AccueilExpressions par MontaigneDocteurs étrangers : une chance pour la FranceL'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.10/05/2011Docteurs étrangers : une chance pour la France SantéImprimerPARTAGERAuteur Maylis Brandou Directrice adjointe Tribune publiée dans le cadre de notre partenariat avec L'Etudiant/Educpros.frSi le brain drain des docteurs français vers les États-Unis ou la Grande-Bretagne notamment est souvent évoqué, l’attractivité des docteurs étrangers vers la France est moins médiatique, alors même qu’outre-Atlantique ils sont très courtisés. " Ces jeunes docteurs étrangers sont une chance pour notre pays ", affirme l’Institut Montaigne dans une tribune publiée en exclusivité par EducPros pour le septième volet de notre partenariat.C’est l’époque de l’année où les jeunes lycéens français qui préparent depuis des mois, voire plus, une admission dans une université britannique, canadienne ou états-unienne doivent arrêter leur choix pour la rentrée prochaine. Phénomène marginal dira-t-on pour se rassurer, qui toucherait principalement les élèves des lycées français de l’étranger ou de certains établissements parisiens. On ne sait pas quantifier ce flux sortant, mais il concerne nos élèves les mieux formés et les plus exposés à la globalisation, d’une part, et il connaît sans doute une accélération, d’autre part.Écoutons Howard Davies, alors directeur de la London School of Economics (LSE), soutenir avec un brin de provocation que son établissement était devenu "une grande école française en exil à Londres", lors d’un passage à Paris fin octobre 2007. Près de 250 Français étaient alors inscrits à la LSE, "deux fois plus qu'il y a cinq ans", avec une part croissante d’élèves venant de classes préparatoires.Une mobilité qui évolueEn une génération, la mobilité étudiante a beaucoup évolué. Structurée par les échanges Erasmus et la possibilité de partir étudier une courte durée (une année au maximum), elle fut à l’origine européenne et plutôt concentrée sur la fin des études supérieures (l’actuel M1 ou M2). Cette mobilité est aujourd’hui plus précoce, dès le Bachelor, et vise clairement l’obtention d’un diplôme. Elle est de plus en plus longue, parfois pour la durée entière des études, et internationale.Études pour happy few dotés d’un solide capital culturel – une très bonne maîtrise de l’anglais – et de moyens financiers conséquents ? Ou mouvement d’une avant-garde qui préfigure des flux plus importants dans un avenir proche ? Le pouvoir de séduction des universités britanniques et nord-américaines repose sur tout un écosystème et un véritable savoir-faire en matière de marketing et de communication. Cette forte attractivité est entretenue par les classements internationaux.Ajoutons qu’au niveau postbac, peu d’établissements français tirent leur épingle du jeu : Sciences po bien sûr, mais aussi Dauphine, l’INSA de Lyon, les doubles cursus organisés au sein du PRES (pôle de recherche et d’enseignement supérieur) Sorbonne Universités et la Toulouse School of Economics, qui déploiera bientôt un cursus de Bachelor. Toujours pas de college au sein de ParisTech néanmoins…Qui sont les docteurs français en mobilité et les docteurs étrangers en France ?Si les effectifs concernés sont encore assez marginaux pour les études de niveau undergraduate, il n’en va pas de même pour le doctorat. Parue en décembre 2010, l’étude Gone for Good ? Partis pour de bon ? Les expatriés de l’enseignement supérieur français aux États-Unis rappelle les caractéristiques de cette mobilité :• ce sont les meilleurs chercheurs, les plus productifs et les plus intégrés sur le plan international, qui partent ; • la grande majorité d’entre eux ont reçu une formation d’excellence gratuite et parfois même rémunérée au sein de nos grandes écoles, ce qui pose la question du " retour sur investissement " ; • le brain drain touche désormais tous les domaines, particulièrement les sciences.Cette mobilité sortante de nos doctorants ou docteurs est-elle compensée par une mobilité entrante de même ampleur et de même qualité ?Sur la scène internationale, ce sont les États-Unis qui accueillent le plus grand nombre de doctorants étrangers (129.380), suivis du Royaume-Uni (34.014) et de la France (27.885). Mais, si l’on considère la part des étudiants étrangers rapportée à la totalité des doctorants, la France se classe deuxième (40 %) derrière le Royaume-Uni (42 %) et juste devant les États-Unis (28 %) (1).Majoritairement d’origine africaine (39 %) et asiatique (30 %), le nombre de doctorants étrangers en France, qui en 2009-2010 représentaient 41 % de l’ensemble des doctorants de l’Hexagone, a augmenté de 11 % entre 2005 et 2009, pendant que celui des doctorants français baissait de 13 % sur la même période. Selon CampusFrance, "cet accroissement quantitatif est également qualitatif puisqu’il montre que le niveau des étudiants étrangers a tendance à augmenter en France" (2). De quoi nous rassurer sur notre capacité à tirer notre épingle du jeu dans la compétition internationale…Insertion des docteurs : le point faibleCes jeunes docteurs étrangers sont une chance pour notre pays. Sommes-nous en mesure de leur offrir une insertion sur le marché du travail à la mesure de ce qu’un Ph.D (Doctor of Philosophy) offre dans d’autres pays ? En effet, la France est un des seuls pays de l’OCDE où le doctorat reste peu valorisé. Les docteurs français ne bénéficient pas de la reconnaissance sociale qui accompagne l’obtention d’un doctorat aux États-Unis, en Allemagne ou au Royaume-Uni, par exemple.