Dans un contexte de déserts médicaux et de surcharge de travail pour les soignants, que ce soit en ville ou à l’hôpital, on peut légitimement se demander comment concrètement la mesure aurait pu être mise en place et comprise par les acteurs, patients comme professionnels de santé.
Par ailleurs, le Sénat a adopté l'article 17 en faveur des visites de prévention à différents âges de la vie mais a proscrit le recours à la téléconsultation pour les réaliser. À voir si cette mesure sera retenue lors des futurs débats à l’Assemblée nationale.
Un durcissement de la délivrance d’arrêts de travail par téléconsultation
Bien que la lutte contre la fraude et les abus représente un enjeu primordial pour l'Assurance maladie, limiter la prescription des arrêts de travail délivrés lors des téléconsultations semble soulever de multiples risques. Tout d’abord, cette mesure vise à éloigner la possibilité de recevoir un arrêt de travail des personnes qui multiplient les téléconsultations jusqu'à obtention dudit arrêt, mais ne distingue pas les patients qui n'ont pas d’autre choix que de recourir à la téléconsultation pour obtenir un arrêt qui leur serait accordé de la même manière lors d’une consultation en présentiel. En effet, un patient n'ayant pas de médecin à proximité de son domicile ou ne trouvant pas de visite disponible en urgence n'a pas d’autre choix que de recourir à la télémédecine. En outre, la présence d’un médecin près du domicile n’est pas synonyme de sa disponibilité ; en 2018, la durée moyenne entre la prise de contact avec le médecin généraliste et le rendez-vous en présentiel était de 6 jours, alors que le délai d'envoi de l’arrêt à l’employeur et à la CNAM est de 48h.
De plus, dans un contexte sanitaire où un nombre croissant de patients vivent dans une zone sous-dotée en médecins généralistes, soumettre la délivrance des arrêts de travail à un nombre limité de médecins semble discriminatoire. Une alternative à cette proposition serait de renforcer et préciser les règles encadrant les médecins pratiquant la téléconsultation et accordant plus d'arrêts que la moyenne.
Plus globalement, cette restriction de la pratique de la télémédecine s’est faite sans aucune consultation de la société civile experte sur les questions de santé et des usagers eux-mêmes. La situation actuelle des urgences, des déserts médicaux et des délais d’attente qui explosent pour consulter un généraliste et un spécialiste plaident pour un meilleur accès aux pratiques de santé à distance, avec l'impératif de former et d’équiper patients comme professionnels de santé.
Co-écrit avec Milena Sudolowicz, assistante chargée d’études
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