AccueilExpressions par MontaigneEnquête électorale : les ressorts du vote RNL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.30/08/2024Enquête électorale : les ressorts du vote RN Vie démocratiqueImprimerPARTAGERAuteur Blanche Leridon Directrice Exécutive, éditoriale et Experte Résidente - Démocratie et Institutions Auteur Lisa Thomas-Darbois Directrice des Études France et Experte Résidente Marginalisé des tractations en cours, se maintenant prudemment à distance d’une séquence politique flirtant avec la crise ou l’impasse, le RN est le plus discret des protagonistes de cette rentrée politique. Les préoccupations de leurs 10,6 millions d’électeurs, elles, sont loin d’avoir disparu. Analyse de Blanche Leridon et Lisa Thomas-Darbois.En juin dernier, au lendemain de la dissolution et avant les élections législatives, nous dressions le portrait d’un électorat RN animé par l’espoir, qui accueillait la décision présidentielle avec enthousiasme. Les requêtes répétées des cadres de leur parti avaient été entendues, le résultat des élections européennes aurait des conséquences nationales, le temps de l’alternance était venu. C’était leur tour. Quelques semaines plus tard, comme le révèle la dernière vague de notre enquête, l’état d’esprit des électeurs a basculé de l’espoir à la déception (48 %) et à la colère (30 %). Des 45 % d’électeurs RN animés par l’espoir au mois de juin, ils ne sont plus que 7 % à exprimer ce sentiment, les 12 % qui exprimaient leur soulagement ne sont, eux, plus que 1 %. Grand renversement aussi sur la perception de la dissolution : si 75 % des électeurs RN s’y disaient favorables en juin, ils sont 74 % aujourd’hui à considérer que cette décision et les résultats qui ont suivi ont eu des conséquences négatives pour la France. C’est le taux de déception le plus élevé dans l’électorat, juste après celui des électeurs Reconquête (78 %). S’agissant du front républicain, ils sont une large majorité (68 %) à considérer qu’il s’agit d’une "tactique permettant aux partis traditionnels de conserver le pouvoir". 76 % seraient favorables à une démission d’Emmanuel Macron, et 91 % déclarent ne pas avoir confiance en l’Assemblée nationale nouvellement élue. Une défiance considérable et inégalée ailleurs dans l’électorat - celui de Reconquête mis à part. Écarté de tous les postes à responsabilité au Palais Bourbon, le RN est marginalisé, et son électorat en tire un immense sentiment d’injustice et de gâchis.Écarté de tous les postes à responsabilité au Palais Bourbon, le RN est marginalisé, et son électorat en tire un immense sentiment d’injustice et de gâchis.Le vote aux législatives, lui, a été porté par trois principaux moteurs. L’adhésion aux propositions du RN sur l’immigration arrive largement en tête, mentionnée par 47 % de leurs électeurs (qui pouvaient choisir jusqu’à trois propositions) - un pourcentage qui grimpe à 55 % chez les hommes de plus de 60 ans et chez les bac+5.On observe également une corrélation entre le niveau de revenu et l’importance des propositions du parti sur l’immigration : 20 points séparent les foyers les plus riches des plus modestes. 37 % de ceux gagnant moins de 1 250 euros par mois retiennent l’immigration comme moteur, 57 % pour ceux dont le revenu mensuel net est supérieur à 5 000 euros. L’immigration enfin est la préoccupation première des électeurs RN s’estimant très satisfaits de leur vie (50 %), loin devant toutes les autres. Le fait que le parti "comprenne mieux et représente mieux les gens comme nous" arrive en seconde position (39 %), avec une sociologie électorale très différente de la première. Il s’agit du premier item retenu par les électeurs les plus défavorisés et les moins diplômés. Premier item aussi pour ceux qui se déclarent très insatisfaits de leur vie. Le "on n’a jamais essayé", enfin, arrive en troisième position, avec une présence notable chez les agriculteurs (68 %). Suivent ensuite, dans un mouchoir de poche, le souhait que Jordan Bardella devienne Premier ministre (32 %), et l’adhésion aux propositions sur les questions sociales (31 %). Le vote barrage contre un candidat se trouvant face au RN arrive, lui, en queue de peloton (15 %).Interrogés sur le contenu des programmes proposés durant la campagne, les électeurs RN jugent prioritaires des mesures qui, paradoxalement, ne les concernent pas. Celle visant à pénaliser financièrement les familles en cas d’absentéisme scolaire (jugée prioritaire pour 60 % des sympathisants RN contre 43 % pour l’ensemble des électeurs) ou celle consistant à restreindre l’accès aux prestations familiales pour les personnes immigrées ayant travaillé moins de 5 ans sur le sol français (50 % contre 37 %) figurent parmi les plus populaires au sein de cet électorat. Ils sont en revanche moins nombreux à soutenir le maintien de l’indexation des retraites sur l’inflation (48 % contre 53 % pour l’ensemble des électeurs) ou l’augmentation du Smic à 1 600€ net (21 % contre 32 %). Ces préférences programmatiques confirment l’existence de classes moyennes conquises par le RN qui n’aspirent pas nécessairement à être aidées mais à être "plus justement" valorisées comme pierres angulaires de notre modèle social. Ce besoin de reconnaissance se matérialise ainsi par une propension relativement moindre à remettre en cause la réforme des retraites. Si son abrogation et le retour à 60 ans figurent au cœur des programmes du RN et du NFP, seuls 16 % des électeurs ayant voté RN au premier tour des élections législatives jugent cette mesure comme étant la plus prioritaire contre 30 % des électeurs du NFP. Face à ces attentes, le blocage politique et parlementaire qui fait suite aux élections législatives est particulièrement mal perçu par les électeurs du RN. Ces derniers sont ainsi 74 % à considérer que l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale - quelle qu’elle soit - est une mauvaise chose contre 65 % pour l’ensemble des Français et 61 % pour les électeurs du parti présidentiel.Lors de la campagne des législatives, le RN promettait un programme en deux temps : celui de "l’urgence" puis celui des "réformes". À défaut de pouvoir conduire celui des réformes dans l’immédiat, il est plus que jamais urgent d’apporter des réponses à un électorat qui s’étend progressivement à l’ensemble des couches sociales, géographiques et générationnelles comme l’ont démontré nos vagues d’enquête depuis plusieurs mois.Interrogés sur le contenu des programmes proposés durant la campagne, les électeurs RN jugent prioritaires des mesures qui, paradoxalement, ne les concernent pas.Avec l’aimable autorisation du Monde , article publié le 30/08/2024.Copyright image : Joel SAGET / AFPImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneJuin 2024Législatives 2024Nos analyses et les principales mesures des programmes d'Ensemble, du Rassemblement National et du Nouveau Front Populaire pour les élections législatives.Consultez l'Opération spéciale 30/08/2024 [Sondage] - Trois tours de scrutin plus tard : état de l'opinion française Institut Montaigne 14/02/2024 Sonder l’esprit du temps : le baromètre de la confiance politique Bruno Cautrès 19/04/2017 Les cinq points à retenir du programme de Marine Le Pen Institut Montaigne