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09/11/2017

[Vu d’ailleurs] La fonction publique à l’épreuve des réformes

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[Vu d’ailleurs] La fonction publique à l’épreuve des réformes
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Les “fonctionnaires”. Rares sont les termes qui, dans le langage commun, ont généré tant de débats, de tentatives définitoire ou réformatrice. Si Emmanuel Macron a fait du secteur public le coeur de sa “révolution”, dénonçant les tabous existant au sein de l’administration lorsqu’il était ministre, puis entamant une réforme de l’action publique en tant que président, le sujet reste, en France, malmené. Pourtant, la meilleure gestion des ressources humaines publiques est le préalable indispensable à la modernisation et à l’efficacité de nos administrations. Dans son rapport Pour une fonction publique audacieuse et "Business friendly" (avril 2014), l’Institut Montaigne érigeait déjà la gestion des ressources humaines comme principal levier de modernisation de l’action publique. 

Afin d’éclairer les réformes à venir sous un angle nouveau, l’Institut Montaigne a analysé trois grandes réformes de la fonction publique engagées en Italie, au Canada et au Royaume-Uni. Statut, évaluation de la performance, formation continue : que nous apprennent les modèles étranger ? Réponse en trois points. 

Le contexte : l’émergence du New Public Management

Les années 1990 ont vu l’apparition et la diffusion au sein de l’administration de la plupart des pays de l’OCDE du concept de New Public Management comme nouveau modèle de gestion de l’action publique. Celui-ci repose sur l’idée que l’administration devrait s’inspirer des règles managériales propres au secteur privé afin d’améliorer son efficacité. A l’origine de ce mouvement : le constat de la faillite d’un modèle de bureaucratie trop rigide et centralisé. L’administration souffre d’un manque d’agilité, de rapidité et d’adaptation au regard des enjeux auxquels elle est confrontée : maîtrise des dépenses publiques, exigences accrues des citoyens, baisse d’attractivité du secteur public… Ces enjeux se retrouvent au coeur de la feuille de route du programme "Action publique 2022". Si certains pays ont fait figure de pionniers en la matière, comme le Royaume-Uni, la France est longtemps restée en retrait face à l’introduction d’une telle logique. C’est seulement avec l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2006 que la France introduit une logique de performance dans son administration, tandis que de nombreux pays étaient déjà lancés sur la voie de la rénovation de leur modèle de fonction publique. 

L’évolution du statut des fonctionnaires comme levier de modernisation de l’administration : le cas de l’Italie

Il est courant de distinguer la fonction publique de carrière de la fonction publique d’emploi. Si, en France, le statut des fonctionnaires s’inscrit dans le premier scénario, ce modèle ne fait pas exception en Europe. 12 des 28 Etats de l’Union européenne ont fait le choix d’une fonction publique de carrière, tandis que neuf se sont dotés d’un régime mixte, combinant carrière et emploi. Cependant, force est de constater que, face aux enjeux de modernisation de l’administration, nombreux sont les pays - en Europe et ailleurs - à avoir modifié en premier lieu le statut même de leurs fonctionnaires via une tendance à la contractualisation des relations entre les agents publics et l’État. Plusieurs États européens ont en effet décidé de changer de modèle au tournant des années 2000, s’orientant de plus en plus vers une fonction publique d’emploi, c’est-à-dire, contractuelle. 

En Italie, la loi Madia d’août 2015 parachève une série de réformes initiées dans les années 1990 visant à réorganiser les administrations publiques italiennes. 

  • En 1992, une première série de lois dites Cassese ont délégué au Gouvernement italien la rationalisation et la révision des normes applicables en matière de santé, de fonction publique, de prévoyance et de finances locales. Ces lois ont également opéré une séparation entre sphères politique et sphère administrative, dotant les responsables de services d’une plus grande autonomie en contrepartie d’une évaluation régulière de leurs résultats. 
  • Par la suite, en 1997, la loi dite Bassanini a reconnu le principe de subsidiarité, définissant un noyau dur des compétences relevant des prérogatives de l’État, tandis que les autres compétences ont été transférées aux régions et collectivités territoriales. Cette loi a contribué par ailleurs à la réforme de l’administration ainsi qu’à la simplification administrative, en même temps qu’elle a permis d'accroître le poids de la négociation collective dans l’administration. 
  • Enfin, en 2009, la loi dite Brunetta a délégué au gouvernement l’optimisation de la productivité du travail au sein du secteur public. 

Ces lois représentent des applications concrètes du New Public Management, chaque administration ayant des objectifs à atteindre, des ressources attribuées à la bonne réalisation de ces objectifs, le tout contenu dans des programmes annuels voire pluriannuels. Ces réformes successives ont abouti progressivement à la "privatisation de l’emploi public", les fonctionnaires étant désormais soumis au droit privé du travail, ce qui implique la compétence du juge judiciaire en cas de litige avec l’administration. De même, la rémunération n’augmente plus automatiquement en raison de l’ancienneté, plus individualisée, elle tend à prendre en compte la performance des agents via une évaluation annuelle. Néanmoins, certaines catégories de fonctionnaires, proches des fonctions régaliennes de l’État (justice, diplomatie, armée, police, finances), font exception afin de préserver leur indépendance et représentent 15 % du nombre total d’agents publics. 

