le parti EELV présentait une candidature indépendante lors de ce premier tour des élections municipales. En recueillant 59 649 voix (contre 60 234 en 2014), le parti enregistre pourtant une progression en pourcentage de suffrages exprimés par rapport à 2014. Cette évolution explicable notamment du fait de l’augmentation de l’abstention, lui permet de dépasser la barre symbolique des 10 % à l’échelle de la ville (10,79 % contre 8,86 % en 2014). Hors secteur Paris Centre (fusion des quatre premiers arrondissements) qui fait l’objet d’une évolution institutionnelle, la liste conduite par David Belliard est en capacité de se maintenir dans 9 arrondissements, contre seulement six arrondissements en 2014.Un éparpillement du vote, conséquence de la multipolarisation de la vie politique nationaleLes élections municipales parisiennes illustrent la multipolarisation de la vie politique française. Alors que le scrutin de 2014 se résumait à une opposition entre les listes conduites par Nathalie Kosciusko-Morizet et Anne Hidalgo, en 2020, ce sont quatre listes qui dépassent le seuil de 10 % des suffrages exprimés à l’échelle de la ville.L’article L. 346 du code électoral dispose que "seules peuvent se présenter au second tour les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % des suffrages exprimés". Hors secteur Paris Centre, ce sont 59 têtes de liste qui, avant fusion des listes durant l’entre-deux tours, étaient en capacité de se maintenir au second tour dans leurs arrondissements, contre seulement 39 en 2014 (+ 51 %). Ainsi, on dénombre, au soir du premier tour, dans les 16 arrondissements (du Ve au XXe), l’éventualité de 4 triangulaires, 10 quadrangulaires et 2 quinquangulaires (contre seulement 8 triangulaires et 1 quadrangulaire en 2014). Une abstention massive, mais moins prononcée que dans les grandes villes françaisesLe taux d’abstention en France métropolitaine a atteint le 15 mars dernier, un niveau qu’il n’avait pas connu depuis les premières élections municipales organisées sous la Ve République en 1959. Pour la première fois, il y a plus de personnes qui se sont abstenues que de personnes qui se sont déplacées pour aller voter. À l’échelle nationale, les chiffres de la participation au premier tour des élections municipales de 2020 (44,64 %) sont 20 points inférieurs aux chiffres de 2014 (63,55 %). L’évolution des chiffres de la participation s’inscrit cependant dans une tendance abstentionniste constatée lors de tous les scrutins, y compris les élections municipales, traditionnellement mobilisatrices pour le corps électoral. Dans la ville de Paris, la participation est en net recul (42,3 % contre 56,26 % en 2014). Si la participation est légèrement inférieure à la moyenne constatée en France métropolitaine (44,64 %), elle est cependant très nettement supérieure à la moyenne constatée dans les onze villes de plus de 200 000 habitants (35,92 %). L’abstention a été particulièrement nourrie par le contexte sanitaire et singulièrement par l’annonce de fermeture de tous les lieux publics non indispensables faite par le Premier ministre la veille du scrutin. Selon l’enquête réalisée par l’IFOP le jour du vote, 55 % des abstentionnistes, à l’échelle nationale, affirment que la progression de l’épidémie a joué un rôle déterminant dans leur décision de ne pas aller voter. Selon cette même enquête, une personne sur cinq ne s’est pas déplacée uniquement en raison de l’épidémie de coronavirus.L’abstention a-t-elle profité à la gauche ?L’une des questions majeures relatives à l’examen des résultats du premier tour des élections municipales à Paris est de savoir si l’augmentation du taux d’abstention a eu une influence sur la composition politique du vote et donc sur l’issue du scrutin. Un premier niveau d’analyse, permettant d’évaluer cette influence, résulte de la confrontation des résultats du premier tour aux intentions de vote recueillies dans le cadre des sondages effectués avant l’élection. Cette confrontation fait apparaître des différences faibles entre les résultats obtenus le soir du premier tour des élections municipales et les intentions de vote enregistrées par les différents instituts de sondage. La liste conduite par Anne Hidalgo recueille 3 points de plus (29,33 % des suffrages exprimés) que l’estimation réalisée par le sondage qui lui était le plus favorable (26 %) quand Rachida Dati et Agnès Buzyn recueillent 3 points de moins que les estimations les plus favorables. On notera cependant, que l’estimation réalisée le 19 février, avant la prise de conscience d’une propagation du Covid-19 dans notre pays, fait apparaître une différence plus notable pour Anne Hidalgo (6 points).La même analyse réalisée pour l’élection municipale de 2014 fait apparaître des différences similaires, comme le montre le graphique suivant, qui tend à relativiser l’impact éventuel du Covid-19 sur l’issue du scrutin. Le surplus de votes dont a bénéficié Anne Hidalgo par rapport aux intentions de vote enregistrées par les instituts de sondage, pourrait trouver son explication dans l’effet crise, qui aurait pu avantager la maire sortante.Paris Centre : à qui profite le nouveau secteur ?