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Primaire de la droite et du centre
Le grand décryptage

Le chiffrage ne permet pas à lui seul de comparer les propositions des candidats. Elles doivent également s'apprécier au regard de leur mise en oeuvre, de leur historique et d'une comparaison internationale.

CandidatPropositionChiffrage *Détail

Jean-François
Copé
Abroger (sans rétroactivité) les statuts de la fonction publique et supprimer 200 000 emplois publics
-6,2 Md€ Chiffrage
et faisabilité

François
Fillon
Supprimer environ 500 000 emplois publics
-14 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Alain
Juppé
Supprimer 300 000 emplois publics, hors Education, Police, Justice et Défense
-7,7 Md€ Chiffrage
et faisabilité
Nathalie
Kosciusko-Morizet
Mettre fin au statut de fonctionnaire, sauf pour les magistrats, et supprimer 100 000 emplois publics par an
-14,1 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Bruno
Le Maire
Supprimer 500 000 emplois publics et supprimer le statut de la fonction publique territoriale
-12 Md€ Chiffrage
et faisabilité

Jean-Frédéric
Poisson
Renforcer la fonction publique régalienne. Réduire les autres fonctions publiques
Non chiffrable Chiffrage
et faisabilité

Nicolas
Sarkozy
Supprimer 300 000 emplois publics, hors forces de sécurité
-8,4 Md€ Chiffrage
et faisabilité


*+XX Md€ correspond à une dépense supplémentaire ou une diminution des recettes
-XX Md€ correspond à des économies ou des recettes supplémentaires

Quels enjeux pour ces propositions ?

Au 31 décembre 2014, la France comptait 5,4 millions d’agents travaillant dans la fonction publique, dont 2,4 millions dans la fonction publique d’État, 1,9 million dans les collectivités territoriales et 1,1 million dans le secteur hospitalier, pour un total de 220,1 milliards d’euros de dépenses de personnel. 

Pour les candidats, la réduction d’emplois publics peut être réalisée de différentes manières : le principal levier est le non-remplacement d’un départ à la retraite d’un agent titulaire. D’autres instruments peuvent être sollicités : le non renouvellement d’un contrat pour les agents non titulaires sous contrat de droit public, la réforme – ou suppression pure et simple – du statut des fonctionnaires. 

Cette réduction ne peut s’effectuer indifféremment dans les trois fonctions publiques : il n’est en effet pas possible d’imposer directement d’objectif de réduction des effectifs aux collectivités territoriales, auxquelles la Constitution reconnait le principe de "libre administration".

Le risque de conflit social à grande échelle ne peut, enfin, être négligé pour ce type de mesures. 

Que proposent les candidats ? Quelles économies pourraient être générées par de telles mesures ? Les mesures annoncées ont-elles déjà été appliquées en France ? À l’étranger ? Décryptage.

Déjà appliquées ? proposées ?

La Revue générale des politiques publiques (RGPP), lancée en 2008 et achevée en 2012, visait déjà le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux, mais uniquement pour le personnel de l’État. La suppression des statuts de la fonction publique territoriale n’a jamais été envisagée à grande échelle.

La Cour des comptes estime que la RGPP a permis une économie de l’ordre de 840 M€ par an, soit 3,3Md€ sur 4 ans, et de 144 000 Equivalents-temps-plein.

Néanmoins, la RGPP prévoyait la rétrocession de 50%, en pratique 61%, des économies réalisées aux agents publics, ce qui réduisait l’effet budgétaire de cette mesure. De même, le ratio de 50% de non-remplacement s’est appliqué différemment selon les secteurs, puisque le ministère de la Défense ne remplaçait pas 97% des départs, mais a contrario a fortement accru son recourt aux contractuels.

Déjà testées à l'étranger ?

L’objectif de réduction du nombre de fonctionnaires a déjà été mis en œuvre dans les années 1990 dans certains pays : Canada, Italie, Finlande. Depuis la crise financière de 2008, d’autres pays ont cherché à réduire le nombre d’emplois publics : Grande Bretagne, Grèce, Portugal, Espagne.

Dans la quasi-totalité des exemples cités, les mesures ont été prises dans un contexte de volonté de maitriser un déficit public perçu comme excessif ou de crise budgétaire grave. 

Le Canada, par exemple, entre 1993 et 1998, grâce à sa "Revue des Programmes" a réduit sa fonction publique fédérale de 16% (-60 000 emplois). Au Canada, la baisse du nombre de fonctionnaires a contribué à la résorption du déficit public et au retour des excédents budgétaires. Cette baisse s’est réalisée sans conflit social majeur. Les années 2000 ont, en outre, été marquées par un faible taux de chômage et une croissance dynamique. 

Toutefois, lorsqu’un pays impose sur une période de plusieurs années un effort sur ses emplois publics, elle semble suivie d’une phase de fort rattrapage: selon les données de l’OCDE, alors que la masse salariale canadienne n’a évolué que de 1,5% entre 1990 et 2000, elle a progressé de 5,8% entre 2000 et 2007 et de 15,9% entre 2010 et 2013. De même en Finlande, alors que la masse salariale n’avait pas évolué entre 1990 et 2000, elle a augmenté de 5% entre 2000 et 2007.

L’objectif de suppression du statut de la fonction publique, enfin, a été mis en œuvre dans les années 1990-2000 en Suède et au Danemark. En 1993, la Suède a supprimé pour l’ensemble des fonctionnaires l’emploi à vie et l’a remplacé par un contrat d’emploi similaire au secteur privé. Au Danemark, la réforme mise en place en 2001 a limité le statut à certaines catégories de fonctionnaires (haut fonctionnaires, police, justice, défense), les autres fonctionnaires étant régis par des dispositions contractuelles.

Comment les mettre en oeuvre ?

Le levier principal pour atteindre ces objectifs de suppression est le non-remplacement systématique des départs à la retraite. Au sein de l’État, l’objectif budgétaire de non-remplacement est fixé par la loi de finances chaque année, et décliné selon les politiques publiques. Le cadre actuel de la loi de finances semble suffisant.

Pour le secteur hospitalier, la limitation des remplacements des départs à la retraite peut être atteinte à travers la loi de financement pour la Sécurité sociale et la fixation par le Gouvernement de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM, plafond de dépense à ne pas dépasser).

Pour les collectivités territoriales, la réduction est plus difficile à mettre en œuvre. En effet, la Constitution reconnait le principe de « libre administration » des collectivités qui ne peuvent donc se voir imposer un mode de gestion par l’État. Pour la suppression du statut de la fonction publique territoriale, prévue par Bruno Le Maire, une modification de la Constitution sera nécessaire. 

Concernant le recrutement des contractuels à la place des titulaires, le statut général de la fonction publique dépend de quatre lois : 

  • Dispositions générales

Titre I : Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (loi Le Pors)

  • Fonction publique de l’État

Titre II : Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique de l’État

  • Fonction publique territoriale

Titre III : Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant disposition statutaires relatives à la fonction publique territoriale

  • Fonction publique hospitalière

Titre IV : Loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions relatives à la fonction publique hospitalière

Par parallélisme des formes, il sera nécessaire d’abroger ces quatre lois et de les remplacer très vraisemblablement par un texte détaillant les dispositions s’appliquant aux contractuels. Une multitude de textes législatifs ou réglementaires traitant des titulaires seront également à modifier. 

La principale difficulté dans la mise en œuvre de la proposition concerne le risque de conflit social à grande échelle. 

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