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Rapport
janvier 2016

Décentralisation :
sortons de la confusion

<p><strong>Décentralisation :</strong><br />
sortons de la confusion</p>
Auteurs
Blanche Leridon
Directrice Exécutive, éditoriale et Experte Résidente - Démocratie et Institutions

Blanche est directrice éditoriale de l'Institut Montaigne et spécialiste des questions démocratiques et institutionnelles. Avant cela, elle a exercé plusieurs fonctions au sein de cabinets ministériels et auprès du Président de l’Assemblée nationale. Blanche enseigne à Sciences Po et est l’auteur d’un essai paru aux Éditions Bouquins en février 2022, Odyssées Ordinaires.

Groupe de travail

Les présidents 

Jean-Pierre Balligand, président du Comité d'orientation Financement des collectivités locales de la Banque Postale, co-président de l'Institut de la Décentralisation, ancien député (PS) et ancien président du Conseil général de l'Aisne (1998-2001)

Gilles Carrez, président (Les Républicains) de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale

Les membres 

Gabrielle Gauthey, directrice des investissements et du développement local, Caisse des Dépôts et consignations
 
Jacques Gérault, préfet
 
Françoise Larpin, associée - directrice nationale KPMG Secteur public
 
Daniel Laurent, conseiller spécial, Institut Montaigne
 
Simon Munsch, directeur général des services, région Pays de la Loire
 
Joaquim Oliveira Martin, chef de la division des politiques de développement régional, OCDE
 
Guy-Pierre Sachot, directeur du Développement Territorial, Groupe La Poste
 
Les rapporteurs

Pierre-François Gouiffès, inspecteur général des finances et maître de conférences à Sciences Po
 
Nathalie Bakhache, haut-fonctionnaire
 
Michaël Sibilleau, sous-directeur en charge des finances en administration centrale

ATR, SRU, MAPTAM, NOTRe… Derrière cette litanie d’acronymes, plus de trente années de réformes territoriales à la poursuite d’une ambition : ladécentralisation. L’objectif ? Des collectivités territoriales plus autonomes, aux compétences clairement identifiées, dotées de moyens financiers plus importants et au service d’une action publique plus efficace. Quel bilan dresser ?
 
Très largement, un constat d’échec.

  • Échec du découpage administratif du territoire tout d’abord, qui voit se superposer une quantité d’échelons au périmètre d’action aussi peu viable que lisible.
  • Échec financier ensuite, puisque la situation des finances locales s’est considérablement détériorée, entraînant un net repli de l’investissement public.
  • Échec politique enfin, puisque les collectivités ne sont presque jamais associées à l’élaboration de la norme, qui régit pourtant l’ensemble de leurs actions.

Pour comprendre les raisons de ces échecs et identifier les moyens de les dépasser, l'Institut Montaigne a exploré plusieurs pans de l'action publique ainsi que les moyens mis au service de ces actions. Les domaines analysés pâtissent plus particulièrement de ces échecs.
En s'appuyant sur cette démarche empirique, au plus près du terrain, le groupe de travail de l'Institut Montaigne propose des actions concrètes réparties en sept chapitres pour que les politiques publiques soient enfin conduites avec ambition, clarté et efficacité dans les territoires.
 

Intégrer davantage les collectivités au processus normatif

Le phénomène d’ "inflation normative", qui désigne la production toujours plus importante de lois et de règlements, touche particulièrement les collectivités locales, auxquelles sont destinées une grande partie de ces normes. Elles impactent directement leurs finances, sans qu’il soit possible pour elles de suffisamment l’anticiper.
 

De 2008 à 2013, le coût des normes nouvelles pour les collectivités est de 5,8 milliards d’euros (bruts)

Si de récentes évolutions vont dans le sens d’une évaluation plus systématique des coûts induits par ces réformes, d’importantes marges de progrès existent encore. C’est plus généralement l’implication des collectivités dans le processus normatif qui doit être au centre du débat. Leur pouvoir normatif et leur poids dans le processus d’élaboration des normes sont aujourd’hui trop limités. Les collectivités ne jouissent donc pas d’une réelle faculté d’adaptation des normes auxquelles elles sont soumises. Enfin, leur capacité à expérimenter doit également être renforcée. 

L'inflation normative impacte directement les finances des collectivités

Que proposons-nous ?

