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Opération spéciale
Juillet 2023

Municipales 2020 : l’heure du bilan à mi-parcours

Auteurs
Lisa Thomas-Darbois
Directrice des études France, Experte Résidente

Lisa Thomas-Darbois est Directrice des Études France à l’Institut Montaigne.

Hugues Bernard
Chargé de projets - Climat et environnement

Hugues Bernard est chargé de projets sur les questions climatiques et environnementales à l’Institut Montaigne depuis 2022.

Raphaël Tavanti-Geuzimian
Chargé de projets - Économie

Raphaël Tavanti est chargé de projets sur les questions économiques à l’Institut Montaigne depuis 2023.

Dans la droite ligne des multiples décryptages électoraux réalisés par l’Institut Montaigne ces dernières années - opérations Municipales 2020, Présidentielle 2022 et Législatives 2022 - cette opération vise à dresser un premier bilan, à mi-mandat, de l’action municipale, dans 12 des plus grandes villes françaises : Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Rennes, Strasbourg et Toulouse.

Après une campagne 2020 fortement perturbée par la crise sanitaire et marquée par un désintérêt citoyen fort, certains enjeux demeurent cruciaux pour les équipes municipales élues : la soutenabilité des finances publiques locales et la transition environnementale. L’émergence d’une "vague verte" en 2020 dans des communes telles que Grenoble, Lyon, Bordeaux ou Strasbourg, a confirmé ce nouveau défi comme prioritaire pour les municipalités étudiées dans notre opération.
 
C’est la raison pour laquelle l’Institut Montaigne a décidé d’analyser, à mi-mandat, le chemin parcouru et les trajectoires qui se dessinent pour ces 12 villes. À mi-parcours, nul ne peut toutefois présager des résultats et du bilan définitif de l’action municipale. Il n’est pas question de dresser un bilan définitif pour ces municipalités, qui disposent encore de trois années pour mettre en œuvre leur programme, mais bien d’évaluer les moyens d’ores et déjà déployés pour atteindre ces objectifs de fin de mandat. En effet, l’analyse de certains indicateurs permet d’esquisser quelques dynamiques saillantes : c’est la ligne directrice de cette opération spéciale.

Nos principes directeurs

Pour cette opération spéciale, l’Institut Montaigne a notamment mobilisé des experts en finances publiques locales et en politiques publiques. Ces derniers, en lien avec les équipes de l’Institut Montaigne, ont travaillé en étroite collaboration tout en veillant au bon respect de la méthodologie adoptée et à l’harmonisation des analyses confiées. Des procédures successives de validation et de collégialité garantissent la qualité et l’objectivité des travaux fournis. S’agissant du contenu de nos analyses et calculs, notre équipe ne travaille qu’avec des données publiques dont les sources sont précisées.
 
Enfin, comme pour toutes les opérations spéciales, le contradictoire et le dialogue demeurent au cœur de notre démarche. Ainsi, toutes les équipes municipales des villes étudiées ont été contactées afin d’ouvrir cet échange. Pour celles ayant donné suite à nos sollicitations, les analyses des villes concernées ont été transmises aux interlocuteurs pertinents en amont, afin de garantir un droit de réponse si nécessaire.

 

Analyse des finances publiques des villes

Cette opération s’attache à présenter, de manière la plus objective et harmonisée possible, des bilans de santé financière au regard de la situation des principaux paramètres financiers de chaque ville : budget et dépenses des communes, principales recettes, capacité d’épargne et niveau d’endettement. À cet égard, les principales données accessibles et jugées fiables car consolidées par la direction générale des finances publiques (DGFiP), sont notamment celles de 2021.
 
Une nécessaire prudence est donc de mise car nous ne disposons pas des données définitives au regard de l’année 2022, qui n’a donc pas été prise en compte dans notre analyse. Il est toutefois utile de rappeler que les dynamiques de dépenses, notamment d’investissement, peuvent être plus importantes en fin de mandature, tout comme les dépenses de fonctionnement, tandis qu’une baisse de la fiscalité locale peut être constatée à l’approche des prochaines élections. Ainsi, l’état des finances publiques locales en 2021 constitue un indicateur solide de la volonté de gestion et de rétablissement budgétaire des finances des villes étudiées. Afin d’assurer la comparabilité de ces données, des analyses sont réalisées entre les dynamiques de la mandature passée, sur 2016-2019 et entre l’année 2020-2021 et les projections réalisées par les municipalités pour 2023.

