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Élections européennes : un an après, le besoin d'un changement radical

Élections européennes : un an après, le besoin d'un changement radical
 Thierry Chopin
Auteur
Expert Associé - Europe

​Un an après les élections législatives européennes qui ont renouvelé le Parlement et conduit à la mise en place d'une nouvelle Commission, les Européens sont sous le choc de la reconfiguration des relations internationales et de son impact brutal sur leur projet et leurs valeurs. L'UE sera-t-elle capable de dépasser la sidération, d'organiser son indépendance et devenir le point de ralliement des démocraties libérales ?

La fragmentation européenne face aux défis externes

Sidération et désarroi : tels sont les sentiments qui dominent les Européens depuis que les nouvelles institutions européennes - issues des élections européennes (juin 2024) et de la composition de la nouvelle Commission  (novembre 2024) - sont entrées en fonction. Cette année est en effet marquée par les décisions de Donald Trump depuis son retour à la Maison Blanche. Le Président américain avait pourtant annoncé ce qu’il allait faire, que ce soit sur le plan économique, avec l’augmentation des droits de douane – même s’il va plus loin que ce qui était attendu - ou sur le plan géopolitique, en particulier relativement à l’Ukraine - même si le rapprochement entre Washington et Moscou constitue une rupture du camp occidental sans précédent.

Aujourd’hui en Ukraine, et demain sur l’ensemble de sa frontière orientale, le projet européen est menacé par un projet autoritaire et néo-impérialiste du Président russe. La menace est même plus large.

Au-delà de la surprenante brutalité des revirements, les Européens, attaqués sur tous les fronts - économique, sécuritaire ou idéologique - découvrent avec stupeur une méthode qui consiste à utiliser la parole politique pour menacer, contraindre, mentir et trahir sans craindre de trahir les alliés historiques des États-Unis.

Aujourd’hui en Ukraine, et demain sur l’ensemble de sa frontière orientale, le projet européen est menacé par un projet autoritaire et néo-impérialiste du Président russe. La menace est même plus large. Depuis plusieurs années, les principes politiques et juridiques de la démocratie libérale sur lesquels repose l’Union européenne sont pris pour cible. Sur le plan interne, les courants néo-nationalistes hostiles au libéralisme politique remettent en cause les valeurs européennes et prennent en modèle Vladimir Poutine ou Donald Trump.

À l’échelle internationale, l’Union européenne est désormais la seule grande puissance – en tout cas sur le plan économique - à n’être pas soumise à un exercice solitaire et autoritaire du pouvoir sur le plan politique et à la domination d’une oligarchie. Quelques mois seulement après le retour de Trump à la Maison Blanche, il est désormais clair que la nouvelle administration américaine est également lancée dans une guerre idéologique et culturelle contre les “valeurs” et les principes du libéralisme politique et de l’économie sociale de marché au fondement de l’Union européenne. La conférence pour la sécurité à Munich a agi comme un révélateur de cette fracture au sein de l’Occident même.

Il y a plus d’un an de cela, nous avions montré que les dynamiques de fragmentation et de poussée des populismes à l’œuvre dans les États membres et à l’échelle de l’Union risquaient de rendre difficiles la formulation de la réponse européenne et la prise de décision face aux défis et menaces extérieurs notamment. Depuis, dans une situation de vulnérabilité accrue en termes de compétitivité et de sécurité sur le plan externe, encore renforcée par un contexte politique interne où les droites radicales et extrêmes engrangent les succès électoraux - récemment en Pologne, au Portugal et en Roumanie -, l’Europe est d’autant plus exposée que sa fragmentation politique l’empêche de s’entendre et de décider. Le risque de la fragmentation européenne est ainsi politique, économique et stratégique : politique, parce que l’incapacité de décider accroît l’insatisfaction et nourrit le populisme, qui à son tour renforce la fragmentation politique ; économique, parce que l’incertitude politique conduit les acteurs économiques à différer leurs investissements, ce qui pèse sur la croissance et l’emploi ; stratégique parce que l’incapacité de décider nous affaiblit face aux autres puissances. Un système européen fragmenté a plus de difficultés à répondre non seulement aux régimes autoritaires, mais aussi à des États-Unis disposant d’un gouvernement unifié appliquant un programme radicalisé par la polarisation interne. Cette fragmentation européenne et ses conséquences institutionnelles plongent l’Union européenne dans une grande difficulté à se mettre en ordre de bataille face aux défis à surmonter.

