AccueilExpressions par MontaigneMéta-réel : usages massifs, inventions plurielles L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.05/12/2023Méta-réel : usages massifs, inventions plurielles TechnologiesImprimerPARTAGERAuteur Théodore Vauquier Senior Manager chez Oliver Wyman Auteur Germain Terreaux Partner chez Oliver Wyman Les nouveaux horizons du méta-réelNe plus séparer le physique et le virtuel, instaurer un continuum d’interactions, simuler l'expérience physique, immerger : ces possibles ouverts par le méta-réel se traduisent par des applications commerciales, technologiques, culturelles, éducatives, médicales très précises.Cet épisode poursuit le panorama des nouveaux horizons du méta-réel en offrant un catalogue illustré de ses cas d'usage : quels sont les secteurs les plus touchés par le paradigme innovant du méta-réel ? Quels sont les exemples actuels ou en cours de développement qui montrent le mieux comment nous emparer de cette technologie ?Dans l'épisode précédent, nous décrivions l'avènement à venir du paradigme Méta-réel dont le feu de paille Métavers n'a illustré que les prémices. Dans le Méta-réel, monde réel et mondes virtuels s'hybrideront dans un continuum fluide et presque invisible. Nous sommes convaincus que le potentiel du Méta-réel va bien au-delà des usages encore sporadiques et largement récréatifs de ce qu’on appelle Métavers aujourd'hui. L'utilisation actuelle et primitive du Métavers (univers parallèle 100 % virtuel) témoigne déjà d'une certaine utilité des technologies Méta-réel. Mais cette utilisation demande à se généraliser, à la fois en termes d'adoption, de maturité et de multiplication des cas d’usages.Anticiper le futur et prendre les devants, c'est aussi comprendre comment nos économies et nos sociétés pourront tirer profit des potentialités technologiques du Méta-réel pour le traduire en impact utile. Les géants de la Tech et de grands groupes financiers et industriels redoublent déjà d'efforts pour inventer et construire les usages du Méta-réel. Ils le font par exemple en fléchant des moyens importants vers l'Intelligence Artificielle ou la réalité étendue, composantes clés du Méta-réel.Dans cet épisode, nous établissons une typologie d'usages du Méta-réel. Pour l'illustrer, nous brossons ensuite un panorama non-exhaustif des usages actuels (pour la plupart embryonnaires) et envisagés du Méta-réel. Bien sûr, cet état de l'art doit être pris avec humilité : les contours du nouveau paradigme Méta-réel n'étant qu'à peine esquissés, beaucoup reste à inventer. Nombre de ces usages potentiels ont été construits "par itération", c'est-à-dire en construisant sur des usages existants qui seront renforcés par le Méta-réel et sa combinaison de technologies sous-jacentes. De surcroît, une vague d'innovations de rupture Méta-réel est prédictible, accouchant de cas d'usages disruptifs et, aujourd'hui, encore inimaginables. Typologie d'usages du Méta-réelInvisibiliser la frontière physique-virtuelAujourd'hui, le virtuel est omniprésent, mais il est visible et tangible, souvent au travers d’interfaces numériques : le téléphone dans votre poche, la tablette sur laquelle vous lisez peut-être ces lignes, l'ordinateur au travers duquel vous débloquez toute la puissance du virtuel, etc. Dans le Méta-réel, ces technologies rempliront beaucoup des usages du numérique actuel, mais de façon invisible et complètement fluide. Le virtuel est omniprésent, mais il est visible et tangible, souvent au travers d'interfaces numériques [...] Dans le Méta-réel, ces technologies rempliront beaucoup des usages du numérique actuel, mais de façon invisible et complètement fluide.Certaines technologies de reconnaissance vocale (par exemple Alexa d'Amazon) sont une première étape. Autre exemple, la start-up Humane a dévoilé Ai Pin à la Fashion Week de Paris 2023. Ai Pin est un téléphone sans écran et qui invisibilise donc la frontière physique-virtuel. Ai Pin héberge un assistant virtuel et est alimenté par l'Intelligence Artificielle. Il peut notamment prendre des photos, envoyer des messages texte et projeter une interface visuelle sur la paume de la main grâce à un laser. Invisibiliser la frontière physique-virtuel : l'omniprésence des écrans laisse place au recours fluide et moins conscientisé au virtuel La course aux lunettes connectées (et un jour aux lentilles de contact intelligentes) permet aussi des avancées majeures dans la dématérialisation de la technologie : Google Glass (voir plus bas pour plus de détails) permettait par exemple de lire des informations numériques de façon fluide et sans écran. Meta, qui dépense environ 10 % de son budget total dans la R&D de ses lunettes connectées et de réalité augmentée participera aussi à invisibiliser la frontière physique-virtuel. Témoin de l’accélération du temps technologique, la première génération de lunettes, baptisée Artemis et qui découle du projet Nazare, devrait être commercialisée dès 2026.