Les autorités publiques ont ainsi permis la construction de véritables pièges mortels pour la population en cas de séisme. La crise liée à ces tremblements de terre expose à grande échelle les travers d’un système corrompu par un régime particulier d’accumulation de capital.
L’attitude la plus marquante à mes yeux fut celle des dirigeants lors de leurs apparitions publiques juste après le drame. De leur part, pas le moindre remord et une unique obsession : se défaire de toute responsabilité, détourner l'attention de la défaillance des autorités publiques, se sauver politiquement dans l’optique des élections du 14 mai. Dans leurs mots, ce désastre ne relevait que d’une fatalité.
Ces cinquante dernières années, les principales institutions responsables de la prise en charge des victimes de catastrophes naturelles n’ont cessé de faillir à leurs obligations. L’une des principales d’entre elles, le Croissant rouge, a en réalité vendu son aide humanitaire aux ONG locales, qui, elles, soutenaient les populations frappées par la nécessité. Les autorités ont entravé l’indépendance de ces ONG sur le terrain et ont même tenté d’empêcher que ces associations ne soient exposées à la télévision. Tous les médias contrôlés par le gouvernement (soit 95 % de ceux du pays) ont ainsi été mobilisés pour faire valoir un narratif très éloigné de la réalité. En effet, l’État tient également ces ONG locales pour rivales : le succès des initiatives citoyennes souligne par contraste l’incapacité du gouvernement.
Le pays a cependant fait preuve d’une mobilisation et d’une solidarité exemplaire. De nombreux volontaires ont afflué dans les régions touchées par les séismes, en l’absence et à la place de l’État. Sans coordination des autorités, ils sont malgré tout parvenus à extraire les victimes des décombres, à les abriter, leur fournir des médicaments, même si ces efforts ne pouvaient avoir qu’une portée limitée, par rapport à une intervention du gouvernement.
L'élection présidentielle turque est prévue au mois de mai prochain. Comment ce séisme vient-il bousculer la campagne ? Quels en seront les enjeux primordiaux ?
L'échiquier politique turque s'organise aujourd'hui en deux grandes coalitions de partis. L'Alliance populaire, dont le président Erdogan est actuellement à la tête, est composée de trois forces politiques : le Parti de la Justice et du Développement (AKP), le Parti d'action nationaliste (MHP) et le Parti de la grande unité (BBP). Face à cette Alliance populaire, l’Alliance de la Nation rassemble six formations politiques d’opposition.
Un troisième bloc pourrait néanmoins jouer un rôle décisif dans l'issue des élections. Constitué de petits partis de gauche, il compte dans ses rangs une force politique de poids : le parti Kurde (le Parti démocratique des peuples ou HDP). Avec 12 à 15 % de l'électorat, ce parti décidera du sort des élections. Le poids du parti kurde pourrait en effet être déterminant dès le premier tour, s’il renonçait à présenter un candidat et se ralliait à l'Alliance de la nation. Dans le cas où il y aurait un second tour, les politistes s’attendent à ce que le HDP soutienne le candidat d’opposition. Avec cet appui, l'Alliance de la Nation pourrait l'emporter.
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