AccueilExpressions par Montaigne[À contrevoix] - Faut-il supprimer l’âge légal de départ à la retraite ?La plateforme de débats et d’actualités de l’Institut Montaigne Société29/10/2025ImprimerPARTAGER[À contrevoix] - Faut-il supprimer l’âge légal de départ à la retraite ?Auteur Marc de Basquiat Ingénieur et économiste français Auteur Henri Sterdyniak Économiste français Le sujet en image :Voir l'infographie> Télécharger le pdf Découvreznotre série À contrevoix60, 62, 64, 65, 67 ans : qui saura compléter la suite logique ? Depuis l’instauration, par l’ordonnance du 4 octobre 1945, du régime par répartition, la question des retraites demeure un point de clivage politique indémêlable. La réponse par l’âge légal, option privilégiée par l’ensemble des gouvernements, ne nous prive-t-elle pas d’autres leviers ? Entre quête de justice et quête d’équilibre, prise en étau entre l’allongement de l’espérance de vie et la baisse du taux de fécondité, la question des retraites nécessite une approche à la fois plus systémique et plus adaptée à la réalité du travail aujourd’hui. Et si la solution était tout simplement de supprimer l’âge légal ? Marc de Basquiat et Henri Sterdyniak en débattent dans ce nouvel épisode d’[À contrevoix]. L’âge légal de départ, longtemps envisagé comme une solution, n’est-il pas devenu le problème aujourd’hui ?MARC DE BASQUIAT : "Âge légal" : c’est le cœur du problème. L’expression cristallise trois enjeux démocratiques majeurs. La question du pacte social, la question de l’équité, la question de la communication ou de la pédagogie politique, qui est moins anecdotique qu’on pourrait le croire. D’abord le pacte social. Chaque actif a cotisé tout au long de sa vie. Quand, pour réformer le système des retraites, on change les règles du jeu en cours de route et que l’on remet en cause les droits acquis, il est naturel que cela soit perçu comme une injustice révoltante. Ensuite la question de l’équité. Le report de l’âge légal de départ à la retraite n’a pas le même effet selon le niveau des revenus. Celui dont on allonge la durée de cotisation alors qu’il dispose d’un bon salaire cumule plus de droits et améliore en proportion le montant de sa retraite. Il y trouve donc son intérêt, c’est "rentable". Mais celui qui touche un petit salaire ne constate aucune amélioration significative du montant de sa retraite s’il travaille un an de plus : pour les futurs bénéficiaires du minimum vieillesse (ASPA), l’effet est nul, et en cas de toute petite retraite, cela ne change presque rien non plus. Travailler plus sans rien gagner de plus : le report du départ n’apporte aucun retour sur investissement pour les plus fragiles. Évidemment que cela génère des manifestations ! Les gouvernements successifs ont beau chercher à retarder l’âge de départ à la retraite pour toucher le double dividende qui en résulte - moins de retraites à verser car moins de retraités, plus de cotisations perçues car plus d’actifs -, la légitimité de cette mesure n’est pas évidente pour tout le monde. Enfin, de façon moins anecdotique qu’on croit, il y a un problème de communication, de choix des mots : s’il existe un âge "légal", doit-on comprendre que ne pas suivre l’évolution serait illégal ? Un actif qui part à la retraite de façon anticipée, avant l’âge "légal", pour des raisons personnelles qui peuvent être infiniment légitimes (les aléas de l’existence, des problèmes de santé ou familiaux) reçoit le message qu’il est "en dehors des clous", "hors la loi". C’est assez violent, et injuste, de se l’entendre dire. L’intérêt macroéconomique évident d’un report de l’âge légal ne se traduit pas au niveau "micro" des individus. L’âge légal est une approche problématique de la question. Au fond, c’est pour cela qu’après des années de débats parfois violents, le Premier ministre Sébastien Lecornu a été contraint le 14 octobre 2025 de suspendre la réforme deux ans et demi après sa promulgation. Dès lors, il faut reprendre la question fondamentale : comment équilibrer un système financé par la collectivité pour la collectivité ?HENRI STERDYNIAK : En réalité, c’est plutôt que l’âge légal de départ à la retraite n’existe pas, ou seulement par abus de langage. Il y a un âge ouvrant le droit à la retraite. Aujourd'hui, il est de 62 ans, ou de 64 ans pour les personnes nées à partir du 1er janvier 1968 qui sont concernées par la réforme de 2023. Il y a aussi un âge ouvrant le droit à la retraite à taux plein (sans décote, c’est-à-dire sans minoration du montant de la retraite en fonction du nombre de trimestre cotisés) à 67 ans, et un âge auquel votre entreprise peut vous