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29/02/2016

Rupture des contrats d’apprentissage : comment stopper l’hémorragie ?

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Rupture des contrats d’apprentissage : comment stopper l’hémorragie ?
 Blanche Leridon
Auteur
Directrice Exécutive, éditoriale et Experte Résidente - Démocratie et Institutions



Un contrat d'apprentissage sur trois est rompu avant son terme. C'est ce que révèle l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport rendu public le 4 février 2016. En cause : des lacunes dans le suivi, l'accompagnement et la sécurisation des parcours. Le suivi et l'accompagnement des apprentis durant le temps passé en entreprise conditionnent pourtant leur réussite. Ne disposant que de données fragmentées et parcellaires, la France ne peut pas se protéger contre le phénomène du décrochage, qui prend des proportions inquiétantes. Un constat dressé par l'Institut Montaigne dans son étude L'apprentissage, un vaccin contre le chômage des jeunes. Retour sur les carences du système et les solutions pour les dépasser.

Rupture de contrats d’apprentissage : un niveau inquiétant

Point de départ de l’étude de l’IGAS, les taux de rupture des contrats d’apprentissage frappent par leur importance. Les données DARES pour 2015 font ainsi état d’un taux de rupture de 27 % pour les contrats commencés en 2011-2012. Un taux qui varie fortement selon les secteurs envisagés : de 12,1 % pour le transport logistique, il atteint 38,5 % en hôtellerie-restauration. Si l’on se réfère aux niveaux de qualification, les ruptures de contrat varient de 21,6 % pour les CAP à 27,1 % pour les bacs et brevets professionnels. Au-delà de la seule rupture, le taux d’abandon définitif est lui aussi préoccupant : il est de 21,5 % en France et concerne donc un apprenti sur cinq. En comparaison, il est de 13,3 % en Allemagne, un pays qui pratique une politique active de suivi et d’accompagnement de ses apprentis…

Pas de relance de l’apprentissage sans un suivi efficace

Réalisé dans le cadre du plan de relance de l’apprentissage de juillet 2014, le rapport de l’IGAS avait pour mission d’identifier et d’évaluer les politiques de sécurisation et de lutte contre les ruptures de contrats. Conclusion ? Ces politiques sont rares, si ce n’est inexistantes. Quand elles existent, elles ne sont ni suffisamment documentées ni suffisamment objectivées pour faire l’objet d’une évaluation. Les données sont très peu centralisées, les acteurs trop éclatés… Autant de lacunes qui entravent le suivi individualisé des parcours et le bon alignement de l’offre et de la demande d’apprentissage. A contrario, l’Allemagne dispose de statistiques très riches  sur l’apprentissage. Elles permettent un suivi et une compréhension quasiment en temps réel du "marché du travail de l’apprentissage" ; elles résolvent l’inadéquation souvent observée entre profils et choix de filière des apprentis. Elles permettent, enfin, d’appréhender les difficultés rencontrées par les acteurs, avant d’atteindre le point de rupture.

Déployer des outils de suivi et de pilotage pour arrêter l’hémorragie

L’IGAS avance un certain nombre de pistes pour contrer ce phénomène : clarification des objectifs associés à la collecte des données au niveau national, constitutions d’indicateurs de pilotage, déploiement d’études pour mieux connaître les parcours des apprentis, etc. Mais aussi élaboration d’un référentiel d’auto-évaluation pour les CFA afin de mesurer, puis de partager, la nature et l’impact des actions déployées. L’étude de l’Institut Montaigne retient également la piste de la rationalisation des dispositifs de suivi. Elle passerait par la création d’une "Agence nationale pour l’apprentissage et la formation professionnelle", sur le modèle du BIBB allemand (l’Institut fédéral de formation professionnelle). Cette agence consoliderait les statistiques pertinentes et élaborerait un rapport annuel, dont les conclusions devraient utilement permettre d’améliorer le système d’apprentissage et sa gouvernance.

Suite aux conclusions du rapport de l’IGAS, un groupe de travail a été constitué au sein du Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle. Il devra se saisir de ces enjeux afin de faire cesser l’hémorragie des contrats d’apprentissage.

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