Or ces défis sont considérables : guerre sur le continent européen, démocratie libérale prise pour cible ; relations internationales de plus en plus tendues sur le plan économique comme géopolitique ; accélération de la transformation numérique ; etc. Dans un monde aussi instable et conflictuel, la fragmentation politique accrue dans l’UE et aussi dans ses États membres a pour conséquence de creuser l'écart entre l'ampleur des défis à relever et la capacité à s'accorder sur des réponses ambitieuses. D’un côté, l’état de la situation économique et stratégique ainsi que le moment critique dans lequel se trouve l’UE font l’objet d’un consensus, dont a témoigné ces derniers mois la réception des rapports alarmants mais lucides d’Enrico Letta et Mario Draghi sur la compétitivité européenne, mais aussi la prise de conscience récente de la nécessité de réarmer l’Europe dans le contexte de fracture du camp occidental suite au retour de Trump à la Maison Blanche. Mais, de l’autre, la fragmentation et le populisme nationaliste conduisent à de grandes difficultés pour faire front commun et agir en Européens alors que la pression extérieure est très forte.

Des institutions européennes (toujours) en réaction et trop lentes …

Les menaces sont évidentes : politiques agressives de la Russie qui menacent la sécurité européenne ; excédents de production de la Chine qui menacent l’industrie européenne ; domination technologique et financière des États-Unis qui conduisent les entreprises européennes les plus prometteuses à quitter le continent.

Un tel contexte donne, à l’extérieur, l’impression que l’UE et ses États membres sont trop lents dans leurs réactions, incapable de réponses prêtes face à des menaces pourtant anticipables.

 Le contraste est frappant avec la capacité unitaire de décision, de l’autre côté de l’Atlantique, que symbolisent les “Executive Orders” signés par le Président américain. À tout le moins, l’UE semble à nouveau en réaction, et non proactive face aux événements extérieurs. En matière de défense, en dépit de l’annonce du plan “ReArmEurope” (appelé aussi “paquet défense” présenté quelques jours plus tôt par la présidente de la Commission européenne), il manque une stratégie claire, qui soit de nature nous donner les moyens d’assurer nous-mêmes notre sécurité à l’échelle européenne, et de trouver les moyens financiers pour y parvenir. Quelle que soit la réponse choisie, le véritable test résidera dans notre capacité à nous réarmer conformément à l’esprit de l’UE : comment penser de manière concertée, en Européens, c’est-à-dire en investissant dans des capacités de défense communes, si dans le même temps les acteurs politiques nationaux ont pour priorité de réarmer leur propre État ? Coût de duplication, coûts opérationnels d’une interopérabilité limitée entre les armées nationales, coûts politiques d’un fort ralentissement de la construction européenne voire d’une course nationale à l’armement entre les États-membres, coûts stratégiques d’une capacité réduite à développer une base industrielle commune et autonome : les mauvaises décisions seront fortement dommageables.  

Par ailleurs, il semble que nous n’ayons pas non plus une vision claire en matière de technologie et de finance pour combler notre déficit de productivité vis-à-vis des États-Unis : nous n’avançons pas sur l’union des marchés de capitaux alors que les besoins d’investissements dans les transitions énergétique et numérique sont immenses ; et la proposition législative sur l’euro numérique qui date d’il y a deux ans n’a toujours pas été adoptée par la branche législative de l’UE.

Si demain Trump demandait à Visa et Mastercard de suspendre leurs services en Europe pour faire pression sur les Européens, 13 pays de la zone euro seraient dans l’incapacité de faire des paiements par carte ou de retirer de l’argent au distributeur.