mettre en retraite d’office, sans procéder à un licenciement, 70 ans. Il est aussi possible de partir plus tôt que l’âge affiché en fonction de plusieurs facteurs : pénibilité, âge où l’on a commencé à travailler, etc. Le panel des possibles est large, le système est modulable ! HENRI STERDYNIAK : On vit plus longtemps : rien de choquant à reculer en conséquence l’âge ouvrant le droit à la retraite. Pour qu’un système social marche, il faut des règles, qui tiennent compte des contraintes macroéconomiques. Vous parlez de justice et considérez qu’il est inique de repousser l’âge de départ. Oui, mais les âges de la vie ont reculé. On commençait à travailler jadis à 16-18 ans, maintenant c’est plutôt 20-22 ans. Sous l’effet de l’allongement de la durée des études, tout a été reporté : mise en couple, naissance des enfants, etc. En parallèle, on vit plus longtemps : rien de choquant à reculer en conséquence l’âge ouvrant le droit à la retraite. Pour qu’un système social marche, il faut des règles, qui tiennent compte des contraintes macroéconomiques. Notre système actuel est-il dans un état si critique qu’on le dit ?MARC DE BASQUIAT : L’équation est mathématiquement simple, politiquement explosive. Il y a cinq variables : le nombre de cotisants, le salaire moyen et le taux de cotisation d’un côté. Le nombre de retraités multiplié par la moyenne du montant des pensions, de l’autre. Avec le basculement démographique, l’équation ne tient plus. Les actifs ne font plus le poids.L’INSEE ne laisse aucun doute : les salaires du privé perçoivent un quart (25,6 %) du PIB (2 600 milliards d’euros) et le montant des pensions (retraites et chômage) atteint 14 % du PIB. Les retraités sont 17 millions, soit 25 % de la population française, face aux 26,9 millions d'actifs ayant un emploi et 2,8 millions de personnes au chômage. MARC DE BASQUIAT: Le financement des retraites rejoint un autre enjeu central pour l’équilibre social du pays : le travail ne paie pas assez.Le poids financier des retraités va continuer à augmenter, non seulement dans le budget de l’État, mais aussi en proportion des fiches de paye : un salarié payé au SMIC reçoit 72 % de ce qu’il coûte à son employeur, mais un salarié payé à l’équivalent de trois fois le SMIC n’en touche effectivement que 47 %, moins de la moitié, tandis que 19 % sont versés sous forme de cotisations retraites. Le financement des retraites rejoint un autre enjeu central pour l’équilibre social du pays : le travail ne paie pas assez.Est-il tenable d’assurer aux retraités le même niveau de vie qu’aux actifs et de, sans cesse, augmenter le taux de cotisation pour tenir compte de la dégradation démographique ? Peut-on renoncer à augmenter les salariés pour soutenir des retraités toujours plus nombreux ? Compte tenu des taux de prélèvement actuels, cela paraît impensable.Il ne s’agit évidemment pas de remettre en cause le choix de société, légitime, d’un financement collectif des retraites mais de s’assurer qu’il soit viable dans la durée.HENRI STERDYNIAK : Face à ceux qui prétendent que le système va s’effondrer, la réponse est simple : cela n’est justifié par rien. L’État a mis en place le Conseil d’Orientation des retraites (COR), dont les prévisions courent jusqu’à 2070. Ses conclusions : le système est stable. En 2025, le déficit devrait atteindre 6,6 milliards d’euros pour se stabiliser autour de ce montant jusque vers 2030, si la réforme de 2023 est maintenue. Notre organisation du système de retraite est adaptable : on peut arbitrer entre trois paramètres : le recul de l’âge de départ, la baisse du niveau de vie des retraités ou l’augmentation des cotisations. Quoi qu’il en soit, le poids des retraites dans le PIB serait assez stable : de l’ordre de 13,4 % (12,5 % si on tient compte de la Contribution sociale généralisée (CSG) payée par les retraités). Le COR prévoit que le taux relatif des retraites baissera de 10 % dans les années à venir ; c’est un choix qui peut être remis en cause si les actifs acceptent une hausse du taux de cotisation. Donc, loin de supprimer l’âge de départ à la retraite, il conviendrait d’inscrire le droit à la retraite, qui est un droit social, dans la Constitution. Toute réforme des retraites ne risque-t-elle pas d’être perçue comme la remise en cause du pacte social ?MARC DE BASQUIAT : Il faut rassurer la société sur le fait que le système de retraite est robuste et stable. Cette assurance partagée renforcerait le pacte social. Si l’on reste dans le système actuel, certaines concessions pourraient maintenir l’équilibre : on peut imaginer qu’à moyen terme, le niveau de vie des retraités