À ce titre, l’étude Adapter la formation des ingénieurs à la mondialisation, parue en février 2011, montre combien les entreprises françaises sont rétives à accueillir et à recruter des docteurs, même pour des postes de recherche : seuls 15 % des chercheurs en entreprise sont des docteurs, alors que 50 % sont des ingénieurs.La France affiche également un taux de chômage de ses docteurs en moyenne trois fois supérieur à celui des autres pays de l’OCDE. La comparaison est frappante : l’insertion des docteurs est aussi aléatoire que celle des bac+2. Trois ans après l’obtention de leur diplôme, le taux de chômage des bac+2 peut varier de 1 à 16 %, contre 2 à 15 % pour les docteurs (3). Une analyse des parcours d’insertion professionnelle a permis d’identifier que la principale difficulté des docteurs n’était pas l’obtention d’un emploi mais plutôt la stabilisation dans l’emploi : "39 % des docteurs diplômés en 2001 ont connu, entre 2001 et 2004, une trajectoire professionnelle difficile. 25 % sont restés dans des emplois à durée limitée, 8 % ont connu une trajectoire de chômage persistant, 6 % ont basculé d’un emploi (généralement à durée limitée) vers le chômage." (4)La France mal accueillanteLes modalités d’accueil et surtout de séjour en France pour les chercheurs non communautaires sont complexes. Selon un sondage réalisé par la Confédération des jeunes chercheurs en mai 2010, "après les réponses obtenues auprès de 984 chercheurs doctorants hors UE, 25 % disposent d’un titre de séjour mention “scientifique”, 60 % ayant le titre d’étudiant qui n’est nullement adapté" Bien qu’existant depuis 2005, "le titre de séjour scientifique reste méconnu : il y a un problème de communication au niveau des universités, comme au niveau des préfectures et des ambassades" (5).L’obtention d’une "carte bleue" européenne pour les travailleurs "hautement qualifiés;", proposée dans le projet de loi 2010 relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité adopté par l’Assemblée nationale, est soumise à trois conditions cumulatives et contraignantes (6), et n’entend pas se substituer à la carte de séjour temporaire portant la mention "scientifique". Ces dispositifs ne permettent pas de lever tous les obstacles auxquels sont confrontés les jeunes chercheurs non communautaires qui souhaiteraient s’installer en France à l’issue de leurs études. Certains établissements (7) accueillant des chercheurs étrangers ou tout employeur du secteur privé signant un contrat de travail avec un étranger doivent s’acquitter d’une "taxe employeur" dont le montant dépend de la durée du contrat, pouvant atteindre 60 % du salaire mensuel si le contrat est supérieur ou égal à 12 mois.L’université française progresse et suscite un regain d’intérêt sur la scène internationale. Si elle veut continuer à progresser qualitativement, elle doit impérativement chercher à mieux comprendre les mobilités de ses élèves, particulièrement aux deux bouts – si importants – de la chaîne : le Bachelor et le doctorat.(1) CampusFrance, La promotion internationale des études doctorales en France, n° 28, février 2011. (2) Ibid. (3) Données issues de l’enquête "Génération 2004" du Céreq, De l’enseignement supérieur à l’emploi : voies rapides et chemins de traverses, 2009. (4) Rapport du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche L’état des lieux de l’emploi scientifique en France, février 2007. (5) Cécile Frolet, la Confédération des jeunes chercheurs, dépêche AEF, 13 juillet 2010. (6) Être détenteur d’un bac+3 ou avoir cinq ans d'expérience professionnelle, justifier d'un contrat ou d'une promesse d'embauche pour au moins un an. S'ils peuvent justifier d'un contrat, il faudra que le salaire mensuel soit d'au moins 3.991 €. (7) Exception faite de certains établissements publics : la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, en son article 84, modifie le code des étrangers et exonère certains établissements publics de la taxe employeur due à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Après le septième alinéa de l'article L. 311-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa : "Sont exonérés de la taxe prévue au premier alinéa les organismes de recherche publics, les établissements d'enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant un grade de master, les fondations de coopération scientifique, les établissements publics de coopération scientifique et les fondations reconnues d'utilité publique du secteur de la recherche agréées conformément à l'article L. 313-8 qui embauchent, pour une durée supérieure à trois mois, un ressortissant étranger aux fins de mener des travaux de recherche ou de dispenser un enseignement de niveau universitaire, quels que soient la durée du contrat et le montant de la rémunération."ImprimerPARTAGER