À Paris, depuis 1983, ce sont vingt élections qui se déroulaient lors du premier tour des élections municipales, afin d’élire un maire dans chacun des arrondissements. Suite à l’adoption de la loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, du 28 février 2017, les quatre premiers arrondissements ont été regroupés au sein d’un seul secteur électoral dénommé Paris Centre. Dès lors, ce sont 17 élections qui se sont déroulées le 15 mars dernier.Cette évolution institutionnelle justifiée par l’évolution démographique au sein de la capitale - le nombre d’habitants décroît au centre de Paris alors que la population augmente dans les arrondissements périphériques - vise à mieux respecter le principe constitutionnel d’égalité devant le suffrage. Cette jurisprudence du Conseil constitutionnel, désormais bien établie, implique une répartition des sièges selon une règle de proportionnalité à la population. Le Conseil a eu l’occasion de préciser les éléments lui permettant de considérer que des écarts seraient excessifs. Dans la décision du 9 décembre 2010, le Conseil constitutionnel a consacré un seuil de 20 % d’écart à la moyenne, c’est à dire qu’en l’espèce, aucun des arrondissements ne peut être sous-représenté ou surreprésenté de plus de 20 % au Conseil de Paris.Lors du premier tour des élections municipales de 2014, la liste conduite par la droite était élue dès le premier tour dans le Ier arrondissement (51,72 %), la liste conduite par le candidat EELV était majoritaire dans le IIe arrondissement (32,96 %), la liste conduite par la gauche était nettement en tête dans le IIIe arrondissement (47,29 %) et les listes de droite et de gauche se partageaient équitablement les suffrages dans le IVe arrondissement (en recueillant respectivement 37,82 % et 37,40 % des suffrages exprimés). Dans les quatre arrondissements confondus, 12 405 électeurs avaient voté pour la liste conduite par Anne Hidalgo, quand 11 911 avaient voté pour la liste conduite par Nathalie Kosciusko-Morizet et 4 171 pour la liste conduite par Christophe Najdovski, représentant du parti EELV.Avant la tenue du premier tour, à l’analyse de ces scrutins et toutes choses égales par ailleurs, la fusion des quatre arrondissements au sein du seul secteur Paris Centre semblait donc surtout desservir le parti EELV, majoritaire au sein du IIe arrondissement mais qui n’était pas en mesure de s’imposer à l’échelle des quatre arrondissements. En revanche, malgré un avantage pour la liste de gauche, l’issue du scrutin semblait relativement ouverte.Le 15 mars dernier, la liste conduite par Anne Hidalgo a recueilli 33,72 % des suffrages exprimés (contre 20,48 % pour la liste conduite par Rachida Dati et 21,07 % pour la liste conduite par Agnès Buzyn) et arrive nettement en tête de ce scrutin. Il semblerait que la liste conduite par Anne Hidalgo bénéficie surtout de l’émergence de la liste conduite par Agnès Buzyn qui aurait contribué à disperser les voix dans le camp de la droite. Les élections parisiennes : un enjeu plus local que nationalLe choix des électeurs lors des scrutins municipaux est majoritairement concentré sur les enjeux locaux. D’après l’enquête réalisée par l’IFOP le 15 mars, plus des deux tiers des votants (69 %) ne tiennent pas compte dans leur vote de l’action du gouvernement et seul un tiers déclare que l’appartenance politique est un critère déterminant dans le choix qu’ils expriment. L’immense majorité des électeurs (84 %) déterminent leur vote sur la base d’enjeux locaux. Les principaux critères de choix de vote pour les électeurs aux élections municipales sont respectivement le programme annoncé par les candidats (85 %), le bilan de l’équipe municipale sortante (80 %) et la personnalité des candidats (78 %) selon l’enquête électorale française réalisée en mars 2020 par le CEVIPOF.Le résultat des élections municipales peut donc être logiquement très différent des résultats des élections précédentes ayant eu lieu à d’autres échelons que celui de la municipalité. C’est le cas pour Paris comme le montre les résultats des derniers