soit ramené à 90 % du niveau de vie des actifs, par exemple. En revanche, augmenter le taux de cotisation est une aberration, cela détruirait le dynamisme économique du pays.HENRI STERDYNIAK : Mais les cotisations retraites ne sont pas un prélèvement sans contrepartie ! Préserver le niveau actuel des cotisations n’est pas parasiter le salaire des actifs, surtout que certains avantages des retraités ont été rabotés : ils s’acquittent de la CSG (la contribution sociale généralisée, un impôt prélevé sur les revenus d'activité mais aussi sur les revenus de remplacement tels que la pension retraite ou les allocations chômage, qui sert à financer la protection sociale) et leur retraite n’est pas systématiquement indexée. Les cotisants sont aussi bénéficiaires du système ! MARC DE BASQUIAT: Pas exactement… Faire valoir que les cotisations ne sont pas un impôt mais un salaire différé, que l’on se paye "à soi", est vrai et faux à la fois. En s’acquittant des cotisations retraite, on se constitue des droits mais c’est un effet de deuxième ordre : le système français fonctionne d’abord par mutualisation. Le système des retraites est un système au présent : les cotisations versées par les employeurs actuels financent les pensions des retraités actuels. Or, le ratio des actifs par rapport aux salariés se dégrade. Les gouvernements successifs ont beau chercher à retarder l’âge de départ à la retraite pour toucher le double dividende qui en résulte - moins de retraite à verser car moins de retraités, plus de cotisations car plus d’actifs, ce qui séduit Bercy - la légitimité de ces prélèvements est une question de fond. Il faut cesser de piloter le système via l’âge légal. Pourquoi imposer aux citoyens un âge légal ? C’est mal accepté par le pays.HENRI STERDYNIAK : Le système actuel permet déjà de choisir de retarder son départ à la retraite pour celles et ceux qui le souhaitent : 62, 64, 67, 70 : autant de paliers possibles. Surtout, n’oublions pas qu’il faut être deux pour prolonger sa carrière : le salarié, et l’entreprise ! Sans même parler de la question de l’éventuelle diminution des capacités des salariés les plus âgés, la France est un pays où la promotion à l’ancienneté est très forte : les salariés qui dépassent 65 ans ont souvent des salaires élevés qui sont difficiles à conserver pour l’entreprise, et la "dé-promotion" passe mal.HENRI STERDYNIAK : la liberté aboutirait à des catastrophes ! Pour des raisons macro-économique, il faut que l’on travaille plus longtempsPeut-être que le système semble, du point de vue individuel, contraire à la liberté, mais la liberté aboutirait à des catastrophes !Pour des raisons macro-économique, il faut que l’on travaille plus longtemps, en prévoyant un âge pivot, qui donne un niveau de retraite satisfaisant.Pour que le système soit équitable pour les actifs, la Constitution devrait préciser que les droits à la retraite, acquis en cotisant, sont des droits sociaux et qu’ils seront respectés, en tant que droits sociaux. Il est donc légitime que l’âge ouvrant le droit à la retraite recule comme la durée de vie, que les retraités subissent, si nécessaire, le même effort en termes de niveau de vie que les actifs.Comment, concrètement, fonctionnerait un système de retraite sans âge légal ? Quel serait le système idéal ?MARC DE BASQUIAT : Si on cesse de vouloir piloter le système en faisant évoluer un "âge légal", on entre dans une autre logique : que chacun puisse exercer sa liberté de choix à partir de règles très claires, en comprenant les conséquences de son choix - notamment en termes de décote. Chaque citoyen dispose déjà d’outils pour se projeter : InfoRetraite.fr permet de faire des simulations. On peut encore le simplifier et l’améliorer. Dans l’absolu, un bon système pourrait se concevoir en trois étages : Premier étage : la garantie d’une pension minimale, systématique, financée par un prélèvement dédié. Ce socle pourrait être versé dès 65 ans et serait financé par une contribution de tous les retraités, qui assureraient ainsi un transfert systématique à tous ceux de leur génération. Il s’agit donc de penser la mise en place d’une solidarité intra-générationnelle. Deuxième étage : la retraite par répartition. Je suis favorable à un système unifié à points, comme cela avait été proposé en 2019, qui rend les règles nettement plus claires. Si un tel système était mis en place, à la date de liquidation des droits à la retraite, on additionnerait toutes les cotisations accumulées au cours des années d’activité du salarié et l’on diviserait ce montant par l’espérance de vie de son âge pour obtenir la