À terme, on peut imaginer l'effacement de la frontière physique-virtuel, par la disparition du recours conscientisé à la technologie. Aujourd'hui, si je veux réaliser une action, je réfléchis d’abord à utiliser un outil physique : si je veux payer, je fais appel à mon smartphone, alors le paiement est effectué. Dans le Méta-réel, je pourrais désintermédier l'étape "outil physique", par exemple au travers d'une interface neuronale directe ou d'implants cérébraux (comme ceux que développe Neuralink, fondé par Elon Musk) : si je veux payer, alors le paiement est effectué.De nombreux cas d’usages découlent de la fusion croissante entre physique et virtuel : omniprésence accrue de la technologie dans notre quotidien, capacité à multitask (par exemple, plus besoin de détourner les yeux d'une tâche pour lire un écran), possibilité d’embarquer plus de technologie dans n'importe quelle situation (par exemple, militaires utilisant de plus en plus de virtuel en zone de conflit), ou encore expérience client (par exemple, invisibilisation de la technologie pour recentrer sur les interactions humaines). Les implications industrielles de cette technologie invisibilisée seront importantes et vont redéfinir les chaînes de valeur.À quoi ressemblera un open space quand monde physique et technologie virtuelle seront autant imbriqués ? Enrichir l'expérienceAujourd'hui, nos sens perçoivent principalement le monde physique. Quand ils perçoivent un monde virtuel, c'est dans une volonté de déconnexion du physique (quand j'écoute de la musique, je ne souhaite pas entendre les bruits du monde physique). Dans le Méta-réel, nos sens pourront percevoir un mélange intégré du physique et du virtuel où la dimension virtuelle agit en fonction du monde physique. Le succès de Niantic "Pokémon Go" en constitue un exemple primitif : ce jeu vidéo mobile sorti en 2016 utilise la réalité augmentée pour superposer au monde réel des Pokémons virtuels qu'il faut capturer. Dans le Méta-réel, des informations virtuelles peuvent être juxtaposées en permanence au monde physique. La première génération de Google Glass n’a certes pas trouvé son public : peu de cas d’usages qui fonctionnaient, prix élevé et ergonomie limitée (faible autonomie de la batterie notamment). Cependant, Alphabet, via sa fabrique à innovations de rupture X, garde en ligne de mire l'objectif de pouvoir enrichir le physique en y juxtaposant du virtuel. A la suite du Google Glass, les Glass Enterprise Edition ont été une tentative de permettre à un public professionnel de recevoir des informations contextualisées, tout en gardant les yeux rivés sur la tâche. Ici, les cas d’usage paraissent de plus en plus convaincants : d'après X et GE Ventures, Glass permettait aux ouvriers de General Electric de finir des tâches 34 % plus rapidement. Même si Google Glass a été abandonné en mars 2023, faute de maturité technologique suffisante à court-terme, le Méta-réel progresse.Aujourd'hui, nos sens perçoivent principalement le monde physique. Quand ils perçoivent un monde virtuel, c'est dans une volonté de déconnexion du physique Dans le Méta-réel, nos sens pourront percevoir un mélange intégré du physique et du virtuel.Enrichir l'expérience : le virtuel se superpose et interagit avec le physiqueAprès Google, c'est au tour d'Apple (parmi d’autres) de chercher à s’emparer du potentiel d'usage Méta-réel "enrichir l'expérience". En juin 2023, Vision Pro, casque de réalité mixte, hybride le physique et le virtuel dans un continuum fluide (le degré d'hybridation est contrôlé par l'utilisateur). En ciblant d'abord des usages professionnels, il répond aux mêmes besoins que cherchaient à adresser les Glass Enterprise Editions. Reproduire et simuler le physiqueLa crise de la COVID a montré