Si demain Trump demandait à Visa et Mastercard de suspendre leurs services en Europe pour faire pression sur les Européens, 13 pays de la zone euro seraient dans l’incapacité de faire des paiements par carte ou de retirer de l’argent au distributeur. On ne peut pas s’étonner dans ces conditions de ne pas combler le retard avec les États-Unis et de sembler immobile face à la Chine. Face au dumping chinois qui menace de détruire les industries européennes, et notamment le secteur de l’automobile, de la chimie et de l’acier mais aussi les technologies vertes, les plans d’urgence ainsi que les déclarations d’intention bienvenues de la part de la Commission européenne dans la “Boussole de compétitivité” et le “Pacte pour une industrie propre” doivent être mis en œuvre le plus rapidement possible afin d’apporter des réponses aux problèmes clés auxquels est confrontée l’industrie européenne pour renforcer sa compétitivité dans un tel contexte : le coût de l’énergie ; le niveau de soutien financier ; et le degré de protection contre la concurrence déloyale d’acteurs extra-européens.

 On pourra se réjouir de l’agenda de simplification et du projet Omnibus considérant qu’une telle revue des politiques réglementaires européennes constitue un exercice utile s’il renforce la compétitivité des entreprises européennes sans conduire à une dérégulation excessive. Il est néanmoins très important de souligner que la simplification réglementaire ne peut pas venir uniquement du niveau européen mais aussi du niveau national. En effet, la réglementation européenne peut constituer une source de simplification quand elle remplace la règle nationale ; ce faisant, elle devient non seulement une source de simplification mais aussi d’unification et d’harmonisation du marché unique.

En outre, pour ce qui relève des mesures législatives à prendre, la Commission doit contribuer à faire prendre la mesure de l’urgence notamment au Parlement européen, où jusqu’à présent on voit surtout le PPE créer la confusion et affaiblir la Commission, en votant régulièrement avec les partis de la droite conservatrice et radicale et d’extrême-droite (au moins pour amender ou retarder des textes). Plusieurs votes d’abord consultatifs puis législatifs (par exemple sur le report de l’interdiction de la déforestation importée) ont donné lieu à des négociations entre le PPE et ECR, qui ont débouché sur des compromis majoritaires bénéficiant des voix d’appoint des deux groupes d’extrême droite. Il reste à évaluer si cette convergence traduit un rapprochement idéologique susceptible de se reproduire dans la durée, au risque de générer des oppositions des sociaux-démocrates et d’une partie des libéraux, ou si elle relève davantage d’un coup de semonce tactique de la part du PPE. Il revient donc aussi au parti de la Présidente de la Commission de prendre la mesure de l’urgence et de sa propre responsabilité. Le nouveau chancelier allemand, Friedrich Merz pourrait y aider fortement.

La nécessité d’une réflexion stratégique européenne

La situation critique dans laquelle les Européens sont plongés a le mérite de clarifier les objectifs : l’enjeu de souveraineté européenne est désormais très clairement articulé sur celui d’ ”indépendance” - pour reprendre le mot utilisé à la fois par Friedrich Merz et Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne. Mais cette prise de conscience doit s’accompagner d’une compréhension claire du monde dans lequel nous vivons, d’une définition précise des moyens dont nous avons besoin pour atteindre cet objectif d’”indépendance” et d’organiser la logistique pour cela dans le cadre d’une programmation quasi ”militaire”.

Le meilleur point de comparaison historique de ce qui se produit sous nos yeux est sans doute la période ayant conduit à la Première Guerre mondiale.

Toute réflexion stratégique sur la réponse européenne doit d’abord reposer sur une claire compréhension de larévolution des relations internationales en cours. Le meilleur point de comparaison historique de ce qui se produit sous nos yeux est sans doute la période ayant conduit à la Première Guerre mondiale : compétition et rivalité entre les principales puissances de la planète ; puissances  ayant des visées néo-impérialistes et néocoloniales et cherchant à s’entendre sur un partage du monde, le contrôle des voies maritimes et des ressources ; situation dans laquelle les puissances internationales en question utilisent les instruments de coercition de la monnaie et de la politique commerciale pour établir un nouvel ordre mondial afin d’obliger les “colonies” à commercer avec la métropole selon leurs règles.