 

Analyse de l’action environnementale des villes

Les quatre axes d’analyse de cette thématique sont la part des dépenses vertes dans le budget d’investissement, l’alimentation, l’artificialisation et la résilience des municipalités

Ces derniers ont été choisis dans la mesure où ils répondent à plusieurs impératifs :

  • Ils correspondent au champ de compétences strictement réservé à celui de la municipalité (contrairement à d’autres secteurs, tout aussi clés, tels que les transports ou la rénovation énergétique des bâtiments chez les particuliers, dont les compétences sont partagées avec d’autres acteurs, notamment la métropole)
  • Ils ne sont pas biaisés par des "effets de bord", contrairement à certaines composantes vertes, comme l’indice de pollution de l’air par exemple, qui, malgré la compétence de la ville, restent soumises à de nombreuses variables étrangères au périmètre de la ville à l’étude.
  • Ils reposent sur une logique de moyens et non de résultats, afin de respecter la ligne directrice de l’opération. Notre analyse ne porte pas sur la performance environnementale et climatique des mesures analysées, mais bien sur les crédits budgétaires engagés à mi-mandat pour les réaliser. Cela nous permet d’estimer si ces dernières sont "réalisées", "en cours de réalisation", ou "difficilement réalisables".
La bonne gestion financière n’est pas une affaire de couleur politique

Souvent absente des promesses de campagne des candidats, la capacité de bonne gestion financière de la municipalité demeure primordiale. Si les municipalités ne peuvent recourir à l’endettement public pour financer leurs "dépenses de fonctionnement", les efforts consentis pour rétablir les comptes locaux peuvent être appréciés au regard du rythme de l’évolution de ces dépenses.

Engagement pour la transition environnementale : un bilan favorable pour les municipalités écologistes

Au regard des différents niveaux de compétences des collectivités notamment sur la question des transports (détails méthodologiques en annexe), il a été décidé d’analyser quatre composantes clés de l’action municipale en faveur de l’environnement :

  • le budget vert de la mairie
  • l’alimentation biologique
  • la lutte contre l'artificialisation
  • la résilience et l’exemplarité des villes en matière écologique

