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17/04/2019

Zone de libre-échange continentale africaine : bientôt une entrée en vigueur ?

Entretien avec Michaël Cheylan

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Zone de libre-échange continentale africaine : bientôt une entrée en vigueur ?
 Michaël Cheylan
Contributeur sur les questions africaines

La ratification par la Gambie le 2 avril dernier de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) a permis à ce projet phare de l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) de passer le cap des 22 pays nécessaires pour son entrée en vigueur. La ZLECA sera officiellement adoptée au Sommet de l’UA qui se tiendra à Niamey en juillet prochain. Quelles ambitions porte-t-elle ? Quelles sont les modalités de sa mise en oeuvre ? Michaël Cheylan, contributeur sur les questions africaines à l’Institut Montaigne, nous livre son analyse.

Alors qu'elle est désormais ratifiée par 22 pays, quelles sont les prochaines étapes de la mise en place de la ZLECA ?

Avant tout, il n'est pas inutile de rappeler que la ZLECA doit permettre de dégrever de droits de douane 90 % des échanges de biens entre pays africains, ce qui revient de facto à abolir les 84 000 kilomètres de frontières intérieures qui existent actuellement sur le continent.

Il fallait en effet que le traité constitutif de la ZLECA, signé le 21 mars 2018 par 44 pays à Kigali, soit ratifié par 22 d'entre eux pour entrer en vigueur.

Un premier pas a été franchi ce mois-ci avec l'adhésion de la Gambie, après celle de l'Ethiopie en février, car il fallait en effet que le traité constitutif de la ZLECA, signé le 21 mars 2018 par 44 pays à Kigali, soit ratifié par 22 d'entre eux pour entrer en vigueur. L'Afrique comptant 54 pays au total, il reste encore à convaincre une majorité d'entre eux (32 pays), et non des moindres. En particulier le Nigeria, la plus importante économie du continent - 400 milliards de dollars de PIB en 2018 - avec l'Afrique du Sud.

L'enjeu est de taille. Avec la ZLECA, l’Afrique compte créer un bloc commercial qui devrait générer un PIB de plus de 3 000 milliards de dollars et permettre la création de 300 000 emplois directs et plus de 2 millions d’emplois indirects. Ce sont, certes, des projections, mais cela donne une idée de l'ambition.

Quelle coordination peut-on envisager entre cette zone de libre-échange continentale et les communautés économiques régionales existantes ?

Le commerce intra-africain, bien que faible en volume et en pourcentage - 18 % du total des échanges commerciaux réalisés en Afrique -, surtout comparé à d'autres régions du monde - 51 % en Asie (ASEAN), 54 % en Amérique du Nord (ALENA) et 70 % en Europe (AELE) -, s'effectue d'abord entre pays voisins au sein d'une même sous-région (Sénégal, Mali ; Bénin, Nigeria, Cameroun, Gabon ; Afrique du Sud, Mozambique, etc.). La ZLECA devrait permettre, en théorie, de développer les échanges entre les différentes sous-régions (CEDEAO, SADEC, EAC, CEMAC, etc.) qui commercent bien plus avec le reste du monde - même si ces échanges ne représentent que 2 % du total mondial - qu'entre elles, malgré d'importantes disparités entre elles sur ce plan.

Au-delà de la charge symbolique, quelle importance revêt cette zone pour le continent africain ?

La ZLECA est un symbole puissant en effet. Tout ce qui va dans le sens d'une meilleure intégration économique du continent est une bonne chose. Mais pour garder sa valeur symbolique, encore faut-il que la ZLECA puisse avoir un impact concret et significatif sur la réalité, ce qui doit se traduire, à terme, par une augmentation sensible du commerce intra-africain : pour porter la part des échanges intra-africains à 52 % dans 10 ans, la ZLECA doit permettre d'augmenter le commerce intra-africain de plus de 35 milliards de dollars par an.

Mais pour que l'Afrique commerce davantage avec elle-même, encore faudrait-il qu'elle produise davantage ce qu'elle consomme, plutôt que de l'importer d'Asie, d'Europe, etc. Cela pose la question des coûts de production et de la compétitivité. D'autre part, les entraves au développement du commerce intra-africain ne sont pas, loin de là, exclusivement juridiques. Il y a en Afrique beaucoup de barrières douanières informelles. En outre, le manque d’infrastructures (routières notamment, mais aussi maritimes et aériennes) est également un frein.

La ZLECA doit permettre d'augmenter le commerce intra-africain de plus de 35 milliards de dollars par an.

Enfin, pour permettre à la ZLECA d'optimiser son potentiel, les dirigeants africains ne pourront faire longtemps, de mon point de vue, l'économie d'une réflexion sur des systèmes protectionnistes destinés à favoriser le développement d'une base industrielle plus importante sur le continent, ainsi que pour l'agriculture. Pour des raisons de rapport de force, et même si les différents intérêts et points de vue ne sont pas faciles à concilier, c'est, pour des raisons de taille critique, à l'échelle continentale que pareille réflexion devrait être menée.

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