scrutins (élection présidentielle en 2017 et européennes en 2019). Paris, une ville qui se gagne dans chaque secteur et dans certains en particulierUn mode de scrutin contestéDepuis la loi du 31 décembre 1982, dite loi PLM (Paris-Lyon-Marseille), les trois plus grandes villes françaises font l’objet d’un statut électoral particulier. À Paris, les élections municipales organisées dans chaque arrondissement (17 depuis le regroupement des quatre premiers arrondissements au sein du secteur Paris Centre) permettent d’élire les conseillers d’arrondissements. Parmi ces conseillers élus, soit au premier tour si une liste obtient la majorité absolue - comme c’est le cas pour Rachida Dati dans le VIIe arrondissement de Paris qui a recueilli 50,69 % des suffrages exprimés - soit au second tour, le premier tiers des personnes figurant sur la liste deviendra également conseiller de Paris (conseiller municipal). Ces élus, qui durant le mandat siègeront à la fois au conseil d’arrondissement et au conseil de Paris, participent d’une part, en tant que conseiller d’arrondissement à élire le maire d’arrondissement dans lequel ils ont été élus et d’autre part, en tant qu’élu du Conseil de Paris, à élire le maire de Paris. L’élection du maire de Paris dépend donc du nombre de conseillers de Paris qui seront élus dans chaque arrondissement. Hors, chaque arrondissement ne revêt pas le même poids électoral pour l’élection du maire de Paris. Par exemple, en obtenant la majorité absolue dès le premier tour dans le VIIe arrondissement de Paris, Rachida Dati et sa liste obtiennent 4 sièges de conseillers de Paris sur les 163 que compte le Conseil de Paris. Si Rachida Dati avait obtenu le même score dans le XVe arrondissement de Paris, elle et sa liste auraient obtenu au moins 14 sièges de conseillers de Paris sur les 18 que compte l’arrondissement.D’une part, cette différence s’explique par le nombre différents de sièges de conseillers de Paris dévolus à chaque arrondissement. D’autre part, elle s’explique par l’application des règles de répartition des sièges fixées à l’article L. 262 du code électoral. Au premier tour du scrutin :Dans un premier temps, "il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir", c’est ce qu’on appelle la prime majoritaire ; Dans un second temps, "cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne". Cette méthode de calcul suppose d’abord de calculer le quotient électoral (il s’obtient en divisant le total des suffrages exprimés par le nombre de sièges restants à pourvoir), chaque liste obtenant autant de sièges que son score contient de quotient électoral. Une fois cette nouvelle répartition effectuée, s’il reste encore des sièges à distribuer, s’applique la règle de la répartition à la plus forte moyenne (elle s’obtient en divisant le nombre de voix obtenu par chaque liste par le nombre de sièges déjà obtenus en y ajoutant + 1).La méthode de calcul permettant de répartir les sièges des conseillers de Paris est exactement la même au second tour, pour la liste ayant obtenu une majorité relative.La compréhension de cette règle de calcul complexe permet de mieux percevoir l’importance de chaque vote pour l’élection du maire de Paris. En effet, si une liste largement battue au soir du premier tour n’est plus en mesure de remporter une mairie d'arrondissement, pour autant, le nombre de voix qu’elle obtient au second tour peut lui permettre d’obtenir un siège de conseiller de Paris. Ce siège peut s’avérer être déterminant pour l’élection du maire de la capitale.Le mode de scrutin au sein des trois plus grandes villes françaises est souvent décrié. Il fait principalement l’objet de deux critiques :Le territoire au détriment du suffrage universel. Le candidat recueillant le plus grand nombre de suffrages à l’échelle de la ville n’est pas nécessairement le candidat élu à la mairie de Paris. Cette situation découle de la plus grande importance donnée aux territoires plutôt qu’à l’expression du suffrage universel. En effet, dans un scrutin classique, il est nécessaire de recueillir 50 % +1 des suffrages exprimés, alors que dans les trois plus grandes villes françaises, il est nécessaire d’obtenir 50 % +1 des conseillers municipaux. Ainsi, Gaston Deferre pu être réélu à la mairie de Marseille, en 1983, alors qu’il comptait moins de voix que Jean-Claude Gaudin à l’échelle de la ville. Gérard Collomb à Lyon et Bertrand Delanoé à Paris furent également élus alors qu’ils étaient minoritaires en nombre de voix. La stratégie au détriment de la démocratie. Pour être élu maire de l’une de ces villes il faut donc obtenir une majorité de conseillers