À la sécession politique s’ajouterait le risque de sécession territoriale. Il n’y a pas vraiment de nation russe, dit le politologue Sergueï Medvedev : "Il y a juste une population gouvernée par un État". Le pays compte aujourd’hui 89 sujets fédéraux dont 21 républiques autonomes non-slaves. Les citoyens russes (Rossiiskii) ne sont pas tous des Russes citoyens (Russkii) et la proportion de ces derniers (environ 80 % aujourd’hui) tend à baisser. Les autres principales nationalités, notamment les Tatars, Bachkirs, Tchouvaches et Tchétchènes connaissent, elles, une croissance démographique. Comme on le sait, les populations les plus pauvres, provenant souvent de régions reculées, contribuent de manière disproportionnée aux effectifs militaires du pays. Au point, comme dans d’autres empires du passé, d’avoir le sentiment d’être la chair à canon du pouvoir central. L’éclatement annoncé par Hélène Carrère d’Encausse en 1978 - elle s’appuyait à l’époque sur des données essentiellement démographiques – aurait-il été prophétique ?
On repense, bien sûr, à l’orée des années 1990, qui – comme à la fin des années 1910 – vit le bouillonnement des nationalités et des revendications d’indépendance, dans l’Union toute entière mais aussi au sein même de ce qui était alors la République fédérative de Russie.Peu s’en souviennent : en 1990, chacune des 21 républiques constituantes avait déclaré sa souveraineté. Les observateurs occidentaux devraient, dans ce scénario, se familiariser de nouveau avec une prolifération de noms qui apparaîtront exotiques aux non-spécialistes. Qui, en dehors du cercle de quelques experts pointus du pays, avait déjà entendu parler du Chuuln, le Congrès de la nation kalmouke, qui a déclaré l’indépendance des peuples qu’il prétend représenter le 27 octobre 2022 ?
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