rente mensuelle versée au retraité, avec quelques coefficients d'ajustement. La pénibilité devrait être compensée par l'employeur : dès lors que c’est lui qui a besoin d’avoir recours à des emplois pénibles, son entreprise devrait payer une sur-cotisation "pénibilité du travail" déterminée avec les représentants syndicaux, sans qu’il revienne à la collectivité de la prendre en charge. Par ailleurs, le montant de la pension versé serait ajusté en fonction d’un coefficient annuel prenant en compte l'évolution démographique. Il y a en France de plus en plus de retraités et de moins en moins d'actifs, cela doit nécessairement avoir un effet dégressif sur les retraites, qu’on le veuille ou non. Ce coefficient devrait être très clair et voté une fois par an, pour établir un rapport équilibré entre les cotisations et les pensions. La difficulté est politique : assumer l’abandon d’un maintien égal du niveau de vie entre actifs et retraités.MARC DE BASQUIAT : Pourquoi la capitalisation française devrait-elle prendre la forme des systèmes anglo-saxons ? Cela ne me paraît pas du tout évident. Le meilleur "capital-retraite" est aujourd’hui la propriété immobilière.Troisième étage : une retraite par capitalisation. On loue sans cesse les fonds de pension anglo-saxons, qui détiennent une bonne part du capital des entreprises privées. Pourquoi la capitalisation française devrait-elle prendre la forme des systèmes anglo-saxons ? Cela ne me paraît pas du tout évident. Le meilleur "capital-retraite" est aujourd’hui la propriété immobilière. Il reviendrait toujours à la liberté et à la responsabilité de chacun de se créer son capital en prévision de ses vieux jours, les individus étant bien sûr accompagnés par diverses mesures d’incitation et de prévoyance.HENRI STERDYNIAK : Je ne vois rien de très révolutionnaire ! Il existe déjà un minimum vieillesse. MARC DE BASQUIAT: Ce n’est pas un socle.HENRI STERDYNIAK : Il devrait en effet être généralisé et rendu systématique. Le nombre de non-recours est un sujet de préoccupation sérieux.Je considère aussi qu’un système à points de valeur différenciée serait une solution efficace, à condition, pour qu’il soit équitable, de tenir compte de facteurs de pénibilité ou de carrière : dans un système de points différenciés, les points cumulés au fur et à mesure des semestres d’activité n’ont pas la même valeur selon certains paramètres (pénibilité du travail, niveau du salaire). Toutefois, ce ne serait réaliste que dans l’hypothèse où l’on partirait de zéro ! Changer de régime en cours de route est très difficile, cela oblige à recalculer les droits déjà acquis, ce qu’on ne sait pas faire, comme on l’a vu lors du projet avorté d’Emmanuel Macron…Il faut garder notre système en l’adaptant. Avoir un système social, cela signifie disposer d’un système apte à corriger de façon importante les disparités de situation. On ne peut pas tout faire reposer sur la liberté des gens en laissant chacun partir quand il veut à la retraite. Il faut un regard "social" sur la liberté, afin de veiller à ce que personne ne se retrouve cantonné au minimum vieillesse faute d’anticipation. À 65 ans, au moment de partir à la retraite, on oublie trop facilement que cette retraite durera… 25 ans ! L’espérance de vie a augmenté et, en 2024, elle s'établit à 85,6 ans pour les femmes et à 80 ans pour les hommes : la conséquence naturelle serait de travailler quelques années de plus et d’avoir quelques années de retraite en plus. La résistance du système dépend de notre capacité collective à travailler plus longtemps. Dès lors que l’on indexe l’âge de départ à la retraite sur la durée de la vie, le système pourra perdurer et assurer à tous de recevoir une pension suffisante pour vivre dignement. Un système où la retraite moyenne nette est de 65 % du salaire net n’est pas trop généreux, d’autant que le ratio retraite/salaire va de 85 % pour les bas salaires à 50 % pour les cadres.HENRI STERDYNIAK : L’intérêt social de l’emploi dépasse l’intérêt individuel à travailler : quand on reporte l’âge légal de départ à la retraite, c’est pour un gain social, général, que l’individu ne perçoit pas. L’allongement de la durée de travail se comprend en fonction de l’intérêt général. Il faut distinguer les choix de l’individu du choix collectif ! L’intérêt social de l’emploi dépasse l’intérêt individuel à travailler : quand on reporte l’âge légal de départ à la retraite, c’est pour un gain social, général, que l’individu ne perçoit pas. MARC DE BASQUIAT : Justement ! Généraliser une approche avec diverses options, croire en la liberté de chacun, au partage des