Selon un sondage de 2022, seulement 1 agriculteur sur 10 a déjà réalisé un diagnostic carbone. Aujourd'hui, ce dispositif est pris en charge à 90 % par une enveloppe dédiée du plan France Relance. Il pourrait être utile de pérenniser ces aides en les ciblant vers les filières les plus émettrices de GES et vers celles qui ont le plus haut potentiel de stockage de carbone dans les sols (élevage bovin, grandes cultures par exemple).
Dans le même temps, l'accélération de la baisse de la consommation d'intrants fossiles doit se poursuivre. Le recours aux intrants fossiles provoque des impacts irréversibles sur les sols, l’eau et la biodiversité. Réduire leur consommation constitue également un levier de sécurité alimentaire. La guerre en Ukraine a fragilisé nos approvisionnements en engrais : la Russie représente 40 % des exportations mondiales d’engrais azotés, 20 % du phosphore et 40 % de la potasse avec la Biélorussie. Toutefois, de nombreuses exploitations agricoles sont aujourd’hui dépendantes de l'utilisation d’intrants, principalement pour lutter contre des parasites destructeurs. Il convient alors de veiller à la maturité et à la compétitivité des alternatives existantes pour ne pas plonger les filières et les décideurs dans des impasses techniques, budgétaires et politiques. La décision du 19 janvier 2023 de la Cour de Justice de l'Union Européenne d'interdire les néonicotinoïdes (insecticides utiles pour les cultures de betterave) a provoqué de vives réactions chez les agriculteurs français, inquiets d'être laissés sans alternative existante face à une évolution réglementaire rapide. À terme, la France doit activer davantage les leviers permettant de réduire le recours aux engrais azotés fossiles. La combinaison des solutions - "naturelles" et chimiques de synthèse - est une voie à poursuivre par la formation des agriculteurs et la recherche de nouvelles innovations alternatives. Les engrais produits à base d'hydrogène vert sont une voie prometteuse, encore faut-il disposer des infrastructures pour les produire en France ou en Europe.
Enfin, une gestion plus durable de la ressource en eau constitue un axe de travail essentiel. Conséquence du dérèglement climatique, les périodes sèches s’allongent de plus en plus, empêchant le rechargement classique des nappes. Dès lors, l'accès à l'eau et sa préservation deviennent des éléments clés du maintien de l'activité agricole. À l'heure actuelle, les initiatives d'adaptation, comme la construction de méga bassines (pour stocker l'eau de pluie hivernale et la réutiliser en été quand l'eau de pluie vient à manquer), créent des conflits d’usage insolubles dans certains territoires. Ces difficultés politiques sont symptomatiques d’un débat encore lacunaire autour d’une meilleure gestion de l'eau en France. Lors de l'inauguration du salon samedi 25 février, Emmanuel Macron a annoncé un "plan de sobriété sur l’eau" en anticipation d’un été 2023 qui s'annonce particulièrement sec. Il apparaît de plus en plus évident que des alternatives à l’eau potable doivent être utilisées lorsqu’elles existent. Un débat réglementaire doit s’ouvrir autour de l'arrêté du 21 août 2008 qui encadre la réutilisation des eaux de pluie. Aujourd'hui, la réutilisation intérieure des eaux de pluie (alimentation des chasses d’eau de WC, lavage des sols, etc) est interdite dans les établissements "recevant du public vulnérable" (crèche, cabinets médicaux, écoles primaires…) limitant considérablement le potentiel de réutilisation. Au regard de la situation de l'eau, la France doit s’équiper d'instruments modernes pour économiser l'eau potable et optimiser son utilisation dans les secteurs les plus dépendants.
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