l'efficacité mais aussi les limites de la communication en ligne. Beaucoup d'utilisateurs ont alors regretté la dimension humaine permise par le monde physique. Dans le Méta-réel, cette communication en ligne passe du 2D au 3D voire mobilise les autres sens. Forme d'aplanissement du monde, le Méta-réel peut écraser les distances en reproduisant le physique : il déplace, virtuellement, des montagnes. Forme d'aplanissement du monde, le Méta-réel peut écraser les distances en reproduisant le physique : il déplace, virtuellement, des montagnes.Plus besoin de se déplacer pour accéder à des services ou solutions spécialisés dans des conditions qui se rapprochent des conditions du monde physique (prochaine génération de la télémédecine par exemple). Il permet ainsi à des compétences rares et localisées dans différentes parties du monde de collaborer sur des sujets complexes (diplomatie, R&D, etc.), ou encore de rompre l'isolement forcé (cas de maladie contagieuse par exemple).En simulant, le physique, le Méta-réel permet des gains d'efficacités opérationnels importants dans la plupart des industries : la prochaine génération de jumeaux numériques (de produits, d'usines ou d’urbanisme par exemple) permettra d'introduire un maximum de dimensions du monde physique dans des représentations virtuelles (représentation XD).Reproduire le physique permet aussi de tirer le meilleur des deux mondes : l'utilité et la préférence naturelle pour l'expérience physique en y soustrayant ses inconvénients et inconforts (par exemple, essayer un vêtement et recevoir un conseil personnalisé sans avoir à faire la queue debout à la caisse). Ainsi, reproduire le physique est un énorme levier d'amélioration de l’expérience client et usager.Cette catégorie d'usages figure en bonne position dans le pivot stratégique Méta-réel de Meta. En témoignent ses nombreuses publicités que vous avez sans doute aperçues sur votre feed LinkedIn ou dans le métro parisien au cours de l'année 2023. Par exemple, ce slogan publicitaire : "Même si le métavers est virtuel, son impact sera réel. Les étudiants en médecine utiliseront bientôt la réalité virtuelle pour s’entraîner des centaines de fois avant d’opérer de vrais patients".Reproduire et simuler le physique : les distances entre personnes physiques s'évanouissentRendre comme physique l'imaginaireLe Méta-réel permet d'immerger l'individu dans des mondes imaginaires, qu'ils soient réalistes ou physiquement impossibles. L'utilisateur peut aussi changer d’échelle (comme par exemple, devenir un globule pour circuler dans un système artériel). En créant un terrain d'expérimentation immersif, le Méta-réel offre notamment des opportunités massives dans les secteurs de l'éducation et de la formation. L'apprenant évolue au sein d'un medium tangible et qui unit plus directement théorie et pratique, démultipliant ses capacités d'apprentissage (découvrir les dinosaures en les voyant "en vrai"). Une simulation et une expérience immersive permettraient de retenir 90 % de l'information, contre 10 % pour la lecture (d'après les théories du cône de l'apprentissage, ou cône de Dale).Le Méta-réel englobe enfin tous les usages, enjeux et ambitions de ce qui est aujourd’hui appelé Métavers : imaginer des univers parallèles immersifs et persistants. A l'extrême tribord du continuum physique-virtuel, le Méta-réel permet de rendre comme physique des mondes virtuels et imaginés. Les usages actuels de ces univers sont principalement récréatifs. Ils sont aussi un support de prédilection de la dimension "propriété virtuelle" du Web 3.0 : NFT, crypto-monnaies, immobilier virtuel, etc.Rendre comme physique l'imaginaire : l'individu est immergé dans un monde qui s'affranchit des lois de la physiqueCertains secteurs connaîtront une généralisation plus soudaine et transformative du Méta-réel que d'autres. Quelques exemples d'usages dans le Méta-réel sont présentés dans le panorama ci-dessous. Ils montrent les potentialités multiples du nouveau paradigme Méta-réel. Panorama non-exhaustif des usages à venir et proto-usages actuels du Méta-réelCopyright Image : Ludovic MARIN / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés 17/11/2023 Le métaréel : univers possibles sous conditions Louise Frion 07/11/2023 Méta-réel : le Métavers, une étape pour quelle destination ? Germain Terreaux Théodore Vauquier