 Cette stratégie à l’œuvre aux États-Unis, en Chine et aussi en Russie ne ressemblerait-elle pas à un retour de la “politique de la canonnière” ? La leçon de l’histoire de cette période est bien connue : ces visées peuvent conduire à des jeux d’alliances entre ces puissances (à court terme des concurrents peuvent se retrouver alliés) ou bien à l’inverse à des confrontations majeures les unes contre les autres.

Par ailleurs, l’autre élément caractéristique de ces nouvelles relations internationales réside dans l’affirmation dominante d’une logique oligarchique autoritaire et illibérale. Alors que les États-Unis se voulaient l’exemple du gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple – conformément à la vision d’Abraham Lincoln –, ils sont désormais le théâtre d’un gouvernement de quelques milliardaires pour eux-mêmes, s’appuyant sur leur pouvoir médiatique, financier et désormais exécutif contre les oppositions domestiques. Ils rejoignent ainsi la pratique du pouvoir à l’œuvre en Russie (concentrant le pouvoir économique et politique dans les mains de Poutine et de ses proches) et en Chine (autour du parti communiste chinois). Si une telle logique n’est pas inédite, comme l’a montré la situation de l’entre-deux-guerres, ce qui est nouveau aujourd’hui réside dans les moyens dont disposent ces nouvelles oligarchies illibérales. De tels moyens leur donnent la capacité de reconfigurer les rapports de force vis-à-vis desquels l’UE et ses États membres se retrouvent très isolés et dans une position de forte vulnérabilité compte tenu du poids démographique, économique et de la puissance militaire représentés par cette “alliance” - même non formalisée - des oligarchies autoritaires et illibérales constituées autour des orbites américaine, chinoise et russe. Cette “alliance” contre nature trouve son point de convergence dans l’attaque contre ce qu’incarne l’UE : une communauté politique et juridique qui reste attachée à un ordre démocratique et libéral constitutionnel qui protège les libertés, ainsi qu’à la règle de droit - gage de stabilité et de confiance tant sur le plan politique qu’économique - et qui repose sur la séparation et l’équilibre des pouvoirs.

Un nouveau régime de la politique internationale est ainsi en train d’émerger avec le passage d’une dynamique politique qui reposait sur l’opposition entre démocraties libérales et régimes autoritaires à un ordre international désormais dominé par le double clivage entre oligarchies et non-oligarchies sur le plan politique, d’un côté, et entre économie de marché libérale et capitalisme illibéral, de l’autre, qui s’accommode de politiques mercantilistes ou d’une diplomatie de la «”canonnière”. Dans un tel contexte, l’UE et ses États membres se retrouvent dans un rapport du faible au fort. Pour résister au fort, les Européens doivent maintenir leur cohésion et leur unité autour des principes politiques au fondement de l’UE. Et ils doivent montrer qu’ils sont une force géopolitique qui se fait respecter, qui a de nombreux alliés, et qui soutient ceux qui veulent suivre sa voie. Si l’Union européenne devient le point de ralliement des démocraties libérales et des économies ouvertes, si son soutien à l’Ukraine reste suffisamment fort même dans l’adversité et si les États membres se dotent des moyens de se protéger efficacement et de façon solidaire contre un envahisseur potentiel, alors l’Union européenne peut protéger sa souveraineté. Au-delà, éviter l’inféodation au fort suppose que les Européens réalisent leur “marche vers l’indépendance” pour reprendre l’expression récemment utilisée par la présidente de la Banque Centrale Européenne, et s’organisent pour développer cette indépendance secteur par secteur.

Faire front commun et incarner la “marche vers l’indépendance” de l’UE

Dans une telle situation, la question clé est donc de savoir comment organiser un tel système politique fragmenté pour faire front commun face aux défis et aux menaces ?