municipaux plus qu’une majorité de suffrages. Ce principe électoral induit une double conséquence. D’une part, les candidats ont intérêt à faire campagne dans les arrondissements les plus pourvoyeurs en conseillers municipaux. Ainsi, lors des élections municipales de 2014, Anne Hidalgo était tête de liste dans le XVe arrondissement (arrondissement le plus pourvoyeur en conseillers de Paris). Non élue dans cet arrondissement, elle devenait pourtant la maire de la capitale. D’autre part, les candidats ont intérêt à faire campagne dans les arrondissements qui leurs sont favorables plutôt que de tenter de convaincre les électeurs d’autres arrondissements. En conséquence, ce mode de scrutin, induit une cristallisation de la vie politique municipale, rendant plus complexe l’alternance.Une victoire acquise à la gauche ?Au soir du premier tour des élections municipales, avant fusion de listes durant l’entre-deux tours, on constate que la liste conduite par Anne Hidalgo est en tête dans 9 des 12 arrondissements les plus pourvoyeurs en élus municipaux. Cette situation place donc la candidate dans une situation très favorable pour être réélue. A contrario, la droite ne tire pas un grand avantage à être en tête dans les VIe, VIIe et VIIIe arrondissement. Durant l’entre-deux tours, dès lors que d’une part, Anne Hidalgo et David Belliard se sont entendus, sans surprise - puisque le parti EELV faisait partie de la majorité municipale lors de la précédente mandature - pour fusionner leurs listes et que d’autre part, aucun accord n’a été conclu entre la représentante du parti présidentiel et la maire du VIIe arrondissement, la réélection de l’actuelle maire de Paris semble désormais très bien engagée.L’une des questions majeures qui se pose à la veille du second tour des élections municipales est de savoir si l’actuelle maire de Paris disposera de la majorité absolue (EELV-PS + alliés engagés dans le cadre d’une liste commune dès le premier tour) au Conseil de Paris pour son second mandat. Si elle ne disposait que d’une majorité relative, elle serait dans l’obligation d’administrer la capitale avec le soutien des élus LREM, LFI ou LR.Nous nous proposons de déterminer, toutes choses égales par ailleurs, le nombre de conseillers de Paris dont disposerait l’actuelle maire de Paris à l’issue du second tour, en projetant les résultats cumulés des listes EELV et PS enregistrés lors du premier tour.Pour y parvenir, nous avons appliqué les modalités de répartition des sièges des conseillers de Paris, telles que précisées à l’article L. 262 du code électoral :Nous avons additionné les suffrages recueillis par les listes EELV et PS dans chaque arrondissement, sauf le VIIe arrondissement où la candidate issue de la droite a été élue dès le premier tour et le XVI arrondissement où ni la liste PS, ni la liste EELV, n’est en situation de se maintenir au second tour.Nous avons ensuite appliqué le principe de la prime majoritaire, dès lors que l’addition des voix permettait à la coalition PS-EELV de se hisser en tête du scrutin, en s’attachant à prendre en compte toutes les fusions de listes conclues dans chaque arrondissement durant l’entre-deux tours.Nous avons ensuite calculé le quotient électoral, afin de répartir les sièges non distribués par l’application du principe de la prime majoritaire.Nous avons enfin appliqué le principe de la répartition à la plus forte moyenne dès lors que l’application du quotient électoral ne permettait pas de distribuer tous les sièges.Le graphique ci-dessous présente, toutes choses égales par ailleurs, la répartition des conseillers de Paris au sein de chaque arrondissement que devrait obtenir la liste conduite par Anne Hidalgo au soir du second tour des élections municipales. La majorité absolue est atteinte à Paris dès lors qu’un candidat compte 82 conseillers de Paris. Selon cette projection, l’actuelle candidate obtiendrait tout juste la majorité absolue en faisant élire 84 conseillers de Paris au soir du second tour.Dès lors, la capacité différenciée des candidats à mobiliser leurs électorats au second tour et la ventilation des voix exprimées au premier tour pour Cédric Villani (7,88 % à l’échelle de la ville) pourraient avoir une incidence majeure sur la capacité de la future maire de Paris à mettre en œuvre ses projets pour la ville durant le prochain mandat. Cette analyse a été conduite avec la collaboration de Victor Bus, assistant chargé d’études à l’Institut Montaigne. Copyright : FRANCOIS GUILLOT / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 16/06/2020 Retraites : une réforme anachronique ? Victor Poirier