AccueilExpressions par MontaigneRetraites et fin de carrière, qu'en pensent les actifs français ? L'Institut Montaigne propose une plateforme d'Expressions consacrée au débat et à l’actualité. Il offre un espace de décryptages et de dialogues pour valoriser le débat contradictoire et l'émergence de voix nouvelles.12/01/2023Retraites et fin de carrière, qu'en pensent les actifs français ? Action publiqueImprimerPARTAGERAuteur Bertrand Martinot Expert Associé - Apprentissage, Emploi, Formation Professionnelle Cette analyse est une synthèse du chapitre consacré à la retraite et à l'emploi des seniors d'une étude plus large sur le rapport des actifs français au travail qui sera publiée par l'Institut Montaigne très prochainement.Comme l’ensemble de cette étude, il repose en grande partie sur une enquête d’opinion réalisée à l’automne 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 5001 actifs en emploi complétée par une analyse fouillée des données individuelles collectées. De ce travail se dégagent les conclusions suivantes :L’étude confirme un rejet massif et général du report de l’âge légal de départ en retraite de la part des actifs. Si ce rejet traverse toutes les catégories socio-professionnelles, toutes les professions et tous les secteurs, il semble plus prononcé chez les jeunes et moins chez les travailleurs les plus âgés. Toutefois, ces opinions ne sont, paradoxalement, pas ou très peu déterminées par les conditions de travail vécues par chaque individu.Un rejet massif du report de l’âge légal à la retraite de la part des actifs occupésSans surprise, notre étude confirme le très faible soutien de l’opinion au report de l’âge légal de départ à la retraite. Ainsi, seuls 7 % des sondés estiment que l’âge légal de départ en retraite - aujourd’hui fixé à 62 ans - n’est "pas assez élevé". En sens inverse, 62 ans est déjà considéré comme "excessif" par 48 % d’entre eux, une proportion plus importante que ceux qui le jugent "approprié" (45 %). Au vu des enquêtes antérieures, ce rejet pourrait s’être légèrement accentué depuis 2021, si l’on en croit la progression des opinions selon lesquelles l’âge légal actuel est "approprié" ou "trop élevé".Un rejet qui concerne tous les actifs sans distinction malgré une opposition plus marquée chez les plus jeunes que chez les seniors, qui sont pourtant davantage concernés par la réforme à court terme.Ce rejet traverse toutes les catégories socio-professionnelles, toutes les professions, les salariés du secteur public comme du privé. Il est toutefois légèrement moins prononcé chez les travailleurs indépendants et les CSP+, sans doute parce que ces derniers partent déjà en moyenne plus tard à la retraite, ce qui rend ces catégories moins concernées par un relèvement de l’âge légal.Les opinions relatives à l’âge minimum légal de départ ne sont pas ou très peu déterminées par les conditions du travail vécues individuellement, sauf pour ceux qui jugent que l’âge légal de 62 ans est déjà « excessif ».Parmi les nombreuses variables caractérisant les conditions de travail subjectives ou objectives qui ont pu être testées (insatisfactions diverses ressenties au travail, pénibilité physique, charge psychologique, CSP, durée du travail...), aucune ne ressort comme plus particulièrement explicative de ce rejet général. En revanche, il existe des facteurs individuels qui contribuent à la formation de l’opinion selon laquelle l’âge minimum légal de 62 ans est déjà « trop élevé », donc de ceux qui sont a priori les plus fermement opposés au relèvement de cet âge : il s’agit notamment de l’insatisfaction sur le temps de travail, l’absence de perspectives de carrière et la pénibilité physique ressentie, l’insatisfaction sur l’autonomie, sur l’équilibre pro/perso et l’impossibilité de pratiquer le télétravail.Ce constat est d’une grande importance : si les opinions par rapport à l’âge légal minimum ne sont pas principalement liées aux conditions individuelles de travail, c’est que nous sommes en présence d’une dynamique collective qui dépasse de beaucoup la simple question des retraites et qui traduit une crise politique plus générale (défiance vis-à-vis des gouvernements, sentiment général d’injustice) sans doute accompagnée d’une forme d’anesthésie par rapport à la situation des finances publiques...Face à ce recul d’âge potentiel, de nombreux salariés envisagent différemment leur fin de carrière : anticipation de leur départ, diminution du temps de travail ou aménagement de poste. Ces souhaits sont cependant très variables et principalement déterminés par l’ancienneté et les perspectives d’évolution professionnelles des salariés.Une proportion significative des travailleurs seraient prêts à anticiper leur départ à la retraite, quitte à voir leur pension réduite.L’analyse des données individuelles permet d’esquisser le portrait typique de ces travailleurs. Ils n’ont généralement pas de bonnes perspectives professionnelles ; la pénibilité, notamment physique, ou le travail à horaire atypique (travail le week-end, notamment) sont également des facteurs incitant à un départ anticipé.Ce résultat suggère qu’un nouvel allongement de la durée de cotisation pour l’obtention de la retraite à taux plein sans modification de l’âge minimum légal pourrait entraîner de nombreux départs précoces avec pension réduite, ce qui diminuerait fortement le rendement financier attendu de la réforme.On observe un certain pragmatisme des actifs s’agissant des souhaits relatifs aux conditions de fin de carrière.Ainsi, une majorité relative (41 %) des sondés déclarent souhaiter un aménagement des conditions de travail avant le départ à la retraite, seuls 38 % déclarant souhaiter travailler jusqu’à la retraite "dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui". Ce pragmatisme des salariés laisse la porte ouverte à diverses possibilités d’aménagements des fins de carrière qui doivent être facilités par la réglementation et mis en œuvre par la négociation collective de branche ou d’entreprise.Les souhaits par rapport aux conditions de fin de carrière sont très variables selon que le travailleur considère ou non avoir des perspectives d’évolution professionnelle.Plus précisément, le profil-type du salarié souhaitant un aménagement de fin de carrière est ainsi celui qui a une forte ancienneté (au moins 15 ans) et n’envisage ni reconversion ni mobilité professionnelle. Les autres facteurs explicatifs sont le sentiment d’avoir vu sa charge de travail augmenter au cours des 5 dernières années et/ou de ressentir une forte charge psychique.Une minorité significative des salariés (environ 20 %) se déclarent prêts à travailler moins ou sur des fonctions différentes au moment de la fin de carrière, quitte à voir leur rémunération réduite.Dans certains cas (14 %), ils pourraient accepter de voir leur rémunération diminuer quelques années avant la retraite, que ce soit via une durée du travail réduite sur le même emploi, soit via un changement d’emploi. Enfin, 6 % des salariés souhaiteraient continuer à travailler après la retraite via un cumul emploi-retraite, même pour un temps de travail et une rémunération réduits.ImprimerPARTAGERcontenus associés 31/03/2022 [Sondage] - Comment les Français perçoivent-ils leur système de retraite ? Institut Montaigne 20/03/2022 Présidentielle 2022 : les retraites, un éternel sujet à réforme Victor Poirier