Ces réformes ont cependant eu un impact limité, de nombreux décrets d’application étant nécessaires pour la bonne mise en oeuvre des lois successives. Selon une note, en 2015, 383 lois votées depuis 2011 n’ont pu entièrement être appliquées, faute de mesures dans les ministères concernés. De même, si la réforme du Sénat mettant fin au bicamérisme parfait (deux chambres parlementaires ayant autant de pouvoirs l’une que l’autre), devait permettre d’accélérer l’adoption des lois, l’échec de la réforme constitutionnelle en décembre 2016 a remis en cause les ambitions réformatrices du gouvernement.

Le développement d’une logique d’évaluation de la performance : le cas du Canada

La rénovation de la gestion des ressources humaines est un préalable indispensable à la modernisation de la fonction publique. C’est l’un des souhaits exprimés par le gouvernement actuel : moderniser, en France, les services des ressources humaines de la fonction publique afin de responsabiliser les agents, faciliter l’évolution des carrières, notamment grâce à la formation continue, le tout en favorisant la mobilité professionnelle. Ces propositions peuvent être illustrées par le “programme de gestion du rendement”, lancé par le Canada en 1999. En effet, dans ce pays, la mesure de la performance individuelle des cadres supérieurs de la fonction publique a été conçue pour s’articuler avec la performance globale des organisations ; l’efficacité globale du système reposant sur la responsabilisation des managers.  
 
Ce programme, dont le but est d’attirer les talents, notamment en provenance du secteur privé, en jouant principalement sur les critères de rémunération, vise à décliner les objectifs stratégiques des administrations centrales et des ministères jusqu’aux objectifs individuels des agents concernés. Il permet ainsi d’intégrer la performance individuelle dans un cadre collectif. Le principe est le suivant : les cadres supérieurs de la fonction publique signent un accord de performance dans lequel ils s’engagent sur l’obtention de résultats en fonction des priorités gouvernementales ; chaque programme définissant les objectifs, les résultats ainsi que les compétences attendues de la part des hauts fonctionnaires. Cet accord comprend, d’une part, des engagements permanents qui déterminent la rémunération de base du fonctionnaire et, d’autre part, une rémunération variable, déterminée en fonction de l’exécution des objectifs. Cette dernière est mesurée à partir d’indicateurs chiffrés de résultats et sur la manifestation de compétences clés en leadership de la part du haut fonctionnaire.

Ces programmes vont au-delà de la simple notion de rémunération à la performance (RLP) introduite dans de nombreux pays de l’OCDE et dont l’efficacité est relativement limitée. A travers la responsabilisation des managers, ils ont permis d’introduire une culture de la performance et de l'évaluation dans l’administration dynamisant ainsi l’ensemble de la fonction publique. Les études de l’OCDE montrent ainsi qu’au-delà de la rémunération à la performance, ce sont surtout les processus accompagnant qui produisent des effets positifs

La formation continue au sein de l’administration : le cas du Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a mis en place la procédure dite du "fast stream". Il s’agit d’un programme permettant l’accès aux postes de la haute fonction publique de façon accélérée. Une fois acceptée dans le programme, les agents sont tenus, d’une part, de changer de poste tous les 12 à 18 mois et, d’autre part, de suivre en moyenne 15 jours de formation par an, dispensés le plus souvent au sein de la National School of Government, ainsi que des jours réservés à l’autoformation. Un certain niveau de diplôme est exigé pour intégrer le programme, il est ouvert aux candidats agents du secteur public comme ceux du privé.

Le Fast Stream est le programme visant à recruter les fonctionnaires généralistes. Le processus de sélection se fonde essentiellement sur les compétences des candidats et non sur le diplôme. La place des connaissances académiques dans le processus de sélection est très restreint, la notation s’effectuant selon des indicateurs de comportements (behaviour anchored rating scales). L’accent est donc mis sur les capacités opérationnelles et managériales des candidats. En outre, sur la base des qualités et des faiblesses des candidats constatées lors des épreuves de sélection, un suivi personnalisé est mis en place pour chaque fonctionnaire. 

Chaque agent doit établir des objectifs personnels de développement et d’apprentissage pour l’année. L’accent mis sur la formation continue est important, et le développement des compétences, particulièrement en matière de leadership et de management est au coeur des offres de formation


Ces trois exemples, loin d'appliquer une vision comptable de la réforme,ont au contraire pour visée principale la modernisation de la fonction publique. La nécessité de redonner du sens à l’action publique dans un contexte de réduction assumée des dépenses publiques s’est illustrée par une individualisation voire une privatisation accrue des carrières, en même temps qu’une volonté de favoriser la performance des différentes administrations. Si une réflexion sur le périmètre, le sens et les modalités d’exercice des services publics est indispensable, constituant en France l’un des piliers du grand plan d’investissement ainsi que l’origine du comité d’action publique pour 2022, celle-ci doit passer en premier lieu par une réflexion consacrée à la fonction publique, les agents publics étant les acteurs quotidiens et indispensables de notre cohésion sociale.

 

Anna Perraudin et Timothée Houzel pour l'Institut Montaigne.
 

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