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17/06/2022

L’Institut Montaigne explique : La procédure d’adhésion à l’Union Européenne 

L’Institut Montaigne explique : La procédure d’adhésion à l’Union Européenne 
 Cecilia Vidotto Labastie
Auteur
Ancienne Responsable de projets - Programme Europe
 Georgina Wright
Auteur
Directrice adjointe des Études internationales, Experte résidente

L’Union européenne (UE) compte actuellement 27 États membres. En mars 2022, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine ont déposé une demande officielle pour adhérer à l’Union européenne.

En juin 2022, la Commission européenne a accordé à l’Ukraine et à la Moldavie le statut de candidat à l’Union européenne.

Désormais, sept pays ont le statut de candidats officiels à l'élargissement : l’Albanie, la République de Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie, la Turquie et l'Ukraine.

Quels pays peuvent devenir membres de l’UE ?

La question de l’adhésion à l’Union Européenne est entièrement contenue dans l’article 49 du Traité sur l’Union européenne mais le processus d’adhésion n’est pas sans embûches. 

Pour adhérer à l’Union européenne, il faut :

  • être un État reconnu par l’UE ;
     
  • être un État européen dans sa géographie. À ce jour, aucune définition des limites géographiques de l'Europe n’est officiellement reconnue ;
     
  • respecter et promouvoir les valeurs inscrites à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne. Ces valeurs incluent : le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité, l’État de droit et les droits humains (en particulier le droit des minorités). 

 Quelle est la procédure d’adhésion ?

La procédure d’adhésion à l’UE peut se décomposer en 6 étapes :

  1. Le dépôt de candidature
     
  2. L’obtention du statut de candidat
     
  3. La stratégie de pré-adhésion
     
  4. Les négociations
     
  5. Le traité d’adhésion
     
  6. L’intégration

 
La durée des négociations varie selon les particularités de chaque demande. À titre d’exemple, la Finlande a conclu le processus en deux ans alors que la Turquie, qui a déposé sa demande en 1987, est toujours en négociations (même si les discussions sont gelées depuis 2018). Par ailleurs, on compte à ce jour sept vagues successives d’élargissement : adhésion du Danemark, de l’Irlande et du Royaume-Uni en 1973, Espagne et Portugal en 1986, Autriche, Finlande et Suède en 1995, douze en deux vagues en 2004 et 2007 - dix en 2004 et deux en 2007. Le dernier État ayant intégré l’UE est la Croatie en 2013. C’est aussi un des rares pays à avoir rejoint l’UE seul, sans faire partie d’une de ces vagues, comme la Grèce en 1981. 

1. Le dépôt de candidature

Selon l’article 49 du TUE, "l'État demandeur adresse sa demande au Conseil", c’est-à-dire l’institution regroupant des 27 États membres au niveau ministériel. Dans les faits, le Représentant permanent auprès de l’UE du pays demandeur remet la candidature à l’ambassadeur du pays qui tient la présidence tournante du Conseil de l’UE - l’institution qui regroupe les ministres, ambassadeurs et conseillers des 27 États membres. Le Parlement européen et les parlements nationaux sont informés de cette demande. 

2. L'obtention du statut de candidat 

Une fois la candidature officielle déposée, les ambassadeurs des 27 États membres de l’UE, aussi appelés Représentants permanents auprès de l’UE, votent, à l’unanimité, au sein du Conseil de l’UE pour demander à la Commission européenne d’examiner la demande d’adhésion. Cette consultation de la Commission est obligatoire, ainsi un consensus doit être atteint, sans lequel toute procédure pourrait se conclure dès ses balbutiements. L'examen peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. À titre d’exemple, la Bosnie Herzégovine a déposé sa candidature en 2016 et ce n’est qu’en 2019 que l’avis de la Commission a été délivré. 

À la suite de la consultation de la Commission européenne, le Parlement européen doit se prononcer à la majorité des membres qui le composent. Enfin, c’est l’accord du Conseil, à l’unanimité et après consultation des deux autres institutions, qui entérine la demande de statut de candidat. 

Ce statut ne préjuge en rien de l’admission du pays dans l’UE. Actuellement, il y a sept pays candidats : l’Albanie, la République de Macédoine du Nord, la Moldavie, le Monténégro, la Serbie, la Turquie et l'Ukraine. 

3. La stratégie de pré-adhésion

Avant d'initier les négociations, l’État candidat établit, avec la Commission européenne, sa stratégie de pré-adhésion. Il s’agit d’un programme de soutien et d’aides financières permettant au candidat de mener les réformes administratives, politiques, économiques nécessaires pour intégrer le corpus législatif européen. 

C’est à cet instant de la procédure que de nouveaux critères d'éligibilité apparaissent. Plus précisément, trois nouvelles conditions sont à remplir pour l’État candidat. On les nomme plus couramment les critères de Copenhague : 

  • Le critère politique : les institutions du pays candidat doivent être stables et capables de garantir les conditions d’existence de la démocratie, l’État de droit, le respect et la protection des minorités ;
     
  • Le critère économique : le pays candidat doit avoir une économie de marché viable et être capable de faire face aux forces du marché et à la pression concurrentielle à l’intérieur de l’Union ;
     
  • L’acquis communautaire : l’État candidat doit être en capacité d’intégrer l’ensemble des normes européennes existantes dans son droit national. 

Afin que l’ouverture des négociations soit décidée par le Conseil, seul le critère politique doit être rempli. Les autres critères seront amenés à être complétés lors de la phase de négociations. 

À ces trois conditions, une quatrième s’ajoute : l’UE doit être en mesure d’accueillir un nouvel État en son sein. 