  • La ville de Bordeaux propose une alimentation dans les cantines scolaires tout à la fois biologique et abordable. La part de bio s’établit aujourd’hui à 46 %, en forte augmentation depuis le mandat précédent (34 % en 2020), tandis que les prix ont connu une trajectoire à la baisse, passant sur la même période de 3,88 € à 3,32 € pour une configuration familiale classique.
  • Bordeaux affiche parallèlement une bonne proportion de ses dépenses d’investissement (18 %) favorables à l’environnement. Seules Grenoble et Lille font mieux.
  • Au niveau des finances publiques, Bordeaux a plus fortement accéléré ses dépenses d’investissement. En conséquence, ses capacités d’auto-financement et de désendettement tendent à se dégrader, et constituent un point de vigilance.
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  • À Grenoble, la part des dépenses vertes dans le budget d’investissement est de 20 %, soit le deuxième meilleur résultat des villes de l’opération.
  • La ville propose une alimentation à 60 % bio et locale dans ses cantines scolaires, la meilleure proportion observée, avec un prix par repas relativement élevé à 5,42 €. Ainsi, la ville se classe en 6ème position sur le rapport part du bio / prix des repas.
  • Sa capacité de désendettement devrait baisser de 8,3 années en 2021 à 6,5 années en 2023, contrairement à la majorité des autres villes du classement qui ont vu ce ratio augmenter.
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  • Lille a le meilleur ratio prix de la cantine / part du bio des villes de notre analyse, grâce un  prix par repas en cantine scolaire à 2,61 €, soit le plus bas des villes de notre analyse, et une part de bio dans la médiane.
  • La ville consacre 50 % de ses dépenses d’investissement à la "métamorphose paysagère et urbaine, la performance énergétique et la rénovation environnementale".
  • Son bilan relativement sain en matière de finances publiques se conjugue toutefois à un niveau de dette par habitant élevé (1485 €), et des perspectives négatives sous l’effet des hausses de taux et des tensions inflationnistes persistantes. Sa capacité de désendettement pourrait atteindre 11 ans en 2023, au-delà du seuil de vigilance (10 ans) contre seulement 5,3 en 2021.
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  • Lyon a végétalisé 1,9 hectares de surfaces vertes depuis le début du mandat et a planté 5200 arbres, soit le meilleur score pour une ville écologiste, toutefois loin derrière Nice (77 800) ou Paris (64 000).
  • 10 % du budget total d’investissement est classé sous l’axe "Espaces publics / Végétalisation", La municipalité estime quant à elle que ⅓ de ses dépenses d’investissement sont consacrées à la transition écologique dans son plan d’investissement 2021-2026.  
  • Lyon a une dette très maîtrisée : sa capacité de désendettement est de seulement 4,1 années en 2021, soit le troisième ratio le plus bas des villes étudiées.
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  • La ville de Marseille a une très faible marge de manœuvre en termes d’investissements, à cause de son fort endettement (la dette par habitant s’élève à 1710 €, bien au-dessus de la médiane à 1128 €). En 2021, seulement 28 % des dépenses d’investissement ne sont pas liées au remboursement de la dette, contre 64 % en moyenne.
  • Avec 2282 arbres plantés entre 2020 et 2023, la mairie est particulièrement en retard pour atteindre sa promesse de 200 000 arbres plantés sur la mandature.
  • La part des investissements verts dans le budget s’élève à 17,0 %, soit seulement un point en-dessous de Bordeaux, et est la quatrième ville à consacrer le plus à la transition écologique dans ses investissements.
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  • Entre 2020 et 2021, les dépenses d’investissement de la ville de Montpellier ont augmenté de 30 %, après avoir augmenté de près de 15 % entre 2016 et 2019. Depuis 2020, les dépenses d’investissement pour la transition écologique ont été multipliées par 2,5.
  • En 2023, la mise en place d’une tarification solidaire a réduit les prix de plats de cantine pour ⅔ des familles.
  • Seulement 4 % des dépenses d’investissement de la mairie sont classés sous un thème environnemental en 2023, soit le résultat le plus bas des villes de l’analyse. Toutefois, la part réelle des investissements verts pourrait en réalité être plus élevée, si une méthodologie commune aux villes venait à être mise en place.
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  • À Nantes, la part de bio dans les cantines s’établit à 41 %, soit une augmentation de 21 points de pourcentage entre 2020 et 2022.
  • De 2016 à 2019, la dette par habitant a connu une baisse de 6,1 %, avant de subir une augmentation de 17 % entre 2020 et 2021. D’autre part, le besoin de financement de la ville se dégrade largement en 2021, pour s’établir à 34 millions d’euros alors que la ville avait une capacité de financement moyenne de 9 millions d’euros entre 2016 et 2019.
  • Nantes prévoit de planter 25 000 arbres durant le mandat, mais n’a publié aucun bilan sur le nombre d’arbres plantés à ce jour. La ville a en revanche artificialisé près de 3 hectares entre 2020 et 2021.
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  • ​​Nice est la ville la plus endettée de notre opération. Le délai de désendettement de la ville, après avoir connu une augmentation de 240 %, s'élevait à 52,9 années en 2021 - le seuil d’alerte fixé par le gouvernement est à 12 ans.
  • 13,6 % des dépenses d’investissement sont consacrées au "verdissement de la ville", soit une part de budget vert légèrement plus élevée que la médiane (11,8 %).
  • Par ailleurs, elle est la ville à avoir le plus planté d’arbres depuis 2020 (77 700), bien qu’elle ait artificialisé 10,9 hectares entre 2020 et 2021.
  • À 3,15 €, le prix d’un repas de cantine moyen est le deuxième moins cher des villes de l’opération. Cependant, la part de bio reste relativement basse (38 %).
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  • Paris est largement endettée, avec une dette par habitant de 3818 € en 2021, contre 1128 € en médiane sur le reste des villes de l’opération. Le temps de désendettement en 2021 est de 24 années, soit largement au-dessus du seuil d’alerte (12 ans).
  • La ville affiche un bon bilan environnemental : elle n’a artificialisé aucun espace depuis 2017 et plus de 64 000 arbres ont été plantés depuis le début du mandat, soit le deuxième meilleur résultat des villes de l’opération.
  • La part de bio dans l’alimentation scolaire n’a pas évolué sur le mandat et s'élève à 53 % en 2023. Le prix moyen est de 3,62 €, soit bien inférieur à la moyenne des autres villes de l’opération (4,17 €).
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  • Depuis les élections municipales de 2020, l’endettement de la ville de Rennes a continuellement augmenté : le délai de désendettement est passé de 4,5 années en 2016 à 6,1 années en 2021 et devrait atteindre 13,6 années en 2023 - au-delà du seuil d’alerte de 12 ans fixé par le gouvernement.
  • Dans le domaine écologique, Rennes affiche un ratio de 0.58 arbres par habitant, mieux que tout autre ville. Cependant, sur la période 2020-2022, la mairie n’a planté que 1321 arbres sur son objectif de 30 000 d’ici 2026.
  • La part d'alimentation bio dans les cantines s’élève à 33 % en 2021, soit une des proportions les plus faibles de notre opération. D’autre part, le prix d’un repas moyen est de 5,20 €, bien au-delà de la moyenne (4,17 €).
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  • Strasbourg a considérablement œuvré pour la réduction de l’artificialisation : elle est passée de 12,7 hectares en moyenne entre 2017 et 2019 à 1,7 hectares entre 2020 et 2021.
  • Le prix des plats proposés dans les cantines est le plus élevé des 12 villes étudiées, avec 5,80 €, contre 4,17 € en moyenne. À cela s’ajoute la faible part d’alimentation biologique, 30 % en 2021.
  • Le rehaussement du délai théorique de désendettement depuis le début du nouveau mandat (7 ans), illustre de façon plus large des perspectives négatives en matière de finances publiques. En 2023, le délai devrait s’élever à 12 ans, soit le seuil d’alerte défini par le Gouvernement.
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  • Toulouse possède les finances publiques les plus saines des villes de l’opération. La capacité de désendettement de la ville s’établit à 3 ans en 2021, contre 11 ans en moyenne.
  • Grâce à sa bonne gestion des finances publiques, elle est la ville dont les dépenses d’équipement sont les plus importantes en proportion des dépenses d’investissement. En d’autres termes, la majorité de ses investissements sont tangibles et non liés au remboursement de la dette.
  • En revanche, la ville a significativement poursuivi l’artificialisation de son territoire (33 hectares supplémentaires entre 2020 et 2021). La part de bio dans les repas de cantine est également l’une des plus basses à seulement 31 %.
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