Fractures françaises 2023 : une société désenchantée ?

L’enquête annuelle Fractures françaises réalisée du 15 au 18 septembre 2023 par Ipsos Sopra/Steria pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l'Institut Montaigne permet d’appréhender les différentes tendances de fond qui structurent la société française. Face à un environnement complexe et récemment bouleversé par de multiples crises – pandémie, conflit ukrainien, inflation, émeutes urbaines - quelle réaction des Français ? Se replient-ils davantage sur leur propre écosystème comme le suggéraient les résultats de notre Baromètre des territoires 2021 ? Leur perception des institutions, de l’État, du politique a-t-elle radicalement évolué ? Assiste-t-on à l’enracinement d’un nouveau système de valeurs des Français ?

Cette année, 85 % des Français estiment que la France est en déclin, une hausse significative (+7 points depuis 2022), et 34 % pensent que ce dernier est irréversible. Cette opinion est particulièrement importante chez les sympathisants de la droite et de l’extrême droite. Ce pessimisme ambiant, notamment nourri par un sentiment généralisé de vivre dans une société violente, "en colère et contestataire", se traduit par une plus forte adhésion aux valeurs autoritaires.

Ce déclinisme s’incarne par un faible niveau de confiance interpersonnelle - seuls 26 % des Français peuvent faire confiance à la plupart des gens - mais aussi et surtout à l’égard des représentants et partis politiques. En effet, les députés et les partis politiques ne recueillent, respectivement, que 29 et 17 % d’opinions favorables en la matière. À l’inverse, les petites et moyennes entreprises (80 %), les grandes entreprises (44 %) ainsi que les maires (69 %) conservent des niveaux de confiance relativement élevés.

Cette année encore, les résultats de notre enquête Fractures françaises confirment un intérêt manifeste et préoccupant des Français pour leur pouvoir d’achat, l’environnement, l’avenir du système social ainsi que pour l’immigration. En revanche, l’avenir du système scolaire, la menace terroriste ou les risques épidémiques ne figurent pas ou plus parmi les préoccupations principales des Français.

Certains sujets de préoccupation demeurent politiquement clivants pour de nombreux Français s’agissant notamment de la perception du nombre d’étrangers en France ou encore de l’enjeu de la redistribution des richesses. À cet égard, si moins de 40 % des sympathisants de droite ou de la majorité présidentielle pensent que la fiscalité sur les plus riches est nécessaire pour plus de justice sociale, ils sont plus de 75 % à le penser du côté des partisans du PS et de la France insoumise.

De même, le sentiment qu’il existe trop d’assistanat en France est majoritaire pour les sympathisants de la droite et du centre, bien qu’en nette diminution par rapport à 2022.

Enfin, la question du réchauffement climatique - l’une des principales préoccupations des Français - est également sujet à clivages au sein de la population. Alors que moins de 6 Français sur 10 estiment que le changement climatique est la conséquence de l’activité humaine, un clivage gauche-droite demeure s’agissant de la nécessité de modifier en profondeur son mode de vie pour y faire face.