Sur le plan institutionnel, l’expérience des crises récentes suggère deux pistes. La première est celle d’un front uni des chefs d’institutions pour s'entendre sur quelques priorités et concentrer le capital politique sur celles-ci. Au niveau européen, c’est ce qui a permis de sortir de la crise de la dette souveraine : la réforme de la gouvernance économique de la zone euro fut le résultat d’un agenda commun défini dans un rapport cosigné par les présidents des principales institutions européennes (Commission européenne, Banque Centrale européenne, Conseil européen, Eurogroupe, Parlement européen). La seconde consiste à désigner une personnalité pour conduire les négociations sur la base d’un mandat qui lui est confié par les autorités politiques, en rapportant régulièrement à celles-ci, et en s’appuyant sur l’administration publique de manière transversale. Au niveau européen, c’est ce qui avait été mis en place dans le contexte du Brexit et qui avait permis de garantir l’unité et la cohésion européennes dans les négociations avec le Royaume-Uni. Une solution similaire pourrait être adoptée pour défendre les positions européennes et engager le bras de fer avec Trump, avec Poutine ou avec Xi. Ce seraient là des moyens pratiques pour remédier aux faiblesses inhérentes d’un système politique fragmenté et incarner les valeurs et intérêts européens dans la compétition géopolitique et économique mondiale.

Nous avons besoin d’une figure qui incarne l’unité européenne et qui prépare de façon multisectorielle la stratégie de l’Union en réponse à ces dirigeants autoritaires. Les Européens ont besoin d’incarner cette “marche vers l’indépendance” et de penser l’organisation ainsi que la mise en œuvre de celle-ci. Ils doivent se donner l’objectif de parler d’une seule voix et de manière suffisamment forte pour être audible et peser. Ils doivent enfin penser cette stratégie et la mettre en œuvre pour en optimiser l’efficacité. Malgré leur fragmentation et leur polyarchie, l’Union européenne et ses États membres doivent mettre en œuvre le principe selon lequel les Européens seront plus forts ensembles. Dans le domaine militaire comme dans le domaine économique, cela ne peut être mis en œuvre par la coopération, cela suppose l’union. Pour cela, ils doivent s’organiser et se mettre en ordre de bataille.

Si nous ne sommes pas unis, nous nous exposons à un appauvrissement progressif et à perdre la maîtrise de notre destinée. C’est la grande leçon du rapport de Mario Draghi. Il n’y a pas de politique industrielle, énergétique, technologique ou financière européenne possible si les États membres cherchent avant tout à protéger leurs industries respectives et ne parviennent pas à penser et à agir “en Européens”.

Sur un plan plus directement politique, résoudre ce problème n’est possible qu’en sortant du jeu à somme nulle actuel dans lequel chaque acteur pense pouvoir améliorer la situation en affaiblissant les autres. Nous devons retrouver le sens de l’intérêt commun, au niveau national comme européen. Car les principaux risques, qu’ils soient stratégiques ou économiques, viennent d’ailleurs. Si nous ne sommes pas unis, nous nous exposons à un appauvrissement progressif et à perdre la maîtrise de notre destinée. C’est la grande leçon du rapport de Mario Draghi. Il n’y a pas de politique industrielle, énergétique, technologique ou financière européenne possible si les États membres cherchent avant tout à protéger leurs industries respectives et ne parviennent pas à penser et à agir “en Européens”.

Il ne peut y avoir de changement politique fort au niveau européen sans capacité à penser une politique proprement européenne, c’est-à-dire une défense européenne, une industrie européenne, une finance européenne, une recherche européenne, qui ne se réduisent pas aux plus petits dénominateurs communs des positions des États membres à Bruxelles. Lors des crises récentes, c’est précisément la capacité à inventer une nouvelle façon de faire et à dépasser certains tabous nationaux – du plan de relance européen à l’achat en commun du gaz en passant par la production commune des vaccins – qui a permis de se mettre à la hauteur des défis posés.

Si les Européens ne s’engagent pas dans cette direction, ils resteront sous le feu – sur les fronts économique, sécuritaire et idéologique – de tous ceux qui refusent qu’ils soient indépendants face au retour des rapports de force brutaux et des ambitions néo-impériales. Pour le dire autrement, et dans le contexte de changement de paradigme actuel, les Européens doivent être en capacité de s’allier s’ils ne veulent pas se laisser diviser et conquérir ! Comme le dit Mario Draghi,Radical change is needed” !

Copyright FREDERICK FLORIN / AFP


Des soldats de l’Eurocorps lors de la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, à Strasbourg, devant le Parlement européen, le 7 mai 2025

 

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