4. Les négociations

C’est à la Commission européenne que revient la responsabilité de négocier l’adhésion. Une équipe de négociateurs est formée et validée par le Conseil de l’UE.

Les négociations, qui sont divisées en une trentaine de chapitres, sont supervisées par le Conseil de l’UE dans sa formation des affaires générales. Plusieurs négociations de chapitres peuvent avoir lieu en même temps. Un nouvel État membre de l'UE est également contraint à rejoindre l’espace Schengen et la zone euro - bien que ces étapes puissent avoir lieu ultérieurement. Par exemple, la République Tchèque, qui est membre de l’UE depuis mai 2004, n’a toujours pas rejoint la zone euro. 

Un bilan des avancées est fait annuellement par la Commission européenne. 

5. Le traité d’adhésion

À l’issue des négociations, un traité d’adhésion est rédigé et les négociations sont closes. Le traité est soumis au Conseil qui doit s’exprimer à l’unanimité. Ensuite, le Parlement européen approuve le texte à la majorité absolue. 

Le traité d’adhésion doit enfin faire l’objet de la signature de chaque État membre ainsi que celle de l’État candidat.

6. L’intégration

Une fois le traité signé, le candidat obtient le statut de "pays adhérent". Cela signifie que, si le traité est ratifié par toutes les parties, le pays candidat deviendra membre à part entière de l'UE à la date prévue par le traité. 

Pendant le laps de temps qui s’écoule entre la signature et la ratification du traité, le pays adhérent bénéficie de dispositions particulières. Premièrement, le pays est informé de la législation de l'UE par le biais d'une procédure d'information et de consultation et a également la possibilité de formuler des observations sur les communications et recommandations législatives de l’Union. Deuxièmement, il obtient le statut "d'observateur actif" au sein des organes et agences de l’UE, dans lesquels il a le droit de s'exprimer sans pouvoir voter.

La ratification concerne à la fois le pays adhérent et les États membres de l’UE. La ratification du texte est souvent précédée par un vote référendaire au sein du pays adhérent (font exception la Grèce, l’Espagne, le Portugal, Chypre, la Bulgarie et la Roumanie). Depuis le traité de Lisbonne, entré en vigueur en 2009, tous les États membres sont tenus de ratifier le traité d’adhésion, conformément à leurs exigences constitutionnelles respectives. Aujourd’hui, la plupart des parlements nationaux seraient appelés à voter. La France pourrait même organiser un référendum. Certains parlements régionaux peuvent aussi être appelés à s'exprimer : c'est le cas en Belgique, par exemple.

Comment se positionnent l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie dans ce processus ?

Le lundi 7 mars 2022, le Conseil de l’UE a voté l’examen des demandes de l’Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie. 

Ces trois États ont déjà des relations approfondies avec l’Union européenne. Chacun d’entre eux a signé un accord d’association permettant le développement des relations politiques, économiques, culturelles et sécuritaires étroites entre les deux pays. L’Ukraine a signé en 2014 un accord d’association, si des mesures provisoires sont appliquées, ce n’est qu’en 2017 qu’il est pleinement entré en vigueur. De même pour la Moldavie et la Géorgie, signés la même année, ils produisent leurs effets depuis 2016. 

Cependant, malgré le rapprochement progressif entre ces trois pays et l’Union européenne, le processus d’adhésion pourrait prendre quelques années.

De nombreux paramètres s’intègrent dans la réflexion d’une adhésion. L’on peut évoquer d’une part des réticences de la part de l’UE et d’autre part, des difficultés dans les situations nationales de chaque État souhaitant adhérer. Les contextes de corruption sont difficilement compatibles avec l’article 2 du TUE. Or, les rapports d’organismes spécialisés en la matière, tels que l’ONG Transparency International, laissent entrevoir un contexte problématique à la fois en Ukraine et en Moldavie. Les conflits existants au sein de ces États sont également des sujets majeurs dans l’étude d’une possible accession. La situation en Ossétie du Sud et Abkhazie pour la Géorgie ou en Transnistrie pour l’État moldave interviendront de facto dans les logiques d’accession. 

La Commission européenne s’est prononcée le 17 juin 2022, après 3 mois d’examen. Elle prend ainsi un avis favorable sur l’octroi du statut de candidat à l’Ukraine et la Moldavie. Concernant la Géorgie, elle a émis une liste de priorités auxquelles le pays devra répondre avant de recevoir une position similaire. 

Par ailleurs, l’UE doit également prendre en compte certaines considérations internes : 

  • L’équilibre institutionnel : du point de vue institutionnel, l’intégration d’un nouvel État membre a deux conséquences. La première concerne le Parlement européen, car le nombre de députés européens de chaque pays dépend directement de la taille de sa population, bien que ce ne soit pas proportionnel. Deuxièmement, le poids du vote d’un État membre au Conseil de l’UE dépend en partie de sa démographie. En cas d’accession, l’Ukraine deviendrait la cinquième puissance en termes de population, ce qui aurait une conséquence immédiate sur les équilibres de pouvoir internes aux institutions européennes.
     
  • L’équilibre au sein du marché unique : l’UE doit s’assurer que l’intégration, surtout rapide, de nouveaux États ne provoque pas une rencontre de réalités sociales, économiques et politiques trop disparates. 
     
  • L’approfondissement avant l’élargissement : enfin, certains États membres, dont la France, défendent un processus d’élargissement dit "exigeant" et préconisent une réforme de l’UE avant tout nouvel élargissement

 


Article co-écrit avec l’aide de Maxime Cayrou et Gwendoline de Boé. 

Copyright : Aris Oikonomou / AFP

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