  • Systématiser l’évaluation ex post des réformes présentées au Conseil national d’évaluation des normes (CNEN).
  • Réviser l’article 21 de la Constitution afin de confier un pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales pour l’exercice de leurs compétences exclusives.
  • Renforcer les possibilités d’expérimentation des collectivités locales en modifiant la Constitution (article 72 alinéa 4) et les lois organiques associées. 
  • ...

Mettre fin au déficit chronique des finances publiques locales

Sur les quatre dernières années les dépenses de fonctionnement des communes ont augmenté de 2,2 % par an

Depuis 2003, les comptes des administrations publiques locales sont systématiquement déficitaires. L’augmentation galopante des dépenses des collectivités ne s’explique pas seulement par l’accroissement constant de leurs compétences. Leurs dépenses de fonctionnement n’ont cessé de croître, notamment pour assurer le financement des dépenses de personnel. Dotées d’une fiscalité propre, mais limitée depuis 2010, elles doivent depuis 2014 absorber la baisse des dotations de l’État.

 

Il apparaît aujourd’hui indispensable de mieux associer les collectivités à la programmation des finances publiques au plan national, mais aussi qu’elles puissent rééquilibrer leurs budgets dans un double objectif d’économies et de préservation de l’investissement.

 

Les comptes des administrations publiques locales en déficit constant depuis dix ans

Que proposons-nous ?

  • Renforcer la règle d’or actuelle par l’introduction d’un ratio de désendettement (dette / épargne brute) pour les collectivités et groupements de plus de 5 000 habitants. Et, imposer aux collectivités locales les plus endettées un programme pluriannuel de retour à l’objectif cible de désendettement sur six ans.
  • Organiser la maîtrise des frais de fonctionnement, notamment des frais de personnels des collectivités locales.
  • ...

Connaître les aides sociales pour mieux les maîtriser

Les dépenses budgétaires relatives à l’aide sociale (personnes âgées, exclusion, protection de l’enfance, logement, etc.) progressent rapidement. Entre 2009 et 2013, elles ont augmenté annuellement de 5,6% dans les administrations publiques locales, alors que l’ensemble des dépenses publiques a évolué de 2,3% sur la même période. Les allocations de RSA, financées par les départements, connaissent elles aussi une inflation soutenue. À la multiplicité des prestations s’ajoute une multitude de gestionnaires : État, départements, CAF ou MSA.
 

Les dépenses budgétaires relatives à l’aide sociale augmentent annuellement de 3,1 % pour toutes les administrations publiques

Se dessine alors un panorama difficilement lisible pour les acteurs, mais aussi et surtout pour le citoyen, pourtant principal intéressé. Il est donc indispensable de le repenser.

Des aides sociales fragmentées difficilement lisibles pour les citoyens

Que proposons-nous ?

  • Définir et rendre public un ONDAS (objectif national des dépenses d’aide sociale) couvrant les dépenses d’aide sociale de l’ensemble des administrations publiques et faisant l’objet d’un débat annuel au Parlement.
  • Décliner l’ONDAS au niveau départemental via un ODDAS (objectif départemental des dépenses d'aide sociale) couvrant l’ensemble des administrations départementales (État, département, Sécurité sociale, communes et intercommunalités).
  • ...

Préserver l’investissement public des collectivités

Les dépenses d’investissement des collectivités ont chuté de 9,6% entre 2013 et 2014

Construction de logements, d’établissements scolaires, d’infrastructures sportives, etc. les collectivités locales sont le premier investisseur public en France. Le dynamisme de leurs dépenses d'investissements impacte donc directement la croissance. Or, celles-ci ont chuté de 9,6% en 2014. Loin d’être un phénomène conjoncturel isolé, cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir. L’investissement étant devenu la (mauvaise) variable d’ajustement de budgets contraints.

Les collectivités, en lien étroit avec l’État, doivent aujourd’hui œuvrer pour le maintien d’un investissement public local concerté et cohérent.

Investissement public en net recul :
la mauvaise variable d'ajustement ?

Que proposons-nous ?

