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20/07/2016

Traités commerciaux : le Royaume-Uni prépare l’après-Brexit

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Traités commerciaux : le Royaume-Uni prépare l’après-Brexit
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Officiellement investie première ministre du Royaume-Uni ce mercredi 13 juillet par la reine Elizabeth II, Theresa May a rapidement constitué un nouveau gouvernement dans lequel les partisans du Brexit ont obtenu d'importantes fonctions. Boris Johnson est nommé ministre des Affaires étrangères, Philipp Hammond remplace George Osborne au poste de chancelier de l'Echiquier, Liam Fox succède à Sajid Javid au secrétariat d'État au Commerce international et David Davis, ancien secrétaire d'État aux Affaires européennes, prend la charge d'un nouveau ministère dédié au Brexit.

Quelques jours après sa prise de fonction, Theresa May a affirmé vouloir faire du Brexit un succès en profitant de l’opportunité pour conclure de nouveaux accords commerciaux avec des États tiers.

L’avenir du Royaume-Uni au sein du commerce mondial et les traités commerciaux qui le lieront avec l’Union européenne (UE) d’une part et les principales puissances économiques mondiales d’autre part sont actuellement au centre des préoccupations des dirigeants britanniques et européens.

Une tournée internationale pour anticiper l’après-Brexit

Dans les semaines suivant le référendum britannique, le précédent gouvernement, dirigé par David Cameron, avait déjà initié des discussions avec ses principaux partenaires commerciaux.

George Osborne s’était entretenu avec la délégation gouvernementale chinoise le 7 juillet et prévoyait de se rendre à Singapour et en Chine la semaine suivante. Il s’était ensuite rendu à New York le lundi 11 juillet, annonçant que "renforcer notre relation avec notre plus grand partenaire commercial est devenu une priorité absolue".

Parallèlement, Sajid Javid, l’ancien secrétaire d’État au Commerce, avait déclaré en Inde le 8 juillet : "il y a une relation bilatérale forte entre nos deux pays et je compte bien bâtir là-dessus." Son agenda prévoyait également des déplacements aux États-Unis, en Chine, au Japon et en Corée du Sud.

Aussitôt nommé, le nouveau gouvernement a manifesté la volonté de prolonger ces premiers échanges. Theresa May s’est ainsi entretenue avec le premier ministre australien Malcolm Turnbull, lequel annonçait ensuite être "décidé à conclure un traité aussi vite que possible avec le Royaume-Uni".

Le nouveau secrétaire d’État au Commerce international Liam Fox a quant à lui déclaré le 17 juillet "se pencher sur une douzaine d'accords de libre-échange en dehors de l'UE pour être prêts lorsque nous quitterons" l'UE.

Une situation juridique complexe

Le Traité de Lisbonne entré en vigueur en 2009 prévoit que la politique commerciale commune est une compétence exclusive de l’UE. Ainsi, les États membres n’ont plus compétence pour ratifier un accord bilatéral avec un État tiers.

L’UE a signé en son nom de nombreux accords commerciaux avec des États tiers, ces accords sont d’application directe dans la totalité des États membres de l’UE. Une fois le Royaume-Uni sorti de l’UE, ces accords n’engageront donc plus l’Etat britannique.

D’autres accords ont été signés avec l’UE et ses États membres d’une part, et un État tiers d’autre part. Ces accords sont dits "mixtes" et ne relèvent pas entièrement de la compétence exclusive de l’UE en matière de politique commerciale commune. Néanmoins, comme l’explique le professeur de droit européen Panos Koutrakos, ces accords contiennent souvent une clause prévoyant leur compétence sur les territoires où s’appliquent le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ce qui signifie qu’ils cesseraient de s’appliquer au Royaume-Uni une fois que celui-ci aura quitté l’UE.

Ainsi, il est peu probable qu’une fois sorti de l’UE le Royaume-Uni conserve le bénéfice des accords commerciaux conclus entre l’UE et des États tiers. Cela explique l’empressement des Britanniques à initier des négociations commerciales avec ses principaux partenaires.

Activation de l’article 50 du TUE : une attente tactique ?

Quelques jours avant d’être nommée première ministre, Theresa May avait annoncé vouloir attendre la fin 2016 pour activer l’article 50 du TUE qui prévoit la procédure de sortie d’un État membre de l’UE.

Liam Fox, actuel secrétaire d’État au commerce international, a corroboré ses déclarations en annonçant qu’il prévoyait une sortie effective du Royaume-Uni pour le 1er janvier 2019, ce qui signifierait donc une activation de l’article 50 à la fin 2016. L’article prévoit en effet un délai de deux ans de négociations avant que la sortie de l’UE ne devienne effective.

Initialement annoncée en septembre par David Cameron, la notification officielle par le Royaume-Uni de sa volonté de sortir de l’UE à ses partenaires européens, semble ne pas faire partie des urgences du nouveau gouvernement.

Le Telegraph, quotidien britannique à tendance eurosceptique, évoquait même dans un éditorial du 11 juillet 2016 la date de fin 2017 pour activer l’article 50. Selon l’éditorialiste, le Royaume-Uni doit conserver son principal atout dans ses négociations avec l’UE : sa capacité à imposer son calendrier. En effet, sans une notification officielle de la part du Royaume-Uni, il est impossible pour les vingt-sept autres États membres de presser la procédure de sortie.

En retardant l’activation de l’article 50, le Royaume-Uni repousse la date à partir de laquelle les accords commerciaux liant l’UE à des États tiers ne lui seront plus applicables. Ainsi, il lui faut négocier dès à présent de nouveaux accords avec ses principaux partenaires commerciaux afin de pouvoir les ratifier lorsqu’il en sera juridiquement capable, c’est-à-dire à la date de sortie effective de l’UE. Si aucun nouvel accord commercial n’est prêt pour cette date, l’économie britannique pourrait souffrir d’une ouverture moins importante des principaux marchés sur lesquels elle exporte. C’est pourquoi le gouvernement britannique s’empresse d’initier des discussions commerciales avec les Etats-Unis, l’Inde, l’Australie et plusieurs autres pays.

En agissant de la sorte, le Royaume-Uni augmente les incertitudes quant à l’avenir des relations commerciales entre l’UE et le Royaume-Uni et diminue les capacités de négociations de nouveaux accords commerciaux par la Commission européenne. C’est pourquoi l’Institut Montaigne, dans sa note  Brexit ou Bremain : Europe, prépare ton avenir !, recommande vigoureusement aux dirigeants européens de tout faire pour que l’article 50 soit activé au plus vite.

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