pratiques et des expériences pour guider les décisions des salariés, serait plus démocratique et efficace. En démocratie, on ne peut pas motiver les gens seulement par l’idée de l'intérêt général. Il faut retrouver la logique du gain, comme motivation. Les amortisseurs sociaux sont si nombreux que les gens ne perçoivent plus le gain découlant de leurs décisions. HENRI STERDYNIAK : Je suis entièrement d'accord sur le constat, complètement opposé sur la solution. Le gain individuel n’est pas superposable au gain social, certes. Mais, dans notre système, où beaucoup de dépenses ont été mutualisées, c’est inéluctable. On finance collectivement l’école, les routes, l’armée. Les incitations individuelles sont insuffisantes à expliquer certains choix macroéconomiques. La rationalité générale n’est pas la rationalité individuelle, mais il n’existe pas un moyen de faire autrement. Il faut faire œuvre d’imagination politique, pour se représenter l’intérêt collectif et la part qu’on y a en tant qu’individu.Peut-on parler de "guerre intergénérationnelle" sur les retraites ?HENRI STERDYNIAK : Chacun est d’abord enfant et jeune, à la charge de ses parents, puis actif devant financer les jeunes et les personnes âgées, puis âgé lui-même. L’idée de guerre intergénérationnelle repose sur une absence de perspective. Sans parler de guerre, il y a aujourd’hui un risque de déséquilibre. La dégradation démographique a deux causes : d’une part, on vit plus longtemps, d’autre part, on fait moins d’enfants. Quand la génération qui n’a pas eu assez d'enfants arrivera à la retraite, elle devra s’attendre à avoir une retraite plus faible, alors qu’elle s'est acquittée des cotisations à destination de la génération qui l’a précédée…Il faut donc deux ensembles de solutions :l'État doit avoir une politique familiale : aujourd’hui, ce ne sont pas les retraités qui sont pauvres mais les familles avec enfants. L’État doit adapter le système à la contrainte démographique en favorisant le recul de l’âge de départ et, en dernier recours, en augmentant un peu et progressivement les taux de cotisation tout en baissant, un peu, et progressivement, le niveau relatif des retraites.MARC DE BASQUIAT : Mais pour assurer que les jeunes en âge d'avoir des enfants aient bien des enfants, il faut leur donner les moyens de vivre, aussi bien en termes de logement que de niveau de vie. Or, c’est en partie les retraites qui pèsent d’un poids trop lourd sur le niveau de vie des jeunes et des actifs. HENRI STERDYNIAK : Les jeunes, aujourd'hui, disposent d’un niveau de vie bien supérieur à celui qu’avaient les jeunes de 1945, quand le système social a été mis en place. Les besoins ont à ce point augmenté qu’on ne se rend pas compte que le niveau de vie a, lui aussi, augmenté. MARC DE BASQUIAT: C’est vrai pour la consommation, pas en ce qui concerne le logement. Car le problème des retraites, in fine, est aussi un problème d’adaptation du parc immobilier aux besoins de la population. Cela ne passe pas par plus de cotisations retraites ! Ni par davantage de taxes sur les transactions immobilières ! Au contraire, il faut moins de taxes, pour inciter les ménages vieillissants à remettre au plus tôt les logements sur le marché. MARC DE BASQUIAT : Le sujet des retraites est crucial pour notre pacte social : il faut à la fois faire preuve de réalisme, pour prendre en compte les contraintes du réel, et d'imagination, pour que notre modèle se réinvente tout en restant capable d'assurer à chacun le droit à la retraite. Le sujet des retraites est crucial pour notre pacte social : il faut à la fois faire preuve de réalisme, pour prendre en compte les contraintes du réel, et d'imagination, pour que notre modèle se réinvente tout en restant capable d'assurer à chacun le droit à la retraite. La suppression de l'âge légal est une solution sérieuse, parmi d'autres sans doute, mais qui permet de se poser les bonnes questions, sans achopper d'entrée sur les tabous et les oppositions de principe.Propos recueillis par Hortense MiginiacImprimerPARTAGERcontenus associés à la uneJuillet 2025France 2040, projections pour l’action politiqueÀ quoi ressemblera la France en 2040 si rien ne change ? L’Institut Montaigne analyse 13 grandes tendances à partir de données officielles pour projeter notre avenir collectif. Cette étude met en lumière les risques liés à l’inaction politique et rappelle qu’il est encore temps d’agir pour anticiper, réformer et faire face aux défis démographiques, économiques et climatiques.Consultez le Rapport 24/06/2025 Retraites : le conclave se referme, la jeunesse reste à la porte Nicolas Laine