  • Lisser la baisse programmée des concours financiers de l’État aux collectivités locales sur deux années supplémentaires afin de ramener l’effort annuel à 1,8 Md€ en 2017 et 2018 (contre 3,7 Md€ programmés sur la seule année 2017) et favoriser l’autofinancement des investissements.
  • Proscrire les cofinancements pour les compétences spécialisées des collectivités locales.
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Recentrer la compétence "développement économique"

Aide aux entreprises, aménagement foncier, services aux salariés, etc., la compétence du développement économique est un levier considérable en matière d’action et de communication politique, mais elle souffre pourtant d’une forte dispersion. À l’exception du département, tous les niveaux de collectivités sont impliqués dans les politiques de développement économique, auxquels s’ajoutent de multiples opérateurs publics et parapublics.

La France a consacré 4,9% de son PIB aux politiques de développement économique en 2014

Cet enchevêtrement d'acteurs conduit à un éparpillement de la politique de développement économique, que les systèmes de cofinancement et la clause de compétence générale n'ont fait qu'accentuer.

Il est donc essentiel de replacer le développement économique dans un environnement plus lisible, circonscrit à la région et à la métropole.

 

Développement économique :
trop d'acteurs, moins d'efficacité ?

Que proposons-nous ?

  • Faire du développement économique territorial un domaine prioritaire d’expérimentation pour les territoires qui le souhaitent : simplification et réactivité administrative, mise en cohérence de l’ensemble des politiques publiques (transport, logement) et capacité à rationaliser le fonctionnement des dispositifs publics.
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Rationaliser les politiques de l’emploi et de la formation professionnelle

70 000 agents publics ou parapublics sont chargés de l’accueil, de l’orientation et de l’indemnisation des demandeurs d’emploi

Le chômage de masse est un fléau durable pour la France. L’emploi constitue donc un enjeu majeur, tant à l’échelle locale qu’à l’échelle nationale. De nombreux acteurs interviennent dans ce champ : de l’État au conseil régional, en passant par Pôle emploi, les missions locales ou les maisons de l’emploi. Cependant, au lieu d'endiguer le chômage,  la multiplication des acteurs rend inefficientes et illisibles les politiques publiques chargées de l’enrayer. Elles souffrent aujourd’hui de l’éparpillement institutionnel, de l’émiettement des ressources et de l’absence totale d’évaluation au niveau territorial.
 

Il devient donc urgent de réduire le nombre d’organismes et de constituer un opérateur public unique en charge de cette politique.

Emploi et formation professionnelle : 
un éparpillement des ressources et des acteurs

Que proposons-nous ?

  • Confier la responsabilité des politiques de l’emploi à une agence « à la suédoise » à partir de Pôle emploi mais fortement décentralisée.
  • Constituer autour de Pôle emploi un opérateur public unique, sous la forme d’une agence : intégration des maisons de l’emploi dans Pôle Emploi, insertion des missions locales dans un dispositif beaucoup plus intégré.
  • ...

Unifier les politiques d’enseignement professionnel et d’apprentissage

Les politiques d’apprentissage et de formation professionnelle initiale sont un levier puissant pour former les jeunes, contribuer à leur qualification et les accompagner vers l’emploi, mais aussi pour dynamiser l’économie d’un territoire et lutter contre le chômage. Pour autant, une scission institutionnelle handicape la gestion de ces deux politiques. L’enseignement professionnel, maintenu dans le giron de l’Éducation nationale, et l’apprentissage, du ressort du ministère du Travail, évoluent dans des écosystèmes distincts, alors qu’ils poursuivent des objectifs communs. Cette dualité, prolongée par l’intervention d’acteurs multiples et non coordonnés au niveau local, engendre une véritable perte d’efficacité.
 

Un million d’élèves en lycées professionnels, seulement
430 000 jeunes en apprentissage

L’unification de ces deux politiques semble donc aujourd’hui primordiale. Elle permettra de rationaliser le pilotage territorial qui souffre d’un manque de cohérence.

Apprentissage et enseignement professionnel : des ministères non coordonnés

Que proposons-nous ?

  • Procéder à une décentralisation complète de la formation professionnelle initiale au profit des régions. Transférer aux régions la totale responsabilité des établissements d’enseignement, leur financement, la gestion des personnels, la carte de formation, etc.
  • Offrir aux établissements d’enseignement professionnel une plus grande autonomie de gestion, exercée dans le cadre d’un dialogue de gestion avec la région et d’une responsabilité sur les résultats via un système d’évaluation.
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Rapport
(116 pages)
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